27 - Aethernia
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- LEHAHIAH - L'ange de l'obéissance.
***
Nous sommes tous présents à l'entrée de l'académie. Chacun porte son sac à dos, et Hadrien nous distribue des dagues à chacune d'entre nous, et tend l'arc à Liam avec des flèches. Les deux frères ont leur épée céleste et leurs propres dagues.
— Ces armes sont là au cas où, pour vous protéger. Vous ne pouvez pas les activer, mais au moins, elles tranchent, explique Hayden.
— Très bien, tout le monde est prêt ? demande Liam.
Nous répondons tous "oui" chacun notre tour, et nous nous lançons enfin à la recherche de Hailey.
— Suivez la sortie de la forêt derrière l'école. Elise, retiens bien toutes les routes que l'on prend, dit Liam avant de s'envoler.
Nous le regardons s'élever dans les airs, et sans perdre une seconde, nous nous lançons à sa suite. Mon cœur bat plus vite et une montée d'adrénaline me glisse dans le sang. C'est ma première véritable expédition, et l'excitation me gagne à l'idée de cette aventure. Mais très vite, je me ressaisis. Ce n'est pas une simple randonnée, ni un jeu. Hailey est en danger, et nous devons la retrouver à tout prix.
— Hailey, on arrive, dis-je.
Sur leurs visages, je vois qu'on est tous sur la même longueur d'onde et qu'on est prêt à tout pour elle.
***
Nous pénétrons dans la forêt derrière l'académie. Je ne m'y suis jamais aventurée auparavant. De ce côté-là, la forêt est plus dense.
On suit tous Elise, qui scrute attentivement les environs tout en suivant Liam, qui est au-dessus de nous. Ensuite, Ambre la suit de près, accompagnée d'Hadrien. Ils ne parlent pas mais restent côte à côte.
Ils se sont disputés ?
Hayden, lui, ferme la marche, une main sur son épée, nous observant devant lui. Lorsque je tourne la tête pour lui jeter un regard, il rougit légèrement et détourne les yeux vers les arbres.
Il est mignon comme ça, pensé-je.
Mais je dois faire attention. Me souvenant soudainement de ce qu'Olivia m'a dit, Hayden doit être celui dont elle a peur, car Hadrien ne semble pas connaître son existence.
Mon bras ne m'a pas démangé lorsque j'étais seule avec Hadrien... mais il ne m'a jamais brûler en présence d'Hayden non plus.
Je préfère vérifier pour être sûr.
Je ralentis le pas jusqu'à ce que Hayden soit plus proche de moi, puis m'abaisse pour défaire discrètement mes lacets. Hayden s'approche et s'arrête juste à côté de moi.
Je ne ressens rien, mon bras ne me fait pas mal.
— Tu peux passer, dis-je, je finis juste de faire mes lacets.
— Je ne peux pas te laisser seule à la traîne, répond-il calmement.
Je fini et me relève. Je reprend la marche à présent près de lui.
J'hésite à lui en parler. Et s'il se met en colère ? Et si, au contraire, ça le rend triste ?
Nous nous sommes éloignés du groupe, qui ne semble pas avoir remarqué notre arrêt. L'occasion est parfaite, Elise est loin devant et ne peut pas nous entendre.
Je serre fermement mes mains pour me donner du courage, puis souffle un coup avant de me lancer.
— Hayden, j'ai une question à te poser.
— Oui, dis-moi, répond-il sans me regarder, les yeux fixant droit devant lui.
Comment m'exprimer sans parler d'Olivia ?
— Je n'ai jamais vu d'enfant au sein de l'académie, c'est normal ?
S'il connaît Olivia, il réagira.
— Oui, répond-il. Il n'y a que des adolescents et des adultes. Nous ne ressentons la magie des anges qu'à partir de l'adolescence, grâce aux dons des Architectes.
— Oh, je vois. C'est comme ça que tu m'as trouvée la première fois ?
— Exactement.
Un poids s'envole de ma poitrine. Il ne ment jamais. Il ne connaît pas Olivia, ce n'est donc pas celui dont elle parlait. Si ce n'est ni Hadrien, ni Hayden, qui est-ce ?
— Pourquoi cette question ? demande-t-il.
— Oh, rien, juste de la curiosité.
Nous rejoignons les autres, qui se sont arrêtés, tandis que Liam redescend du ciel.
