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35 - There's no surrender, there's no escape


Moonlight Sonata - Beethoven 

Gris, Pt. 2 - Berlinist 


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Taehyung n'aimait pas être ici.

Bien qu'il attendait avec impatience l'arrivée de son géniteur, ce fichu goût amer de raisin mêlé à la drogue le mettait de mauvaise humeur. Il n'avait qu'une hâte : régler ses comptes une bonne fois pour toute avec celui qui l'avait exilé, abandonné, vendu au mal, pour enfin pouvoir retrouver Jungkook, au plus vite.

Puisque pour la première fois de sa vie, Taehyung pouvait ressentir de l'inquiétude. C'était un sentiment étrange, qui causait à ses entrailles de se tordre, plus il y pensait.

Le noiraud souhaitait aussi s'entretenir avec Jimin.

Il n'avait pas pu oublier son regard désolé, avant qu'il ne finisse par s'écrouler. Jimin avait trahi sa confiance. Jimin l'avait trahie.

Auparavant, jamais le blond n'avait osé faire une telle chose. Il n'en aurait jamais été capable. Il fallait croire qu'il était allé à bonne école, pensa Taehyung.

Pourtant, le noiraud l'avait tant de fois poussé dans ses retranchements. Il l'avait poussé à bout, obligé à mentir, désobéir, et il ne comptait plus le nombre de fois où il l'avait retrouvé dans ses draps, par pur égoïsme.

Taehyung ne comprenait pas pourquoi cela faisait si mal, de se sentir trahi par son ami. Pourtant, la raison était évidente : Jimin était son ami.

Jimin était son seul et unique pilier, celui qui ne l'avait encore jamais abandonné ou déçu. Alors, Jimin avait-il pensé venger, après toutes ces années ?

Soudain, les cierges autour de lui se mirent à vaciller, quand d'autres commencèrent à fumer.

Il était là.

Tandis que d'autres se seraient incliner pour montrer leur respect, Taehyung, lui, resta bien droit, dévisageant de bas en haut celui qu'il avait autrefois appelé "père".

Il n'avait pas peur de lui, et au fond, il était pertinemment conscient que même son propre père le craignait, aussi bien que les hommes le craignaient, lui.

Il le détestait.

Taehyung ressentait envers lui une haine si immense, qu'elle en était absurde.

Il le haïssait.

Pour parler vulgairement, il ne pouvait tout simplement pas se le voir.

Pourtant, tous les deux se ressemblaient beaucoup.

Si il avait hérité des yeux de sa mère, Taehyung avait le même visage perfide et parfait, le même gabarit, la même chevelure, la même façon de froncer les sourcils lorsqu'une chose lui déplaisait ou le contraignait, la même voix, et surtout, la même prestance que son paternel.

Identiques.

Leurs histoires, elles aussi, étaient similaires.

D'une certaine façon, elles l'étaient.

Mais ils n'étaient pas les mêmes.

L'un l'autre se toisèrent en silence, tous deux attendent patiemment un signe de leur vis-à-vis. C'était à celui qui céderait en premier, mais Taehyung ne ressentait pas même une once de peur. Il se souvenait encore de son enfance, de ce sentiment de crainte effroyable qui l'animait lorsque son père venait à lui décrocher deux mots. 

C'était il y a bien longtemps.

Maintenant, il se fichait totalement du soi-disant respect qu'il devait à celui qu'on appelait "Maître des Enfers", d'autant plus qu'il ne l'avait jamais réellement été. Du moins, que pour les hommes.

« Et si tu commençais par t'agenouiller, pour me saluer. »

Le Diable, son père, celui qui était maintenant debout à seulement quelques mètres face à lui, le regardait de haut en bas, comme s'il n'était qu'un pauvre petit insecte qu'il pouvait faire disparaître d'un claquement de doigt. Mais voyez vous, Taehyung lui aussi était le fruit de ses ombres, et s'il essayait de l'impressionner, alors la tentative avait été vaine.

« Je n'irais pas jusqu'à me salir pour vous. »

« M'obligerais tu à te faire plier le genou moi-même, dans ce cas ? »

« Vous pouvez toujours essayer, à vos risques et périls. Père. »

Cela faisait maintenant ce qui semblait être une éternité, que Taehyung ne l'avait pas appelé ainsi. D'ailleurs, cette expression fit sourire le malin, d'un rire sournois, avant qu'il ne se retourne pour aller s'asseoir sur ce qu'il voyait comme son trône, mais qui aux yeux du noiraud, n'était qu'un artifice sans aucune valeur et terriblement pitoyable.

