
Chapitre 4 - Cocktail sentimental
Je vais vous le dire, je n'ai jamais ressenti un cocktail de sentiments aussi étrange. Voici mes explications :
Quand on est entrés dans le gymnase, Morgan et moi, notre famille nous attendait dans les gradins, chose habituelle. Elle se pointe toujours à tous les évènements importants. La seule à qui il arrive d'être absente, c'est maman, mais elle est honnêtement pardonnable : le plus souvent, c'est parce qu'elle est au tribunal et qu'elle ne peut pas le quitter. Quant à notre père, eh bien, il n'est tout simplement jamais là. Nous avons donc été bien surpris de le voir debout entre maman et Sébastian, grand sourire aux lèvres, nous saluant d'un geste de la main comme si tout était normal et qu'il venait tout le temps. Morgan, comblé, s'est aussitôt précipité à sa rencontre. Ils ont parlé de tout et de rien pendant un long moment, puis mon frère s'est mis à attaquer Stiles de mille-et-une question à propos d'où on était aujourd'hui et de ce qu'on a fait. Celui qui est désormais mon petit-ami lui a répondu en omettant certains détails, me lançant des petits regards en biais avec un sourire. Le bonheur est donc apparu, ainsi que l'impatience qu'on puisse se retrouver seuls et se câliner - on s'est mis d'accord pour ne le dire à personne, pour l'instant.
Mon petit frère a alors, d'un seul coup, changé d'humeur. Il est devenu blême et est descendu des gradins pour aller rejoindre Nicholas, qui entrait en compagnie de Zack, un bras autour de ses épaules, et de ses potes (je tiens à préciser ici que Zack et ses amis - le groupe de Louis, camarade de classe de Morgan - sont les rois du lycée et que tout le monde à peur d'eux). Louis, le chef de la bande, s'est mis face à lui et lui a dit trois mots : Tu as perdu. Je ne sais pas ce que ces mots signifient, mais ils ont agit sur mon frère comme s'ils représentaient son pire cauchemar. Paniqué, il a emmené Nicholas à l'extérieur du gymnase pendant quelques minutes. Quand il est revenu, il était seul, et il vibrait d'une haine qui ne connaissait aucune limite, si forte que l'odeur a envahi toute la pièce. Il est resté de marbre quand je lui ai demandé ce qu'il y avait, mais son regard me donnait l'impression qu'il était prêt à commettre un meurtre.
Le match a commencé, et papa s'est mis à encourager Morgan seulement. Manifestement, ma famille a remarqué l'état anormal de mon frère et s'est dit qu'un peu d'encouragement lui ferait le plus grand bien, mais le petit garçon en moi, désireux d'attirer la fierté de son père, a été blessé et a commencé à devenir jaloux. Le jeune adulte, lui, a laissé la honte s'emparer de lui, parce que ce n'est pas la faute de mon frère. J'ai commencé à faire des erreurs dans mes gestes, à manquer tous mes paniers et toutes mes passes, etc...
Quant à Morgan, il s'est mis à se déchaîner. Je veux dire, vraiment. Il ne fait pas que jouer. Il se défoule sur tout ce qui bouge. Il bouge si vite sur le terrain qu'il frôle la limite à ne pas franchir pour perdre le contrôle. Il marque des paniers à trois points sans jamais faire rebondir le ballon contre le cerceau. Il contourne les adversaires, fait des figures pour leur sauter par-dessus, et surtout, il se retient visiblement de défigurer Zack avec ses griffes. Je l'ai déjà vu en colère, mais jamais comme ça. Un halo rose l'entoure, comme si son âme elle-même était en colère et voulait à tout prix se défouler. On n'est pas les seuls à avoir remarqué ça. Certains joueurs l'évitent ou le regardent avec méfiance, voire avec crainte. De loin, j'arrive à voir les yeux de mon frère briller d'un éclat jaune vif. Il ne s'est pas transformé, mais c'est tout juste. Les parents et Sébastian échangent des messes basses pour déterminer s'il faut, oui ou non, aller chercher le coach et lui livrer une raison valable de faire sortir Morgan de ce terrain dans l'immédiat.
Voici donc les émotions qui m'animent en ce moment : inquiétude, impatience, bonheur, jalousie, colère, peur, honte. C'est vraiment un très beau cocktail, très bon pour la santé mentale, vous devriez essayer.
- Qu'est-ce qu'il a ? me demande Luke en passant près de moi, inquiet, regardant Morgan se déplacer à la vitesse d'un guépard sur le terrain.
