
66 - Fierté
Elrohir contemplait la cascade.
Le bruit de l'eau en chute incessante, le miroitement de la lumière, l'odeur d'humidité, tout lui paraissait si nostalgique.
Appuyé contre le parapet du préau donnant sur les écuries, Elrohir se laissait aller à ses souvenirs. Etrangement il aimait se tenir ici alors que c'était précisément là qu'Isil l'avait endormi pour qu'il ne la suive pas dans sa course folle.
Prendre une telle décision était force de courage.
Elle s'était jouée de lui, de sa naïveté et de ses sentiments naissants mais il n'arrivait pas à lui en vouloir. Elle avait fait ce qui lui paraissait le plus adéquat à cet instant.
Il se rappelait sans peine ce moment. Il sortait des écuries pour chercher apaisement auprès de la cascade, comme il le faisait depuis des décennies, et il avait été surpris de voir Isil s'avancer d'un pas rapide. Aussitôt un doux frisson l'avait envahi, comme à chaque fois qu'il la croisait, étouffant un pressentiment d'alerte.
Il ne se rappelait plus ce qui lui avait dit mais bien de sa surprise à la vue de son sac puis de son inquiétude quand il avait compris qu'elle allait partir.
Elle allait s'en aller loin de lui et déjà son cœur s'y refusait. Tout était encore si clair dans sa mémoire, son angoisse croissante, l'horrible impression qu'à nouveau il perdait le contrôle de sa vie mais alors elle l'avait embrassé. La stupeur avait tout effacé et rapidement fait place à une explosion de bonheur.
Comment s'attendre à cela ?
Leur rapprochement puis la distance qu'Isil avait remis entre eux pour finalement l'embrasser sans préambule...
Elrohir sourit en se rappelant la douceur de ses lèvres sur les siennes puis sa réponse fébrile. Seul l'ardeur de la peau d'Isil avait pu couper court à cet instant puis... le désenchantement.
Ce goût amer sur ses lèvres rapidement suivit par une grande torpeur... Il devait se l'avouer, la peur l'avait envahi quand il avait compris qu'Isil lui avait administré quelque chose au travers de son baiser.
Puis ça avait été le noir.
Parfois il se demandait ce qu'elle avait fait après. Lui avait-elle parlé ? S'était-elle excusée ?
Sans doute...
Ils n'en avaient jamais parlé et c'était peut-être mieux ainsi.
Perdu dans ses pensée, Elrohir n'entendit pas les pas s'approcher et fut surpris de voir son père venir à sa rencontre.
– Isil et Equinoxe sont partis dans la nuit, fit ce dernier comme s'ils continuent une discutions commencée plus tôt.
Elrohir ne put réprimer un sourire.
– Vous ne les voyez donc plus.
Elrond haussa un sourcil avant de reprendre.
– En effet, ils échappent à ma vision mais toi, tu sais où elle est.
Ce n'était pas une question mais une affirmation qui fit à nouveau sourire Elrohir. Ce n'était pas tous les jours qu'il avait l'avantage sur son père.
– Elle me dit enfin où elle va mais même sans cela il est aisé de le savoir. Elle n'a pas pris Le Warg.
Cette fois Elrond fronça les sourcils devant la nonchalance de son fils.
– La Comté, souffla t'il après un temps. Sage décision alors.
Elrohir se contenta qu'acquiescer d'un hochement de tête avant de se reporter sur la cascade.
– Je suis heureux de te voir si comblé et apaisé, reprit Elrond après un temps. Même si tu ne respects plus les traditions ancestrales.
Elrohir grimaça, son père allait lui reprocher son mariage hâtif pour un moment encore.
– Je n'ai jamais vraiment apprécié les grandes festivités, répondit-il en haussant les épaules. Puis ça fait plus d'un an, il serait temps de passer à autre chose, non ?
Ne pouvant le voir, Elrohir imagina la contrariété sur le visage de son père et cela le fit à nouveau sourire.
– J'ai toute l'éternité pour te reprocher ce mariage en cachette...
– Pas en cachette, rectifia Elrohir en se retournant. Il y avait quand même des témoins et on a envoyé des faire-part.
