| 𝟐 | ℛ𝓪𝓹𝓹𝒆𝓵𝓵𝒆-𝓽𝓸𝓲 𝓵'𝓪𝓾𝓫𝒆 - 𝟏/𝟐
Note d'auteur.
Je reposte également cette histoire, car même si elle est assez triste je l'aime beaucoup. Je me suis complètement libérée en l'écrivant, et même si elle change complètement de ce que je fais d'habitude je suis plutôt contente de la forme que je lui ai donné.
Je me répète ici, mais cette histoire contient plusieurs TW : rien de graphique, mais l'ambiance est assez lourde alors âmes sensibles s'abstenir.
Je vous embrasse !
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Octavius Vasilis est sur un toit, les pieds dans le vide et le sourire aux lèvres. L'aube approche. Trois pièces se trouvent dans sa poche, une pour chaque vœu qu'il doit faire. Le vent souffle. La ville se réveille.
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Tout là-haut, il fait bien plus froid qu'en bas et Octavius Vasilis frissonne.
Le vent s'infiltre facilement sous son petit manteau de printemps, et la nuit bruyante ne le réchauffe pas vraiment. Il aurait peut-être dû mettre ce t-shirt à manches longues qui traîne dans son armoire depuis des années, depuis l'époque du lycée certainement, mais il n'a pas osé. Il l'a pris, l'a regardé, puis l'a reposé.
Il est parti de chez lui en refermant délicatement la porte, certain que personne ne l'entendrait. Son appartement est vide, tout ou presque a été revendu : il s'est débarrassé de tout sans exception, si bien que ça doit faire deux jours qu'il dort sur le sol, à même la moquette aux taches suspectes. Il n'a gardé que le nécessaire, quelques vêtements, une couverture presque neuve, et ce foutu t-shirt à manche longue.
Octavius soupire, et sa respiration est comme une tornade qui passe au-dessus des immeubles. Il inspire, expire, sourit et fouille dans sa poche.
Son cœur bat comme un fou dans sa cage thoracique. Il a l'impression d'attendre dans la file d'attente d'un concert, ou de se retrouver face au directeur de son école pour la première fois. Ses doigts sont engourdis si bien qu'il met un instant avant de mettre les ongles sur ce qu'il cherche : trois pièces se retrouvent dans la paume rougie de sa main et il les fixe avec un sourire.
Ses pieds suspendus dans le vide remuent d'impatience et il pose deux de ses pièces à côté de lui, sur le rebord en béton.
Pour la troisième fois de la soirée, il se fait la réflexion que les toits des immeubles devraient vraiment être plus protégés. Pas de caméras, pas d'alarme, simplement un petit panneau « interdit d'accès » pendu à une chaîne pas plus épaisse que son petit doigt. C'est un peu ridicule. Des gens pourraient passer devant un matin et se dire « tiens, cet immeuble était en construction il y a un mois mais maintenant il n'y a plus personne » puis repasser devant par hasard jour après jour. Ils pourraient se dire « on peut y entrer facilement si personne n'est dans les parages » et commencer à s'arrêter quelques minutes. Ils pourraient se dire « et si cet endroit était le bon ? » et essayer d'y entrer, juste pour voir ce que ça fait. Ils pourraient venir ici tous les soirs jusqu'à avoir des idées saugrenues comme vendre leur maison immense pour se louer un appartement miteux. Ils pourraient vendre leur société au plus offrant, préparer un testament, envoyer quelques messages et finalement enfiler une veste et claquer doucement la porte.
Oui, ils pourraient vraiment.
Dans sa main, il n'y a plus qu'une pièce et Octavius Vasilis la fixe avec espoir. Il ferme les yeux, se concentre, serre le poing. Ces pièces représentent tout ce qu'il lui reste (ou presque).
Il veut vraiment les utiliser correctement.
Alors, tout en souriant avec soulagement, il lance la première dans le vide sous ses pieds, l'observe quelques secondes chuter rapidement dans l'air, vers le chantier laissé en suspend de nombreux étages plus bas, puis formule à voix haute et bien fort :
– Faites que ma mère ne soit pas trop triste.
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Octavius Vasilis claqua la porte d'entrée.