Un simple siège, dirait on. Qu'il ne méritait même pas.

« Alors...» souffla le Diable en croisant les bras, « Par où devrais je commencer ? »

« Par la fin, soyons honnête. Ni vous ni moi ne voulons que cette entrevue ne perdure. Perte de temps. » ajouta Taehyung lançant un mauvais regard à la chaise qu'avait poussé son paternel pour lui. Il ne risquait pas de s'asseoir devant lui, cela signifierait alors d'accepter de se soumettre.

Il en était hors de question.

Jamais.

« Ta mère avait finalement raison. » reprit le malin, s'humidifiant les lèvres de la même manière que son fils, « Tu as bien grandi. Tu me ressembles presque comme deux gouttes d'eau, maintenant. »

« Mensonge. » souffla le noiraud, les dents serrées, « Je ne serais jamais comme vous. »

Et le Diable se mit à rire, faisant presque hérisser les poils de sa progéniture. Non pas de peur, mais de colère. Oui, il s'énervait. Il en fallait beaucoup à Taehyung, pour se retenir de ne pas lui cracher en pleine figure. Cela reviendrait à de la pure provocation, penserez vous. Mais l'idée ne lui semblait pas si déplaisante, au fond. Il aurait pu le faire jusqu'à obtenir satisfaction.

« N'aurais tu rien à me dire ? »

Sa question fit relever les fines lèvres du noiraud, qui trouvait cela amusant de penser que son géniteur daignait enfin, bien que cela était de la pure hypocrisie, lui donner un peu d'importance.

Une chance de commencer la conversation lui-même.

Celle de décider où il voulait en venir.

Mais Taehyung n'était pas fou, et savait pertinemment que son tendre sourire était faux. Le Diable avait toujours été aussi mélodieux qu'un serpent, ceux dont le venin était toxique et surtout, mortel.

Sans aucune issue, aucune chance de s'en sortir.

Alors Taehyung ne prit pas la peine d'ouvrir la bouche, ce qui fit sourire son père, avant qu'il ne prenne une nouvelle position, déposant ses bras sur ses genoux.

« Je commence, dans ce cas. »

« Avec plaisir...» chuchota le noiraud pour lui-même, relevant la tête pour lui prouver qu'il n'avait peur de rien.

« Je dois dire que jusque-là, tu te débrouillais plutôt bien. Oui...» dit le malin, passant son pouce sur son menton, les yeux toujours rivés vers lui, « Tu étais parfait. Le rôle du mal te va si bien, Taehyung. Tu le portes en toi, n'est-ce pas ? »

Taehyung ne répondit pas, levant les yeux au ciel comme si les paroles de son père lui importaient peu, ce qui, au fond, n'était pas si loin de la vérité. L'autre s'amusait seulement à essayer de le repousser dans ses retranchements les plus sombres.

« Vois-tu, Taehyung, jusque-là, je n'avais jamais eu besoin d'intervenir. A vrai dire, tu te débrouillais plutôt bien. Très bien. Tu portais le mal tel qu'une femme porterait le plus précieux des bijoux, le parsemant ici et là, portant avec toi, toute la gloire qui m'était destiné. Tu est fort, très fort. »

« Je ne quémande pas vos compliments. » cracha le noiraud, avec une fâcheuse envie de lui postillonner au visage, ce qui fit rire le malin.

« Conterais je des propos erronés, Taehyung ? »

Le pire dans cette histoire, était que le Diable avait raison. Bien sûr qu'il avait raison. Taehyung était l'alchimie du mal et du mal, le résultat d'un calcul imparfait, une formidable ineptie. Il fut un temps où le noiraud en était fier, d'être ce qu'il avait toujours été.

Il fut un temps où peut lui importait de porter le malheur sur son dos, car quoi qu'il advienne, il ne pouvait absolument rien y faire. Cela avait été sa raison de vivre, sa définition pure et dure.