- Nous allons faire une pause, prévient Liam.
Cela doit faire près de deux heures que nous marchons sans interruption. Je ne pensais pas que la randonnée serait aussi épuisante.
Je m'assieds contre un arbre et sors une bouteille d'eau de mon sac. Je remarque que certains du groupe font de même.
— Allez, nous reprenons, exige Ambre.
Elise, assise au sol, la regarde, épuisée.
— Nous venons tout juste de nous asseoir. Laisse-nous le temps de nous reposer.
— Elle a raison, nous devons reprendre la route, chaque seconde compte, intervient Hadrien.
Ambre lui jette un regard et lui sourit, reconnaissante d'être du même avis.
Je me lève et acquiesce.
— Je suis d'accord, allons-y.
Tout le monde est debout, et nous regardons Elise, toujours seule au sol, la bouteille d'eau à la main.
— Bon, d'accord, dit-elle, se sentant forcée.
Liam reprend son envol, et nous nous remettons en marche, chacun reprenant sa place en file indienne.
***
La lumière baisse peu à peu. Je ne sens presque plus mes jambes, et avec les rares pauses que nous avons faites, je n'ai pas pu vraiment récupérer à chaque fois. J'ai avancé uniquement grâce à la force mentale qui me répète de trouver Hailey à tout prix.
Je me sens responsable de sa disparition, alors un mal de pied ne peut pas me faire plus souffrir que la culpabilité que je ressens.
Liam redescend. Ça doit être tout aussi épuisant de voler lentement pendant une longue période.
— Le soleil va bientôt se coucher, prévient Liam.
Cela fait plusieurs heures que nous marchons en faisant de courtes pauses. Je dois avouer que cette randonnée est éprouvante, et la fatigue se fait ressentir rapidement.
— Nous n'allons pas camper ici, tout de même ! s'inquiète Ambre. Il n'y a rien pour nous protéger cette nuit.
Nous sommes sur une colline, et aux alentours, il n'y a que des arbres. Les démons pourraient très bien se cacher derrière et nous attaquer pendant notre sommeil.
— On fera des rondes pour surveiller cette nuit, propose Hadrien.
— Oui, nous ferons comme ça. Nous n'avons pas trop le choix. J'ai vérifié les alentours pendant que j'étais dans les airs, et je n'ai pas vu le moindre démon, dit Liam.
***
J'observe les étoiles apparaître dans le ciel, celles que j'aperçois entre les branches qui se balancent au gré du vent. Du bout du doigt, je suis le contour des deux lunes. L'une est pleine ce soir, tandis que l'autre est en croissant, lui tournant le dos. En plissant les yeux, j'arrive à distinguer une tête de canard.
Un léger vent frais caresse ma peau, portant avec lui une odeur sucrée qui flotte sous mon nez. Probablement celle des felses. Cette plante magique qui guérit instantanément les douleurs et les blessures. Est-ce qu'elle peut guérir des maladies psychologiques en la reniflant ?
— C'est agréable, chuchoté-je en prenant une profonde inspiration les yeux fermé.
Je me redresse, incapable de trouver le sommeil, et me rapproche de Liam. Autant veiller avec lui, puisque je reste éveillée.
— Marie, murmure-t-il.
Il jette un coup d'œil aux autres derrière lui pour s'assurer qu'il n'y a pas de danger.
— Je n'arrive pas à dormir.
— Je vois.
— Je peux m'asseoir là ? demandé-je en montrant une place près de lui.
— Oui, bien sûr, répond-t-il.
Je m'assieds, et nous regardons les alentours.
C'est un spectacle magnifique. Depuis le sommet de cette petite colline, mon regard plonge au-delà de la cime des arbres. Ce qui rend la scène si magique, ce sont les rayons argentés des lunes et les étoiles scintillantes qui se reflètent sur chaque feuille, révélant leurs teintes subtiles tout en dessinant des ombres dansantes sous la brise nocturne.
La nature est apaisante, un vrai remède pour le cœur et l'âme. Je me demande pourquoi, dans mon monde, je ne prenais pas plus le temps de me promener dans les parcs ou les jardins.
— Tu sais, je m'en veux de ne pas avoir remarqué qu'Hailey n'allait pas bien. À cette époque, c'est moi qui passais le plus de temps avec elle, et pourtant, je n'ai pas vu à quel point le manque d'attention de ses frères la bouleversait, confie-t-il.
