Chapitre 10 : Reflection
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Titre : Reflection de Christina Aguilera
Bal d'automne : 30 septembre.
Période couverte par le chapitre : 13 novembre.
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La Colombe les invita à la suivre. Seokjin s'efforçait d'être discret, mais ni son regard, ni ses pensées ne quittaient Taehyung. Il n'était pas le seul, remarqua-t-il. Tous trépidaient d'impatience à l'idée de découvrir comment l'héritier légitime du trône de Talguk allait mener la discussion. À le voir ainsi, la posture impeccable, l'expression impénétrable, Seokjin crut retrouver l'homme que Taehyung avait été le soir du bal d'automne. En plus habité, néanmoins. Il réalisa, avec un pincement au coeur, que le petit garçon accourant vers lui à la moindre contrariété n'existait plus. Depuis quand Taehyung n'était-il plus venu lui parler ?
Il repoussa l'étreinte soudaine des bras de la Nostalgie et emboîta le pas du comité restreint. Une tension immanquable régnait parmi eux, et, jugea Seokjin, Jungkook et Yeonha s'en partageaient la responsabilité. La présence de la magicienne réveillait de vives amertumes, tandis que celle du neveu de l'Usurpateur suscitait l'incompréhension. Yeosul et Yuhan agissaient près de lui comme s'il pouvait les attaquer à tout moment. Qui pouvait leur en vouloir ? Le gamin ne faisait rien pour alléger l'atmosphère ; il ressemblait à un tigre prêt à bondir à la moindre brindille qui craque. Le spectacle de ses muscles tendus à l'extrême provoquait chez Seokjin une vive angoisse. Il possédait un flacon d'huile de lavandin dans ses affaires et n'hésiterait pas à le lui proposer après la réunion. Ce garçon avait bien besoin d'un massage.
La première impression qu'avait laissée Taehyung avait été bonne, il fallait dire qu'il s'en était sorti admirablement. Seokjin reconnaissait ses efforts pour faire en sorte que son rôle à jouer ne soit pas trop éloigné de l'homme qu'il était. Mais Jungkook représentait le premier conflit qu'il allait devoir désamorcer. Pour Yeosul et la majorité des résistants de Byeolju, la paix n'incluait pas le neveu de l'Usurpateur vivant. Pour Taehyung, elle n'existait pas sans lui.
— Je vous prie de vous installer, leur dit Yeonha avec une courtoisie d'usage.
Le regard que Jungkook lui lança était si noir que Seokjin se jura qu'il venait d'assister à un meurtre silencieux. Avant cet instant, il n'aurait pas cru cela possible, de tuer quelqu'un dans sa tête, mais, une par une, Jungkook paraissait retirer les fibres de son coeur attachées à cette femme.
La salle de réunion n'était pas encore peinte. Elle évoquait le genre de pièce que Taehyung détestait. Si Seokjin avait pu lui demander son avis, il lui aurait répondu quelque chose du genre : « Elle ressemble à une enveloppe dans laquelle on n'a pas encore insufflé la vie ». Il était comme ça, Taehyung, à vouloir la vie partout où il allait, à ne pas supporter le vide, le mort.
Le plafond bas compressait les poumons de Seokjin, une odeur de ciment frais incrustait les murs nus et il regretta aussitôt l'extérieur, avec son ciel qui s'étendait à perte de vue au-dessus des ruines de la ville. On les conduisit jusqu'à une table rectangulaire assortie d'une quinzaine de chaises. Des clous en acier saillaient des pieds et de la rouille s'étalait sur sa surface métallique. Elle paraissait ne pas avoir été nettoyée depuis des semaines.
— Ne te coupe pas, chuchota Seokjin à Jimin, ou bien tu risques d'attraper une saleté.
Le garçon rit sous cape et lui promit de faire attention.
Seokjin remarqua qu'en dehors de Yeosul et de Yuhan, ses sourcils si froncés que son front en garderait sans doute les marques, aucun autre soldat n'avait été autorisé à entrer. Yeonjun, Soobin et Seonhee patientaient dehors, eux aussi.
— Les deux hommes et la jeune fille qui nous accompagnaient sont-ils en sécurité à l'extérieur ? demanda Taehyung à Yeosul.
— Ne vous en faîtes pas, aucun mal ne leur sera fait. Mes hommes y veillent.
— Vos hommes ? intervînt Jungkook, un rictus aux lèvres. Ne sont-ils pas loyaux à l'héritier légitime des Kim ? ajouta-t-il, provocateur.
— Ils n'appartiennent à personne d'autre qu'à eux-mêmes, énonça sagement Taehyung.
Cela mit un terme à la joute verbale.
Yeosul désigna pour Taehyung une place à l'extrémité de la table, et, avec une politesse qui brillait par son absence, elle fit signe à Jungkook de s'asseoir cinq sièges plus loin. Tout était soigneusement orchestré. Byeolju possédait à présent un roi et celui-ci allait leur donner ce qu'ils attendaient tous. Seokjin sentit l'appréhension lui chauffer le visage.
Taehyung, néanmoins, pointa du doigt l'emplacement à sa droite.