- Je n'en sais rien, murmurais-je.
- FOSTER ! hurle le coach depuis l'autre côté du gymnase.
- Désolé, s'excuse mon ami en retournant jouer aussi vite que s'il avait le feu aux fesses.
Stiles arrive alors et s'installe à mes côtés. Discrètement, il attrape ma main dans la sienne et la serre en me regardant. J'ai envie de lui livrer toutes mes pensées rien qu'avec ça. J'ai l'impression que je pourrais lui dire absolument n'importe quoi, et il me comprendrait toujours. C'est un sentiment nouveau qui ne manque pas de me rendre fou.
- Dis-moi ce qu'il y a, ordonne-t-il d'un ton doux et autoritaire tout à la fois.
- Version longue ou version courte ? soupirais-je.
Il promène son regard sur le terrain et grimace, me laissant anticiper sa réponse.
- Tu es mon petit-ami alors je suis comblé de bonheur. Papa est là mais il ne fait qu'encourager Morgan alors je suis jaloux, mais aussi honteux parce que ce n'est pas sa faute. Morgan a l'air sur le point d'imploser alors je suis inquiet. En gros, c'est ça.
- Joli cocktail, remarque-t-il.
- Je sais.
- Écoute. (Il soupire longuement.) Je comprends comment tu te sens. Tu ne m'entends probablement pas avec tout ce qui se passe sur le terrain, mais je suis en train de m'époumoner pour t'encourager depuis tout à l'heure. Je pourrais presque me glisser chez les meneuses de claque en mini-jupe et en haut court pour scander ton nom avec des pompons, tu vois où je veux en venir ? (Il rigole en me voyant virer au rouge tomate.) Tu es mignon quand tu rougis comme ça.
- A-arrête tu vas me tuer, râlais-je, me consumant de l'intérieur, en tournant la tête.
- Tout ce que je veux dire, c'est que Morgan est plus jeune que toi et, en plus, il est tellement en colère que...
Il s'arrête de parler en entendant un énorme claquement, celui d'un troisième ballon éclaté au sol à cause de Morgan. Celui-ci, mâchoire serrée, garde les yeux fixés sur le sol en évitant de croiser un quelconque regard. Le halo brille un peu plus que toute à l'heure, maintenant. Heureusement pour nous, il est très pâle, et personne ne semble le remarquer, sauf les personnes se trouvant à proximité de lui. Je lance un regard S.O.S. à Sébastian, qui se contente de secouer la tête, lentement, pour me dire d'attendre encore un peu. Selon moi, il attend de voir si Morgan va arracher le panier ou la tête de Zack, à ce stade. Je ne vois pas qu'est-ce qu'il faut de plus à ma famille pour se décider. Je m'apprête à me lever pour aller le chercher moi-même, mais la voix de Jake se rend à mon oreille, me disant de faire confiance à Sébastian. Alors je me rassois avec hésitation, un long soupir s'échappant de mes narines tandis que je tente vainement de me contenir.
- ... Tellement en colère qu'il ne se reconnait plus lui-même, je crois... murmure Stiles en contemplant l'abasourdissement sur le visage de mon jeune frère.
Cependant, ses yeux sont redevenus bleus. Le halo a disparu. Il se tient debout, au milieu du terrain, pantelant et essoufflé, le corps tremblant et luisant de sueur. Il déglutit et vacille sur ses jambes ; aussitôt, Luke et Shawn viennent le voir et l'aide à se tenir droit, lui demandant s'il va bien. Il les dévisage un instant, comme s'il se demandait de qui il s'agissait, puis il hoche difficilement la tête. Après quoi il s'approche de moi d'un pas hésitant.
- Ce n'est pas grave, Morgan ! disait la voix de papa dans mes oreilles, me faisant grincer des dents.
- Derek, tu peux... Me remplacer sur le terrain, deux minutes ?
Morgan est tellement blême que je hoche la tête sans la moindre hésitation, oubliant instantanément ma jalousie.
- Mini-jupe, souviens-toi ! me lance un Stiles au regard taquin, ignorant la tête confuse qu'affiche le blond en le dévisageant.
- Aucun risque que j'oublie, grommelais-je, le feu aux joues, en allant me placer face à Brett pour la mise au jeu.
- Salut, Hale, me dit mon adversaire avec un sourire rayonnant.
- Talbot, le saluais-je. Comment va ta meute ? murmurais-je.
