Vous voulez la suite de l'histoire de Rose et Emile ? Dommage, vous ne pourrez pas l'avoir ; Florian va interrompre le récit.

FLORIAN : C'est mignon tout plein votre histoire. Mais la question de base c'était pas pourquoi Rose déteste Nora ? Moi ce qui me frappe jusqu'ici, c'est plutôt leurs similarités à toutes les deux.

ROSE : Moi je ne suis pas en train de crier sur tous les toits à quel point je suis spéciale ! Je ne suis pas en train de dire « Regardez-moi, regardez-moi ! » Je ne suis pas en train de pleurer « S'il vous plait accordez moi un peu d'attention. Je me sens si seule ! »

EMILE : Et ce n'est pas non plus ce que fait Nora. Ni même ce qu'elle faisait. En vérité, déjà à l'époque du début de notre histoire, Rose et Nora étaient amies.

ROSE : Et plus Rose était en la compagnie de Nora, mieux elle se sentait. Rose commençait à croire qu'elle valait quelque chose. Nora a le don de vous faire croire en vous-même.

EMILE : Jusqu'à ce que vous commenciez à vous comparer à elle.

ROSE : Exactement. Je me suis laissée piéger par son baratin d'acceptation de soi, d'amour de soi. Comme quoi il n'y avait rien de bien ou de mal dans une personne, juste des préférences. Comme quoi c'est bien que les gens soient différents et donc je ne serais jamais mieux en étant qui que ce soit d'autre que moi-même. Et je la croyais. Jusqu'à ce qu'elle me raconte cette histoire avec son binôme en cours d'écriture théâtrale qui était tombé amoureux d'elle. Jusqu'à ce que je réalise que ce garçon était Emile. Alors là, plus rien de son baratin ne semblait valable. Parce qu'évidemment, Emile la préférait elle. Évidemment donc, elle était mieux que moi. Ou dans tous les cas, j'aurais préféré être elle qu'être moi, parce que c'est elle qu'il aimait. Et tout mon nouvel amour de moi, ce n'était qu'une illusion. En plus de ça il venait d'elle !

EMILE : Alors tu as tout rejeté en bloc : l'amitié de Nora et ton amour de toi.

ROSE : Et j'ai passé deux tristes années à entendre Emile se confier à moi, me parler de Nora : en vrai et sur le papier. Deux tristes années à penser à lui et à penser que je n'étais pas assez bien pour lui. Deux tristes année à penser que je n'étais rien comparée à elle.

EMILE : Alors qu'aujourd'hui, en ce moment même, nous en sommes tous témoins, Rose se sent infiniment supérieure à Nora.

ROSE : Tout ce que je dis, c'est que moi au moins je ne suis pas narcissique et égocentrique. Moi au moins je ne suis pas toxique ! Si c'est ça le prix de l'amour de soi, non merci ! J'ai l'amour d'Emile ; ça me suffit.

EMILE : Et malgré ce qu'elle en dit, la princesse Rose s'aime : tout son discours en est témoin. Cette dernière réplique sortant de ses lèvres en est encore une preuve. Rose se sent bien dans sa peau. Rose ne voudrait plus être Nora. Rose ne voudrait rien moins que d'être Nora. Si Rose n'a pas confiance en elle, c'est parce qu'elle ne veut pas avoir confiance en elle. Elle trouve que ce n'est pas beau.

VANESSA : Encore un point commun avec Nora. Cette condescendance du « Je ne suis pas supérieure et le fait de dire ça me rend supérieure moralement. »

ROSE : Mais oui, vous devez avoir raison. Si je n'avais pas confiance en moi c'est par choix ; c'est évident ! Si la confiance en moi m'était offerte sur un plateau, je refuserais le plateau. C'est vraiment ce que vous croyez ?

FLORIAN : Oui. Parce que c'est ce que tu as fait quand Nora t'a offert le plateau.

ROSE : C'est n'importe quoi ! N'importe quoi ! Je n'ai pas confiance en moi, je suis timide. Vous savez bien que je vous parle comme je le fais là parce qu'avec vous je me sens bien et je suis en confiance. Vous êtes quasiment de la famille. Mais avec d'autres personnes jamais je ne pourrais. Je suis paralysée par la peur. Je ne peux pas être moi-même parce que j'ai peur. Et vous vous pensez que c'est un choix ! Vous savez d'où ça vient cette idée saugrenue ? De Nora. Elle vous dit que tout ce que vous êtes est votre choix. Pour vous donner du pouvoir soi-disant. Mais en vérité, tout ce que ça vous donne c'est de la culpabilité. Parce qu'on est comme on est, on ne peut rien y faire ! Et Nora vient et te dit « Si tu souffres c'est de ta faute, tu es seul responsable. » Le pire, c'est que quand elle te dit ça elle a l'impression de t'aider. Parce que pour elle, être responsable ça veut dire que tu peux faire en sorte que les choses s'améliorent. Mais c'est n'importe quoi ! En vérité tu es qui tu es et tu ne peux pas changer. Ce qu'elle te dit au final ça revient à « Tu ne peux blâmer que toi-même. » Franchement je ne vois pas en quoi ça aide. Elle rejette la faute sur toi, tout le temps. C'est toxique, c'est tout ce que c'est. Alors non, je n'ai pas confiance en moi. Non, je n'y peux rien. Par chance, ça vient avec l'avantage qu'au moins je ne suis pas une pédante comme elle. Il faut bien qu'il y ait un petit dédommagement.

EMILE : Je pense que Nora le croit sincèrement, quand elle dit que tu es ce que tu choisis d'être. Je pense qu'elle a tort, mais elle ne pense pas à mal. Elle croit vraiment que c'est vrai, parce que pour elle ça marche. Je ne sais pas pourquoi, peut-être qu'elle a une nature plus malléable. Elle décide de changer et elle change. Elle devient qui elle veut être.

ROSE : Et malheureusement pour tous les autres, ce qu'elle veut être c'est une snob prétentieuse en constant besoin d'attention !

EMILE : Non. Elle veut juste être une fille qui s'aime t'elle qu'elle est.

ROSE : Oh oui, excusez-moi. Brillant exemple de féminisme. Un modèle pour toutes : « Aimez-vous les filles. Regardez-moi, c'est facile. Vous n'avez qu'à faire comme moi. »

VANESSA : Je trouve ça bien que Noras'apprécie et ait confiance en elle. Ce n'est pas un défaut. Elle a raison : tudevrais en prendre de la graine, Rose. Elle a raison : c'est important.