« Je pourrais presque dire avoir été fier de toi...Oui...Presque. C'était amusant, de mon point de vue, de te voir pervertir toutes ces âmes, et de les rendre aussi malheureuses que toi. Et bon sang, le coup de l'orphelinat...Un chef d'œuvre. Qui d'autre que le fils du mal serait capable de tromper un enfant ? »

Taehyung serra les dents, se forçant à rester muet. Il voulait crier, de tout son être, qu'il n'avait jamais voulu que tout cela ce passe ainsi. Mais il était impossible d'admettre sa faiblesse devant son géniteur, car cela reviendrait à lui donner le bâton pour se faire battre.

« Dommage. » siffla le Diable, en jouant avec ses mains.

« Que voulez-vous dire ? » demanda Taehyung, peu intéressé par sa future réponse.

Le malin passa le bout de ses doigts sur ses lèvres, contemplant ensuite la peau de ses mains caressant ses bras, avant de relever les yeux vers son fils.

« C'était amusant, jusqu'à ce que tu te décides à fuir. Non pas que je ne trouve pas cela exaltant de te voir essayer d'échapper à ton sort, détrompe toi. Mais, vois-tu...J'ai cru comprendre que tu t'étais finalement...Comment dirait on ? Entiché, d'une certaine personne. »

« Non. » rétorqua Taehyung, aussi vite qu'il put.

« Voyez vous cela ? Le mensonge naît des Enfers, tu ne peux pas l'utiliser contre moi. Voyons Taehyung, ai un peu de jugeote, bonté divine. » et il se mit à rire, à plein poumons, se trouvant lui-même hilarant.

De son côté, Taehyung serrait les poings derrière son dos, pour se retenir de lui arracher les yeux.  Ô qu'il voulait qu'il cesse de se moquer lui et d'agir comme s'il était le seul à être intelligent dans cette pièce.

« Prendre la décision de pervertir les amis de ton propre frère était une idée maléfique. Épatante. Je n'en attendais pas moins de mon fils. Puis, il faut croire que tu as fini par faiblir...»

« Je ne sais pas de quoi vous parlez. »

Le Diable fit claquer ses doigts, provoquant un bruit strident qui résonna entre les murs.

« Encore une fois, tu as échoué. »

« Je n'ai pas échoué, puisque je n'ai rie- »

Le malin leva un doigt, faisant signe à sa progéniture de se taire, puis il se redressa correctement dans son siège.

« Tu t'es toi-même offert à la mort. »

Alors Taehyung ne put s'empêcher d'éclater de rire à son tour. Bien que son rire était empli d'amertume, il trouvait que cela relevait d'une mauvaise blague.

A ses yeux, Taehyung était la mort.

« Vous êtes stupide. » dit-il, en secouant doucement la tête.

Il n'en revenait pas.

« Hm...Qu'as-tu trouvé de si exaltant, dans le fait de le séduire ? »

« De qui est-ce que v- »

« Ton protégé. »

Soudain, le corps du noiraud se crispa, il pu même sentir ses ongles s'enfoncer dans les paumes de ses mains.

« La séduction, Taehyung...a toujours été une histoire de manipulation. Cela a toujours été ta propre façon de faire, aussi digne que celle de ton père. Tu séduis pour mieux détruire. Tu as séduit tous ces gens, puis tu les as détruit. Comme tu l'as fait avec ces enfants. »

« Vous mentez, je n'ai pas toujours fait le mal pour faire le mal. »

« Tu te trompes. » releva le Diable, « Mais je dois avouer que tu es fort...Très fort. Peut-être même que je t'ai trop longtemps sous-estimé. Tu as réussi là où tous les autres ont échoué. »

« Ne m'accusez pas de vous interrompre, mais je ne peux saisir vos propos aussi subtils soient ils. Si vous cessiez de passer par d'innombrables chemins et décidiez plutôt de me dire la vérité, pour une fois, dans votre misérable existence ? » lâcha le noiraud, la mâchoire serrée.

« Bien. » reprit le Diable, frappant dans ses deux mains, « Tu baises le fils de mon pire ennemi et au final, j'ai quand même gagné. Si ce n'est pas là ta plus belle réussite, Taehyung. »

Les sourcils du jeune homme se froncèrent en signe d'incompréhension. Il avait beau se concentrer, bien qu'il n'écoutait que d'une oreille les paroles de son père, il n'arrivait pas à comprendre.

Son pire ennemi ?

Le Diable avait-il seulement des ennemis ?

Taehyung s'en préoccupait il assez pour essayer de comprendre ?

