24 - Une aperçue
Malgré notre plan d'action, j'ai le cœur lourd en sortant de la tente du Roi.
Aragorn reste avec Théoden et je suis les autres dans le camp.
– Je trouve Aragorn soucieux, soufflé-je. Il porte son épée comme un fardeau...
– Je l'ai aussi remarqué, hélas, me répond Legolas.
– Moi aussi, mais j'ignore comment le soulager, ajoute Gimli.
– C'est un lourd fardeau la royauté que représente cette épée, concède Elrohir.
– Si le Gondor ne demande pas d'aide, il n'aura aucun royaume sur lequel régner, relève Legolas en haussant les épaules.
– Il n'y aura alors plus aucun royaume, conclu Gimli morose.
Quelle belle ambiance...
La perte de l'Osgiliath est un coup dur, nos espoirs s'amenuisent de plus en plus. Je secoue la tête pour chasser tout ça de mes pensées.
– Si jamais la citadelle est prise en siège, pourront-ils quand même allumer les feux d'alarmes ?
– Les Orques doivent ignorer ne serait-ce que leurs existences, répond Legolas. Alors normalement oui.
Ce « normalement » ne me convint pas... Difficile de se rassurer avec des suppositions.
Je retombe dans un silence pensif. Je ne sais pas quoi penser de tout ça.
Alors qu'on passe non loin de hautes tentes, je vois Merry et Eowyn en sortir. Le Hobbit est vêtu d'une armure de taille enfant et d'un bouclier qui pourrait être trop petit pour un Homme. Il a l'air si ravi que ça me met mal à l'aise. Est-ce un bon choix que de l'envoyer à la guerre ?
– Tu ne devrais pas l'encourager ainsi, intervient Eomer assit près des tentes.
– Ceux qui ont envie de se battre devraient le pouvoir, répond Eowyn avec douceur mais une pointe de défi dans le regard.
Eomer fronce les sourcils mais ne répond pas.
– Avez-vous prit votre décision ? Me souffle Elrohir dans mon dos.
– Pas encore...
Elrohir me prend la main et se penche sur moi.
– Je pense que Merry a pris la sienne. Il ira en guerre, avec ou sans vous.
Je ne peux que soupirer.
– C'est aussi ce que je crois...
Elrohir me serre la main puis on hâte le pas pour rattraper les autres.
Assis auprès du feu, la nostalgie est comme une couverture sur notre petit groupe.
Personne ne parlent, on regarde les flammes, les étoiles, le vague...
Le Warg est couché dans mon dos et je sens sa chaleur émaner à travers mes vêtements. Elrohir est assis tout à côté mais j'ai l'impression d'être isolée, comme si mon esprit n'était pas là.
C'est une sensation étrange, une lassitude profonde occultant le reste.
Gimli s'agite alors. Je le regarde, sans le voir, se préparer de quoi fumer puis souffler de petits nuages de fumée. Il se racle la gorge avant de briser le silence.
– J'aimerai avoir de leurs nouvelles... Savoir si ça va pour eux.
Il a parlé tout bas mais on comprend tous de qui il veut parler. Frodon et Sam.
Il ne vaut mieux pas les nommer dans ces contrés hostiles.
– Notre départ d'Imladris me paraît si lointain, reprend Legolas après un temps. Comme si des décennies s'étaient écoulées depuis, nous étions si jovial et insouciants à ce moment.
– Je n'étais ni jovial, ni insouciant, répond Gimli grognon. J'étais... concentré. Puis la fuite d'Isil n'avait sans doute rien de jovial.
Pourquoi je me retrouve toujours mêlé à leur discutions ?
Legolas hoche la tête.
– Ce n'était donc que mon état d'esprit à moi. Il n'empêche, Isil, que votre arrivée surprise nous a évité la première embuscade.
– C'est vrai, acquiescé-je. Je suis arrivée au bon moment.
– C'est à ce moment que j'ai compris les réels dangers qui nous guettaient, confie Gimli. Nous n'allions pas affronter une armée ennemie mais une multitude d'adversaires disparates. C'est très différent.
– C'est le moins que l'on puisse dire, concède Legolas. Moi, j'ai attendu la traversée de la Moria pour envisager la difficulté de notre quête.
– Vous en avez mis du temps, rigolé-je. Je pense que dès le début j'étais parée au danger mais l'ascension du col m'a tout fait relativiser. La voix de Saroumane dans le vent, la tempête puis l'avalanche, je me suis dit que ce qui se dressait devant nous était d'autant plus fort que c'était intangible.