- Bien, c'est gentil de t'en inquiéter. Et la tienne ? demande-t-il en lançant un regard lourd de sous-entendus à Morgan. Je commençais à me demander si je devais intervenir.
- Je ne sais pas ce qu'il a, avouais-je.
- Et ce halo... renchérit-il. Même Satomi n'a jamais vu ça de toute sa vie.
Je hoche la tête, déçu. Je pensais justement demander à l'alpha de la meute Ito de me donner quelques renseignements sur ça. Si elle n'en a jamais entendu parler, alors je ne sais pas si quiconque connait la moindre chose sur ça. Peut-être aurais-je une chance avec Deaton...
- Bonne chance, ajoute-t-il quand l'arbitre s'approche de nous.
Je hoche la tête pour toute réponse, et la partie reprend.
🐺🐾🐺
L'ambiance, dans les vestiaires, n'aura jamais été aussi pesante. On a perdu le match, alors même qu'on s'entrainait depuis des mois pour cet évènement. Certains retournent encore le comportement de Morgan dans leur tête, mais je sais qu'il y en a au moins deux ou trois qui m'en veulent énormément. Vers la fin du match, mon frère est revenu sur le terrain pour jouer et, pendant les dix dernières secondes, il s'est retrouvé seul, et il aurait pu marquer le point décisif qui nous déclarerait gagnant ou non. Seulement, dans ma jalousie, j'ai fait une passe à Luke, qui était entouré de trois joueurs adverses. C'est donc Brett qui a attrapé le ballon pour aller marquer un point dans son propre panier, faisant gagner les Jaguars de Devenford.
- Pourquoi t'as fait une passe à Luke, Derek ?
Je lève à peine les yeux pour regarder mon frère, debout en face de moi, en train de glisser je-ne-sais-quoi dans son sac. Il n'est pas en colère, pas du tout : il est inquiet. Il pense probablement qu'il a fait quelque chose de mal, ce qui expliquerait que je l'aie pratiquement ignoré.
- Et toi, qu'est-ce qui t'est arrivé ? répliquais-je, yeux plissés, en fermant mon casier.
Il fronce les sourcils, pris de court, puis remue sur place, comme mal à l'aise... Ou confus.
- Je... Je ne sais pas, soupire-t-il. Je ne m'en souviens pas, alors te l'expliquer... On en parlera plus tard, d'accord ?
Si seulement j'avais une seule bonne raison de lui dire non, il m'en aurait parlé tout de suite. Mais je n'en ai aucune, même si j'essaie de me creuser les méninges. À vrai dire, c'est plutôt lui qui a raison. On est dans un vestiaire, tout de même, on pourrait nous entendre. Et s'il dit vrai et qu'il ne se souvient de rien, eh bien... C'est tout simplement perdu d'avance.
- D'accord, soupirais-je.
Il m'offre un mince sourire, reconnaissant, et passe un bras autour de mes épaules. En sortant, je rentre directement dans une personne qui s'apprêtait à entrer à l'intérieur.
- Désolé, balbutiais-je, surpris.
- C'est rien, me répond Kyle, un gars de l'équipe du genre timide, en rougissant tout en me contournant pour entrer dans les vestiaires.
- Il en pince pour toi, lance Morgan comme si de rien n'était.
- N'importe quoi ! Il ne... Morgan ?
Mon frère ne m'écoute déjà plus. C'est alors que je remarque Nicholas et j'écarquille les yeux, horrifié. J'ai failli ne pas le reconnaître.
- Bon sang, maintenant je comprends pourquoi tu n'étais pas sur le terrain... murmurais-je, estomaqué.
Il m'ignore, regard fixé sur mon frère. Il est dans un tel état que je n'arrive pas à comprendre où il trouve la force de se tenir sur ses jambes. Il a un bras en écharpe, des bandages sur les bras, des pansements sur la joue et le nez. Du sang séché macule ses vêtements et son visage. Son nez est cassé, sa lèvre est fendue et il a un œil au beurre noir. Ses yeux sont rouges et gonflés, ses joues humides, comme s'il venait de pleurer. Le message est très clair, même pour moi : il vient de se faire tabasser. En voyant la tête que tire mon frère, je commence à dresser les liens, dans ma tête. Le groupe de Louis a quelque chose à voir avec ça. C'est obligé.
- Qu'est-ce que l'infirmière a dit ? demande Morgan.
- Juste que je dois me reposer pour un bon moment, marmonne Nicholas d'une voix rauque, peinant à articuler.
- Je suis tellement désolé, ça n'aurait pas dû arriver...