« Tu ne sais pas de quoi je parle, n'est-ce pas ? » reprit le malin, un petit sourire odieux sur son visage, « Tu étais juste un pion sur mon échiquier, je ne pensais pas que tu allais aussi bien te débrouiller, vraiment. Le paroxysme de ma vengeance est excellent. »

« Cessez vos belles paroles, et dites moi ce que je mérite de savoir. » insista Taehyung, sans vergogne.

Alors, le Diable se leva, puis il s'approcha avant de commencer à tourner autour de lui, comme s'il était une pauvre gazelle prise au piège par le plus féroce des félins. Seulement, il en fallait bien plus à Taehyung pour qu'il ne se sente en danger, bien plus. Dorénavant, sa seule et unique faiblesse portait un nom, un seul.

« Réfléchis, Taehyung. Creuse toi la cervelle, fils. »

« Cessez de m'appeler votre fils, je ne l'ai jamais été. »

« Bien sûr que tu l'es. Tu l'as toujours été, mais tu n'as jamais cessé de te convaincre du contraire. Pourquoi ? Pour finir par t'éprendre d'un être encore plus diabolique que tu ne l'es, et de me le porter sur un plateau d'argent. »

« Je ne vous ai rien promis, jamais. Je n'ai jamais rien fait pour vos beaux yeux, contrairement à tous ces hommes dont vous v- »

« Tu l'as fait. A chaque fois. » insista le Diable, en s'arrêtant enfin face à lui, « Et maintenant que tu m'as apporté le fils de Hadès sur un plateau, tu ne m'est plus d'aucune utilité. »

Penchant légèrement sa tête sur le côté, l'esprit entier de Taehyung se mit à fulminer. Il essayait de se souvenir, de toutes ces histoires idiotes qu'on lui avait raconté lors de son enfance, mais maintenant, tout cela paraissait bien trop lointain. Il n'arrivait plus à se souvenir. Et puis, même s'il avait essayé, il avait quitté son monde bien trop tôt, pour apprendre tout ce qui s'était tramer derrière son dos.

Et pour la première fois de sa vie, Taehyung comprit qu'il n'avait plus un seul coup d'avance. Il réalisait petit à petit, avec stupeur, qu'il s'était laissé avoir. Il s'était laissé attendrir, contrôler par ce que l'on nommait "émotions".

« Jungkook. Alors il porte un nom. Je me demande quelle sera la tête de cette petite enflure d'Hadès lorsque je lui porterai la tête de son cher fils. Je ne pensais pas pouvoir un jour me sentir aussi comblé, non. »

« Qu'est-ce que vous...» essaya de souffler Taehyung, mais il fut de nouveau coupé.

« Tu sembles étonné ? Quelle surprise. Mais je suis curieux, dis-moi, Taehyung. Tu ne lui laisses quand même pas le plaisir de te baiser ? »

Taehyung essaya d'ouvrir la bouche, mais aucun mot ne put en sortir. Il était encore en train de coller les morceaux peu à peu, de tout ce fichu puzzle, dont il n'avait aucune idée.

Jungkook.

Le Diable parlait donc de Jungkook.

Jungkook était le fils de Hadès.

Hadès était le père de Jungkook.

C'était tout simplement impossible.

Mais la remarque de son géniteur le fit grimacer, non insensible à la mention de celui qu'il aimait. Cela fut court, un léger tremblement. Ses pupilles avaient légèrement vaciller, mais ces détails n'échappèrent pas au Diable, qui se mit à sourire sournoisement.

« Voyez vous cela...» prononça-t-il en craquant sa nuque.

Il n'en fit pas plus, mais Taehyung su qu'il avait comprit. Il avait compris que Jungkook était bien plus important à ses yeux qu'il ne l'avait laissé paraître. Il avait compris que de la haine était né l'amour.

« C'est bien ce que je pensais. » finit le malin en faisant volte-face, « Tu n'es donc pas digne d'être mon fils. »

« Qu'est-ce que vous lui voulez ? » finit par demander Taehyung, arrachant presque les mots de ses propres lèvres.

« Ce que je lui veux ? Mon fils...Tu devrais plutôt te demander ce qu'il te veut, à toi. Tu t'es donc agenouillé pour lui, tu t'es donné à cette pourriture. »

« Vous ne le connaissez pas. »

« Je le connais bien mieux que toi. » rétorqua le Diable, reprenant place sur son "trône", « Et c'est pour cette raison que je vais le tuer. »

« Vous ne le toucherez pas. »

« Et qui pourrait m'en empêcher ? » demanda curieusement le Diable de façon hautaine, « Toi, peut-être ? Par pitié, Taehyung, ne vois-tu pas que tu t'es d'ores et déjà promis à la mort, et ce, dès le moment où tu t'es promis à ce garçon. »

« Vous pouvez prendre ma vie, mais vous ne prendrez pas la sienne. » ajouta Taehyung, dont les membres commençaient à trembler de haine.