Se frottant rapidement les mains l'une contre l'autre, il enleva ses chaussures, accrocha son manteau, et s'avança jusqu'à poser son sac sur une chaise. L'intérieur de l'appartement était chaud et sentait bon la nourriture : il sourit et entra dans la pièce principale.
Assis au bar qui faisait la distinction entre la minuscule cuisine et le salon, sa mère releva la tête en l'entendant arriver. Sur son visage fatigué et cerné, une expression légèrement soulagée prit place. Elle tendit les bras dans sa direction tandis que Tooru s'approchait, et il la serra contre lui quelques secondes.
– Mon chéri, tu as vu l'heure ?
– Désolé, maman. Je bossais à la bibliothèque pour un exam'.
Il s'installa en face d'elle, et observa rapidement les papiers. Des factures, pour la plupart. Quelques relances.
– Oh.
Elle ne semblait plus lui en vouloir. Octavius savait bien que pour elle, les études de son fils étaient ce qui comptait le plus.
– Je peux te faire réchauffer un plat, si tu veux.
Elle lui attrapa la main et l'embrassa avec tendresse avant de se lever pour aller sortir un petit bac en plastique du frigo.
– Je peux le faire, tu sais ?
– Ne raconte pas n'importe quoi. Je peux encore nourrir mon fils tant qu'il habite sous mon toit.
Il secoua la tête avec amusement, et la regarda s'activer. Il ferait la vaisselle après elle, certainement, mais même à son âge sa mère refusait qu'il se fasse à manger seul. Au fond, il était persuadé qu'elle avait peur : tant qu'elle s'occupait encore de lui comme un enfant, il restait son Octavius qui ne partirait encore que dans longtemps. À ses yeux, son fils devait être la dernière chose qu'il lui restait, et elle n'était pas prête à le laisser s'envoler.
Dans le salon derrière lui, la TV laissait échapper le générique de fin du film du soir.
– Ça a été ta journée ? demanda-t-il en attendant.
Il rassembla distraitement les papiers pour se faire un peu de place et les empila sur le côté.
– Oh, oui. Un peu de boulot à l'hôpital ce matin, mais ça va. J'ai pu déjeuner avec mes collègues avant de partir.
Elle ouvrit le micro-onde et y inséra l'assiette qu'elle venait de remplir. Consciencieusement, elle plaça une cloche de protection au-dessus, puis referma l'ouverture avant d'enclencher le minuteur. Un « bzzz » emplit la pièce tandis qu'elle se retournait vers Octavius.
– Ensuite en rentrant ce midi j'ai été faire les courses, puis je suis revenue ici et j'ai dormi un peu. Tu vois, rien de bien passionnant.
Sa mère travaillait depuis des années en tant qu'ASH à l'hôpital de la ville ; elle nettoyait les locaux et les salles d'accouchement du service maternité, et partait très tôt pour revenir en début d'après-midi.
Elle vint s'appuyer contre le rebord du bar et tendit la main vers lui pour écarter affectueusement quelques mèches de son visage.
– Et toi, mon chéri ? Des nouvelles intéressantes à raconter à ta pauvre mère ?
Le sourire espiègle qui naquit sur ses lèvres permit aisément à Octavius de deviner sa prochaine question.
– Toujours pas de...
– Non, maman. Toujours pas de copine.
Elle avait toujours eu une obsession pour ça : son fils, si populaire au collège, avait complètement cessé de fréquenter des filles en arrivant au lycée. À présent, arrivé dans cette école de commerce beaucoup trop cher pour leurs maigres moyens, rien n'avait changé et il préférait largement se concentrer sur ses études et sur ses activités personnelles.
– Dommage. Tout ce beau potentiel va finir par être gâché si tu ne te trouves pas quelqu'un. Je me suis tellement appliquée pour faire ce beau garçon.
Pour la forme, elle lui pinça une joue en riant. Octavius savait qu'elle n'était pas sérieuse : elle pensait simplement qu'une femme ferait un jour le bonheur de son fils, et le bonheur de son fils était tout pour elle. C'était aussi simple que ça.
– Bon, rien d'autre ?
Le micro-onde sonna et elle se détourna de lui pour aller l'arrêter.