- Ne t'excuse pas. Ce serait arrivé tôt ou tard.
- Est-ce que tu veux...
- Je sais ce que tu vas me demander. Non merci. Je vais rentrer et dormir, c'est tout. Je n'ai pas besoin de ton aide.
Morgan le dévisage comme s'il venait de lui balancer un grand coup de poing dans le ventre. Puis il serre la mâchoire, énervé - mais pas contre Nicholas - et hoche lentement la tête.
- À demain, Nicholas...
L'interpellé ne lui répond pas et tourne la tête pour éviter de le regarder. Cette réaction me surprend. Son odeur me fait croire qu'il n'a qu'une envie : s'effondrer et pleurer. Alors pourquoi repousse-t-il son seul ami ? Et, surtout, pourquoi avec des phrases pratiquement préenregistrées, pleines d'une colère qui ne lui appartient pas ?
Mon frère et moi, on part, laissant Nicholas seul. On est tous les deux silencieux et perdus dans nos pensées. Des centaines de questions tournent en boucle dans ma tête. Pourquoi Nicholas agit comme ça ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ? C'était quoi, ce halo, autour de mon frère, tout à l'heure ? Pourquoi Morgan a-t-il perdu ? Depuis quand est-ce que Nicholas et lui se connaissent ? Tant de questions, toutes sans réponses...
- Pose ta question, soupire mon frère une fois certain que son ami ne peut plus nous entendre. J'y répondrai en toute sincérité. À propos de Nicholas...
Vous entretenez une relation explosive, dit alors la voix de Deaton dans ma tête.
- C'est ton âme-sœur ? lançais-je sans réfléchir.
Il hésite avant de me répondre, ce que je ne prends pas comme étant un bon signe.
- Non, finit-il par dire. D'où tu sors ça ? ajoute-t-il aussitôt avant que je ne puisse dire autre chose.
- Un jour vous ne vous connaissez pas, un jour vous êtes les meilleurs amis du monde, le lendemain il te déteste... Enfin, je crois, fis-je. Certains âmes-sœurs entretiennent des relations explosives comme ça.
- Oui, eh bien... Ce n'est pas mon âme-sœur. (Il grimace, comme si ces mots le faisaient souffrir, me faisant hausser un sourcil. Cependant, je décide de ne pas insister.)
- D'accord, mais alors... Depuis quand vous êtes amis ?
- Et toi, depuis quand tu le détestes ? grogne mon frère avec un regard tranchant.
- Mais... Je ne le déteste pas ! me défendis-je, surpris qu'il m'accuse si vite.
- Nicholas est tout le contraire de ce que tu crois ! persiste-t-il. Il est gentil et généreux ! Il n'a jamais fait de mal à personne, encore moins à un animal ! Il serait peut-être un peu moins coincé si tout le monde ne le prenait pas pour le fils de Satan, tu sais ? J'ai eu besoin de beaucoup de patience pour pouvoir ne serait-ce que lui parler, tant il avait peur de moi à cause de tout ce qu'il a subit ! Tu peux très bien comprendre la peur du rejet, toi !
Pas spécialement heureux qu'il fasse allusion aux dix années que j'ai passées loin de Stiles, je prends la mauvaise décision de m'énerver au lieu de le raisonner.
- Ça n'a rien à voir et tu le sais très bien ! Je ne suis pas...
J'allais dire que je n'étais pas comme Nicholas, et il a dû lire dans mes pensées, je crois, car il m'a coupé avant que je ne puisse finir. Cependant, je crois qu'il n'a pas compris où je voulais en venir, si je dois en croire la colère qui émane de lui.
- PAS COMME NICHOLAS ? NON, EFFECTIVEMENT ! Derek, t'es sérieux, là ? Si tu prenais le temps, ne serait-ce que deux minutes, de le regarder dans les yeux au lieu de détourner le regard, tu verrais combien il est terrifié ! Ne juge pas une situation que tu n'as jamais vécue. Tu n'en as pas le droit, tu m'entends ? Tu ignores absolument tout de lui ! Tu ignores son passé, tu ignores ses pensées, tu ignores tout ! Tu ne sais pas combien de fois il pleure avant de venir au lycée, tu ne sais pas combien c'est difficile de lui rappeler qu'il n'est qu'un être vivant, lui aussi, tu ne sais pas combien c'est dur de le faire sourire avec tout ce qui se trame dans sa tête, tu ne connais pas toute la douleur qui le consume de l'intérieur jour et nuit, tu ne sais pas combien il peut être influençable, tu ne sais rien ! Tu ne connais pas le calvaire qu'il a vécu et qu'il vit encore aujourd'hui. Il pense qu'il veut disparaitre, mais tu sais quoi ? Tout ce qu'il veut, c'est un peu de protection et un peu d'affection ! Tout ce qu'il veut, c'est que quelqu'un le sauve... E-et je ne peux pas faire ça tout seul... bredouille-t-il d'une voix cassée, à bout de force, en fondant en larmes.