Déconcerté, Elrond fixa un instant son fils puis secoua la tête. Isil avait visiblement déteint sur lui...
Soudain un petit animal gravit avec difficultés les quelques marches puis accourut vers eux avec joie. D'un blanc pur et aux yeux de miel, l'animal vient quémander des caresses. Elrohir l'attrapa et le présenta à son père.
– Puis on vous a offert un Warg en cadeau.
Cette fois Elrond tiqua.
– Tu ressembles de plus en plus à Isil, insolent et désinvolte.
Le Seigneur Elfe prit le tout jeune Warg que son fils lui tendait et l'animal se lova dans ses bras.
– Mais il est vrai que c'est un bon présent pour des excuses.
Elrohir se mordit la joue pour ne pas rire et n'ajouta rien.
– Ton cœur est apaisé, reprit Elrond après un temps à caresser le Warg couché dans ses bras.
– Comme jamais... Je me sens enfin complet, même si je sais que je n'ai pas choisi la facilité, je suis comblé dans mon union avec Isil.
– C'est tout ce qui compte... et je m'excuse d'avance.
– Pour quoi ? S'enquit Elrohir avec méfiance.
Il n'eut pas le temps de regarder autour de lui qu'on le saisit avant de l'entraîner avec force. Surprit, Elrohir ne put que regarder Elladan et Glorfindel l'emmener.
– Où allons-nous ? s'inquiéta t'il alors qu'ils s'éloignaient déjà des écuries.
– Tu as peut-être déjà fêté tes un an de mariage, répondit Elladan. Mais il n'est jamais trop tard pour enterrer ta vie de jeune garçon.
Elrohir était un peu inquiet de cette réponse puis il vit son père, resté sur le parvis des écuries, sourire.
Il s'était joué de lui...
Elrohir se promit dès lors de toujours se tenir sur ses gardes quand il viendrait contempler la cascade.
***
J'avance au pas sur un sentier sinueux.
Il faut connaitre les chemins qui mènent à Imladris si on souhaite trouver la demeure du Seigneur Elrond.
Je savoure le calme qui m'entoure, celui de la forêt, de ses habitants, d'Equinoxe, le mien... Tout n'est plus que sérénité, la tempête est passée. Jusqu'à la prochaine...
Je chasse cette lugubre pensée, je veux me concentrer plus que sur le meilleur à venir.
On chemine tranquillement, se rapprochant à chaque un peu plus de mon aimé.
Alors que l'on arrive sur une allée plus fréquentée, je ressens une présence et je ne tarde pas à voir Elrohir adossé à un tronc. Sa nonchalance me fait sourire, on dirait vraiment qu'il se tient ici par pur hasard et non pour m'attendre.
– Que faîtes-vous si loin de votre demeure, noble Prince ? Lancé-je d'un ton solennel.
Elrohir sourit et se détache de son appui.
– J'attends ma Reine.
Je souris alors qu'Equinoxe s'arrête à ses côtés. Elrohir aborde un sourire moqueur avant de reprendre.
– Vous l'avez peut-être croisé ? Elle ne devrait plus tarder, je pense.
Je fais la moue avant de feindre talonner ma monture. Elrohir rit avant d'attraper la bride d'Equinoxe, par prudence.
– Alors c'était comment ?
– Parfait, avoué-je. La Comté est vraiment un sublime pays et ça fait du bien de revoir des compagnons de voyage.
Elrohir me sourit, il est content pour moi. Je descends de cheval pour l'enlacer mais alors un détail me heurte.
– Tu sens l'alcool... Comment ça se fait ? Ou plutôt qu'as-tu fait en mon absence ?
L'embarras et le pourpre envahissent le visage de mon époux qui semble alors avoir bien du mal à trouver ses mots.
– Ta réaction est des plus inquiétantes, tu sais...
– Je me suis fait piéger, par mon frère et Glorfindel. Ils avaient tous prévus pour mon enterrement de vie de garçon et mon père en a même été complice...
– Ha, ce n'est que ça, ris-je. J'avais peur que tu sois déjà tombé dans la boisson par mon absence.
Déconcerté, Elrohir me fixe un instant avant d'en rire. Je me joins à lui avant de reprendre.