– En effet, c'est une partie difficile de cette quête, ne pas savoir ce qui va se dresser sur notre route, admet Gimli. La perte de Gandalf a aussi été un coup dur.
– Définitivement, s'agite Legolas. Mais nous avons aussi eu de bons moments, la traversée de la Lothlorien m'a laissé un goût agréable, la descende de l'Anduin aussi et la traque des Uruk, même si ce fut difficile, notre cohésion était comme un baume au cœur.
– Je ne peux qu'être d'accord, acquiescé-je. Puis la rencontre avec Eomer et les retrouvailles avec Gandalf.
– L'arrivée en Fangorn, clame Gimli. Une bien étrange forêt, surprenante mais animée d'une force !
Je ris puis je continue à énumérer les moments les plus marquants.
L'arrivée à Edoras, Gandalf libérant Théoden, notre départ à la hâte, mes retrouvailles avec Équinoxe, l'arrivée des Elfes à Fort-le-Cor...
Tant de souvenirs, tant d'émotions partagées.
Chacun explique les moments qui l'ont chamboulé, seuls les jumeaux écoutent sans intervenir. Ils n'ont pas vécu ce que l'on a traversé. Les doutes, les peurs, les certitudes d'être arrivé à notre fin puis l'espoir qui revient. C'est quelque chose à vivre.
Gimli conte avec son agitation brusque de Nain quand nous sommes montés au cor de Fort-le-Cor. Quand il a soufflé puis quand on s'est réjoui ensemble de l'arrivée des cavaliers, de la joie qu'il a ressenti au point d'étreindre un Warg dégoulinant d'eau et de sang.
Legolas se rappelle surtout d'Équinoxe lançant la charge du haut de la colline puis du choc des deux armées.
Une même scène mais trois points de vue différents.
Repenser à notre Communauté, faire revivre tous ces moments, les dangers et les victoires, me fait du bien. Mon cœur se réchauffe et j'en oublie pour un temps l'incertitude de notre destin mais une fois l'euphorie retombée, j'ai un goût amer. Un goût de fin.
Ce résumé d'une partie importante de ma vie me fait penser que la fin est proche. Nous écrivons les dernières pages d'un livre qui doit se terminer, d'une manière ou d'une autre...
Soudain la peur envahit mon esprit mais ce n'est pas la mienne. Les chevaux ont peur. Le vent qui descend des montagnes leur apporte d'étranges sons, la proximité d'un danger.
Des hennissements s'élèvent dans le camp et des chevaux tirent sur leurs attaches. Les Hommes s'agitent pour les apaiser et je me joins à eux.
Je fais rapidement le tour des points d'attache et des paddocks pour rasséréner les bêtes.
Doucement le calme revient dans le camp.
Les montagnes ont de quoi effrayer n'importe quel cœur. Je décide de leur tourner le dos et de regarder vers les plaines.
La lueur des étoiles donnent une douce couleur grisée à la nuit, lissant le paysage en une succession de formes. Je ferme les yeux puis je me concentre. De mon esprit, je balaye les alentours, débusquant nombres d'animaux mais aucun Homme. Les renforts attendus par Thédoden n'arrivent pas...
Je vais pour laisser tomber quand mon esprit accroche celui d'un cheval discret. Il chemine furtivement suivant les ombres pour rester caché d'yeux malintentionnés. Il porte un cavalier mais leurs intentions sont pacifiques, je le sens.
Peut-être un messager ?
Je rouvre les yeux mais je ne parviens pas à le distinguer, il se dissimule parfaitement et les étoiles sont trop voilées pour que mes yeux le repèrent.
Par précaution, j'en averti les sentinelles qui se tiennent prêtes. Un cavalier seul représente peu de risques mais il vaut mieux être prudent.
– Isil, m'appelle Eomer alors que je marche un peu au hasard. Une tente a été mise à la disposition d'Aragorn et de vos amis mais les Elfes et le Nain ont choisi de dormir à la belle étoile. Pour vous, Eowyn partagera la sienne.
Je remercie la pénombre qui doit l'empêcher de voir mes joues s'empourprer, moi aussi je préférerai dormir à la belle étoile, surtout auprès d'Elrohir.
Je n'ai rien contre Eowyn mais disons que je n'ai pas envie de me retrouver avec elle toute une soirée... Comme ça serait mal vue de refuser et que je suis parfois polie, j'acquiesce avec autant de gratitude que je peux simuler.
