15 - Au fond du trou
Et merde... Manquait plus que ça...
J'hésite un temps à hurler pour stopper le convoi, pour les avertir de ce qui nous attend peut-être, mais ce peut-être me gêne.
L'hypothèse d'Anar que cette cohorte d'armée tente de nous prendre de vitesse et de nous bloquer au pire moment pour des cavaliers est tout à fait plausible, et je comprends son inquiétude, mais puis-je pour autant alarmer les Hommes ?
Si c'est vrai, ça serait une bonne chose, mais dans le cas contraire...
Puis pourquoi vouloir ainsi nous barrer la route ? Pourquoi ne pas concentrer toutes ses forces vers le Gondor ?
Il y a t'il quelque chose, ou quelqu'un, qu'Il craint parmi nous ? Aragorn ?
Le retour du Roi au Gondor pourrait sonner comme une menace, mais comment pourrait-il le savoir ?
Le palantir ? Peut-être...
– Isil !
Je sursaute surprenant la monture d'Elrohir qui s'agite brusquement. Il la calme d'un geste avant de m'interroger du regard.
L'hésitation me tort le ventre. Je ne l'ai que trop impliqué dans mes actions irréfléchies. Par ma faute il a renié toutes ses convictions et je suis certaine qu'il en souffre tout autant que moi.
Je lui ai fait tuer un Homme, détruire une vie juste parce que je le voulais.
Je pensais bêtement que cela m'apaiserait, m'apporterait une certaine forme de réconfort mais au contraire ça me hante, me tourmente.
J'ignore si Anar a vu juste mais je sais une chose : je ne veux plus faire souffrir Elrohir.
C'est horrible à dire mais ma seule présence lui fait du mal, alors je fais la meilleure chose que je sais faire. Je mens.
– C'est rien, soufflé-je. Il veut juste s'assurer que tout va bien. Ses Crebains ont aussi vu la créature ailée de loin, et mon frère veux s'assurer que je n'ai rien fait d'irréfléchi...
– Anar a du avoir un pressentiment, vous lui avez quand même tiré dessus.
– C'est pas moi, c'est Legolas !
La colère étant ce que j'imite le mieux, Elrohir me croit. Il rit avant de se remettre en selle puis de m'inviter à monter derrière lui.
– Je préfère marcher puis Fée a besoin de soin, le voyage a été long pour elle. Je vais lui trouver de quoi la remettre sur pattes.
Elrohir hoche la tête et la culpabilité se fait plus lourde. Comment j'arrive à ainsi lui mentir et à garder la face ?
Le cœur lourd, je le regarde s'en aller. Je suis une horrible personne, j'ai l'impression de profiter de lui et de sa confiance. Je remarque alors que Fée me dévisage, comme si elle désapprouvait mon mensonge. Je me sens d'autant plus honteuse de me faire juger par un oiseau.
– Tu es courageuse d'avoir fait ce long trajet. Tu vas te reposer un peu puis tu pourras retourner auprès de mon frère.
Aucun mouvement, Fée se contente de me fixer. Mal à l'aise, je pars à la recherche d'un chariot où je pourrais trouver de quoi la nourrir. La chance est avec moi car j'y trouve aussi Eowyn.
– Je peux vous la laisser ? Lui demandé-je en désignant Fée lovée entre mes mains. C'est le messager de mon frère et elle a besoin de repos. Je pense qu'elle sera mieux dans un chariot qu'à cheval.
Eowyn regarde la corneille avec curiosité puis m'adresse un sourire.
– Elle est si petite, fait-elle avec douceur. Une petite chose si fragile.
Il n'en fallait pas plus pour que Fée l'aime, elle bondit de mes mains pour se réfugier dans celles d'Eowyn. Je lui explique rapidement comment s'occuper du petit Crebain, pas sûre qu'elle m'écoute, puis j'enchaîne.
– Vous savez où je peux trouver un cheval libre ?
– Il y a en deux attaché derrière ce chariot, me répond Eowyn sans quitter Fée du regard.
Je crois qu'elles étaient fait pour s'entendre. Je remercie rapidement la dame du Rohan avant de filer à l'arrière du chariot.
J'y trouve un cheval assez âgé qui se plaint de son dos et un autre plus jeune agité de tics nerveux.
Quel magnifique choix...
Je soupire avant de détacher la corde du plus jeune. Il piaffe, s'agite puis accepte de me suivre. Ça va me changer de la nonchalance d'Équinoxe.
Je remonte le convoi à contre sens, j'entends que l'on ne va pas tarder à s'arrêter pour la nuit.