Voilà que son père venait de mettre le doigt sur sa corde la plus sensible.

« Tu n'as pas d'âme, Taehyung. Comment comprendrais tu la nécessité d'avoir une âme sœur ? »

Ce dernier le regarda intensément, comme s'il pouvait lire en lui, puis il posa son menton dans le creux d'une de ses mains, dont le coude reposait sur son genoux.

« Aurais tu peur, Taehyung ? »

Peur ?

Taehyung avait peur ?

Taehyung était terrifié.

Oui, il l'était.

Il pouvait enfin mettre un mot sur ce qu'il commençait à ressentir. Sur cette étrange sensation qui faisait bouillonner son sang dans ses veines, qui lui hérissait les poils et qui lui faisait tourner la tête. Cette sensation qui lui donnait l'impression qu'on lui broyait le cœur sans aucune compassion. Sans aucun retour en arrière.

« Dis-moi, Taehyung...Que serais tu prêt à faire, pour lui ? Jusqu'où ira ton allégeance ? »

Taehyung releva enfin les yeux du sol, plongeant son dur regard dans les iris sombres de son père. Il le défiait, il en était conscient, mais son air condescendant et son petit sourire le rendait presque malade. Il pouvait presque se reconnaître en lui, et cela lui donna envie de vomir toutes ses tripes.

Mais il ne répondit pas.

Qu'était il prêt à faire pour Jungkook ?

Qu'était il prêt à sacrifier ?

Tout.

Absolument tout.

Jusqu'à offrir sa propre mort à son père, afin de le rassasier. Car le Diable n'était jamais juste en marché.

« Alors ? »

« Vous êtes qu'une pauvre pourriture. » lâcha Taehyung, en se mordant la langue pour retenir ses jurons.

« Voudrais tu jouer dans la cour des grands ? »

« Je ne conclus pas de pacte avec vous. Laissez le sain et sauf, et vous obtiendrez tout de moi. »

« J'en conclus que tu serais prêt à tout...Intéressant. Je te propose un marché. »

Taehyung voulait dire non, il voulait crier qu'il refusait de l'entendre encore plus longtemps. Mais il ne put parler, comme pétrifié sur place.

« Je te renie, n'est-ce pas là ce que tu as toujours souhaité ? Être libre. Alors, c'est chose faite. »

Si vous pensiez que cela était une bonne chose, alors vous ne saviez pas jusqu'où pouvait aller la perfidie du Diable. Taehyung, lui, en était conscient. Après tout, il l'était tout aussi bien que lui. Il était le mal, et le mal n'agissait jamais par bonté de cœur.

« Tu souhaitais jouer au même niveau que lui, alors te voilà servi. Tu seras désormais abaissé à la condition de vie humaine. Tu vas ressentir tout ce que tu n'as jamais ressenti, tout ce que ceux que tu a toujours mépriser ressentais. Autrement dit...» chuchota son père en levant la main devant son visage, « Tu n'es plus rien. »

Si cela était la condition, la seule et l'unique pour que Jungkook ait la vie sauve, alors Taehyung l'accepta sans rien ajouter. Mais alors qu'il pensait que cette entrevue était enfin terminée, son père le rappela à l'ordre.

« La vie ne tient qu'à un fil, Taehyung. Et les fils se brisent. »

« Que voulez-vous dire ? » demanda Taehyung, s'humidifiant nerveusement les lèvres tout en restant dos à son père.

« La finalité des choses arrive toujours à un moment donné. Le temps est compté, et la sanction frappera au moment venu et la mort... »

Fou de rage, Taehyung quitta la pièce sans même écouter la fin de ses propos. Les poings serrés, il grimpa les marches à une vitesse folle, prêt à laisse sa colère s'abattre sur tout et n'importe quelle chose qui se trouvait sur son passage. Il pouvait encore entendre le rire de son géniteur résonner dans ses oreilles. Et cela le rendait malade.

