1er novembre, 9h.

Jungkook n'avait pas dormi de la nuit que la journée qui s'annonçait allait lui paraître très longue. Assis dans son lit, il touchait son visage sur lequel apparut une grimace : il avait un mal de chien. Il n'arrivait même pas à respirer correctement, sa bouche lui semblait énormément gonflée, et il ne pouvait pas lever le sourcil gauche sans se plaindre. Il se leva et traîna des pieds sur le sol jusqu'à la salle de bain. En allumant la lumière, il releva la tête. Faisant face au miroir, il découvrait le réel massacre qui avait eu lieu sur son visage.

Il m'a pas raté ce connard.

Puis il glissa une main jusqu'à son cou, sur lequel des marques apparaissaient. Ça ne faisait pas particulièrement mal, mais c'était bien moche.

Lui aussi n'y est pas allé de main morte.

Le jeune brun s'aspergea le visage d'eau fraîche puis sortit en direction de la cuisine. Jin n'avait pas bougé. Il était là, avachi sur le canapé, une gueule de bois pas possible et l'air un peu gêné. Il regarda son ami dans la cuisine, qui avait mis une casquette noire qu'il portait bas sur son visage. Il croisa son regard et s'apprêtait à parler quand Jungkook lui fit signe pour l'arrêter.

« Ne dis rien, Jin. S'il te plaît, ferme-là. »

« Mais ton visage...»

« Stop ! N'en dis pas plus ! » insista Jungkook sur un ton particulièrement agacé.

« Ok. »

Jungkook se servit un café, boisson à laquelle il ne cédait que lorsqu'il était énervé ou qu'il n'avait pas assez dormi. En l'occurrence, c'était le cas pour les deux. Il se positionna devant la fenêtre amenant la tasse à ses lèvres.

« Bouge Jin, on va être en retard à la fac. »

« Mais j'suis complètement naze là...»

« Bouge. On y va. Faut qu'on carbure là ! »

« Ok, ok, c'est bon ! »

*

Trente minutes plus tard, les deux amis se trouvaient aux portes du campus. Autant dire qu'ils n'étaient pas dans la meilleure forme qu'il soit : l'un, le visage complètement blanc, avait l'air d'avoir envie de vider ses tripes à chaque pas, tandis que l'autre, casquette sur la tête -alors qu'il n'y avait pas particulièrement de soleil- semblait sortir d'un mauvais combat de boxe.

Au loin, ils aperçurent Hoseok qui leur faisait un signe de la tête, tout en venant à leur rencontre, les abordant avec son indécollable sourire radieux, mais discret.

« Salut les gars, ça va ? »

« On fait avec...» lui répondit Jin, une main sur le ventre.

« Et toi Kook ? Il t'a vraiment pas loupé là...»

Les deux amis se regardèrent un peu gênés, tandis que Jungkook ne prenait même pas la peine de relever la tête.

« Bon euh... Ça vous dit d'aller boire un café ? Le cours est annulé. »

Les trois amis se rendirent donc à la cafétéria. Un café à la main -chose que Jungkook se surprenait à faire- Jin relança la conversation.

« Franchement, j'ai pas compris pourquoi il avait pété un plomb celui-là ? » s'écria t-il.

« Ah ouais ? » lui répondit Jungkook, toujours aussi agacé.

« Yoongi n'est pas très sympa, c'est vrai, disons qu'il a mauvais caractère...» répondit Hoseok.

« J'dirais pas ça...» souffla Jungkook, « J'dirais plutôt que c'est une merde sans nom. »

« Ouais ! On a rien fait en plus ! »

Jungkook eut un léger rictus sournois.

« Si t'arrêtais de tourner autour de son mec Jin, on en serait pas là. »

« QUOI ? Mais c'est n'importe quoi ! »

Hoseok regardait les deux amis se balancer de multiples reproches, quand soudain Jimin s'approcha de leur table.

« Salut les gars...ça va ? » demanda-il timidement.

Jungkook releva la tête et ses yeux lancèrent de véritables éclairs au blond, qui se sentit très vite mal à l'aise. Jin perdit alors tous ses moyens, et comme Jungkook le maudissait aussi du regard, il lança un faible signe de la main à Jimin, tout en baissant la tête.

« Salut...»

Il restèrent comme ça tous les quatre, sans rien dire. L'atmosphère était pesante. On entendait presque les mouches voler. Puis Hoseok se leva d'un coup, mal à l'aise, et les salua, une jolie étudiante venait de lui faire signe. Au fond, il la remerciait silencieusement de l'avoir sorti d'un tel pétrin.