Je me hisse tout juste en selle quand mon cheval remarque Le Warg qui nous suit. Aussitôt, il se cabre et je crains un instant qu'on ne bascule en arrière. Je parviens à rester en selle et à remettre les quatre pattes de ma monture au sol quand Le Warg se met à grogner, mécontent du danger que j'encours sur le dos de cette bête nerveuse. En réponse, mon cheval tente de me mettre à terre pour s'enfuir.
– Recule ! crié-je à Le Warg.
Heureusement, lui m'écoute et j'arrive à maîtriser le jeune cheval.
– Je comprends pourquoi personne ne te monte, soupiré-je. Le Warg, reste avec le convoi. Je n'en ai pas pour longtemps.
Le Warg refuse ce qui me tire un juron.
– Tu veux que je me brise la nuque en tombant ? Il a peur de toi, alors reste ici. Je n'en ai pas pour longtemps, préviens moi s'il se passe quelque chose.
Le Warg gémit mais ne vient pas. Je lui adresse un signe avant de talonner mon cheval qui est plus que content d'enfin s'éloigner de cette bête qu'il juge dangereuse.
Passé sa nervosité, ma monture est rapide et fiable. Elle a le pied sûre et ne rechigne pas devant l'effort, mais je regrette tout de même Équinoxe.
Je contourne une large colline puis je pars en avant du convoi. Je pense un instant à Elrohir et je prie pour qu'il ne remarque pas mon absence, je n'en ai pas pour longtemps et si le danger s'avère réel, il ne m'en voudra pas d'être encore parti sans rien lui dire.
Je perds un peu la notion du temps dans ces plaines monotones, mon seul repère est le soleil qui décline. Les indications de mon frère n'étant pas très précises, je me contente de foncer droit devant. J'arrive en haut d'une petite bute quand soudain mon cheval s'arrête si brusquement que je manque de passer par dessus son encolure, surtout que, n'aimant pas être déstabilisé, ma monture rut de plus belle.
– Calme toi, soufflé-je en Elfique. Ne t'agite pas comme ça, tout va bien.
Mon cheval n'est guère convaincu et m'indique la présence d'Orque. Je remonte pas à pas la bute pour en voir l'autre versant. Je frémis en apercevant une longue cohorte d'Orques. Voici donc notre armée furtive...
Ils sont nombreux, et accompagnés de Trolls. Je les observe alors qu'ils avancent d'un bon pas. Ils se pressent. Mon attention est attirée par un Troll démesuré, il porte une sorte de cuirasse et semble commander les autres. J'ignorais qu'ils étaient capable de se hiérarchiser... A moins que celui-ci soit vraiment spécial.
Ma monture piaffe et je prends le temps de la calmer avant de regarder plus en amont. Le terrain monte en pente douce avant d'arriver à un relief plus tourmenté puis à un plateau quelque peu en hauteur. Anar avait donc raison. Les Orques tentent d'atteindre le plateau avant nous, certainement pour nous y attendre. On fonce droit dans un piège.
La seule solution serait de les attaquer avant d'arriver au terrain accidenté. On n'a plus beaucoup de temps !
Je fais faire demi tour à mon cheval qui est content de s'en aller. On redescend prudemment la bute puis on accélère, le temps presse. Je passe un goulet à toute vitesse puis je talonne mon cheval qui donne tous ce qu'il a, mais soudain quelque chose déboule à quelques dizaines de mètres devant nous.
Je frémis en voyant deux Orques en armures légères, certainement des éclaireurs. J'ai du me faire repérer quand mon cheval faisait l'idiot en haut de la bute.
Je bifurque sur ma droite puis je tente de les prendre de vitesse tandis qu'ils doivent gravir la côte. Ce côté là est plus accidenté, je longe une crevasse étroite qui va finir par me couper la voie, à moins que je remonte la bute. J'envisage une seconde de la franchir pour gagner du temps mais alors les Orques ralentissent puis se stoppent. Surprise, j'en fait de même.
Mon cheval a du mal à leur faire face tandis que je tire mon arc. Les Orques sont peu mobiles, s'ils acceptent de ne pas trop bouger, je devrais pouvoir les avoir. Je vais pour encocher une flèche quand une alarme semble retentir dans ma tête.
Pourquoi s'arrêtent-ils ?
Il n'y a aucune raison à ce qui me laisse ainsi filer. Alarmée, je lève les yeux au ciel. La peur de voir l'horrible créature me surplomber manque de me faire vomir mais il n'y a rien. Je regarde alors autour de moi quand soudain deux autres Orques apparaissent de chaque côté. Voilà donc le plan : m'encercler.
Derrière moi, une crevasse. A droite, un Orque. A gauche, un Orque. En face, deux Orques.
Bravo, Isil.
