Chapitre 5 : Papa
Toujours calés l'un contre l'autre, ils sursautèrent lorsqu'un coup léger fut donné à la porte. Shigeo, de sa petite voix, signifia aux deux autres que le petit-déjeuner était prêt et qu'on attendait plus qu'eux. Ritsu et Shou réalisèrent alors dans quelle position ils étaient et se décollèrent brutalement, le rouge aux joues. Oui, ils étaient habitués au contact physique mais un câlin aussi intime et précieux était sans doute un peu trop pour eux. Toujours en pyjama, ils descendirent les escaliers, essayant d'éviter le contact peau à peau. Même les légers frottements de doigts les firent rougir d'autant plus et ils essayèrent de rester assez éloignés l'un de l'autre mais suffisamment rapprochés pour ne pas éveiller les soupçons. Après tout, tout le monde était habitué à voir Shou, un bras drapé sur les épaules de Ritsu. Ils arrivèrent dans le salon et le petit-déjeuner se passa relativement bien.
Que Shou ait autant parlé à Ritsu de ses ressentis et de ses peines lui avait fait un bien fou. Il se sentait libéré d'un poids mais il restait tout de même une zone d'ombre dans son esprit. Il se demandait bien comment il allait faire pour en parler à son meilleur ami. Bien sûr, c'était son meilleur ami, il l'avait toujours accepté pour tout. Même son addiction plus qu'évidente à la crème glacé. Mais ça, c'était autre chose. C'était tout un pan de son passé et de lui-même qui plus est. Il ne savait pas comment le corbeau réagirait à l'annonce. Il allait peut-être lui dire en demi-teinte. Lui parler d'autre chose et glisser l'info. Peut-être que l'autre esper ne s'en rendrait pas compte. Il espérait. Il ne voulait même pas savoir ce qu'il se passerait si Ritsu le rejetait ... comme les autres. Comme son père l'avait fait.
Alors qu'il était une fois de plus profondément plongé dans son esprit, se torturant quant à la situation, Ritsu avait bien vu son malaise et s'inquiétait. Pensait-il à sa mère ? Ou était-ce autre chose ? Il espérait sincèrement que ce n'était que ses interrogations futiles qu'il se posait toujours et dont il s'investissait trop. Il ne voulait pas que le roux se replonge dans ses cauchemars. Il était réveillé, oui, mais pour lui, c'était la réalité qui était un cauchemar après tout. Après le repas, il attrapa le poignet de Shou et se précipita dans sa chambre. La porte fermée, il encercla Shou de ses bras et tint fermement sa prise. Il ne voulait pas le lâcher. Il avait l'impression que s'il le faisait, son meilleur ami s'en irait. Pour sans doute ne jamais revenir.
L'un dans les bras de l'autre, ils étaient biens. Il n'y avait que l'autre qui comptait. Mais ils devaient tout de même se lâcher pour s'habiller. Une fois prêt, Ritsu ne voulait pas que Shou déprime toute la journée sans rien faire, il l'emmena donc dehors, dans les rues, qui, par maintes fois avaient vu leurs éclats de rire, leurs pleurs et leurs touches sur les épaules, les joues, les cheveux. Ces rues les avaient vu eux, juste eux. Rien de plus que deux garçons qui s'amusaient ensemble. Et maintenant, ces rues les voyaient à nouveau, ensemble. Rien que deux garçons. Mais cette fois-ci, les deux garçons avaient un poids, qui mettrait sans doute du temps avant de s'en aller. Ils marchaient en silence, parce qu'ils ne savaient pas quoi dire. Non, ce n'est pas qu'ils ne savaient pas quoi dire, c'est qu'ils avaient sans doute trop de choses à vouloir se dire. Ils voulaient tout déballer, d'un coup, pour s'en débarrasser. Comme avec un pansement. Mais la vie n'était pas un pansement.
Alors ils continuaient de marcher. Ils avaient chacun en tête une direction mais ils faisaient durer tous les deux. Ils connaissaient cette ville comme leur poche, et les petites rues en dédale encore plus. Ils ne pouvaient pas se tromper. Peu importe où ils allaient, ils prenaient le chemin le plus long. Mais ils s'en foutaient, ça leur faisaient du bien de juste marcher. Comme s'ils n'avaient pas de but précis. La seule chose qui comptait, à ce moment-là, c'était le ciel sans nuage, les cris d'enfants qu'ils entendaient au loin, le silence perturbé par les cris d'oiseaux en tout genre que Shou aurait volontiers dessiné. Ils marchaient. Parce qu'ils en avaient besoin, sûrement. Leurs épaules se frôlaient, leurs mains aussi, de temps en temps, leurs jambes, parfois même leurs pieds. Ils avaient tous deux une furieuse envie de se rapprocher plus, de se serrer l'un contre l'autre, de ne jamais se séparer. Mais dès que Shou en évoquait l'idée dans son esprit en bataille, il se rappelait des paroles de son père et se retirait subitement.