Jimin était resté debout, il n'osait même pas s'approcher d'un pas de plus de la table, au risque de tomber sur des mines tant Jungkook était en colère. Il était comme pétrifié. Une vraie statue. Il aurait pu avoir sa place dans un musée.

« Bon...» commença le blond, « Je vais vous laisser, je dois aller m'acheter une tenue pour mes repets...»

Jin sauta sur l'occasion de se dérober à son ami. Il était bien trop risqué de rester près d'un Jungkook en colère et de mauvais poil.

« Je peux venir avec toi ?»

« Bien sûr ! »

Jin attendit tout de même que Jungkook relève la tête, rien. Quand il était en colère, il ne fallait vraiment pas insister.

« On se retrouve à l'appart ce soir Kook ! »

Il resta là quelques secondes, attendant un signe d'approbation de la part de son ami, qui n'arriva pas. Puis il haussa les épaules déçu et s'éloigna aux côtés du blond.

Jungkook, seul, et franchement à fleur de peau regarda sa montre : il était onze heures.

Il avait le temps d'aller au village. Il comptait bien y aller pour rencontrer Namjoon et essayer de récupérer quelques informations. Il devait en savoir plus, apprendre ce qu'il s'était passé à cette soirée où ils avaient surpris ces gens cagoulés. Et puis, son meilleur ami l'avait lâchement abandonné pour la journée afin d'aller faire il ne savait quoi avec Jimin.

L'état de Taehyung l'avait tout de même inquiété, il y avait quelque chose de pas très net dans cette histoire. Qui était réellement Namjoon, qui était réellement Taehyung ?

Pourquoi avait-il l'impression que ce mec n'avait pas tant de "petits problèmes dans la tête" que ce que Namjoon avait laissé croire ? Pourquoi ce mec hantait ses pensées les plus sombres ? Et puis Pourquoi l'avait-on assommé ?

Ils étaient frères après tout, on ne pouvait quand même pas traiter son frère de cette manière... Si ?

Le jeune homme devait en savoir plus sur ce village, ainsi que sur ses habitants.

*

Une heure plus tard, il était devant cette grande porte de bois et s'annonçait à la jeune femme à l'accueil. Namjoon vint l'accueillir en personne les bras grands ouverts. Mais lorsque ce dernier s'approcha de Jungkook, et découvrit l'état de son visage, il parut un peu inquiet laissant tomber son beau sourire.

« Bonjour Jungkook, je suis ravi de te voir, je ne m'y attendais pas si tôt. Entre, je t'en prie, tu es le bienvenu ! »

« Merci. J'avais du temps libre alors j'me suis dit que c'était l'occasion pour venir prêter mes bras à la communauté. »

« C'est très gentil de ta part ! » répondit Namjoon en lui offrant son sourire le plus sincère, « Sinon dis moi, comment tu vas ? Je suis vraiment désolé pour ce qu'il s'est passé hier... J'ai repris Yoongi, il ne recommencera plus. J'espère que ce n'est pas trop douloureux ? »

« Et ton frère, comment il va ? »

C'était dit. Jungkook avait cédé à la curiosité. Il n'avait pensé qu'à ça en chemin.

Namjoon le regarda, surpris que celui-ci lui pose cette question. Jamais personne ne s'inquiétait pour Taehyung, à part lui. Et pour bien d'autres raisons.

« Je suis désolé pour lui aussi, il est...Comment dire...Un peu instable et il ne sait pas s'arrêter. Je suis encore désolé pour ce que tu as dû subir et que tu ai dû assister à cette petite scène, mais... Je n'avais pas le choix, il ne m'aurait jamais suivi sinon, il avait bu...»

Jungkook n'était pas du même avis. Le Taehyung qu'il avait vu ce soir-là était bel et bien en possession de tous ses moyens, et en aucun cas, il ne lui avait paru être instable.

Dangereux, peut-être. Mais instable, non. Il savait très bien ce qu'il faisait.

« La dernière fois que tu es venu, je n'ai pas eu le temps de te faire découvrir notre orphelinat, suis-moi, tu pourras apporter ta contribution là-bas ! » Namjoon ne s'attarda pas sur le sujet et entraîna Jungkook avec lui posant sa main sur son épaule.

Les deux jeunes hommes arrivèrent devant une hanok bien plus grande que les autres. Elle avait l'air d'avoir fait son temps, mais elle restait tout de même bien accueillante. C'était de vieux bouts de bois abîmés devant lesquels jouaient quelques enfants, qui devaient avoir entre cinq et dix ans.

Le spectacle était merveilleux à voir, et également à entendre. Les enfants étaient heureux, leur sourire pouvait faire de la concurrence aux rayons du soleil tant leur chaleur faisait un bien fou au cœur du jeune homme.

Leurs sourires étaient le remède à tous les maux. Jungkook avait d'ores et déjà jeté toute sa colère aux oubliettes. Il souriait lui aussi, tout en imprimant ces belles images dans sa tête. Il se promettait à lui-même de revenir afin de prendre de jolies photos. Il était certain que les enfants en seraient ravis.

« On accueille beaucoup d'enfants maltraités ou abandonnés. Quand je vois leurs sourires, je suis vraiment fier de me dire qu'ici, ils peuvent vivre en étant heureux. »

Namjoon, les mains dans les poches, avait lui aussi un air béat face aux gamins.

« Tu sais Jungkook, je pense réellement que tout le monde mérite une seconde chance. Ces enfants, je n'imagine même pas ce qu'ils ont dû vivre dans le passé. Ce par quoi ils ont dû passer avant de pouvoir s'arrêter un instant pour reprendre leur souffle. C'est extrêmement important pour un enfant de s'épanouir et de grandir dans un environnement sain. C'est ainsi qu'ils se construisent, si l'environnement n'est pas bon, alors ils perdent pied....Après tout, ce ne sont que de petits êtres à la recherche de ce qui les rendra heureux. Quand je les regarde, tu sais ce que je vois ? »

Namjoon fit une courte pause, tout en ne relâchant pas son beau sourire.

« Quand je les regarde, je vois l'avenir. Que serait un avenir sans sourire...Le monde est déjà bien trop vaste et triste. La plupart des gamins que tu vois ici ont réussi à sortir de leur enfer. On ne peut que les applaudir pour cela. Ce n'est que leurs premiers pas dans la réalité de ce monde. »

« Qu'est-ce qu'il leur est arrivé ? »

« Leurs histoires seraient de véritables scénarios de cauchemars. Je ne sais pas tout, certains refusent encore d'en parler. On ne peut pas leur en vouloir, tu sais. Ils ont totalement intégré ce qui leur est arrivé, du moins, ils refusent de l'accepter. C'est une des particularités du psychisme humain. Lorsqu'un événement ne peut être intégré, on le refoule. On le cache, on le dissimule loin. Très loin dans un petit recoin de notre tête, afin de pouvoir vivre malgré tout. La charge n'en est pas moins lourde, du moins, on finit par oublier...»

Jungkook écoutait son aîné avec attention. Namjoon était un être incroyablement intelligent, sa vision du monde était des plus nobles, et ses paroles ne faisaient que renforcer cette idée. Elles faisaient écho à sa propre vie.

« Oublier ? »

« Je dis ça, mais on oublie jamais un traumatisme. C'est le terme que l'on utilise en psychologie. On parle de traumatisme pour un événement que l'on intègre sans vraiment l'assimiler. À vrai dire, le fonctionnement est bien plus complexe. Surtout pour les enfants. Je dirais qu'on se contente de laisser traîner, ici et là. Mais il ne disparaît jamais. Et lorsqu'il surgit, tout vacille. C'est à partir de là que l'on parle de traumatisme. »

« Que sais-tu à propos des enfants qui ont décidé de parler ? »

Un petit garçon passa devant eux, offrant un sourire resplendissant au plus vieux. Ce dernier le lui rendit en lui faisant un signe de la main. Il avait l'air d'être apprécié.

« Certains d'entre eux ont été amenés ici par la police locale. Alors il arrivait que l'on nous raconte leurs histoires. Et à chaque fois, je me retenais de pleurer. »

Le jeune homme se mordit l'intérieur de la joue. La violence, il en connaissait un rayon. Il était bien placé pour savoir que le rôle de parent n'était pas toujours aussi beau que ceux que l'on voit dans les contes.

Il était difficile pour Jungkook d'imaginer le visage de Namjoon en proie à la peine. Cela devait être une expression bien rare chez lui. Du moins, c'est ce qu'il pensait. L'aîné rangea sa main dans la poche de son blouson avant de reprendre.

« Ils étaient nombreux à avoir subi des maltraitances. On les récupérait parfois avec d'énormes bleus, deux avaient des côtés cassés. Ils refusaient de se nourrir, répétant que s'ils cédaient à la gourmandise, ils se feraient punir. Et par punir, je veux dire frapper jusqu'au sang. Le petit garçon que tu vois là-bas, il a eu huit ans cette année. Sa mère est décédée lorsqu'il avait trois ans, il ne lui restait plus que son père. C'est certain, c'était un véritable enfoiré. Je ne dis pas qu'il a mérité son sort, mais que c'est une honte d'en vouloir à un pauvre gamin pour une mort dont il n'est pas responsable. »

« Qu'est-ce qui lui est arrivé ? »

« Il est mort dans un incendie. Une drôle de fin amer pour un pompier, cela dit. »

Jungkook posa les yeux sur ce petit être au beau sourire qui jouait au ballon un peu plus loin. Il le regardait autant avec peine qu'avec compassion.

Je te comprends, mon grand.

« Le gamin n'avait pas de famille, à part ses parents. Donc les agents sont venus ici afin que l'on s'occupe de lui. Personne n'arrivait à l'approcher, alors je m'en suis occupé moi-même. Je suis fier de dire que c'est un brave garçon aujourd'hui. »

« Vous avez des contacts avec la police ? »

Bien que les confessions de Namjoon étaient prenantes, Jungkook n'en oubliait pas la raison de sa venue : repartir avec de nouvelles informations. Le village était déjà très proche des marchands de la ville d'Andong, ils avaient donc pas mal de contacts économiquement parlant. C'était intéressant d'apprendre et de creuser quels étaient leurs liens avec la police.

« Oui. Nous sommes intimement reliés au commissariat du centre d'Andong. Comme tu as pu le voir, il n'y a pas grand chose autour de chez nous. Alors nous nous référons énormément à la ville. Cela nous permet aussi d'avoir leur protection et leur aide. »

« Ah, je vois ! »

Autant dire que si une secte se cachait réellement derrière les murs du village de Hahoe, elle était extrêmement bien ficelée. Qui pourrait se soucier des activités d'un village qui prône autant de bonnes valeurs, après tout.

« Tu disais vouloir nous aider tout à l'heure, non ? Regardes, nous prévoyons de faire quelques travaux pour l'orphelinat. Je souhaiterais l'agrandir un peu, afin de créer une grande pièce destinée aux enfants et à des activités ludiques, qu'est-ce que tu en penses ? »

« Ce serait super ! Je suis certain qu'ils seraient ravis, qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ? »

Alors qu'ils s'avançaient près du bâtiment, Jungkook releva la tête et tomba nez à nez avec une petite fille qui devait avoir six ou sept ans. Le jeune homme s'arrêta net, tel une véritable statue.

Tandis que Namjoon avançait tout en continuant ses explications, Jungkook lui, ne pouvait plus faire un seul pas. Il n'entendait plus rien, il ne voyait plus rien. Plus rien, à part elle.

Cette petite fille était très jolie, elle avait de longs cheveux noirs qui s'arrêtaient au milieu de son torse. Son visage était délicat, elle avait de jolis yeux ronds, aussi sombre que la nuit. Son petit nez relevait d'une œuvre d'art et ses petites lèvres roses décoraient le tout à merveille. Elle s'avançait petit à petit vers Jungkook, ses yeux plongés dans les siens.

Ce visage.

« Jungkook ? Tu vas bien ? »

La petite s'approcha faisant face au jeune homme, qui se laissa tomber sur ses genoux afin d'être à sa hauteur. Elle lui tendit d'abord une fleur, qu'il accepta machinalement. Il ne bougeait plus et laissait ses fines petites mains parcourir les traits de son visage abîmé. Le doux bout de ses doigts parcourait son arcade sourcilière gauche protégée par un petit pansement blanc, puis ils glissèrent sur sa bouche écorchée.

« Tu as mal ? » dit-elle.

Cette voix.

Tout était figé. Le vent, le léger chant des oisillons, le temps. Jungkook ne voyait et n'entendait plus qu'elle. C'était elle contre le monde.

Est-ce toi ?

« J'espère que tu n'as pas trop mal...»

Jungkook restait silencieux, bien trop abasourdi pour chasser les quelques larmes qui coulaient déjà sur ses joues.

« Jungkook ? Est-ce que ça va ? »

La petite main de la jeune fille descendit petit à petit sur le cou de son aîné, assez lentement. Elle avait peur de lui faire mal. Il tremblait déjà. Puis ses petits doigts s'arrêtèrent sur son collier. Intriguée par son motif, elle attrapa la petite étoile qui trônait sur la peau du jeune homme.

