16 - Victoire solitaire
Elrohir soupira. Il s'inquiétait pour Isil, ça en devenait presque une habitude.
Le Warg était venu le trouver alors que le convoi s'arrêtait pour monter le camp au fond d'une cuvette. Il avait rapidement comprit que quelque chose clochait.
A nouveau Elrohir soupira avant de balayer l'horizon du regard. Ses yeux s'accrochèrent sur Legolas qui l'imitait. L'Elfe sylvain se contenta de hausser les épaules, lui aussi ne comprenait pas.
– Elle est partie sans Le Warg et sans Équinoxe qui est toujours avec Eomer, soupira Legolas après un temps. Je me demande bien quelle était la teneur de ce message...
Dés qu'il avait comprit l'absence d'Isil, Elrohir leur avait tout dit. Enfin juste l'arrivée du Crebain et du message d'Anar, le reste il le gardait pour lui.
Il regarda un instant l'Elfe sylvain, toute son animosité à son égard s'était volatilisée, il savait à présent qu'il tenait aussi à Isil, mais en amitié. Il n'avait pas à être jaloux de lui.
Par contre, il était à nouveau agacé du comportement d'Isil, elle avait encore filée, pire elle lui avait menti il en était certain.
– Eowyn a dit qu'elle avait demandée où trouver un cheval libre, reprit Aragorn en se redressant. Elle est assez furtive pour arriver à esquiver les sentinelles et les éclaireurs, mais pourquoi faire cela ?
– Elle est visiblement parti en amont, répondit Elrohir. Je crains qu'Anar ait vu quelque chose. Peut-être même l'armée que vous avez aperçu ?
Legolas hocha la tête, l'air grave.
– Désolé de jouer les sceptiques, intervint Gimli. Mais si Anar avait envoyé des hordes de Crebains, nous les aurions aussi vu.
– J'y ai aussi pensé, concéda Legolas. J'en viens à me demander si ce n'était pas vraiment un aigle que j'ai vu au lointain ? Au moins la première fois...
– Un aigle géant ça se voit aussi.
– Pas si nous étions dans les contreforts rocheux, ajouta Elladan. Les aigles des Monts Brumeux ont la vue perçante, il a put nous survoler à très haute attitude avant de voir l'armée ennemie.
– Ça expliquerait aussi la présence du Nazgûl, acquiesça Aragorn. Il a put le forcer à rebrousser chemin sans venir nous avertir et, alerté, Anar aurait envoyé sa corneille.
– Le danger doit être grand pour qu'il décide d'envoyer ce petit oiseau, clama Gimli. Même à vol d'oiseaux, ça fait un long voyage depuis Fangorn.
– Fée l'a déjà fait jusqu'à Imladris, rappela Elladan. Anar voulait peut-être juste des nouvelles de sa sœur ?
– Tu oublies le vent, mon frère.
Surprit, Elladan se retourna vers Elrohir qui faisait justement face aux vents.
– La voie jusqu'à Imladris est longue mais préservée des vents violents grâce aux Monts Brumeux, ce qui n'est pas le cas ici. Les vents dévalant des montagnes sont forts et les remonter demande un immens eeffort, surtout pour un petit oiseau comme Fée.
Elladan tiqua avant de hocher la tête.
– Tu as raison, je n'y avais pas pensé.
– Et moi, j'aurai dû y penser avant... Anar n'aurait pas prit le risque d'envoyer son animal préféré sans une bonne raison, une urgence. J'ai été crédule.
– L'amour vous rend surtout pessimiste, soupira Gimli. Isil est beaucoup de choses mais pas idiote, elle a du mesurer le danger et décider d'aller y jeter un coup d'œil avant de nous alarmer.
Elle va revenir.
Malgré la remontrance, Elrohir ne put s'empêcher de sourire. Gimli avait confiance en Isil, ne devait-il pas en faire de même ?
Ne devait-il pas avoir foi en elle ?
Cette pensée apaisa son cœur.
– Si elle ne rentre pas bientôt, nous irons la chercher, fit alors Aragorn. Hors de question qu'elle passe la nuit seule dans ces landes.
Tous acquiescèrent et une douce chaleur envahit Elrohir. Isil n'était pas seule, et même si elle ne prenait pas toujours les bonnes décisions ses amis étaient là pour rectifier les choses. Il se devait d'avoir foi en eux.
En silence, ils retournèrent au camp. Elrohir venait de prendre l'outre pour s'abreuver quand des soldats passèrent. Aragorn s'entretint rapidement avec eux, certainement au sujet d'Isil.
– Nous ouvrirons l'œil pour son retour mais, hélas, il est si simple de quitter le convoi. Nous surveillons les arrivées, pas les départs, et il manque aussi un garde à l'appel.
– Un déserteur ? S'enquit le rôdeur.