N'écoutant pas les voix qui se disputaient sans vergogne dans son crâne, sa détresse, sa peur, sa colère, Taehyung préféra les faire taire, avant de pousser violemment la porte du bureau de son frère.

Namjoon se tenait assis, derrière son bureau, les mains croisées devant son visage. Aucune expression ne traversait ses traits, et il ne releva même pas les yeux lorsque le noiraud entra telle une furie prête à tout détruire sur son passage.

Il devait le voir.

Et vite.

Il y avait encore bien trop de choses que Taehyung n'arrivait pas à comprendre, ou plutôt, qu'il refusait d'accepter.

C'est alors qu'il frappa le bureau d'une force incommensurable, posant ses mains sur le rebord, et plongeant son regard furieux vers son aîné.

« Où est-il ? Namjoon, où est Jungkook ? »

« La revoilà, toute ta haine...»

« Putain, Namjoon. Dis-moi où il est. Maintenant. »

« Tu as fini par entendre la vérité. On est perdu...»

« OU EST JUNGKOOK ? » cria Taehyung, même pas conscient de sa colère qui n'avait plus aucune limite.

Enfin, Namjoon releva les yeux, mais toujours aussi vide, il parla, doucement, et avoua presque dans un murmure :

« Il est avec Yoongi. »

Et c'est ainsi que Taehyung se laissa retomber sur ses genoux, le visage décomposé, et le cœur battant si fort qu'il crut qu'il allait mourir sur place.

Qu'allaient ils devenir ? Car Taehyung aurait du savoir...

On ne passe jamais de contrat avec le Diable, tout simplement parce que le Diable n'a pas d'honneur. 

Et qu'il ne respecte jamais sa parole.


*


« T'es réveillé. Bois ça. »

Jungkook venait à peine d'ouvrir les yeux quand il vit qu'on lui tendait déjà un verre rempli d'eau. Il ne prit pas la peine de réfléchir et se jeta dessus comme un malpropre à qui on aurait privé de s'abreuver, et le but d'une traite.

Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, d'ailleurs, il ne se souvenait même plus s'être endormi du tout. Son esprit était complètement embrouillé, parsemé d'ombre et d'obscurité, et il avait la langue pâteuse dans sa bouche. Une sensation qu'il n'avait jamais grandement appréciée.

Clignant des paupières, sa vue finit par devenir un peu plus nette, bien que sa tête tournait comme s'il avait enchaîné les tours d'un manège sans fin. Mais avant qu'il n'essaye de parler, Yoongi lui coupa l'herbe sous le pied.

« Au départ, on m'avait envoyé ici pour protéger et épauler Namjoon. Mais j'avais une mission que je devais garder secrète, je devais te trouver et te tuer. Tu ne sais pas combien de fois j'ai retourné la ville à ta recherche, ni les gens que j'ai torturés pour leur tirer les vers du nez. »

L'esprit encore un peu brouillé, Jungkook eut du mal à saisir entièrement les paroles de son aîné et il se contenta de froncer les sourcils, se relevant un peu plus contre le dossier du lit sur lequel il était allongé.

C'était étrange, ce n'était pas l'odeur de Taehyung qui flottait autour de lui.

Où était il ?

« Finalement, c'est toi qui est venu jusqu'à nous. Tu t'es infiltré, pas vrai ? Avec ta perfidie de merde...Je pensais que t'étais plus malin, mais regardes toi. »

« Mais de...De quoi tu parles ? Où est Taehyung ? »

« Arrête. Je sais tout. Arrête de me cacher ton identité. »

Soudain, Jungkook fut pris comme d'un éclair de lucidité, se rappelant de qui il était et de son réel but. Cela lui prit comme une envie de sauter au plafond, et son cœur commença à tambouriner contre sa poitrine.

Yoongi savait ?

Alors toute sa couverture était tombée à l'eau ?

Jetant de vifs coups d'œil à la pièce dans laquelle il se trouvait, Jungkook fut très vite angoissé à l'idée de ne pas trouver son ami. Son meilleur ami. Jin n'était nulle part.

Mais si lui était découvert, alors qu'avaient ils fait de Jin ?

« Où est Jin ? » demanda-t-il non sans une once de peur dans la voix.

« Tu t'es servi de lui aussi ? Comme Taehyung s'est servi de Jimin ? »

« Mais...? Non ! Où est Taehyung ? Et Jin ? Où sont-ils Yoongi ? » reprit Jungkook, encore plus inquiet.

