"Je ne me serais jamais douté qu'un village prônant d'aussi bonnes valeurs cachait en réalité une secte au sein de ses murs."

Le village de Hahoe est un village, rien de plus banal, que l'on retrouve à vingt kilomètres de la ville de Andong et à trois heures et demi, voire cinq heures de route de Séoul, la capitale. Pour y accéder, vous n'avez que deux moyens. Le bus numéro 46 au départ de la gare de Andong, ou alors, par un voyage en voiture. Vous retrouverez bien vite des routes de campagnes et des paysages dignes de cartes postales.

Pleine du village de Andong - JJK

Village de Andong, vue de la falaise - JJK

Andong est une ville agricole, située dans la province de Gyeonsang. Elle compte environ 185 000 habitants. Située sur le fleuve Nakong, c'est une ville de marché. Comme toutes les autres villes, Andong a sa propre histoire. Aux alentours d'un an avant notre ère, la peuplade de Jintan fonda la ville de Gochang, qui deviendra plus tard, l'Andong actuelle. Durant la période des trois royaumes, cette région fit partie du célèbre royaume de Silla. Dans les années cinquante, pendant la guerre de Corée, Andong fut le siège de combats violents, et fut presque entièrement détruite. Dans les années soixante-dix, la ville connut une croissance assez rapide, et ce, malgré l'exode de nombreux habitants vers la capitale, ou bien d'autres grandes villes. Les habitants avaient tout perdu et souhaitaient repartir à zéro, sur de meilleures bases, plus joyeuses.

À la fin des années quatre-vingt-dix, Andong devient le centre du tourisme et de la culture. La ville est alors connue pour ses traditions anciennes, qui n'ont jamais disparues, attirant de nombreux visiteurs du quatre coins du monde. Mais par-dessus tout, on vient à Andong pour assister au festival folklorique du village de Hahoe.

Cet endroit semble d'abord ressembler à un village basique, rien de plus normal. Un espace paisible, tout droit sorti des paysages de cartes postales. Son côté traditionnel nous plonge de suite dans les vestiges de son passé, avec ces grandes hanoks, ses vieilles écoles rénovées et surtout, son architecture digne de la magnifique époque Joseon. La rivière qui l'habille, à ses alentours, nous plonge alors dans un espace hors du temps, reposant et accueillant. Sans compter ses pans de forêt, qui réjouirait plus d'un randonneur.

Village de Hahoe - JJK

Le village de Hahoe dispose de sa propre organisation. Libre et indépendant, il n'est pourtant pas totalement exilé du reste de la ville de Andong. Grâce à ses nombreux accords avec la police locale, mais aussi les nombreuses associations et autres structures, le village de Hahoe sait se démarquer, avec ses événements ouverts à tout public, comme les événements festifs ou les événements de visite de culture locale.

Vue de la falaise de Hahoe - JJK

"Nous avons absolument tout à l'intérieur des portes et les accords avec les commerçants de Andong nous permettaient de vivre sereinement."

Mais tout cela n'est qu'apparence. La face visible d'un iceberg dont on ne supposait même pas l'existence.

Notre enquête journalistique a débuté dans un cadre presque trop idyllique.

Le village de Hahoe cache une autre porte. Plus grande. Plus imposante. Tout autour, des murs de pierre qui semblent tout autant vous crier "interdit aux curieux" que "fuyez". Derrière ces portes, un tout autre visage se dissimulait.

Alors que nous pensions être au sein d'un village banal à l'architecture parfaite, nous entrions soudainement au cœur d'une secte satanique aux règles bien ficelées.

On ne pouvait que tomber amoureux du village de Hahoe, mais surtout, de ces habitants qui vivaient avec le cœur sur la main. Tout ce beau petit monde semblait vivre hors du temps, dans un espace qui leur était propre. On aurait dit qu'en passant ces portes, on se retrouvait à une autre époque.

Il était assez facile de se faire passer pour de simples étudiants, un peu curieux, dans cet univers qui nous était tout nouveau. Nous ne savions rien de cet endroit, et les habitants nous avaient accueillis à bras ouverts.

Il y avait bien une personne qui semblait diriger cet endroit, et nous avons pu le rencontrer. C'était un bel homme, assez grand, au physique imposant. Celui que nous pouvions d'ores et déjà appelé "gourou" inspirait une énorme confiance, et il avait des principes et des valeurs qu'il prônait dans tout le village.

Son but était de faire vivre tous ces gens en paix, qu'ils évoluent dans un cadre sain.

Après nos premières visites, nous n'étions plus certains de nous retrouver en plein cœur d'une secte. Tout semblait bien trop beau pour le penser, et nous étions presque à deux doigts de tout abandonner lorsqu'un soir, nos doutes ont été confirmés.

De l'autre côté du village, derrière une forêt dense, se trouvait de grandes et lourdes portes de bois, derrière lesquelles se déroulaient des rassemblements douteux. Tous les habitants n'y étaient pas conviés, et nous avions vite compris que tout le village n'était pas complice de ces actes.

Les adeptes appellaient cela "cérémonie".

Ils s'y rendaient tard le soir, muni de capes noires sur le dos, et de masques incroyables, digne des carnavals de Venise, qu'ils portaient toujours sur leur visages.

Lors de ces soirées, l'on infligeait toute sorte de punition à ceux ou celles qui avaient osé défier les règles. Car toute secte se repose sur un commandement à respecter, pour ne pas en subir les conséquences.