– J'ai également croisé Gandalf, il m'a donné une lettre pour ton père.
– Que voulait-il ? questionne Elrohir en retrouvant son sérieux.
– C'est bien le plus étrange, je n'ai pas compris. On a rapidement discuté puis il m'a donné cette lettre avant de s'éclipser comme une ombre. J'ai dû rater quelque chose... Allons donner cette lettre à ton père, je suis curieuse d'en connaitre le contenu.
Elrohir me sourit avant de me prendre la main et de m'entraîner vers Imladris.
Durant le court trajet, je lui conte les merveilles que renferme la Comté, c'est une contrée à visiter. Elrohir n'en a que longé les frontières et je vois l'envie s'installer dans son regard. Au moins on a une destination pour d'hypothétiques vacances.
Après avoir dessellé et laissé Equinoxe aux écuries, on se hâte de rejoindre le bureau du Seigneur Elrond. Je ne suis pas surprise de l'y retrouver en présence d'Elladan et Glorfindel qui adresse un sourire entendu à Elrohir.
Il faudrait que je me fasse conter les teneurs de cette soirée masculine.
– Vous avez rencontré Gandalf à l'orée de la Comté et il vous a remis cette lettre, résume le Seigneur Elrond. Il n'a rien dit de plus ?
– Non, mais en y réfléchissant plus, c'était une étrange discutions, enfin plus que d'habitude...
Le Seigneur Elrond tourne et retourne la petite enveloppe comme si c'était une énigme.
– Vous ne l'avez pas ouverte ? me questionne alors Glorfindel.
Je vais pour répondre quand Elladan me devance.
– La légende raconte que son plus long transport est des abords de la Lothlorien au cœur de la cité de Minas Tirith.
Je sens le rouge me monter aux joues tandis que je lui adresse un regard noir.
– Je me demande ce que Gandalf vous voulez, reprend alors le Seigneur Elrond. Je doute qu'il souhaitait simplement vous prendre pour messager.
– Je l'ignore... et je ne lui ai pas posé la question non plus.
Elrond fronce les sourcils avant d'ouvrir la lettre. Il en sort un papier qu'il déplie avant de le lire.
– Alors quel est le message ? demande Glorfindel après un temps.
– Aucun.
– Comment ça ? m'étonné je.
– Il n'y a aucun message sur ce papier.
Mêlant le geste à la parole, le Seigneur Elrond retourne le papier pour nous montrer sa surface vierge. Une simple feuille glissée dans une enveloppe...
– N'y a-t-il aucune magie ? questionne Elrohir perplexe.
– Rien du tout... Ce qui me fait penser qu'il venait surtout pour vous, Isil.
Je ne pige pas là...
– Pourquoi aurait-il fait cela ? Venir me trouver pour échanger des banalités et me donner un faux message... A moins qu'il ne faisait que me surveiller ?
Ma méfiance se heurte à ma déception. Gandalf n'a-t-il pas confiance en moi pour venir m'espionner ainsi ?
– Je ne pense pas qu'il vous espionnait, reprend le Seigneur Elrond, comme s'il lissait mes pensées. Il avait sans doute une raison que lui seul peut comprendre.
Perplexe, je tourne et retourne le papier mais je dois me rendre à l'évidence, il n'y a aucun message.
Des pas se font alors entendre dans le couloir. Je reconnais ce rythme et je me retourne vers la porte restée ouverte. Je ne suis pas surprise de voir Anar s'arrêter sur le seuil.
– Salut, fis-je alors qu'il marque un temps d'arrêt devant notre petit comité.
– Un problème ?
Je lève les yeux au ciel mais déjà Anar reprend.
– J'ai vu Equinoxe aux paddocks et on m'a dit que tu étais rentré. D'ailleurs tu as oublié ça aux écuries.
Intriguée, je me retourne avant de frémir. Mon frère me tend ma dague de cristal.
– Où l'as-tu trouvé ? soufflé-je ébahis.
– Un garçon d'écuries me l'a donné, elle est tombée d'une sacoche de la sellerie d'Equinoxe. Pourquoi es-tu si surprise de la voir ?
Avec délicatesse je prends la dague. Je sens le poids des regards sur moi.