— Tu n'y est pour rien, Liam. Parfois, on cache nos blessures pour ne pas embêter les autres.
Je le sais car je fais pareil.
— Justement ! Elle n'aurait pas dû penser que je m'en moquerais ou que ça m'embêterait de l'écouter parler de ses soucis.
Je pose une main amicale sur son épaule. À ce contact, il sourit reconnaissant puis se lance dans les confessions :
— Je... Je lui ai avoué mes sentiments, lui montrant toute la force de mes ailes. Elle a même failli s'envoler, juste pour que tu comprennes à quel point elle comptait pour moi. Je tiens toujours à elle, mais elle ne m'a jamais répondu.
Il respire pour ne pas se noyer dans sa peine, avant de se relancer :
- À l'époque, je pensais que l'affection n'était que d'un seul côté. Je ne comprenais pas pourquoi elle m'avait repoussé, s'enfuyant sans jamais me parler à nouveau. Mais aujourd'hui, je pense comprendre qu'elle n'est pas partie à cause de moi, mais plutôt parce qu'elle avait fait quelque chose qui allait à l'encontre de moi, et qu'elle devait en avoir honte. Elle a dû penser que je ne la méritais pas, mais elle se trompe. Cette angelesse, c'est celle qui m'est destinée, c'est notre destin. Elle ne doit pas croire que je changerai d'avis a son égard.
Je le crois. Je me souviens du jour où Hailey les a séparés, Hayden et lui, dans le réfectoire lors d'une bagarre. Il est resté à terre lorsqu'elle l'a frappé, ne voulant pas se battre avec elle.
Il l'aime vraiment, ça s'entend à ses paroles, mais je ne vois pas le rapport entre déclarer sa flamme et la faire s'envoler.
— Comment ça, "elle a failli s'envoler" ? Je ne comprends pas très bien.
— Oh, tu ne sais pas comment les anges se lient ?
— Euh... non. Je devrais ?
— Oui, comment tu saura qu'un angelite ta déclarer sa flamme sinon.
- Par les mots, dis-je lentement.
- Les anges ne se lient qu'une seule fois dans leur vie. Ce lien s'appelle l'Aethernia. Les angelites battent leurs ailes avec force en avant, non seulement pour montrer la puissance de celles-ci, mais aussi pour exprimer la profondeur de leur affection. Quant aux angelesses, si le sentiment est réciproque, elles leur font boire une goutte de leur sang.
M'imaginer ce que Liam me décrit me donne une impression de déjà-vu.
— Les angelesses ne font jamais le premier pas ? demandé-je.
- Oui, bien sûr, cela arrive même assez souvent. Le procédé reste le même. Si une Angelesse se lance dans une déclaration et que l'angelite déploie ses ailes, alors ils se lient à jamais après avoir bu le sang de l'Angelesse. Cependant, il y a une différence. Les angelesses déclarent leur flamme parce qu'elles sont convaincues d'aimer sincèrement la personne en face d'elles. En revanche, lorsqu'une angelite déclare sa flamme, ce n'est pas une décision qu'il prend lui-même, mais ses ailes qui agissent d'elles-mêmes, car elles seules savent qui lui est destiné.
Un souvenir tente de remonter à la surface, mais reste bloqué dans un coin de mon esprit.
— Ça voudrait dire que chaque personne est prédestinée à une autre ?
— Oui. Cela ne se produit pas toujours au premier regard. Pour certains, cela prend quelques jours en présence de l'Angelesse, et pour d'autres, cela peut prendre des mois. C'est propre à chacun. Mais une fois que les ailes ont choisi leur partenaire, c'est pour la vie.
Je trouve ça tellement romantique, surtout comparé à mon monde, où les hommes se contentent d'envoyer un simple 'je t'aime' par texto, souvent sans que cela n'ait de véritable sens.
— Et donc, Hailey ne t'a pas partagé son sang ? demandé-je délicatement.
En m'écoutant parler, je me rends compte à quel point c'est glauque. Mais bon, je ne suis plus à ça près dans ce monde.
— C'est exact... En tout cas, je ferai tout pour lui montrer à quel point je tiens à elle.
Il semble vraiment attaché à elle. C'est un ange véritablement bienveillant et surement le seul que j'ai croisée depuis ma venu dans ce monde. J'élimine tous mes doutes à son égard. Maintenant, il est clair qu'il s'agit d'un amour sincère et les personnes malintentionnés ne doivent probablement pas connaître cela.