J'aimerais bien le réconforter, mais il m'a cloué le bec. Ce monologue était autant les paroles d'un ami en colère qu'un appel à l'aide. Maintenant, je comprends pourquoi il a réagit comme ça. Pendant un instant, il a cru que je croyais à toutes ces rumeurs, ce qui est faux. Dépassé par les évènements de la journée, il a explosé pour protéger son ami, alors même que celui-ci vient de le repousser il y a à peine deux minutes. Je trouve ça courageux, honnêtement. Je n'avais pas pris conscience qu'il tenait tant au brun, mais maintenant je le sais. Il est au bout du rouleau, je le sens. Il est désespéré, il ne sait plus quoi faire pour le sauver. Je comprends désormais cette haine qui l'a animé sur le terrain. C'était un reflet de sa peur, parce qu'il a conscience qu'il ne peut pas protéger seul Nicholas contre le groupe de Louis, même en usant de toute sa détermination. Seul mystère restant : le halo.
- Hé... murmurais-je en m'approchant de lui. On va t'aider. D'accord ?
- ... D'accord... murmure-t-il. On peut sortir, maintenant ?
- Oui, bien-sûr. Allez, viens.
Je l'aide à se lever et on sort du lycée. La grande bouffée d'air frais qui se jette sur nous nous fait du bien à tous les deux. Cependant, Morgan n'a pas le temps d'en profiter bien longtemps : Jake et Sébastian se jettent sur lui pour le soulever de terre et le féliciter pour tout ce qu'il a fait sur le terrain. Eux s'en fichent complètement, qu'on ait perdu ou pas. Je souris en les regardant ébouriffer les cheveux du plus jeune. Il râle et leur demande de le lâcher, mais au fond, je sais que ça lui fait le plus grand bien. La preuve : il sourit.
- C'était long, signale une voix derrière moi.
Luke est appuyé contre le mur du lycée. C'est le soir, et il fait froid, mais lui est en simple débardeur gris, comme si de rien n'était. Il a mis sa casquette à l'envers sur sa tête, et il fait éclater des bulles de chewing-gum à la fraise entre ses lèvres tout en faisant rouler distraitement sa planche à roulette sous son pied. Je souris et lève les yeux au ciel en m'approchant de lui.
- Salut, wolfie, me salue-t-il avec un sourire narquois. Je voulais te dire au revoir avant de partir.
- Au revoir, fis-je, le faisant rire.
- Très drôle. Non, vraiment, je dois y aller. Ma mère m'attend sûrement à la maison. Toi, va voir ton petit-ami, dit-il en m'adressant un clin d'œil.
- Comment...
- Vous n'êtes pas du tout discrets, voilà comment, me coupe-t-il. Allez, va le voir.
Sur ces mots, il prend un élan et s'élance sur sa planche, faisant quelques figures impressionnantes pour le simple plaisir d'attirer l'attention avant de partir. Quant à moi, je souris et pars rejoindre Stiles à sa Jeep, lançant rapidement à ma mère que je reviens vite.
Stiles m'attend avec un grand sourire sur les lèvres, les yeux pétillants de joie. Le voir comme ça me fait sourire moi aussi, car il est adorable.
- Viens, rigole-t-il en attrapant ma main, me tirant jusqu'à l'autre côté de la Jeep, où ma famille ne peut pas nous voir.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demandais-je doucement, attendri.
- J'ai envie de te faire des câlins, c'est tout, soupire-t-il en venant se blottir contre moi.
- Ne me fais pas rougir, soupirais-je.
Trop tard, cependant. Il sourit contre mon torse et passe ses bras autour de ma taille pour me serrer contre lui. Pour rigoler, je rabats sa capuche sur sa tête et tire les cordons : il lâche un cri indigné et me tape légèrement le bras, me faisant rigoler.
- Regarde-moi, dit-il.