« "Où est Jin, où est Taehyung" » imita Yoongi avec une petite voix, « Par pitié, Jungkook. Cesse de tourner autour du pot. Vous étiez de mèche pour l'orphelinat ? Ça faisait partie du plan pour vous sauver ? »

« Quoi ? » demanda soudain Jungkook, perdu.

« Mais attends, c'est une blague ? » renchérit le jeune homme aux cheveux verts, l'air désabusé.

« Quelle blague putain, Yoongi de quoi tu parles ? Je suis vraiment pas d'humeur là et- »

« Dis-moi qui tu es. »

« Je suis un putain de mec sans histoire ! C'est ça que tu veux entendre ? Dis-moi où est Jin maintenant ! » hurla Jungkook, se débattant avec ses draps pour en sortir.

« Non. » répondit Yoongi, l'air grave, « Tu es Jungkook, le deuxième fils de Hadès. »

Enfin debout, Jungkook se retourna et laissa retomber sa mâchoire avant de commencer à rire de nerfs et d'incompréhension la plus totale.

« Mais t'es malade ? » cria t-il, « T'es sous drogue ou quoi ? »

A son tour, Yoongi l'imita et se releva de sa chaise.

« Tu ne te souviens pas ? Tu ne ressens rien ? »

« Mais merde Yoongi de quoi tu parles ? Me souvenir de quoi ? Non, je ne me souviens de rien ! Pourquoi je suis là ? Où on est ? Pourquoi t'es là ? Qu'est-ce que je suis sensé ressentir putain ! » hurla le plus jeune en laissant retomber sa tête dans sa main, comme si elle devenait trop lourde à supporter.

« Ton frère ne t'as rien dit ? » insista Yoongi, les sourcils froncés.

« Mais quel frère ? Ma sœur, j'avais une sœur et elle...Elle est morte. Elle est morte ! » se reprit à hurler Jungkook, le visage maintenant abîmé par ses larmes naissantes.

Alors qu'il commençait à reculer et à gesticuler comme un fou, Yoongi fit le tour du lit et se posta devant lui.

« Tu es le mal incarné. Je devais te tuer. Mais tu étais tellement humain...Et si quelqu'un devait mourir, c'était Taehyung. »

« Non ! Où est Taehyung ? Tu ne lui feras rien, il a rien fait ! »

« Ah ouais ? » hurla Yoongi à son tour, forçant Jungkook à relever les yeux sur lui, « Et le fait de faire cramer un orphelinat entier ? Tuer des âmes innocentes ? C'est rien ? C'est le mal incarné. Vous l'êtes tous les deux. »

Continuant de gesticuler dans tous les sens, Yoongi fut obligé de saisir les bras de Jungkook pour le calmer. Puis, en plongeant ses yeux dans les siens, il ne put lire que la franchise de ses mots, alors il reprit ses esprits et l'invita à s'asseoir. Car Yoongi savait lire au fond des âmes, et celle-ci avait l'air complètement pure.

Quelques minutes plus tard, après que Jungkook se soit un peu calmé, Yoongi ne prit pas quatre chemins en lui annonçant la vérité telle qu'elle était.

Il n'omit absolument rien. Lui racontant l'histoire du début, jusqu'à ce qui devait être sa fin.

Tout au long de son récit, Jungkook n'avait pas quitté le sol des yeux. Il cessa peu à peu de trembler et sembla presque inerte, les bras tombant de chaque côté de son corps, encore trop faible pour réagir.

C'était comme si son monde s'était écroulé, encore une fois, en moins d'une microseconde.

Sa part de logique l'avait d'abord fait penser qu'il rêvait, qu'il était encore en train de dormir et qu'il délirait en plein sommeil. Il avait pensé à se pincer pour se réveiller, mais même après l'avoir fait, il réalisa avec horreur qu'il s'était trompé.

Tout cela ne relevait pas du réel, et c'était impossible pour lui de concevoir une telle chose.

« Ta vie, qu'elle soit humaine ou mystique...Toute personne qui s'approchait de toi était destinée à mourir, parce que tu es la mort, et qu'autour de toi, autour de la mort, personne ne peut penser survivre. »

Alors sans qu'il ne comprenne pourquoi, Jungkook se mit à faire des liens. Entre les paroles de Yoongi et tout ce qu'il avait vécu. Sa pauvre et misérable vie, merdique à souhait, passant de sa naissance dont il ne se souvenait pas, à son enfance cauchemardesque, à l'amour de sa mère qui n'avait jamais été réel, aux reproches et aux nombreux coups d'un père qui n'avait jamais été le sien, jusqu'à la mort de l'être qu'il avait le plus aimé.