– Certainement, et nous l'espérons, il s'agit d'un mercenaire recruté à Edoras du nom de Rutz.
Elrohir manqua d'échapper son outre. Ainsi ils s'étaient déjà aperçu de son absence.
Elrohir tenta de maîtriser son trouble, surtout que la désertion était plus probable que... Il se refusa de penser à cela mais alors son regard croisa celui d'Elladan. Son jumeau le dévisageait, curieux. Il avait vu son changement d'attitude.
Elrohir s'attendait à devoir lui mentir mais Elladan se détourna alors de lui et disparut dans la foule. Surprit, Elrohir tenta de le suivre des yeux, partagé entre appréhension et étonnement.
Il ne comprenait pas la réaction de son frère. Il hésita à aller le trouver mais c'était s'exposer à ses questions, et c'était tous ce qu'il voulait éviter.
Ses pensées retournaient déjà vers Isil quand un croassement résonna. Elrohir se retourna pour voir Fée qui sautillait en le regardant. Eowyn qui était à ses côtés lui adressa un sourire poli, bien loin de s'imaginer l'inquiétude qui enserrait le cœur de l'Elfe.
Anar n'avait pas prit la peine d'écrire, cela révélait d'autant plus le côté urgent du message. Pourquoi avait-il été aussi crédule ?
– Elrohir !
L'Elfe tressaillit tant sous le ton sec que sous la ressemblance de la voix avec celle de son père. Il se retourna brusquement, puis se détendit en voyant que ce n'était qu'Elladan.
Qui avait l'air plutôt contrarié...
– Qui a t'il ? Demanda Elrohir en s'approchant.
– Qui est Rutz ?
Elrohir ne parvint pas à dissimuler son frémissement. Il hésita puis décida de hausser les épaules, sans répondre.
– Ne me prend pas pour un idiot, reprit Elladan agacé. C'est un mercenaire qui justement en avait après Isil. Drôle de coïncidence, non ?
– Si tu sais qui c'est, pourquoi tu me le demandes ?
Surprit, Elladan tiqua avant de secouer la tête.
– Tu ne vas pas bien en ce moment. Je passe sur tes changements d'humeurs mais je n'aime pas que tu me caches des choses. Ce genre d'information peut nous être utile surtout quand Isil disparaît en même temps que cet homme, tu ne trouves pas ?
Elrohir allait soupirer quand il comprit ce que son frère voulait sous-entendre.
– Non, ça il ne peut plus...
Elrohir se tut mais trop tard. Elladan le dévisagea un temps avant de froncer les sourcils.
– Qu'est-ce que tu veux dire ? Répond-moi.
– Rien...
Elladan le dévisagea un instant puis recula d'un pas, heurté.
– Que... Qu'avez-vous fait ?
Elrohir se sentit mal face à l'inquiétude qui envahissait son jumeau, il était encore loin de s'imaginer l'horreur à laquelle ils s'étaient adonné.
– Seigneur Aragorn !
La voix perçante d'Eowyn surplomba le brouhaha du camp et les deux Elfes tournèrent la tête pour voir la Dame du Rohan arriver, affolée.
Aragorn lui prit les mains avant de lui demander la raison de sa panique.
– Le cheval est revenu ! Le cheval qu'Isil a prit, il est revenu. Seul.
Elrohir hoqueta avant de s'avancer d'un pas vif.
– Où est-il ?
Eowyn le regarda avant de désigner une direction mais déjà un soldat arrivait, tenant par la bride un cheval agité de tics nerveux.
– C'est une bête craintive et prompte à la panique, fit le soldat tout en tenant fermement l'animal qui piaffait. Nous évitons de le monter car il est instable.
– Il n'est pas blessé mais semble avoir fait une chute, nota Aragorn. Ce qui veut dire qu'Isil aussi. Il faut aller la chercher !
– Héla, mes seigneurs, le Roi demande à ce que personne ne quitte le camp avant le retour d'Eomer et des éclaireurs.
– Isil les a peut-être rejoint ? Proposa Eowyn, tout aussi en proie à l'inquiétude.
– Nous l'ignorons, répondit Aragorn. Mais je ne veux pas prendre le risque de la laisser seule dans les landes.
– Allons trouver Théoden et s'entretenir avec lui, fit Elladan. Au pire, Elrohir et moi, irons la chercher, nous ne sommes lié d'aucune façon au Roi.
Aragorn se contenta de hocher la tête, un pli soucieux entre les sourcils.
Elrohir regarda alors Aragorn, Elladan et Eowyn partir vers la tente du Roi tandis que lui restait planté à côté du cheval qui s'agitait.
C'était certes une bête nerveuse mais Isil était bonne cavalière, elle serait parvenu à l'apaiser sauf en cas de grands dangers, comme des Orques...