– Je me disais, vous pourriez sentir des chevaux approchants ? Enchaîne Eomer.
Son inquiétude est compréhensible mais je crains que cette fois les secours n'arrivent pas.
– Je viens d'essayer, mais en vain. Il y a juste un cavalier qui chemine vers nous, mais je doute que ça soit un soldat.
Je vois la déception se propager dans le regard d'Eomer mais il me remercie avec un sourire sincère. Sans bouger, je le regarde partir. J'aimerais pouvoir amener à nouveau une armée Elfe pour nous seconder mais la Lothlorien a déjà payé un lourd tribu dans cette guerre.
Cette fois, nous sommes seuls.
D'humeur mélancolique, je vais chercher du réconfort après d'Équinoxe. Je vérifie sa plaie au museau qui cicatrice bien puis je vais gratter Symbel derrière les oreilles. Je suis toujours apaisée au contact des chevaux, surtout qu'ils sont toujours contents de me voir.
Je les caresse tour à tour puis mon regarde se bloque sur Sirë et Fanya, les chevaux d'Elladan et Elrohir. Les voir fait remonter des souvenirs. Quand je les ai appelés à distance alors qu'on tentait de rallier Imladris au plus vite. Je n'avais jamais fait ça auparavant et je ne savais même pas que j'en était capable. En fait, je ne savais rien de l'étendu de mes pouvoirs, à vrai dire je l'ignore toujours.
Mais peut-être que... ?
J'hésite, n'osant pas formuler ne serait-ce que cette idée folle.
Et si je me surestimais ?
En même, je ne risque rien à essayer.
Je secoue la tête avant de me concentrer, je vais en avoir besoin. Je pars à l'écart du camp, pas trop loin mais assez pour m'isoler. Le Warg m'accompagne et quand je m'assois au sol, il vient se blottir contre moi.
Je ferme les yeux avant de prendre plusieurs grandes inspirations. Je ne sais pas vraiment comment procéder mais je sais que j'ai besoin de concentration, beaucoup de concentration.
J'apaise mon esprit puis je le lance à l'assaut du monde. Je parcours la plaine, passant de mulots en lapins, d'oiseaux volages en renards intrépides mais je me heurte vite à la barrière formée par les Ténèbres. Ils sont si denses que peu de créatures osent s'y aventurer.
Je persiste en vaines tentatives avant d'essayer par les plantes. Je navigue d'herbes en arbustes, de roseaux en saules et je longe doucement le cours mouvementé de l'Anduin. Par moment des images de guerre s'entremêlent à mes pensées et menacent de briser ma concentration mais je tiens bon.
Soudain j'arrive dans un champ de ruine. Il y a peu de végétations mais j'arrive à trouver quelques lapins coopératifs. Je passe d'esprit en esprit quand tout à coup, je vois Sam à travers les pensées d'un rongeur.
Je suis si surprise que le lien se brise.
– Merde, pesté-je en revenant à moi.
J'avais envie de trouver un signe du passage des Hobbits et voilà que je perds bêtement leurs traces.
Il faut vraiment que j'arrive à discipliner mon esprit.
Le Warg m'apporte son soutien et je prends le temps de me calmer en le caressant. Je dois y arriver. Je vais y arriver.
Je souffle puis je referme les yeux. Je parcours le chemin déjà emprunté aussi vite que possible puis je retrouve ce lapin. Je vois Sam, plus maigre que lorsque nous nous sommes séparés, capturer un lapin. Au moins ils ont de quoi manger. J'aperçois aussi Frodon mais c'est trop fugace pour que je me fasse une idée sur lui.
Je lutte pour continuer d'avancer mais plus la distance grandit puis l'exercice tourne au supplice. La pression sur mon esprit est si forte qu'elle en devient douloureuse mais je tiens. Je dois tenir. Je dois les retrouver.
Je suis plus forte qu'avant, je sais ce que c'est de souffrir, alors je continue.
La douleur s'accentue mais je continue.
***
Sam était inquiet, ou plutôt effrayé. Les choses allaient de pire en mal. Il avait peur pour Frodon qui semblait subir de plein fouet les effets pervers de ce maudit anneau. Il avait bien tenté de lui parler, de lui faire partager son fardeau mais Frodon l'avait mal pris. Il y avait alors eu une telle lueur de colère dans son regard que Sam avait compris qu'il y avait là quelque chose de malfaisant, de pas naturel.