Je soupire avant de lâcher les rênes, heureusement que je ne suis pas le genre de personne qu'il faut approcher. Malgré moi, je souris mais les Orques sont trop accaparés par leur pseudo-réussite pour le remarquer. Je tends mes mains devant moi et aussitôt le feu se propage sur mon épiderme, prémices de ce qui va arriver...
Enfin ce qui aurait dut arriver car soudain tout s'enchaîne sans aucun contrôle.
D'abord, je ressens la terreur de ma monture qui n'avait jamais vu de cavalier prendre subitement feu... je comprends mon erreur avec un temps de retard alors que mon cheval tente de me jeter à terre. Étant bonne cavalière, je parviens à rester en selle mais alors ces stupides Orques se mettent à paniquer à leurs tours. Leurs cris rappellent leurs présences à ma monture qui décide de se jeter littéralement à terre.
Cette fois, je ne peux rien...
Je chute lamentablement, glissant sur la dure terre du Rohan comme sur une patinoire. Avec horreur, je vois la crevasse se rapprocher. Je tente de me rattraper aux herbes mais déjà mes jambes basculent dans le vide et mon poids arrache les pauvres herbacées que j'avais agrippée en guise de corde de survie.
Ne pouvant rien contre la gravité, je chute dans la gorge.
Bye-bye Isil...
Bon, c'est moins profond que je ne le croyais mais ça n'arrange en rien ma situation. Je me relève aussi vite que possible et je clopine jusqu'au bord le plus déchiqueté où je m'accroupis sous une petite barre rocheuse.
Je sens la terreur de mon ex-monture s'éloigner puis disparaître complètement, il a réussi à fuir. Je suis partagé entre la colère et le soulagement. En même temps, quelle idiote je suis de faire du feu sur un cheval qui a déjà peur de sa propre ombre...
Je regrette vraiment Équinoxe...
De la terre tombe alors juste devant mon nez.
– Je la vois pas, couine une voix éraillée. Je veux pas descendre c'est peut être plus profond.
– Tu crois qu'elle a survécu ?
– Et comment ? En se volatilisant ? Elle a du s'écraser plus bas.
– J'y crois pas tant que je verrais pas son corps.
Une série de grognements agressent mes oreilles, tandis que les Orques se disputent.
– Fermez là ! Tonna alors un à la voix plus grave. Avec une telle chute, elle doit être sonnée ou trop blessée pour remonter, mais on s'en fiche. Il y a peut-être d'autres Elfes fouineurs, faut aller avertir les autres !
Une nouvelle série de grognements puis j'entends des pas lourds s'éloigner.
Bon débarras.
Je prends la précaution d'attendre un peu puis je m'examine rapidement.
J'ai les mains écorchées, mal à l'épaule qui a heurtée le sol et je me suis bien cogné un genou mais ça aurait put être pire.
La crevasse forme un goulet assez étroit dans lequel je me suis glissée sans trop de heurt. Si j'avais été d'une carrure un poil plus imposante, j'aurais put me briser les os.
Je prends le temps de m'étirer avant de regarder en l'air. Je ne suis peut-être pas sonnée ou blessée mais la remontée va être rude. Je commence par aller voir ce qui se trouve à chaque extrémité de la crevasse. En amont, c'est un trou aussi noir que les ténèbres plongeant vers des sous-sols où je n'ai pas envie d'aller. En aval, c'est une cheminée étroite de pierres déchiquetées par l'érosion.
Je suis bonne pour un peu d'escalade. Je réajuste ma lame dans mon dos, vérifie ma dague, regrette mon arc que j'ai perdu dans la chute, puis je m'attelle à grimper en essayant de ne pas penser au rebord que je vais devoir franchir à la force des bras.
Je ne suis montée que de deux pauvres mètres quand la terre se met à trembler. D'abord presque imperceptible puis de plus en plus fort. J'hésite puis je saute à terre et je retourne en courant sous le renfoncement rocheux.
J'ai l'impression d'attendre des heures tandis que les tremblements sont de plus en plus présents. Je me plaque contre la parois alors que des pierres chutent dans la gorge. Des blocs entiers se décrochent et ricochent avant de s'éclater au sol. Je ne comprends pas ce qui se passe jusqu'à ce que j'entende des grognements.
Et merde !
Je me colle d'autant plus contre la roche, ce n'est pas le moment de se faire remarquer. J'attends le plus sagement du monde que ça passe puis je secoue la tête. Je suis vraiment dans de beaux draps.
Bravo, Isil, te voilà au fond d'une crevasse et derrière les lignes ennemies !
Si ces Orques ne le font pas avant, Elrohir va tuer...
Fin du chapitre
Isil se met à nouveau dans le pétrin.
Comment va t'elle s'en sortir ?
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