« C'est trop joli, une étoile ! »

Les yeux du jeune homme ne se fermaient même plus. Sa vue était totalement brouillée par les larmes, mais il tendit la main. Il tendit la main sur le doux visage de cet enfant dont il explorait les traits de son pouce. Ses gestes étaient aussi doux que les siens. Son pouce effectuait de légères caresses. Comme si elle était la chose la plus fragile du monde. Comme si elle pouvait se briser en mille morceaux.

« Sa-rang...» chuchota-t-il.

« Jungkook, il y a un problème ? » demanda Namjoon, inquiet.

Le jeune homme ne répondit toujours pas. Il tremblait de plus belle. Ses doigts continuaient leur parcours sur le visage de cette petite. Cette réincarnation de l'être qu'il aimait le plus sur terre. De l'être qui lui manquait cruellement, chaque jour.

Namjoon comprit que quelque chose se jouait bel et bien devant lui. Cette scène était comme hors du temps. Plus rien n'existait, à part ces deux êtres, qui pourtant ne s'étaient jamais rencontrés, mais qui semblaient si unis. Il s'approcha alors de son ami, posant délicatement la main sur son épaule.

« Non, moi c'est Sooyon ! » répondit la petite.

D'un revers de la main, Jungkook essuya les larmes qui coulaient sur son visage. Il donna une dernière caresse à la petite Sooyon avant de se relever puis il tourna les talons. Il allait vite, très vite. Plus il posait un pas sur le sol, plus il accélérait.

« Jungkook ? JUNGKOOK ! »

Namjoon le suivit à la trace, courant du plus vite qu'il pouvait afin de le rattraper. Ce fut difficile, mais il réussit à attraper sa manche de justesse.

« Qu'est-ce qui a ? Il y a un souci ? Tu peux me le dire, Jungkook. »

Namjoon se voulait rassurant, mais il ne pouvait pas cacher son inquiétude dans sa voix.

« N-Non...Je d-dois...Je dois partir ! »

Sans prononcer un mot de plus, Jungkook retira violemment la prise de son ami sur sa manche et se remit à courir. Il pleurait tant qu'il ne voyait même pas où il allait. Il se contentait de courir, car ce qu'il voulait, c'était partir.

Partir d'ici, sortir d'ici au plus vite.

Il ne fit même plus attention aux cris de son ami qui tentait de le poursuivre. Il arriva devant la grande porte et cria du plus fort qu'il pouvait pour qu'on lui ouvre. On ne le fit pas attendre, et il s'extirpa dès qu'il entrevit une brèche. La plus minime qui soit.

Il sauta presque au volant de sa voiture et démarra sur les chapeaux de roue. Il ne lança pas un seul regard à son ami, essoufflé près de la porte.

Il pleurait, encore et encore, conduisant dans le flou des plus total. Il ne savait pas où il allait, ni quelle route il empruntait. Il se contentait de conduire, d'accélérer encore et toujours.

Plus vite.

Plus loin.

À lui seul, il aurait pu déchaîner un véritable torrent tant les larmes chaudes se multipliaient sur son visage. Ca lui faisait mal, ces chaudes larmes. Il lui devenait alors presque impossible de respirer.

Il arrêta la voiture d'un coup sec, provoquant un amas de fumée. Il ne reconnut pas l'endroit où il s'était arrêté, et se contenta de sortir de la voiture en claquant la porte. Il était presque tombé, mais se releva du mieux qu'il pouvait avant de grimper.

Il grimpa, encore et encore sans jamais s'arrêter.

Les larmes continuaient de couler sur ses joues, il avait presque envie de se les arracher.

Ca faisait mal, bien trop mal.

Stop.

Arrêtez.

S'il vous plaît.

À bout de souffle et démuni de toute énergie vitale, le jeune homme s'écroula les genoux les premiers tout en haut de la falaise qu'il visitait pour la seconde fois.

Cette fois-ci, il ne fit pas attention au joli paysage qui était en dessous, ni aux personnes qui devaient certainement continuer de vivre leur vie paisible.

Il ne fit pas attention aux quelques détails, qui auraient pu lui rappeler sa chute, ce jour-là.

Plus rien n'existait, plus rien ne comptait. Le temps était comme mis sur pause. Une pause bien trop longue qui lui brisait le cœur une nouvelle fois.

Sur les genoux, les yeux remplis de larmes, Jungkook cria ses dernières forces à pleine voix. Il était certain de ne plus pouvoir placer un seul mot après ça, mais il s'en fichait. Il se fichait de tout à cet instant, tant il souffrait.

Il avait cru la revoir, l'espace d'un instant.

Les larmes ne cessaient de couler.

Parce qu'elle n'était plus là.

« SA-RANG ! »