Sam, lui, il aimait ce qui était naturel, normal, pas les trucs magiques. Ça le fascinait autant que ça l'inquiétait, et là il était plus qu'inquiet.
Plus ils avançaient plus Frodon s'enfonçait dans une noirceur qui échappait à son raisonnement.
Golum apparut alors sur le sentier devant eux. Il regarda avec avidité Frodon avant de leur faire signe de se presser, comme si on pouvait crapahuter plus vite dans ces collines escarpées.
C'était là aussi quelque chose qui déplaisait à Sam, les collines déjà mais surtout la présence de ce Golum. Il n'avait aucune confiance en lui. Il avait le regard mauvais et l'air avide des êtres malfaisants. Ça non, Sam n'avait pas confiance en lui.
Soudain une pierre glissa emportant le Hobbit dans sa chute. Dans un bruit de casseroles, Sam se laissa tomber à plat ventre pour ne pas dévaler la pente.
– J'en ai marre, pesta t'il en se redressant péniblement.
Frodon n'avait même pas tourné la tête, à croire qu'il n'avait rien entendu, tandis que Golum affichait un rictus satisfait.
Sam se retint de lui adresser un geste obscène quand son regard tomba sur une petite plante grasse qui tentait de survivre dans cet endroit désolé et oublié de tous.
– Tu n'as pas bonne mine, ma belle, souffla le Hobbit las. Si je le pouvais je te prendrais avec moi pour te replanter dans la douce terre de la Comté. Pour sûr, tu t'y plairais là-bas.
Sam eut un sourire face aux doux souvenirs de sa terre natale. Il allait reprendre sa pénible ascension quand soudain la plante se mit à croître sous ses yeux. Incrédule, le Hobbit vit une feuille puis une tige se développer comme en accélérer.
Pour sûr, cela était de la magie !
Alarmé, Sam recula d'un bond faisant tinter ses casseroles. Il n'aimait plus la magie. Il allait déguerpir sans demander son reste quant au bout de la tige s'ouvrit une petite fleur blanche. Elle se déploya puis luit, telle une étoile.
Sam, incapable d'en détourner le regard, tiqua.
Il ne connaissait qu'une personne capable d'une telle merveille.
Le Hobbit se redressa et regarda tout autour de lui, s'attendant presque à la voir, mais il n'y avait personne. La solitude s'abattit sur lui comme un orage mais la simple vue de la petite fleur chassa tout cela.
Lentement, avec des gestes prudents, Sam prit la fleur entre ses doigts.
Un doux vent de nostalgie sembla l'envelopper.
Pour sûr, c'était là une belle magie. Une magie d'Elfe.
La petite fleur continuait de luire entre ses doigts et Sam la trouva magnifique, une pure création d'un être sensible à la nature.
– Je pense que c'est vous, Isil, souffla t'il tout bas. Enfin, je l'espère... Oui, ça ne peut être que vous, la seule capable de briller dans les ténèbres les plus profonds. Je ne sais où vous êtes et je ne saurais vous dire où je me trouve mais je suis heureux de vous savoir en vie. Frodon et moi, on va bien... Enfin aussi bien qu'on puisse l'être, surtout accompagné d'un être aussi sombre que ce Golum, mais on tient bon. On continue...
Soudain Sam se sentit envahit d'une énergie nouvelle.
Il devait continuer. Il devait aider Monsieur Frodon du mieux qu'il le pouvait et tant pis si celui-ci ne comprenait pas qu'il voulait juste l'aider.
C'était là son rôle, celui donné par Gandalf puis choisit quand il était parti de la Communauté pour rejoindre Frodon, seul.
C'était son fardeau mais il allait tenir ses promesses. Que jamais on ne dise que Samsagace Gamegie ne tient pas ses promesses !
D'un doux geste, Sam cueillit la fleur puis la serra dans sa paume où elle se mit à luire plus fort. Un sourire étira les lèvres du Hobbit puis il la glissa dans une poche sur sa poitrine.
– Là, vous serez toujours un peu avec moi, Isil.
Revigoré, Sam se hâta de rattraper Frodon. Hors de question de ne laisser seul avec ce perfide Golum !
Fin du chapitre
La communauté se remémore les moments marquants de leur épopée et Isil expérimente la puissance de son esprit. Envers et contre tout, elle a vu Sam.
Est-ce une bonne chose ?
N'a t'elle donc aucune limite ?
Vos avis en commentaires ^_^
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