Evidemment, Jungkook avait toujours pensé que tout avait été de sa faute.

Qu'il soit ou non le fils de ce Hadès ou d'un autre ne lui aurait jamais fait changé d'avis.

Bien qu'il n'aurait jamais pu y changer quoi que ce soit, parce qu'on ne pouvait changer le destin.

Alors c'était ça...

« Le seul être capable de se tenir prêt de toi, c'est Taehyung. » ajouta Yoongi en serrant la mâchoire, « Mais regarde ce qu'il a fait...Il s'est servi de nous tous. De toi, pour t'embarquer, de Jimin, de Namjoon, de Hoseok, et même de moi...Tous ces gens. Mais toi...Tu as réussi là où nous avons tous échoué. Peut-être qu'il y a quelque chose d'humain en lui, finalement...»

Humain, disait il ?

Comment quelque chose pouvait encore paraître "humain" dans tout ce merdier ?

Jungkook se le demandait vraiment.

Il se demandait qui il était, d'où il venait, pourquoi on l'avait toujours abandonné. Car finalement, si tout cela était vrai, alors il aurait pu avoir une sorte de pouvoir pour l'empêcher, non ?

Il aurait été assez fort pour retourner en arrière et tout recommencer.

Il aurait pu s'effacer, faire en sorte de ne jamais être né, pour épargner tous ceux qu'il avait aimé, et tous ceux qu'il aimait.

« L'orphelinat...Je ne sais pas ce qu'il l'a poussé à le faire, mais des gens sont morts, Jungkook. Des enfants sont morts par sa faute. »

Soudainement sorti de ses songes, le visage crispé et les poings serrés contre ses cuisses, Jungkook releva les yeux.

« C'est lui qui a fait ça ? »

Yoongi ne répondit pas, du moins, pas oralement, et se contenta de hocher la tête.

Il ne vit pas arriver la naissance de la haine chez son cadet qui se releva brusquement, emportant sa chaise au passage qu'il jeta à travers la pièce. Sa force étonna quelque peu Yoongi, qui réussit à le retenir de justesse.

« Crois moi, la meilleure solution est que tu t'en ailles. Si tu tiens encore à des gens, si tu l'aimes et que tu veux le protéger, il faut que tu partes. »

« Dis-moi où il est. » pestiféra Jungkook, en le menaçant d'un regard noir.

« Tu es en danger ici, Jungkook. »

« Ou. Est. Taehyung. » répéta Jungkook en retirant férocement son bras, d'une telle force que Yoongi ne put le retenir.

« Je veux le voir, dis-moi où il est. MAINTENANT ! » hurla Jungkook, prit d'une haine immense.

Maintenant, il voyait rouge.

Il serra les poings si fort qu'il ne pouvait en ressentir la douleur, si ce n'est juste la haine qui s'en évaporait encore et encore.

Dans son coin, Yoongi souffla et laissa retomber sa tête, comme s'il semblait désespéré, puis il releva les yeux vers son cadet, qui n'avait pas bougé d'un pouce. Il put lire en lui, et ressentir toute la colère qui l'animait. Et malgré tout, malgré ce qu'il était, Yoongi senti un sentiment de peur s'emparer de lui.

Il avait devant lui un être tout aussi puissant, si ce n'est plus que ce qu'il n'avait jamais été.

Et quelque part, bien qu'il se débattait intérieurement contre cela, il ressentit presque le besoin de s'incliner devant lui pour l'implorer de retrouver son calme.

Mais il ne le fit pas, et se contenta de souffler une deuxième fois avant de prononcer à voix basse :

« Tu le verras bien assez tôt. »







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On assiste petit à petit à l'avènement du personnage de Jungkook, ainsi qu'à la descente aux Enfers de Taehyung, pas vrai ? Je me demande ce que à quoi vous pensez pour la suite, qui est déjà en cours d'écriture. 

Je vous laisse découvrir la dernière intervalle de l'histoire. Vous savez très bien de qui je parle et je sais que vous l'attendiez depuis le début. Alors gloire au plus beau personnage de cette fiction, j'ai nommée Kim Taehyung. 


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