Il est plus petit que moi, alors je baisse la tête, incapable de retenir un sourire. Ses yeux marrons brillent d'un éclat joyeux, il sourit à pleine dents et ses joues sont teintées de rose. Ses cheveux ébouriffés dépassent de sa capuche et je remarque alors que celle-ci possède une paire d'oreilles rouges, exactement comme le jour de notre rencontre.
- Tu l'as fait exprès ? demandais-je.
- Peut-être. C'était soit ça soit la mini-jupe. J'étais tenté par la deuxième option, mais je n'avais pas envie que mon petit-ami soit jaloux à cause de toutes les filles qui me regarderaient de travers, minaude-t-il en se mettant sur la pointe des pieds pour passer ses bras autour de mon cou.
- On ne sort ensemble que depuis quelques heures, soulignais-je, les joues en feu, en déposant mes mains sur ses hanches.
Mon cœur se débat dans ma poitrine et la folle envie de l'embrasser me torture, mais je me retiens. Avec lui, j'ai toujours peur d'être trop rapide. Comme je l'ai dit, ça fait seulement quelques heures qu'on est en couple. Je me crois encore en plein rêve. J'ai encore peur de me réveiller et de réaliser que tout ça n'est qu'un rêve. Je ne peux pas l'embrasser maintenant.
- Et alors ? murmure-t-il. Tu es mon petit-ami quand même, non ?
Il a une haleine de popcorn et de menthe fraiche, mélange assez étrange, quand on y pense, mais suffisante pour me donner envie de me jeter sur ses lèvres. Il sourit comme si c'était son but, d'ailleurs : me rendre fou de lui. Ou, du moins, plus que je ne le suis déjà.
Je me penche et dépose un baiser sur le bout de son nez, le faisant rigoler tandis qu'il devient tout rouge.
- Non, ne fais pas ça... murmure-t-il, sourire aux lèvres, en venant cacher son visage dans le creux de mon cou.
- Pourquoi ? protestais-je. Tu n'aimes pas ça ?
- Non, enfin si, mais... Argh. Tu m'énerves.
- Alors pourquoi tu es mon petit-ami ?
- ... Sans doute parce que tu m'énerves du bon côté...
- Alors je peux continuer à t'énerver ?
- Ne pousse pas le bouchon, prévient-il.
- Désolé, rigolais-je en le serrant contre moi avec affection. Je m'excuse, murmurais-je en fermant les yeux pour profiter de son odeur que je ne saurais décrire. A-arrête ça ! bredouillais-je ensuite en le sentant déposer quelques baisers papillons le long de mon cou.
- Pourquoi ? Tu n'aimes pas ça ? me défit-il avec un sourire malicieux.
Je plisse les yeux.
- Tu adores retourner mes propres paroles contre moi, je me trompe ?
- Mon jeu préféré, affirme-t-il. Est-ce qu'il y a une capuche, sur ce blouson ? grogne-t-il ensuite en examinant mon blouson rouge et blanc de l'équipe de basket.
- J'ai bien peur que non, monsieur Je-veux-me-venger, souriais-je en soulevant un sourcil.
- Mmmh... Je t'aurai un jour, grogne-t-il.
Je me contente de rougir en sentant son nez effleurer le mien. Il est si près que nos respirations s'entremêlent. Je n'aurais qu'à me pencher légèrement pour atteindre ses lèvres avec les miennes.
- C-comment on peut être aussi complices en quatre heures ? bredouillais-je en me rendant compte qu'on agit comme si on était en couple depuis des mois, sans aucune gêne, profitant des faiblesses de l'autre pour s'amuser et rigoler.
- Je n'en sais rien. Mais personnellement, ça me plait.
Il vient m'embrasser sur la joue, juste à la commissure de mes lèvres, lançant un choc électrique dans tout mon corps. L'envie de l'embrasser est plus forte que jamais, maintenant. Il cherche à me torturer, ou quoi ?
- Hé, Der...
Silence. On se fige, sans savoir où se mettre, tandis que Jake reste là, à nous dévisager avec de grands yeux, la bouche ouverte, sa phrase suspendue en l'air. Il vient de nous trouver blottis l'un contre l'autre, à se faire les yeux doux et à sourire comme des idiots. Il vient même de voir Stiles m'embrasser sur la joue. Il devrait être stupide pour ne pas comprendre, et je sais qu'il n'est pas stupide, au contraire.
- Oh mon Dieu.
- Jake... commençais-je.
- OH MON DIEU ! SÉBASTIAN ! hurle-t-il en courant vers la voiture familiale.
- Non, Jake ! l'appelais-je.