Le fameux "gourou" de cette secte, qu'on surnommait "Maripgan" n'agissait pas seul. Il avait autour de lui, toute une équipe de jeunes gens, avec qui nous avions de suite été en contact. C'est eux, qui nous avaient introduit dans leur monde, pensant réellement se confronter à deux étudiants en sociologie.

Chacun d'entre eux était un personnage à part entière.

Il y avait d'abord ce jeune homme aux cheveux de feu, qui portait toujours un magnifique sourire sur ses lèvres. Inspirant confiance et loyauté, ce jeune homme était un réel atout pour la secte. Nous avions très vite conclu qu'il était celui qui attirait les nouveaux et futurs adeptes. Il était l'un de ceux qui sortait le plus souvent des murs du village. Il était très bien intégré à la vie de la ville d'Andong, et très aimé de son entourage. Il ne semblait pas être si impliqué que cela dans les activités séculaires.

Avec lui, un autre jeune homme à la sensualité trépidante se démarquait. Il était un être absolument formidable, et nous n'avions jamais pu le nier. Sa beauté était telle qu'il était capable d'envouter n'importe quel homme, ou encore n'importe quelle femme, d'un simple regard. Il était lui aussi un élément très important de la secte, s'impliquant dans toutes sortes de tâches. Au fur et à mesure, nous avons découvert que ce jeune homme à la sensualité voluptueuse était lui aussi victime des agissements de la secte. Il en était peut-être partisan et apôtre, mais il n'échappait pas à ses lourdes punitions.

Ces deux jeunes hommes étaient ceux dont nous étions le plus proche, et ceux dont nous avions pu tirer pas mal d'informations durant nos recherches sans jamais qu'ils ne se doutent de rien.

Proche du gourou de la secte, il y avait un autre jeune homme bien mystérieux et aussi froid qu'une tombe. Il était l'un de ceux que nous craignions le plus, car son sens du devoir était sans pareil. Très réfléchi et extrêmement observateur, il était les yeux et les oreilles du village, et très certainement, celui qui avait le plus de responsabilités à tenir après leur chef.

Et enfin, il y avait la clé de leur secret.

Un être à la beauté inhumaine, qu'on pouvait se demander s'il était vraiment réel. Il était certainement le plus dangereux de tous, ce pourquoi nous avions vite appris qu'il était retenu contre son gré au sein du village. Avec son tendre sourire et ses faibles chuchotements à nos oreilles, cet homme faisait de quiconque sa proie. Il était aussi harmonieux que le plus gracieux des serpents. Beaucoup de villageois le craignaient, et faisaient tout pour tomber dans ses bonnes grâces. Il était l'être le plus craint mais également le plus vénéré de la secte, sans pour autant en être le dirigeant. Nous avions pensé qu'il tirait les fils de l'ombre, cependant, nous nous étions trompés.

Nous étions pris dans un mensonge, trompé par nos avides envies de recherches, plongé dans le cœur d'une organisation inconnue.

Au sein de ce village, la notion de choix était au cœur des réflexions. Concernant les simples villageois, eux semblaient vivre en parfaite harmonie. Tous n'étaient pas des adeptes actifs, et vivaient sans se douter de rien. Quant aux autres, ils suivaient seulement les décisions imposées de leur gourou.

Tous, absolument tous, souhaitaient sortir de cet Enfer.

Mais qu'est-ce que l'Enfer, lorsqu'on ne peut le définir par des mots.

Les plaisirs violents ont toujours des fins violentes. Comme l'avait souligné Shakespeare autrefois, toutes violences finit par connaître une fin terrible.

Toutes ces recherches qui n'avaient que pour seul et unique motivation la curiosité, sont alors devenues essentielles à nos yeux pour comprendre le monde.

Quelles que soient les notions que nous cherchons à intégrer ou à atteindre, quelles que soient les règles qui régissent notre monde, il nous faut être au point sur qui nous sommes. Puisque si nous ne savons pas qui nous sommes, nous ne pouvons être capable de savoir où l'on va. Nous ne pouvons être capable d'émettre un avis, de faire des choix, si nous ne savons pas qui nous sommes, ni d'où l'on vient.

Nous pouvons toujours choisir de suivre le courant de l'eau, où le sens du vent, cependant, la réalité finira toujours par nous frapper.

Beaucoup de chose dans notre monde nous sont inconnus, beaucoup de notions nous paraissent floues ou intouchable. Nous ne pouvons prétendre tout savoir, et n'avoir aucun doute. Tel est la finalité de la nature humaine. Un grand homme dit autrefois que "tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien". Et il avait raison.

Cette mission apporte aujourd'hui de nouveaux horizons de recherches. Qui sommes nous, d'où venons nous, quel est notre rôle et surtout, qu'est-ce que l'amour et la vérité dans un monde où rien ne nous est confié pour le savoir à l'avance.

La nature humaine suggère d'être largement approfondie, et même avec toutes nos connaissances, nous ne pouvons en déterminer les limites. Quels que soient les buts de nos actions, nous pouvons alors nous demander si elles seront réellement justes et désintéressées.

Il est parfois préférable de se contenter de notre place, de dépasser nos propres limites, avant de s'intéresser à celles des autres. De rester humble et courtois, afin de ne pas se laisser pervertir par des choses qui nous dépassent. Des choses face auxquelles il nous sera toujours impossible d'agir, même avec le cœur le plus pur de l'univers.

Craignons toujours les excès où conduit le fanatisme, car il est évident que s'il existe une nature humaine, il existe alors aussi, une nature du mal.

A mon frère,

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