Ritsu avait bien vu que quelques fois, Shou se rapprochait doucement, avec lenteur, une lenteur qu'il ne lui avait jamais connu, mais il se retirait. Avec la même vivacité qu'il lui connaissait habituellement. Mais normalement, c'était l'inverse. Shou se précipitait vers lui, l'enserrait, et retissait à le laisser partir. Le corbeau se mordit la lèvre, encore quelque chose qu'il ne comprenait pas. Il avait l'impression qu'il ne connaissait plus rien du garçon hyperactif et qui sautait sur les toits à une heure du matin qu'il connaissait. Ça le rendait triste, il voulait tout savoir, il voulait qu'il se confie à lui comme il l'avait toujours fait. Ritsu essayait, souvent en vain, de garder les yeux ailleurs que sur le rouquin. Quant au rouquin, il serrait les poings, sans doute plus qu'il ne le devrait, et gardait fermement sa tête rivée vers le sol. Ils ne se regardaient plus. Encore une nouveauté. Alors qu'avant, ils avaient l'habitude de se bouffer du regard sans même se rendre compte de tous les sentiments que ça attisait en arrière-plan.
Ils marchèrent dans cette ambiance pesante pendant encore quinze minutes. Quinze minutes qui en parurent cent aux yeux du télékinesiste. Ils arrivèrent finalement sur une petite colline, qui surplombait la ville, offrant une vue incroyable. De là, ils pouvaient tout voir. Le pyrokinésiste avait toujours aimé les endroits en hauteur. Il avait toujours aimé les endroits d'où il avait l'impression que personne ne pouvait le regarder de plus haut. Il se sentait libre, dans cette liberté fictive que lui offrait son père. Enfin arrivés, Ritsu observa son meilleur ami étendre les bras, comme s'il cherchait à s'envoler, un peu inutile, parce qu'il savait réellement voler. Il le regarda de haut, ne voyant que ses cheveux flamboyants, sa veste flottant au gré du vent, et cette impression que Shou se sentait mieux lorsqu'il n'avait pas à sourire faussement à n'importe qui. Il le voyait de dos, mais même de dos, Ritsu avait l'impression qu'il pouvait voir ses yeux fermés, ses traits détendus, son demi-sourire, sa liberté, durement acquise.
Ritsu fut soudainement envahi d'une lourde tristesse. Pour ce qu'avait dû traverser le rouquin sans qu'il ne soit là pour le soutenir. Sans qu'il n'y ait personne pour lui dire « tout va bien, tout ira mieux demain, tu verras ». Ritsu se mordit les lèves, empêchant les larmes de couler, il devait rester fort pour lui. Pour lui. Lui qui était devenu la constante de sa vie. Lui, pour qui son univers tournait tout entier. Ritsu releva la tête, s'approcha doucement, tendit la main, essayant d'attraper cette veste, cette veste qui signifiait plus qu'un simple cadeau. Lorsqu'il la toucha enfin, lorsque ses doigts s'avancèrent plus loin sur le tissu, pour, enfin, toucher la peau claire du garçon aux tâches de rousseur, celui-ci se retourna brusquement, mettant ainsi un terme à son état d'émerveillement personnel. Shou s'était reculé comme si quelque chose l'avait brûlé. Ce qui était ridicule, puisqu'il manipulait le feu.
Mais ce que remarqua Ritsu en premier ne fut pas les gestes précipités de celui en face de lui mais la peur dans son regard. Et ce regard, Ritsu l'avait déjà vu. Shou n'avait pas peur de quelqu'un d'autre, de ce qu'on pouvait lui faire. Shou avait peur de lui-même. Parce que, quelque part, Shou avait toujours eu peur de lui, de ce qu'il était capable de faire, de sa filiation. Il le dissimulait derrière des sourires plus ou moins vrais mais le résultat était le même, Shou avait toujours eu peur de ce qu'il pouvait faire. Parce que ça l'avait éloigné de sa mère, parce que ça l'avait amené à faire ce que son père voulait. Les circonstances étaient différentes, maintenant, mais le résultat était le même, toujours.
Ritsu écarquilla les yeux, il avait déjà vu ce regard, bien sûr. Il avait tout vu de Shou. Mais ce regard n'avait jamais été directement dirigé vers lui. Quelque chose se brisa en eux deux. Ritsu croyait avoir tout vu, toutes les expressions de Shou, envers lui ou pas. Et Shou avait toujours la même voix qui tournait en lui, comme un disque rayé. « Ne fais pas ça. C'est mal. Tu n'es pas normal. » Shou s'effondra à terre, se tenant la tête et éclatant à nouveau en sanglots, prenant Ritsu au dépourvu.
« Shou : Ne t'approche pas. S'il te plait, ne t'approche pas.