Stiles me retient par la main.
- C'est trop tard, de toute façon. On aurait dû être plus discrets, que veux-tu. (Il dit ça, mais son sourire me donne l'impression qu'il voulait que ça arrive, me faisant lever les yeux au ciel.) Je dois rentrer... ajoute-t-il avec une moue.
- Moi aussi, soufflais-je.
Il sourit et m'embrasse à nouveau sur la joue, cette fois encore sur la commissure de mes lèvres, avec un éclat espiègle dans le regard.
Quant à moi, je dépose un tendre baiser sur le haut de son crâne, le faisant rougir.
- Je sais que tu le fais exprès, chuchotais-je ensuite à son oreille en le serrant contre moi.
Sur ces mots, je claque un baiser sur sa joue en lui disant au revoir avant de m'éloigner.
🐺🐾🐺
Morgan comprend que je veux lui parler dès l'instant où je m'assieds dans le canapé. Il soupire, longuement, et chuchote :
- Pas devant les parents et Cora.
Ceux-ci, plongés dans leurs occupations, ne l'entendent pas, au contraire de Sébastian, qui fronce les sourcils et braque son regard sur nous. D'un signe de la main, je lui dis qu'on en reparlera plus tard et il se détend légèrement.
Puis Morgan change délibérément de sujet. Personne ne lui a demandé ce qui s'est passé sur le terrain jusqu'ici et, visiblement, il n'a pas l'intention d'en parler de sitôt. Comme, de toute façon, il ne s'en souvient pas, ce serait un peu difficile d'en parler. La famille semble l'avoir deviné sans qu'il ne le dise nécessairement. Il apprécie d'ailleurs grandement, je crois.
- Alors, euh, est-ce que je peux savoir pourquoi tu as fait ta passe à Luke, maintenant ? demande-t-il.
- ... J'étais jaloux, avouais-je. Ne m'en veux pas, hein, mais... Papa n'est jamais là, alors... J'imagine que le voir t'encourager sans me prêter la moindre attention - même en prenant en compte dans quel état tu étais - ça m'a mis en colère et je me suis mis à prendre des décisions stupides. J'imagine, répétais-je.
- ... Oh. Mais alors... Je n'ai rien fait de mal.
- Tu as éclaté trois ballons au cours du match. Sinon, je ne crois pas, signale Jake, ce qui lui vaut un coup de pied de la part de Sébastian.
- Ouais, je ne sais pas ce qui m'a pris, admet le blond en rougissant. Enfin, je ne m'en souviens même pas, se reprend-t-il.
- Je sais, intervient Sébastian. Enfin, pour Derek, précise-t-il ensuite. Il se sentait jaloux parce qu'il trouvait le comportement de papa injuste, mais en même temps il se traitait de tous les noms parce que ce n'était pas ta faute et surtout, parce que tu étais dans tous tes états.
- Exactement... Comment tu le sais ? m'étonnais-je.
Il se redresse et plante son regard qui aurait pu avoir mille ans d'âge dans le mien. Sébastian a un regard qui m'a toujours... Fasciné, en quelques sortes. Un regard calme, profond, compréhensif et attentionné, mais aussi doté d'une tristesse et d'une peur infinies derrière tout ça, comme s'il était constamment anxieux qu'il nous arrive quelque chose de grave. Cette même tristesse et cette même peur existent aussi dans le regard de Jake, mais lui seulement depuis la mort de Savannah, alors que celui de Sébastian est comme ça du plus loin que je me souvienne.
- J'ai vécu la même chose avec toi, tu te souviens ? Tu venais d'entrer au lycée, tu n'avais aucun ami à part Isaac, les choses allaient mal avec Stiles...
- Notera le allaient, dit Jake, mine de rien.
- ... Papa a réussi à se libérer le temps d'un soir pour voir un match et il t'a encouragé, mais pas moi. J'ai passé le ballon à la mauvaise personne et on a perdu. Exactement comme Morgan, tu as cru que c'était ta faute, alors que non.
Mon frère est du genre mémoire d'éléphant, et moi... Mémoire de poisson rouge. Je ne me souvenais pas de cette journée, jusqu'à ce qu'il y fasse attention. Je me souviens même du nom de celui à qui il a passé le ballon, un certain Ramzez.
- C'est vrai. Je l'avais oubliée, celle-là. Enfin bref. (Je me tourne vers Morgan, penaud.) Je suis désolé...
- Ce n'est pas grave, me rassure-t-il avec un mince sourire.