— J'ai besoin de Jungkook à mes côtés, déclara-t-il.
Il avait dit ces mots comme il aurait dit « j'ai besoin de ma main pour écrire », avec un ton qui n'admettait qu'une seule attitude : l'assentiment. Yeosul demeura sans voix, serra les lèvres puis hocha machinalement la tête. Contrairement à beaucoup de gens qui prennent plaisir à retirer aux autres leur capacité à s'exprimer, qui aiment voir peser sur eux leur puissance, Seokjin savait que Taehyung détestait observer une bouche s'ouvrir sans qu'aucun son ne puisse s'en échapper, le bref sursaut de la poitrine et l'immobilisme des mains ramenée sur les flancs. Mais il leur avait parlé de sa résolution : ne pas dissimuler son intention d'inclure Jungkook dans l'avenir du royaume de Talguk. Il se devait de feindre l'intransigeance dès le commencement, malgré les risques qu'une telle attitude comportait.
Tout était une question d'équilibre, mais celui-ci était précaire.
Seokjin échangea un regard avec Namjoon, dont la masse imposante le talonnait de près. Ils avaient promis de laisser Taehyung gérer les échanges à sa manière.
Jungkook vint s'asseoir à la place indiquée, une expression suffisante sur ses traits ciselés. Seokjin ne manqua pas, pourtant, les doigts qu'il resserra autour de ceux de Taehyung, alors qu'il se croyait à l'abri des regards. Le geste n'avait pas duré plus d'une seconde, mais il renfermait une telle tendresse que Seokjin en fut tout retourné.
Il trouva sa place, aux côtés de Namjoon et de Hoseok, tandis que Yoongi s'assit face à lui, Yeosul et Yuhan à sa gauche, Jimin à sa droite. Le magicien adressa un léger sourire moqueur à Seokjin, auquel il répondit par un regard appuyé, qui signifiait « garde ton sérieux, mauvais garnement ».
Une fois que tous furent installés, Taehyung voulut se lever, mais Yeosul le devança. Elle poussa la table de ses mains et, une fois sur ses jambes :
— Nous voici tous réunis en ce jour afin de discuter de la stratégie que nous déploieront pour chasser l'Usurpateur du trône de Talguk, commença-t-elle .
Taehyung, s'il était déstabilisé, n'en montra rien.
— Kim Taehyung, fils de feus le roi Kim Suho et de la reine Kim Jaehwa, magicien et héritier légitime du royaume -
— ... demande à la Colombe, fondatrice de la Confrérie et alliées de la couronne, de se décharger des nouvelles qu'elle détient, compléta Taehyung.
Son intervention jeta un froid sur leur petit groupe, au sens propre comme au figuré. Il était resté assis, avait parlé d'une voix qui envoya une décharge dans le corps de Seokjin. Il termina sa demande pas un signe de tête en direction de Yeonha, placée à l'autre extrémité de la table.
Seokjin fut impressionné par la clarté avec laquelle cette dernière lui répondit. Sa posture lui fit penser à celle d'un arbre n'ayant jamais ployé sous aucune tempête ni aucun tremblement de la terre où repose ses racines.
Yeosul, elle, contenait mal sa frustration et ses mains étaient secouées de légères convulsions.
— Mon premier bulletin d'information concerne Park Hee-Joon, plus connu sous le surnom qu'il s'est lui-même choisi, Chêne. Sa trahison a entraîné la scission de la Confrérie et de la communauté magicienne.
Seokjin eut l'impression qu'une pierre tombait au fond de son estomac.
— De la communauté magicienne ? répéta Taehyung.
Yeonha hocha la tête.
— Chêne et ses partisans ont été très actifs, depuis le bal. Leur campagne vise à décrédibiliser Sa Majesté.
L'honorifique n'échappa à personne.
— Et comment s'y prennent-ils, pour me décrédibiliser ?
— Ils insistent particulièrement sur vos liens avec le Prince Usurpateur.
Ce fut à cet instant précis que Seokjin réalisa à quel point Taehyung et Jungkook faisaient la paire. Leur magie, le bouillonnement de leurs émotions, vous clouaient au sol. Leur colère était synchronisée, invisible pour les yeux, introuvable sur leur visage ou dans leur posture, mais assourdissante. Seokjin regretta que ses sens ne puissent sonder avec précision tout ce qui voyageait entre eux.
— Usurpateur, dit enfin Taehyung, et il réussit à transmettre, par la manière dont il prononça ces quelques lettres, leur sens terrible. Ne l'appelez pas ainsi. Surtout pas vous, qui avez manqué à tous les devoirs que vous aviez envers l'enfant de sept ans qu'il était.
Seokjin observa d'abord le tressaillement du visage de Yeonha, la manière dont sa main agrippa la table plus fortement qu'il ne l'aurait fallu, mais son attention fut vite ramenée sur Taehyung. Il avait fermé les yeux et ce ne fut qu'en sentant une colonie de frissons glacés courir sur son bras que Seokjin comprit qu'il tâchait de contrôler ses pouvoirs. Ils n'avaient pas encore eu l'occasion de reparler de l'incident survenu lors de leur fuite, mais il ne faisait aucun doute que quelque chose ne tournait pas rond avec eux.