Ritsu : Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je ferais ça ? Tu vas mal et je refuse de voir ça.
Shou : Mais c'est pas bien. C'est mal. *pleure toujours* Toi aussi, tu vas t'en rendre compte. Ça doit déjà être le cas. T'as toujours été intelligent.
Ritsu : Me rendre compte de quoi ? Shou ! Explique-toi ! Je ne peux pas comprendre si tu ne me dis rien ! Qu'est-ce qui est mal ?
Shou : Moi ! Ce qui est mal, c'est moi, c'est ce que je ressens. Ce que je suis.
Ritsu : Ce que tu es ? T'es Shou, putain. *commence aussi à pleurer* T'es mon meilleur ami que je retrouve après deux ans sans nouvelles, brisé, comme je ne l'ai jamais vu. J'espérais retrouver quelque chose avec toi, un semblant de normalité.
Shou : Quelle normalité ?! Il ne peut plus y avoir de normalité !
Ritsu : Et pourquoi ?! Pourquoi il n'y aurait plus de normalité ?! Pourquoi on ne pourrait pas revenir à ce qu'on a connu, avant ?
Shou : Parce que ça, c'était avant. On a grandi, on a vu, on a connu, on a compris des choses. J'AI compris des choses. Des choses sur moi-même qui auraient mieux fait de rester enfermé. Parce que si je ne l'avais pas dit, ma seule famille ne m'aurait pas rejeté, ne m'aurait pas regardé avec tout le dédain du monde, ne m'aurait pas regardé de travers, en me disant que je vaux rien, que je ne suis plus rien à ses yeux.
Ritsu : Shou, de quoi tu parles ? Explique-moi, s'il te plait. De quoi tu parles ? C'est ton père, c'est ça ? Qu'est-ce que tu lui as dit ?
Shou : *tête penchée, Ritsu ne peut pas voir son visage* Je suis gay, Ritsu. Carrément gay. Beaucoup trop gay. Mon père, il déteste ça. Enfin, il s'en foutrait si ça venait d'un autre mais si ça vient de moi, c'est inacceptable. Parce que je suis son seul enfant, que j'étais destiné à prendre sa suite, que j'aurais dû lui construire une descendance. Mais c'est pas possible. Il n'y aura pas de descendance à son empire détruit. Parce que je suis gay. Que je peux pas avoir d'enfant.
Ritsu : *s'effondre au sol* Pour ça ? C'est pour ça ? Que tu refuses de me toucher ?
Shou : *hoche la tête* Je l'entends. Quand on est trop proches. J'entends la voix de mon père dans ma tête, comme s'il utilisait la télépathie. C'est peut-être le cas. Il me dit que je ne suis pas normal, que tout ça n'est pas normal. Que mes sentiments pour toi ne sont pas normaux. Que je ne mérite pas d'être son fils. Que ...
Ritsu : Attends, attends, Shou. Répète. Ce que tu as dit.
Shou : Que je ne mérite pas d'être son fils ?
Ritsu : Non, avant.
Shou : *comprend, relève la tête brusquement, rougit, essaye de s'éloigner*
Ritsu : *le rattraper par le poignet* Répète.
Shou : Que mes sentiments pour toi ne sont pas normaux. *tout bas*
Ritsu : Shou ... Tu as ... des sentiments pour moi ? Dans quel sens ?
Shou : Tu veux que ce soit dans quel sens ?
Ritsu : Je ... je sais pas. Je voudrais ... que ce soit ... comme moi, je crois ?
Shou : Comme toi ? Comment, comme toi ? »
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Cinquième chapitre.
Et voilà, on entre un peu plus dans le cœur du sujet. La romance que tout le monde attend. Celle qui va aider Shou à se reconstruire. Mais bref, ça, ça sera pour plus tard. Pour l'instant, ce n'est que les balbutiements de leur histoire.
Nous avons donc la fameuse révélation d'un Shou gay et les possibilités que ce soit réciproque du côté de Ritsu (même si bon, tout le monde sait que ce sera le cas, c'est un Ritshou après tout).
L'histoire avance doucement mais sûrement. Elle va bientôt s'accélérer, ne vous en faites pas. Il y aura (sans doute) pleins de beaux moments.
Un truc qui m'a fait rire pendant que j'écrivais cette fic, c'est que je cherchais des infos sur Shou et j'ai vu des théories passer (malheureusement en anglais et RIP mon niveau) qui disaient que Shou était vraiment gay dans le canon de Mp100. C'est vrai que moi-même, je me suis posée des questions en voyant Shou et son comportement avec Ritsu. Mais bon, seul One nous le dira. Et puis, son comportement peut-être simplement parce que Shou n'a aucune expérience de l'amitié. C'est impossible que le Ritshou soit canon mais bon, ils restent mignons ensemble. (Oui, je blablate pour rien).
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