– En fait, si. Il y a quelque chose d'autre.
Octavius l'observa nerveusement ; elle et ses longs cheveux châtains qu'elle relevait la plupart du temps avec une pince noire, elle et son air doux même quand elle s'énervait, elle et ses petites rides sur le coin de ses yeux. Elle préparait son assiette comme si rien d'autre n'avait d'importance. Comme si à présent, la seule chose qu'elle pouvait faire était s'occuper de son fils.
– Vas-y, dis-moi.
Elle lui lança un coup d'œil, puis se détourna avec le plat dans les mains. Elle le posa devant lui, puis s'en alla vers le frigo pour lui ramener une bouteille d'eau.
– Mange donc. Et dis-moi, quoi d'autre ?
Sa mère se rassit à sa place et reporta sur lui toute son attention.
– En fait..., j'ai réussi à vendre l'un de mes logiciels. À une entreprise.
Il la regarda pour voir sa réaction, et celle-ci ne se fit pas attendre : elle ouvrit de grands yeux et plaqua sa main contre sa bouche.
– C'est... c'est vrai ? Mon chéri, tu as vendu...
– Oui. J'avais créé ce petit truc et j'ai un ami qui connaissait un mec qui connaissait... bref. Ils avaient besoin d'un truc comme ça, et j'ai proposé le mien.
Il sourit et se passa une main gênée dans la nuque.
– Mon chéri, c'est... c'est génial. Oh, je suis si contente pour toi.
Sa mère se leva en faisant presque tomber son tabouret, puis fit le tour pour venir le prendre dans ses bras. Elle était si petite, si douce, si mince : il l'entraîna dans une étreinte et la serra fort.
– Je me suis fait un peu d'argent. On va pouvoir payer quelques factures et être tranquille un moment, plutôt cool, non ?
Il se sentait fier, pour une fois. La culpabilité qu'il ressentait au quotidien en ne faisant rien à part réviser et aller en cours était la plupart du temps insupportable. Il avait déjà voulu travailler, plein de fois même. Il le faisait pendant les vacances et en été, mais ce n'était pas pareil.
Ce n'était pas un salaire en plus, et ça n'aidait pratiquement pas sa mère le reste de l'année.
Elle le serra fort.
– J'ai toujours dit que mon fils était un petit génie.
– N'est-ce pas ? Moi je t'ai toujours dit que tu t'étais bien appliquée sur ton beau garçon de fils.
Elle le serra encore un peu. C'était agréable.
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La nuit devient plus claire, et Octavius Vasilis a toujours les jambes qui se balancent au-dessus du vide.
Il sifflote gaiement, les yeux fermés, et laisse le souvenir s'effacer derrière ses paupières. Ah, comme il aurait aimé revenir à cette période. C'était doux et innocent, agréable.
Au loin, une sirène de pompier résonne et la ville se remet doucement en marche. C'est marrant d'observer tout ça d'en haut, de se sentir étranger à ce qui arrive. Il peut écouter, sentir ; le vent souffle plutôt fort à présent, et ses doigts lui picotent encore.
Soudain, son téléphone vibre dans sa veste et Octavius Vasilis grimace. Il fronce les sourcils, presque irrité, et l'attrape rapidement pour le mettre en silencieux. Des appels manqués, des messages. Il s'en fiche, c'est trop tard.
Si des gens l'appellent maintenant, c'est parce qu'il a déjà envoyé ce qu'il voulait dire. Des vœux, des remerciements, des insultes. À présent, ce n'est plus son problème.
Le silence revient et le sourire d'Octavius Vasilis aussi. Deux pièces l'attendent encore sur le béton à côté de lui, et il en attrape une pour la faire rouler entre ses doigts. Elle est assez propre : il les a nettoyés pendant une bonne partie de la nuit.
Avec une grande inspiration, il se prépare : l'air est frais, le ciel bleu sombre, au loin il n'entend que des voix, des voitures, des klaxons, des sirènes.
Un souvent soupire de soulagement, il lance la pièce en l'air et elle retombe dans le vide, rapidement et en tournant. Il dit alors haut et fort :
– Faites que cette sale peau de vache ne récupère pas tout mon fric.
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Des bisous !
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