Tous le remarquèrent, mais Yeosul et Yuhan semblaient davantage interpréter ce phénomène comme une preuve de sa puissance. Seokjin ne manqua pas l'éclair d'intimidation qui les traversa et les poussa à redresser leur dos pour se donner de l'assurance, mais surtout, il lut l'avidité dans leurs prunelles.
— Je suis désolée, Votre Majesté, répondit Yeonha, mais c'est Jungkook qu'elle regarda en prononçant ces mots.
— Pourquoi doit-elle s'excuser ? intervînt Yuhan. Qu'a-t-il fait pour mériter de siéger à vos côtés ? Sa Majesté récompense-t-elle ainsi tous les tueurs de magiciens ?
— Elle me récompensera sûrement si je te coupe la langue, rétorqua Jungkook en amorçant un geste pour se lever.
Il se rassit aussitôt, comme si une force invisible l'avait tiré en arrière.
— Vous voyez ? s'écria Yuhan, à présent hors de lui. Il n'a rien à faire ici !
Pendant quelques minutes, la discussion devint un échange piquant de cris d'indignation et d'insultes. Seokjin, le poing levé, participa volontiers pour défendre son cousin, mais en tournant la tête vers lui, il vit que Taehyung s'était muré dans le silence et la honte le submergea. Yeosul, elle aussi, reprit ses esprits.
— Ce que Yuhan essaie d'exprimer est une interrogation légitime, s'interposa-t-elle, plus calme.
— Chêne joue sur cet élément pour rallier les magiciens à sa cause, appuya Yeonha. Il raconte que l'héritier des Kim est manipulé par le neveu de l'Usurpateur, qu'il s'est énamouré de lui et n'est qu'un pantin entre ses mains. Qu'on ne peut se fier à un roi qui refuse de prendre position contre tous les Jeon.
— Devrais-je prendre position contre vous aussi, Yeonha ? demanda doucement Taehyung.
Le temps d'un instant, un silence tendu régna dans la pièce. L'expression confuse de Yeosul et Yuhan informa Seokjin de leur ignorance concernant l'ascendance Jeon de la Colombe.
— Je ne suis pas du même avis que Chêne, Votre Majesté, articula finalement Yeonha. Je ne fais que relater les informations en ma possession.
Taehyung soupira. Son souffle émit une fumée vaporeuse.
— Yuhan, quel est votre nom ?
— Gôa Yuhan, récita immédiatement celui-ci. Je ne connais pas mon clan, ma mère est morte en couche et mon père est absent. Je suis né ici, à Byeolju.
— Gôa Yuhan et Gôa Yeosul, je comprends votre désarroi, je vous assure. Toute ma vie, j'ai compté Jungkook parmi mes ennemis, et le voilà qui siège aujourd'hui près de moi.
Il se tut un instant. Son expression ne changea pas, mais Seokjin savait qu'il communiquait avec Jungkook en silence.
— Je vais à présent vous révéler ma position le concernant. Je vous avertis d'ores et déjà qu'elle demeurera inchangée et que si vous désirez ma coopération, il vous faudra l'accepter. Voulez-vous l'entendre et promettez-vous, si c'est le cas, de me laisser l'exprimer sans m'interrompre ?
Taehyung était doué. Était-ce ainsi qu'il avait rallié Jungkook à sa cause ? En lui donnant l'impression que le choix était le sien ? Il avait le don de vous rendre important et, si cela aurait pu passer pour une technique de manipulation, Seokjin connaissait assez Taehyung pour savoir qu'il défendait sincèrement le droit que possédait chacun de se retirer d'une partie et, si les concernés n'avaient pas conscience d'être participants de quoi que ce fût, il était bien décidé à le leur faire savoir.
— Bien sûr que nous voulons connaître votre position, répondit Yeosul. Nous promettons... Votre Majesté, ajouta-t-elle.
Taehyung pivota pour soutenir le regard de Yuhan, jusqu'à ce que ce dernier s'exprime en son nom. Ensuite, il inspira, devant un auditoire pendue à ses lèvres, et expliqua :
— Vous avez sans doute entendu la rumeur qui circule depuis le soir du bal d'automne. Le chef de clan Jeon Jaegguk, père de Jeon Jungkook, a été lâchement assassiné par l'Usurpateur lui-même après la signature de l'Armistice qui devait unir le royaume sous un seul drapeau. Cette rumeur est vraie. Jungkook avait sept ans lorsqu'il est devenu orphelin. Son oncle l'a élevé dans la haine des magiciens et le mensonge.
Yeosul et Yuhan s'apprêtaient à dire quelque chose, mais, sans doute rappelés à leur promesse, il gardèrent finalement la bouche scellée. Seokjin devina sans mal leur scepticisme. Tous allaient réclamer, à raison, des documents prouvant la véracité d'une telle version de l'Histoire. La Confrérie les possédaient autrefois, mais qu'en était-il depuis la scission déclenchée par Chêne ?
— Aujourd'hui, Jungkook dispose d'autant de raisons que nous de haïr l'Usurpateur. Sans compter qu'il est lui aussi un magicien. L'Usurpateur a affirmé des années durant que sa condition était une malédiction lancée par les Kim, mais la vérité est autre. Il est des nôtres.
Cette fois, Yeosul ne put se retenir et s'exclama :
— Comment est-ce possible ?!
Alors Taehyung prit le temps d'expliquer l'origine magicienne du clan Jeon, puis l'épuration du clan par une poignée de mortels jaloux et suprémacistes. Seokjin réalisa à quel point les secrets que la Confrérie avaient gardés pour elle jouaient à présent contre eux tous. S'il n'avait pas été présent dans la mémoire de Yeonha, par l'intermédiaire de Taehyung et Jungkook, s'il n'avait pas examiné certains documents authentiques, aurait-il accordé foi en ces informations ? Sans doute pas.
— Même si ce que vous dîtes est vrai, Votre Majesté, et je vous assure que je suis prête à le croire, Jeon Jungkook ne sera jamais des nôtres. Rien ne peut effacer ni justifier les crimes commis par ses mains. Des centaines de familles sont endeuillées par sa faute.
Jungkook choisit cet instant pour se lever. Le mouvement de son corps réchauffa aussitôt l'atmosphère, de la même manière que Taehyung l'avait refroidie. Seokjin manqua de sursauter lorsqu'il appuya ses deux mains sur la table avec la brusquerie d'un soldat et releva la tête.
— Vous avez raison, admit-il, je ne suis pas des vôtres. Je ne vous connais pas, je ne comprendrai jamais ce que vous avez vécu sous le joug de l'Usurpateur. Nous sommes des étrangers l'un pour l'autre et je ne suis animé par aucun sentiment de justice.
Seokjin attendit un « mais » qui ne vint pas. Jungkook poursuivit ainsi :
— Je suis puissant, sans doute plus que n'importe lequel d'entre vous, parce que j'ai passé ma vie à combattre les magiciens et que j'en suis un moi-même, parce que j'ai grandi au sein d'un clan où l'on apprend à tenir un sabre avant d'apprendre à marcher. Vous ne voulez pas m'avoir contre vous dans cette guerre. Si votre désir le plus cher est d'éliminer l'Usurpateur, alors vous allez être contraints d'accepter ma présence, parce que je serai celui qui plantera une lame dans sa poitrine.
Il se redressa et attendit. À la surprise générale, ce fut à Taehyung qu'il adressa ses prochaines paroles :
— Je ne me battrai pas en ton nom Taehyung, ou en celui des Kim. Je me battrai sous mon propre nom. Je suis un Jeon, c'est le clan de mon père et je ne le renierai pas. Plus encore, je ferai savoir à tous que si un Jeon désire se ranger à mes côtés, alors je l'accepterai.
— Jamais je ne t'aurai demandé de récuser ton nom, affirma Taehyung avec une telle intensité que Seokjin n'osa pas respirer de peur de rompre cet instant.
Jungkook hocha la tête.
— Mais quand j'aurai arraché le coeur de l'Usurpateur, je le déposerai à tes pieds.
Il se rassit et se mura dans un formidable silence, indifférent à la stupeur qu'il avait causée. Seokjin eut l'impression qu'on venait de lui fermer une porte au nez après l'avoir laissé entrevoir un échantillon de la pièce qu'elle gardait. Il fut déçu d'être astreint à demeurer sur le seuil, mais comprit que Taehyung serait à jamais le seul à pénétrer cette étendue défendue.
Jungkook aurait pu user de la télépathie pour n'être entendu que de son âme-sœur, mais il avait voulu qu'ils entendent. Était-ce sa manière de montrer patte blanche ?
— Vous l'avez entendu, dit Taehyung et, cette fois, il ne parvint pas à prévenir l'altération de sa voix. Jeon Jungkook restera à mes côtés et s'engage à remplir une mission pour laquelle nous allons tous œuvrer ensemble. Je m'engage à défendre son droit d'être parmi nous auprès de tous ceux qui le remettront en question. Est-ce entendu pour tout le monde ici ?
Personne n'éleva la moindre objection. Seokjin ne se fit pas d'illusions, néanmoins. Il s'agissait d'une trêve et non de la fin de la bataille.
— Bien. Maintenant, Dame Yeonha, veuillez nous expliquer ce que veut Chêne.
La réunion continua de manière plus apaisée. Yeonha leur expliqua que Chêne constituait désormais un troisième pouvoir sur l'échiquier et un deuxième adversaire. Le royaume pour lequel il œuvrait redonnerait aux magiciens une suprématie totale sur les mortels.
— Il affirme qu'il n'existe pas de mortel innocent, car tous ont été complices des crimes de l'Usurpateur ou sont restés silencieux lorsque les magiciens se faisaient décimer. Il réclame le droit sacré qu'ont les magiciens à régner sur Talguk et revendique leur supériorité sur les autres populations, incapables selon lui de s'administrer seules. Il refusera toute négociation et reconnaissance de votre légitimité à régner tant que vous tolèrerez que le neveu de l'Usurpateur reste à vos côtés.
— En d'autres termes, énonça Namjoon, et Seokjin reconnut là son besoin de reformuler les choses à sa manière pour être certain de les avoir bien comprises, il ne désire pas une cohabitation pacifique avec les mortels, mais une domination ? Il souhaite renverser la situation actuelle ? Faire des opprimés les nouveaux oppresseurs ?
Yeonha hocha la tête en signe d'assentiment.
— C'est exact. Il apporte à son discours un argument d'ordre spirituel : les magiciens sont destinés à régner sur les autres espèces, c'est la volonté de la Nature. Il se sert aussi de la situation actuelle et de la répression sanglante de l'Usurpateur pour alimenter le sentiment de revanche que beaucoup ressentent. Il rappelle sans cesse les atrocités commises sous le gouvernement de l'Usurpateur, diffuse des histoires larmoyantes et des images horrifiques. Le massacre de la Cité demeure vivace dans les mémoires.
— Massacre que nous aurions pu éviter, intervînt Taehyung avec aplomb.
À nouveau, Yeonha fut le réceptacle de ses reproches :
— Vous saviez que la Cité allait être attaquée mais n'avez pas fait évacuer la zone. Même après, vous m'avez dit de ne pas m'inquiéter, que vous alliez faire votre possible pour les sauver. L'avez-vous fait, dame Yeonha ?
La magicienne eut la décence de soutenir le regard brillant de Taehyung :
— Non, Votre Majesté, avoua-t-elle. Je me suis empressée de me rendre au quartier général de la Confrérie pour récupérer tout ce que je pouvais avant Chêne.
— Votre visite a-t-elle été un succès ? Valait-elle la vie de centaines d'hommes, de femmes et d'enfants ?
L'air était devenu irrespirable, saturé de culpabilité, de colère et de chagrin. Ils avaient sous les yeux les conséquences de la rupture de la malédiction de Taehyung. Ses émotions trop longtemps bridées ne supportaient plus aucune chaîne.
— Non, Votre Majesté. Heeji et moi avons pu récupérer des documents authentiques attestant de votre identité mais ceux qui prouvent les évènements du jour de l'Armistice ont disparu. Chêne les a probablement détruits.
Cette nouvelle eut raison du masque implacable de Taehyung. Il se fissura pour libérer deux yeux immenses, une bouche entrouverte et un visage privé de ses couleurs.
— Vous voulez dire qu'il n'existe plus aucune trace de ce qui s'est réellement passé le soir où ma famille a été massacrée ? répéta-t-il doucement.
— Comme c'est pratique, railla Jungkook.
Son talon frappait le sol à une vitesse bien trop élevée pour être le fruit de l'indifférence.
— La mémoire demeure, tenta Yeonha. La mienne, et celle du scribe présent ce jour-là. Mais je vous parlerai de ceci plus tard, Votre Majesté, en comité plus restreint encore.
Taehyung demeura un instant silencieux mais finit par hocher la tête.
— Je n'aurais pas dû vous écouter et fuir la Cité, dit-il. C'est une faute que je passerai ma vie à expier.
Ce fut Yeosul qui lui répondit :
— Ne soyez pas trop dur envers vous-mêmes, Votre Majesté. Votre vie est plus précieuse que n'importe laquelle d'entre nous.
— Voilà un point sur lequel nous nous accordons, sans-clan, renchérit Jungkook.
La concernée lui adressa un bref signe de tête et se détourna de lui. Taehyung accepta les loyales paroles de la soldate avec autant de grâce qu'il put sans doute en rassembler.
— Quoi qu'il en soit, enchaîna Yuhan, la stratégie de Chêne fonctionne. Si nous ne les tuons pas tous, ils essaieront toujours de nous opprimer, voilà ce que crient ses partisans, et je vous admets que c'est une opinion attirante. Si nous les faisons taire, alors nous sommes accusés d'entraver leur liberté ou, pire, de trahison envers les nôtres.
— C'est d'ailleurs ainsi qu'il vous présente, approuva Yeonha. Un traître à sa nature.
— Peut-être, Votre Majesté, pourriez-vous nous partager votre propre vision de l'avenir du royaume ? demanda Yeosul.
Seokjin se tendit. Un nouveau test se préparait, le plus crucial de tous. Toute sa vie durant, il avait écouté Taehyung partager ses aspirations et ses rêves ; l'enfant qu'il était autrefois avait déjà une idée arrêtée sur le monde dans lequel il désirait vivre, un monde à des lustres de l'existence à laquelle on l'avait condamné. Seokjin avait considéré son cousin avec une pitié attendrie mais, à d'autres moments - et il en était peu fier - il avait traité les espoirs de Taehyung avec dédain.
Ce sont les illusions d'un enfant, avait-il dit un jour à Yoongi.
Si quelqu'un peut accomplir l'impossible, lui avait répondu le magicien, c'est lui.
L'enfant avait presque vingt-quatre ans à présent, et on l'appelait Majesté.
— « ll m'arrive de me demander si je ne devrais pas tout abandonner et renoncer à ce bout de royaume qui ressemble, dans mon imagination, au matin calme » , cita l'enfant-devenu-grand. Jeon Jaegguk a écrit ces mots dans une lettre destinée à mon père. Depuis que j'ai pris connaissance de cette lettre, je n'ai cessé d'y penser. J'aurais pu l'écrire, cette phrase.
Il se tut et son silence était empreint d'un respect profond. Seokjin repensa à tous les moments de son existence où Bangtan et lui avaient échoué à le préserver de la souffrance. On ne peut protéger les personnes qu'on aime de la vie et des tourments qui l'accompagnent, hélas. J'ai essayé, se persuada-t-il. J'essaierai encore.
— Voilà où réside ma volonté. Je veux que chaque journée à Talguk débute par un matin calme et s'achève par un crépuscule serein.
Un sourire flottait sur ses lèvres comme un drapeau blanc agité par le vent.
— Nous libérerons les magiciens et magiciennes, continua-t-il, et nous irons encore plus loin : nous offrirons la paix à chaque habitant du royaume de Talguk. Nous sommes tous nés dans ce monde et cela nous donne le droit d'y vivre dignement. Je ne recherche pas la gloire, ni l'humiliation de mes ennemis. La haine a planté ses graines au sein du clan Jeon et n'a cessé de germé depuis, mais qu'ont fait les représentants des autres clans ? Ils l'ont arrosée, l'ont encouragée à s'enraciner plus solidement à chaque nouvelle génération. Oh, pas volontairement, certainement, mais le résultat est malheureusement le même.
Après une brève pause, il ajouta, d'un murmure de ceux qui insufflent la vie :
— Je briserai ce cycle.
— Que voulez-vous dire, Majesté, quand vous évoquez l'attitude des autres clans ?
— Le royaume tel qu'il était avant la chute des Kim n'avait rien d'équilibré, répondit Taehyung avec prudence. Les Kim étaient de bons souverains, je le sais parce que je les ai vus à l'œuvre dans les souvenirs de Dame Yeonha, mais aussi parce que j'ai écouté ce qu'en disaient les magiciens et magiciennes ayant vécu sous leur règne. Mais ils n'ont jamais remis en question l'hégémonie des magiciens. Je ne crois pas que nous valions mieux que les mortels ou que n'importe quel autre être sur Terre. Jamais les non-magiciens n'ont eu leur place quand il s'agissait des décisions importantes prises pour le royaume.
— Les mortels avaient des représentants au conseil du roi, Votre Majesté, le contredit Yeonha.
Taehyung ne se démonta pas :
— Et quel poids avait leur voix ? demanda-t-il, d'un ton qui ne laissait aucun doute sur sa connaissance de la réponse.
— Une voix d'un non-magicien valait le quart d'une voix de magicien.
Ce fut Namjoon qui souffla ces mots.
— Et le conseil du roi avait-il décidé, au moment de l'Armistice, d'admettre le clan Jeon au conseil ?
Seokjin, alors même qu'il n'avait pris aucune part aux décisions prises des années plus tôt, ressentit, une fois encore, un brûlant sentiment de honte.
— Non, répondit Taehyung à sa propre question. Les termes de l'Armistice prévoyaient la dissolution totale de l'armée des Jeon, un clan dont l'identité s'est construite sur l'art du combat.
— Encore heureux, Votre Majesté ! intervînt Yeosul. Aurait-on dû leur laisser les moyens de nous tuer encore si l'envie leur en prenait soudainement ?
— La sans-clan a raison, dit Jungkook. Si j'avais été tes parents, j'aurais anéanti leur armée jusqu'au dernier homme pour m'assurer qu'ils ne puissent recommencer.
Loin d'ébranler Taehyung, l'intervention de Jungkook le fit sourire. Il répliqua avec fermeté :
— La paix est atteinte lorsqu'on cesse de considérer ses ennemis comme ses ennemis. On ne peut pas construire une entente véritable si on fait comprendre à l'autre qu'on ne lui fera jamais confiance et si on le dépouille des moyens de se reconstruire. Une autre clause sommait les Jeon de payer une amende considérable, alors qu'ils avaient un territoire à rebâtir, et les contraignait d'accepter la présence permanente de soldats d'autres clans sur leurs terres.
— Jeon Jaegguk a accepté les termes de l'armistice ! réagit cette fois Yoongi.
Chacun s'exprimait sans désir d'écraser l'autre, mais dans le but d'apporter de la nuance à une discussion sensible. Taehyung acceptait chacune des interventions, les considérait un instant avant d'y répondre d'une manière indiquant qu'il avait longuement réfléchi :
— Parce qu'il savait que c'était ce qu'il pouvait obtenir de mieux pour son peuple. Parce que c'était soit accepter, soit voir les siens écrasés ! Alors il a ployé le genou par amour pour les siens, comme le ferait tout bon chef. Il savait que mon père et ma mère étaient eux-mêmes soumis à la pression des autres clans qui réclamaient une punition sévère pour les Jeon. Je n'ai cessé, ces dernières semaines, de me repasser les images vues dans les souvenirs de Yeonha. Je me suis demandé, bon sang, comment en est-on arrivés là ? Comment un frère en est-il arrivé à tuer son frère ? Comment deux petits garçons se sont-ils retrouvés amputés, orphelins, maudits ? Comment un royaume autrefois uni a-t-il pu se déchirer de la sorte ? Alors j'ai compris. Le royaume n'a jamais été uni. On a piétiné l'amour propre d'hommes, de femmes et d'enfants, or, ai-je appris durant les longues années passées à récolter les morceaux abimés des âmes autour de moi, rien n'est plus important que l'amour propre.
Yeonha réclama la parole. Comme l'avait fait Jungkook, elle se leva et ses manches foncées, plus longues que son bras, balayèrent la table. Seokjin la trouva pâle et fébrile.
— Je suis vieille, comme vous le savez, confia-t-elle. Tous ces évènements dont vous parlez, je les ai vécus. J'ai moi-même approuvé les conditions de paix, j'en ai soufflé certaines à vos parents. Le roi et la reine ont soulevé les mêmes réserves que vous, Votre Majesté. Le terme « humiliation » a été utilisé par le roi Kim Suho à de nombreuses reprises. La Confrérie a failli à nombre de ses devoirs mais aujourd'hui, je comprends que Sa Majesté a raison. Les magiciens n'ont peut-être pas commencé le cycle de la haine mais ils avaient le pouvoir d'y mettre un terme et ne l'ont pas fait.
Il était difficile de donner un âge à un magicien mais Yeonha donnait l'impression d'avoir vécu mille vies.
— Sans doute arrive-t-il bien tard, mais vous avez mon soutien. Ce ne sera pas facile de faire accepter aux autres cette vision de l'avenir et du passé, mais je mets à votre disposition toutes les ressources que je possède et l'influence dont je dispose encore. La Confrérie a été fondée à l'origine pour venir en aide aux magiciens persécutés, mais nous n'avons jamais refusé de porter secours aux mortels qui en avaient besoin. Ils ne l'ont pas oublié.
— Je vous remercie, dame Yeonha. La Confrérie a servi pendant longtemps un noble but. Nous ne pouvons modifier le passé mais nous pouvons refuser l'impuissance. La conscience ne sert à rien si le bras est mort, pas vrai ? *
Le visage de Yeonha trahit une telle émotion que Seokjin en fut gêné. Taehyung venait, par ces mots, de condamner ses erreurs passées tout en lui offrant son pardon. Celui du roi, du petit garçon et de l'homme. Par ce geste, il montrait à tous qu'il était résolu à suivre ses propres préceptes.
Gôa Yeosul émit encore quelques objections.
— Insinuez-vous que nous avons provoqué ce qui nous arrive ? Que c'est de notre faute ? La haine de l'Usurpateur est une haine idéologique avant toute chose. Il nous haït pour ce que nous sommes et cette haine n'aurait pas disparu, même si les Kim avaient fait preuve d'une plus grande clémence.
Autour de la table, Hoseok, Yoongi et Yuhan approuvèrent vivement. Namjoon ne laissa rien paraître et Jimin...n'avait pas ouvert la bouche depuis le début de la réunion. Seokjin réalisa alors qu'il était le seul mortel à la table et que, pas une fois, on ne lui avait demandé son avis.
— Je n'insinuerai jamais une telle chose, se défendit Taehyung. Vous avez raison, mais cette idéologie n'est pas partagée par tous. Beaucoup se sont rangés du côté de Kang-Dae parce qu'ils estimaient les conditions du traité abusives et la considération portées aux non-magiciens inexistante.
— Il a raison, fit cette fois Jungkook. C'est, en plus du discours raciste, ce qu'on raconte aux enfants de Talguk, et je dois reconnaître qu'il y a là-dedans une part de vérité.
Taehyung ne le contredit pas et Yeosul et Yuhan finirent par consentir. L'angoisse prisonnière à l'intérieur de Seokjin se dissipa enfin. La fatigue la remplaça aussitôt. Aurait-il droit à une bonne nuit de sommeil ? Rien n'était moins sûr.
Après cela, la conversation se porta sur des détails plus concrets. On évoqua les esclaves. « Les libérer doit être l'une de nos priorités. Dès que nous serons prêts et organisés, nous irons à eux » déclara Taehyung, puis ils firent le point sur les ressources en matériel et en hommes dont ils disposaient à Byeolju et sur les vivres.
— Si nous arrivons à refaire tourner les usines conquises, nous ne manquerons pas de nourriture, les informa Yeosul. Mais nous aurons besoin de main-d'œuvre.
— Nous demanderons des volontaires, dit Taehyung. Nous devons consolider la forteresse et organiser le camp, déterminer le rôle de chacun, avant de penser à lancer des offensives.
— L'Usurpateur apprendra bientôt ta présence et celle de Jungkook ici, observa Hoseok. Nous n'avons pas beaucoup de temps avant que ses hommes ne débarquent.
— L'Usurpateur me craint, ricana Jungkook. Ses soldats ne viendront pas avant qu'il n'ait constitué une armée solide. Les nouvelles recrues ne sont pas prêtes et il a souffert de nombreuses pertes, en plus d'une déroute à Byeolju.
— Crois-tu qu'il se déplacera ? demanda Namjoon, et c'était bien la première fois, remarqua Seokjin, qu'il s'adressait directement à lui sans mépris dans la voix.
— Aucune chance ! Si nous le voulons, il nous faudra aller le chercher dans son palais.
— Notre ultime bataille, murmura Yoongi.
— Nous devons nous méfier de Jeon Jaehyun, le chef des armées, les avertit Hoseok. Il est compétent et croit en la guerre qu'il mène contre nous.
Jungkook hocha la tête mais, le buste ramené en avant et les coudes sur la table, il précisa :
— Yeonjun m'a dit que la décision de l'Usurpateur d'utiliser les magiciens comme esclaves ne lui a pas plu, cela dit. Sa loyauté envers lui en a pris un coup, même s'il restera loyal au clan.
— Au bal d'automne, appuya Taehyung, il m'a avoué être contre l'idée. Les magiciens, selon lui, doivent être anéantis et non pas esclaves. Une telle décision a dû semer la discorde.
Un fanatique, reconnut Seokjin en Jeon Jaehyun. Namjoon paraissait satisfait.
— Ce qui veut dire, dit-il, que l'Usurpateur ne l'a pas prise de gaieté de coeur. La situation doit être désespérée.
— Crois-tu que ce soit nouveau, d'employer des esclaves pour extraire de la roche céleste ? demanda Seokjin, sa curiosité sincère. Cette pratique peut avoir cours depuis longtemps, sans que Jaehyun ni les autres nobles ne le sachent.
Les têtes se tournèrent vers Jungkook. Il se mordit la lèvre et leva les yeux au plafond.
— Je ne suis pas sûr. Il n'y a pas si longtemps, leur raconta-t-il, j'ai vu une cargaison de roche céleste à moitié vide au port de Daechon. Les hommes que j'ai interrogés n'avaient clairement pas envie de me répondre et m'ont fait comprendre que cette affaire ne me regardait pas. Ils ont quand même laissé échapper qu'il manquait de la main d'œuvre. S'ils disaient vrai, alors il est possible que l'esclavage est nouveau et qu'il sert à palier à remédier à ce problème. S'ils mentaient...
— Ils sont peut-être en pénurie de roche céleste, termina Yoongi, les yeux pétillants.
Ils débâtirent un instant sur cette possibilité et passèrent à d'autres problématiques.
Il fallait constituer une armée, recruter des volontaires et, surtout, les entraîner. Yeosul et Yuhan soupirèrent de soulagement quand ils apprirent que Jimin était médecin et que Taehyung possédait de puissants pouvoirs de guérison. Ils apprirent que le camp ne comptait aucun médecin de profession et que les malades et blessés affluaient en grand nombre.
Fallait-ils faire une annonce pour déclarer que le roi était de retour à Byeolju ? Comment s'adresser au peuple ? Qui gérait les communications ? Comment s'organisait-on pour les latrines ? Où trouverait-ils l'argent nécessaire au financement de leurs projets ? Autant de questions qu'ils ne purent qu'évoquer en surface, en se promettant d'y revenir plus tard.
— Où allons-nous dormir ? s'enquit finalement Taehyung.
Seokjin le bénit silencieusement.
— Je vais vous faire visiter, Votre Majesté, offrit Yeosul, et cela signa la fin de la réunion.
Tous se levèrent dans un raclement de chaises et, une fois de retour à l'extérieur, le vent de novembre raflait les débris sur le sol et le ciel lugubre donnait au camp en ruines un aspect fantastique. La foule était toujours là ; elle s'anima aussitôt qu'elle les aperçut. Un soldat se détacha de son coin de garde et se présenta à Yeosul. Son pas était indécis, sa voix hésitante :
— La prisonnière hurle encore, Madame. Les autres se plaignent.
Il effleura à peine Taehyung des yeux, comme s'il n'était pas certain d'en avoir le droit.
— Prisonnière ? demanda celui-ci.
— Lorsque nous avons défait l'armée de l'Usurpateur, expliqua Yeosul, nous avons gardé des prisonniers pour les interroger. L'une d'elle nous pose problème. Elle refuse de nous donner son nom mais demande à parler au « Petit Prince ».
Seokjin se figea, comme tous autour de lui.
— Demande ? ricana Yuhan. Elle maudit notre descendance sur des générations depuis des jours ! On a beau lui expliquer qu'on ne sait pas de qui elle parle, elle nous hurle que nous « allons le regretter quand elle sera libérée ».
— Je veux la voir, dit aussitôt Taehyung. Nous la connaissons.
*-*-*-*-*-*-*
Bonjour tout le monde !
J'espère que cette longue conversation n'a pas été trop indigeste à lire, mais il fallait bien y passer x)
Je suppose que vous avez toutes et tous deviné qui est la prisonnière. Eh oui, je ne l'ai pas oubliée ! Il commence à y avoir beaucoup de personnages au même endroit, RIP moi pour gérer tout ça !
On se dit à bientôt, prenez soin de vous et merci <3
* Alfred de Musset, Lorenzaccio.
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