Elrohir frissonna.
Lentement, comme sonné, il recula avant de partir vers le paddock. Une fois un peu en retrait, il s'agenouilla près de Le Warg qui le suivait docilement.
– Même s'ils parviennent à convaincre le Roi, ils vont perdre un temps précieux. Un temps qu'Isil n'a peut-être pas... Je vais aller la chercher.
Le Warg émit un râle approbateur avant de laper la main d'Elrohir en signe de soutien. Elrohir se contenta de hocher la tête. Il prit un temps de réflexion pour planifier sa fuite puis passa à l'action.
Trouver un cheval autre que le sien fut assez simple puis, avec l'aide de Le Warg, sortir du camp fut presque une banalité. Les Hommes surveillaient les alentours au loin, pas les sorties proches puis voir un cavalier s'en aller n'avait rien d'étonnant pour eux.
Elrohir attendit d'être assez loin pour se mettre en selle. Il jeta un dernier regard vers le camp et fut surprit de voir que la forme de la cuvette le dissimulait presque. De loin, il en devenait difficilement repérable, ce qui n'était pas du tout son cas, bien au contraire.
Elrohir frissonna avant de se reporter sur Le Warg.
– Essaye de la trouver.
L'animal poussa un grognement avant de s'élancer, truffe au sol. L'Elfe le suivit tout en espérant arriver à temps.
Quoi qu'il soit arrivé à Isil, il craignait qu'elle ne soit en danger.
*****
On peut dire que j'ai galéré sur ce coup là.
J'ai les bras qui me brûlent et mon épaule commence à me faire mal alors, qu'allongée dans l'herbe, je reprends mon souffle. Je me suis éloignée de la crevasse, histoire de ne pas y retomber bêtement, et je regarde le ciel enfin libéré de ses nuages. C'est beau quand on prend le temps de regarder.
J'ignore combien de temps j'ai mit à sortir. J'ai peu de notion dans ce paysage monotone.
Je prends un instant pour récupérer un peu puis je me relève. Je ramasse mon arc tombé dans l'herbe puis je tente de m'orienter avant de m'empresser de partir à l'assaut des plaines.
Je ne sais pas comment mais je dois rattraper puis dépasser cette armée enfin d'avertir les autres, avant qu'il ne soit trop tard...
Mon plan est pas mal, simple et très théorique mais la pratique s'avère déjà bien plus compliqué. Arrivée en haut d'une colline, j'aperçois la ligne ennemie qui s'étend au loin. Surprise, je me jette au sol en pestant face à la douleur qui remonte le long de mon épaule. Je reste un moment étendu sur le dos à contempler le ciel que je trouve de plus en plus beau.
Après être certaine que personne ne m'a vu, je me redresse sur les coudes avant de ramper pour regarder de l'autre côté de la colline.
L'armée s'est étendue sur une distance bien trop large pour être normale. Soit les Orques sont incapable de marcher ensemble soit ils sont en train de séparer. Je ne comprends pas...
Je suis presque sûre qu'ils voulaient rallier le haut du plateau avant les Hommes du Rohan alors, à moins que ma présence ne les ait fait changer leurs plans, cette séparation n'a aucun sens. Presque malgré moi, je scrute le ciel. J'ai peur d'y voir l'horrible créature.
J'ai bien mon arc mais je ne suis pas aussi habile que Legolas. Ni aussi hardi...
Je reporte mon attention sur l'armée. Ça a l'air d'être un peu la débandade là-bas, peut-être est-ce le bon moment pour les contourner sans qu'ils s'en aperçoivent ?
Mais pour cela, il faudrait que je me hâte de parcourir la distance qui me sépare de l'armée, avant qu'elle ait terminée sa division. J'hésite puis je décide de couper par les collines plus escarpées au sud. Ça me positionne plus loin des Hommes du Rohan mais le terrain accidenté m'offrira plus de cachettes en cas de danger.
Je rampe en marche arrière avant de redescendre rapidement la colline et de m'élancer vers le Sud.
Je trottine, regrettant amèrement l'absence d'Équinoxe.
J'atteins sans encombre le relief plus tourmenté et je chemine sur les petits sentiers créés par le passage répété d'animaux. D'ailleurs, j'aimerais en trouver car je commence à avoir faim...
Je marche d'un pas aussi rapide que possible, m'arrêtant par moment pour essayer de percevoir les bruits de l'armée car je n'ai plus aucune vision sur elle. Si elle reprend sa progression, ça pourrait vite devenir compliqué.
Tandis que je marche en discutant avec moi-même, je prends conscience de mes lacunes. Je n'ai pas la célérité et la capacité à s'orienter de Legolas, ni celle d'appréhender mon environnement ou de pister d'Aragorn, ou encore l'intrépidité et la détermination de Gimli.