C'est alors que le téléphone de notre père se met à vibrer. Il ne répond pas tout de suite, sourcils froncés, à nous regarder tour à tour, puis il embrasse doucement la mâchoire de maman en lui demandant de se retirer de ses genoux pour qu'il puisse se lever. Quand papa est au téléphone, il a besoin d'être debout et de faire les cent pas, sinon il finit par perdre le fil de la conversation. C'est une chose qu'il m'a transmise, d'ailleurs.
- Allô ? ... Oui... Oui, je devrais pouvoir...
Il s'arrête dans sa lancée, hésitant, et nous regarde à nouveau. Je gigote sur place, malaisé. Je ne sais pas à quoi il pense, mais ses yeux vert-gris perçants ne manquent pas de traverser mon âme. Je sais qu'il ne le fait pas exprès, mais c'est plus fort que moi. Je n'ai jamais réussi à le regarder dans les yeux bien longtemps. On dirait qu'il a un orage, dans les yeux. Tantôt, un ciel clair et paisible ; la seconde d'après, une tempête.
Puis il secoue la tête et prend un air déterminé.
- Vous savez quoi ? Non. Dites à monsieur Donnelly que je ne suis pas disponible pour cette rencontre et qu'il devra se débrouiller sans moi. ... Oui, eh bien, je m'en fiche. Que je sache, j'ai cinq jours de congé maladie disponibles, sans parler du congé sabbatique. Il est plus que temps que je passe un peu de temps avec ma famille. ... Merci... Bonne soirée.
Et il raccroche, comme ça. Il rougit en remarquant qu'on le dévisage tous avec de grands yeux ronds, puis il s'éclaircit la voix et sourit :
- J'ai un weekend complet de libre. Un petit truc père et fils, ça vous dit ?
Pendant un instant, je me dis que c'est trop beau pour être vrai. Je veux dire... Du plus loin que je me souvienne, il n'a jamais pris ne serait-ce qu'un seul jour de congé. Il est du genre marié à sa femme et marié à son travail, vous voyez ? Et là, il dit à son boss - qui serait prêt à le flanquer dehors face à un simple non - qu'il va devoir se débrouiller seul pendant tout le weekend parce qu'il va passer du temps avec nous ? Je n'arrive pas à le croire.
- Il n'est plus question que l'un de mes fils soit jaloux de l'autre à cause de moi, explique-t-il. Et puis, on a beaucoup de choses à se dire, je crois... Je crois que je sais déjà où on va aller, d'ailleurs. Les montagnes et les lacs, ça vous tente ?
Morgan est le premier à réagir. Délivré de ses mauvaises pensées, au comble du bonheur, il se lève d'un bond et va se jeter dans les bras de papa en criant de joie, faisant sourire l'adulte. Sébastian les rejoint dans cette étreinte, puis Jake, puis Isaac... Je finis par aller les rejoindre à mon tour, heureux à l'idée de passer tout un weekend avec mon père et mes frères.
- Derek, tu peux même inviter Stiles, si tu le veux, dit papa.
- Combien de temps je vais entendre parler de ma propre relation ? râlais-je, le feu aux joues.
- Tu préfères pour toujours ou à jamais ? me demande Morgan en inclinant la tête.
- Attends, mais ce sont des synon...
- C'est bien ce que je pensais, coupe-t-il.
- J'aurai ma vengeance quand tu seras en couple, grognais-je en le mitraillant du regard.
- C'est beau de rêver.
- Ça arrivera.
- Ouais, c'est ça.
- Tu parles comme moi quand j'évitais Stiles ! signalais-je.
Ça fait le tilt dans ma tête et je me jette sur lui.
- QUI C'EST ? hurlais-je en le secouant dans tous les sens, désireux de connaitre le nom de celle - ou celui - qui fait battre le cœur de mon petit frère.
- SÉBASTIAN À L'Aideeeeeeuh, se plaint-il en faisant semblant de pleurer, tendant désespérément la main vers notre grand frère.
Comme si ça pouvait le sauver. Il ne réalise pas qu'il en a pour une éternité, comme ça.
❤️🧡💛
Voilà, encore un chapitre de terminé !
Personnellement, je le trouve un peu chaotique (entre la colère de Morgan, l'histoire de Nicholas, Stiles et Derek, bla-bla-bla), mais j'espère qu'il vous a plu malgré tout !
N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé !
La suite arrive très bientôt (j'espère) avec un weekend entre père et fils (paisible ou pas, vous verrez bien), alors à la prochaine !
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