Tout à coup, Hayden envahit mes pensées malgré moi, et les souvenirs qui étaient bloqués refont enfin surface.
Il n'en a jamais reparlé depuis cet incident dans la bibliothèque, où il avait littéralement créé des bourrasques avec ses ailes.
Je me souviens des fenêtres grandes ouvertes sous la force du vent qu'il générait, et des livres qui tombaient des étagères, emportés par la violence des rafales. Quant à moi, je glissais presque sur le sol sous l'impact du vent...
Un sourire se dessine sur mon visage, mais je m'en rends compte trop tard.
Attends une seconde, dis-je à moi-même. Ça voudrait dire que...
Lorsque je comprends enfin pourquoi il avait réagi ainsi cette fois-là, mon cœur frappe si fort dans ma poitrine qu'il semble vouloir s'en échapper pour le rejoindre.
Hayden...
Un frisson me parcourt, se transformant en une douce tension électrique qui traverse tout mon corps. Mes mains, agrippant l'herbe, laissent cette tension s'échapper, se dirigeant vers la terre.
Je tourne la tête en direction des autres, derrière nous, et mes yeux scrutent un à un les corps au sol, cherchant celui qui m'intéresse.
- Je ne vois pas Hayden. Tu sais où il est ? demandé-je à Liam.
Il se retourne à son tour, et la réaction sur son visage ne trompe pas.
— Non, je ne sais pas, répond-il.
Il se lève, et je fais pareil.
— Aurait-il eu besoin de se soulager ? se demande-t-il à voix haute.
— Attendons un peu, c'est sûrement ça, essayé-je de nous rassurer.
Tout à coup, nous entendons des grognements non loin d'ici.
Nous nous regardons Liam et moi, réalisant qu'on a bien entendu la même chose.
Et s'il est là-bas, en danger ? Mes yeux balayent les environs, et je remarque qu'Hayden n'a rien pour se défendre, si besoin.
- Il n'a pas pris son épée, remarqué-je.
Je lui montre du doigt son sac au sol et son épée près de celui-ci.
— Réveille les autres et reste ici, près d'Hadrien. Je vais aller voir de plus près ce qui se passe.
Il attrape son arc et déploie ses ailes s'envolant silencieusement dans la nuit, en direction des bruits.
Il n'y a aucun doute, ces grognements sont devenus reconnaissables avec le temps. Ce sont ceux des démons.
Pourvu qu'Hayden ne soit pas en danger.
Je me précipite vers les autres et commence par réveiller Hadrien en lui touchant le bras et en le secouant doucement.
— Réveille-toi, Hadrien. Il y a des démons pas loin.
Il grogne.
— Je rêve ou tu grognes ? Allez, réveille-toi, ce n'est pas le moment d'avoir ta mauvaise humeur du matin, dis-je.
Il ouvre à peine les yeux, l'air de dégoût sûrement dû au fait qu'il n'a pas terminé sa nuit. Mais dès qu'il réalise qu'il n'est pas dans sa chambre, il les ouvre complètement, bondissant sur ses pieds, se rappelant enfin où il est.
Il commence à réveiller Ambre de la même manière que je l'ai fait pour lui, puis secoue Elise en lui donnant de petits coups de pied sur les siennes.
— Réveillez-vous, les démons sont là, prévient-il.
Elles ouvrent les yeux au même moment, entendant ce qu'il vient de dire, et ont la même réaction qu'Hadrien en réalisant qu'elles ne sont pas dans leur lit.
— Où sont Liam et Hayden ? demande Hadrien.
— Je suis là.
Une voix retentit derrière les buissons. Nous voyons Hayden arriver, les mains dans les poches, comme si de rien n'était, à l'opposé de là où Liam est parti.
— Oh non... pensé-je à voix haute.
Ils me regardent tous.
— On avait remarqué ton absence et on a entendu des grognements... commencé-je, paniquée.
— Où est Liam ? demande Hayden, son regard se posant sur l'absence évidente de celui-ci.
— ...Il s'est envolé vers les démons, terminé-je d'une voix tremblante.
Sans attendre une seconde de plus, il attrape son épée et s'envole aussitôt. Une seule seconde lui a suffi pour disparaître dans le ciel.
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