Je ne me suis jamais vraiment retrouvée toute seule, ils étaient toujours là. Ils m'accompagnent depuis tellement longtemps qu'ils font à présent parti de mon monde.
Mes pensées s'orientent vers Elrohir mais je m'y refuse. Le pauvre, je fais de sa vie un véritable calvaire...
Je serpente entre les bouquets de plantes aromatiques, tantôt descendant, tantôt crapahutant. Je suis les sentiers sans savoir où ils me mènent. J'ai chaud, soif et faim mais je continue à marcher.
Je suis perdue, je dois me l'avouer. Je ne vois plus la fin de ces chemins qui s'entrecroisent sans cesse. Dans une désespérée tentative de reprendre le nord, je me heurte à une montée où ma marche se transforme en escalade. Je me débats au milieu des herbes qui me saluent. Leur jovialité s'oppose à mon agacement. Je crapahute comme un être malhabile, incapable de conserver son équilibre.
Je ne sais pas trop comment mais j'arrive enfin en haut et je me laisse tomber au milieu des plantes aux milles senteurs. Les cailloux et branches sèches me rentrent dans le dos tandis que je respire à pleins poumons. Je reprends doucement mon souffle quand le soleil irradie les nuages restants d'une multitude de couleurs allant de l'orange au rose vif. C'est un tableau magnifique comme seule la nature sait les faire.
Un vent frais et bienvenue glisse sur moi telle une douce caresse.
J'ail'impression d'être une personne horrible, un monstre qui n'a plus sa place sur cette terre. Qu'est-ce que j'ai fait ?
J'ai tué avec le simple plaisir de savoir que j'en étais capable. J'ai arrachée une vie, certes mauvaise, mais qui suis-je pour juger qui doit vivre ou mourir ?
Soudain je repense à Gandalf.
Au début, il ne m'aimait pas. Il se méfiait de moi, puis on a apprit à se connaître, à se comprendre.
Cette fois il ne sera pas là pour nous aider, on doit se débrouiller seul. Il me l'a dit...
Il m'a prévenu.
Brusquement je me redresse. Je demeure assise face au vent tandis que je mesure l'ampleur de cette révélation.
Je ne suis qu'une enfant qui apprend à vivre, d'abord entouré puis seule.
Aragorn, Legolas, Gimli et même Gandalf, ils m'ont accepté parmi eux, mieux ils m'ont aidé à trouver ma voie. Ils m'ont lancé sur cette voie et maintenant c'est à moi de continuer.
D'un bond, je me relève.
Je suis une Elfe guerrière. Je fais face et j'avance.
Je me retourne, dos au soleil, puis je pars droit vers le Nord.
Attention plantes, roches et animaux, je traces ma voie !
J'avance sans faiblir malgré mes jambes qui tiraillent et ma fatigue qui tente de me raisonner. Pour l'oublier, je me contente de suivre mon ombre qui me précède. Je dois rentrer, je dois avertir les autres, c'est la mission que je me suis donné.
Ne ménageant pas mes efforts, je finis par sortir des collines escarpées qui marquent la frontière avec le Gondor.
J'ai réussi !
Normalement, j'ai du contourner l'armée et je n'ai plus qu'à retrouver les Hommes du Rohan, ou au moins Équinoxe qui saura me guider, après m'avoir sermonné bien entendu.
Je prends le temps de regarder en arrière. Le soleil m'éblouit, je préfère marcher en l'ayant dans le dos.
– Je t'ai vaincu, soufflé-je avec un air de défi.
Je suis si fière de moi que je m'élance. Je cours après mon ombre qui s'efface dans la nuit qui tombe lentement, oubliant ma soif et mes douleurs.
Je ne peux m'empêcher de sourire, de savourer cette liberté. Ma liberté.
Je dépasse un effleurement de roche blanche qui forme comme une barrière naturelle puis je dévale la légère pente, m'amusant de ma vitesse.
Je saute le dernier mètre puis je regarde droit devant moi. Je remarque alors un cavalier qui me fixe, arc en main.
Je m'arrête net.
Ça a comme un goût de déjà vu...
Un imposant canidé émerge alors des fourrés non loin de moi. Je le regarde une seconde, le temps de le reconnaître.
– Le Warg !
L'animal accourt avant de se lover contre moi. Le cavalier descend alors de sa monture mais il n'a pas le temps d'ôter sa capuche que déjà je suis sur lui.
Je m'accroche à son cou et Elrohir m'embrasse une passion à peine dissimulée.
Fin du chapitre
Elrohir se fait la malle tandis qu'Isil lutte contre ses vieux démons.
Elle prend conscience de la gravité de ses actes et de ses erreurs mais aussi de la force que lui procure ses amis. La route a été longue mais les changements sont là.
Isil ne fuit plus...
Mais elle se perd toujours xD
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