– Je... Je l'avais perdu. Je suis presque certaine de l'avoir fait tomber au Mordor...
– Comment t'est elle revenu alors ? s'étonne Anar.
Je tique. Je comprends.
– Gandalf ! Voilà donc la raison de sa venue !
Anar sort alors sa propre dague. Elle est identique, de vraies jumelles.
– Je trouve... intriguant le fait qu'elles soient à nouveau réunies.
Je vais pour reprendre quand le Seigneur Elrond se lève de son bureau.
– Comme je vous l'ai dit, Isil, Gandalf a ses raisons que lui seul peut comprendre. Comment l'a-t-il récupéré ? Pourquoi vous la rendre à cet instant ? Nous n'aurons sans doute jamais les réponses et, malgré votre ténacité, vous ne pourrez résoudre tous les mystères de l'univers, même en une éternité.
Je fais la moue tandis qu'Elrohir me serre la main. Je sais bien qu'il a raison et loin de moi l'idée de me lancer dans cette quête chimérique mais un détail me dérange.
– J'aurai simplement voulu le remercier, avoué-je. Cette dague a une grande valeur sentimentale, alors je lui aurais juste dit merci...
Elrohir me serre à nouveau la main tandis que le Seigneur Elrond se contente d'acquiescer.
– Je pense que ce geste est également un moyen détourné de vous remercier. Gandalf a une dette envers vous.
Je fronce les sourcils avant de comprendre. Je suis allé chercher Sam et Frodon au cœur même des Ténèbres et de cela Gandalf se sent redevable...
Un geste de bravoure désintéressée a toujours des répercussions inattendues, y compris gagner le respect d'un grand magicien.
Je me contente de sourire. Il n'y a rien d'autre à répondre.
– As-tu encore des contrées à explorer ou des quêtes personnelles à mener ? me questionne
Elrohir alors qu'on ressort dans les jardins.
– Je pense en avoir fait le tour, répondis-je amusée. Et je ne compte pas me lancer dans d'autres épopées du passé, je préfère maintenant vivre les instants présents et construire un avenir... avec toi.
Elrohir me sourit avant de m'enlacer.
– Je t'aime, n'en doute jamais, souffle t'il avant de déposer un baiser sur mon front.
– Je le sais, et honnêtement ça frôle le miracle à mes yeux.
Elrohir a un petit rire mais je suis sérieuse.
– Je... je sais que je ne suis pas comme la majorité des Elfes, que j'ai des réactions parfois étranges et un peu sale caractère à des moments... Non, en fait, c'est vraiment un miracle que tu m'aimes.
Elrohir rit à nouveau avant de prendre son visage entre ses mains.
– Il est vrai que tu es différente, déconcertante et parfois même inquiétante mais c'est justement cela que j'aime en toi. Du début à la fin de cette épopée tu es resté la même, une Elfe qui suit ses convictions et qui s'adapte tout en restant elle-même. Tu es un trésor dont tu es la seule à ignorer la valeur, ta valeur.
Je n'ai pas de mots assez forts pour lui répondre, pour lui dire combien cela me touche, ses mots, son amour... Alors je l'embrasse. Je suis éperdument amoureuse de lui et je veux qu'il le sache.
– J'ai quand même un peu changé, non ? repris-je après un temps. J'ai adouci certains aspects de ma personnalité et j'ai appris à tenir ma langue parfois.
– Ce « parfois » fait toute la différence.
Je ne peux qu'en rire. Bien sûr que j'ai changé, j'ai bien plus appris lors de cette épopée que durant des décennies cachées à Fangorn.
Je peux être fière de moi.
Je dois être fière de moi.
Je suis là où je voulais être, Elrohir en bonus à mes côtés.
Cette pensée me fait rire. Je lui serre la main avant de l'attirer dans les jardins. Nous avons tant à vivre et à construire ensemble.
Fin du chapitre
Résultat du sondage du chapitre précédent :
1er : Isil
2ème : Equinoxe
3ème : Elrohir (je l'ai pas inventé celui là xD)
Merci de votre participation !!
Nouvelle question : quelle scène vous a le plus marquée, fait rire, etc... ? Et pourquoi ?
^_^
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro