Après une soirée à devoir raconter ma vie et celle de mes parents, nous nous couchions, pour nous lever que vers les coups de midi. Nous reprenions alors les exercices, l'articulation, Machopeur essayait de faire tout les efforts du monde pour apprendre son texte. Mais il se coinçait sur des syllabes :
« Ne me prend pas de haut, tu n'es pas de taille, je lui lançai, en me basant sur son texte.
- Meuu meuu rend pas ppp...pas deu au, il essayait de répéter.
- Ne me.
- meu meu
- Ne, nnneuu, mets ta langue entre des dents pour lancer le "nnn" et retires-là pour lancer le "eu". Essayes, va-y ! »

Il cracha alors un "Ne" caricaturale, exagérant la sortie de sa langue en faisant le "n"
« Mneu, mneu.
- C'est bien, maintenant ressayes, mais en pinçant légèrement la langue. Elle doit rester dans ta bouche, regardes-moi ! Nnneu. »

Il me regarda exécuter la syllabe, et refit, et cette fois, il lança un "ne" un peu appuyé, mais il avait apprit une nouvelle syllabe.
« Super, la prochaine fois, ne attardes pas autant sur la syllabe, lances-la rapidement, n'appuis pas sur le "eu". Maintenant, le "p"

Et cela continua toute la journée, au point où le soir, nous nous allongions tout les deux sur le sol, de fatigue mentale. Machopeur faisait des progrès, mais même s'il mettait du sien, l'apprentissage était long. Roger vint nous voir, une assiette et une gamelle de nourriture dans les mains :
« C'est très long, et même nos Pokemons qui le font depuis quelques années arrivent à butter sur des mots. Vous y arriverez, nous avons quelques jours de voyages avant Cramois'ile. Tu as la determination d'apprendre Machopeur, c'est pour moi le plus compliquer. Ton dresseur et aussi déterminé, alors ne baisses pas les bras. »

Il approuva, avant de se jeter comme un mort de faim sur sa nourriture.
« Nous essaierons demain une répétition avec lui. On verra le travail qui nous reste à faire. »

Nous mangions tous ensemble, Pokemon avec Pokemon, humain avec humain.
« Je ne sais pas s'il sera prêt à temps, précisa Jacques, mais c'est un Pokemon qui en veux.
- C'est rare de voir un Pokemon aussi déterminé, tu as de la chance d'avoir un Machopeur comme cela, continua Jacqueline. Tu dois l'avoir beaucoup entrainé pour qu'il soit aussi discipliné.
- Et pourtant, je ne l'ai rencontré qu'il y a quelques jours. »

Je leurs racontai alors ma rencontre avec lui, l'accident dans le site archéologique, notre guérison commune grâce à l'autre,...
« Je comprend les cicatrices, en conclu Roger. Il en a bavé, j'espère qu'il n'en a pas gardé des séquelles.
- Je ne pense pas, je répondis. Et puis, je ne vais pas l'accabler de travail. »

On discutait encore, avant de nous séparer pour dormir. Je tardai un peu dehors, je restait sur le pont, à regarder l'horizon. L'air frais et marin me fouetta le visage, et il commençait à pleuvoir. Je préférai retourner à l'intérieur. Je croisai ainsi un Machopeur endormi, qui marmonnait dans son sommeil. Il avait beaucoup travaillé, j'espérai juste qu'il ne sera pas déçu demain, en voyant le niveau qu'on lui demanderai face au effort entreprit pour "parler".
Nous continuions le lendemain de plus belle, tandis que le temps ne s'améliorait pas dehors. Machopeur commençait à lancer ses phrases correctement, mais comme pour lui, tout cela le dépassait, et qu'il n'y comprenait rien, il hésitait dans sa diction. Vers midi, Roger vint nous voir :
« Bon, nous allons essayer en vrai. Nous refaisons la scène du combat avec Tygnon. »

Les Pokemons se mettaient en place dans le faux ring de combat, tandis que Roger nous expliquait la marche à suivre :
« Tu n'as pas besoin de sortir des sons Machopeur, fait semblant de parler, mais juste en bougeant les lèvres comme ceci. »

Il lui montra un exemple, et Machopeur reproduisit le geste, pour faire comprendre qu'il avait compris.
« L'important, c'est la synchronisation. Il te faudra aller à la même vitesse que la personne qui te double. C'est moins compliqué que de parler, mais ce n'en ai pas moins facile à comprendre. »

Tout le monde se mirent en place, tandis que Nora et moi surveillions côté public le résultat.
« Attention, prépares-toi Tygnon, nous y allons, avertit Roger de la salle où ils doublaient, en haut de la scène. Trois, deux, un,.... Voici enfin le ring de combat. Ce soir, le vainqueur sera champion du monde.
- Oh, Tygnon, continua Melodelfe via Jacqueline d'une voix enfantine. Fais attention à toi, cette adversaire est un grand champion.
- Tygnon, votre adversaire vous attend, lance Abra et Jacques. »

Ce fut au tour de Machopeur. Mais ce dernier avait le trac, et même s'il ne devait que bouger les lèvres, il bégayait, et n'arrivait pas à se concentrer.
« Ne me prend pas de haut, tu n'es pas de taille. Tu penses pouvoir me battre ? Je suis le meilleur, envoya Jacques. »

Nous continuions la scène, Machopeur fut rejoint par Tygnon, tandis que Melodelfe restait à côté, à supporter son amour. Abra les mit à leurs places, chacun dans un coin opposé du ring :
« Tenez-vous prêt, pas de coup bas, et que le meilleur gagne.
- Je suis prêt, tout ma vie j'ai été prêt pour ce moment, alors qu'on en finisse, lança Tygnon, qui excellait dans son rôle.
- Tu crois vraiment capable de me battre ? Je suis le meilleur, continua Machopeur, qui n'était pas synchrone avec la voix.
- Attention messieurs, que le combat commence ! »

Lippoutou fit sonner une cloche de combat. Tygnon, s'élança :
« Crochet du droit.
- Contre-attaque ! »

Machopeur fit valser Tygnon dans son coin. Il respectait le scénario, pour le moment, je me demandai s'il allait le suivre jusqu'au bout, puisqu'il devra se coucher face à Tygnon. Mais en l'observant, ce fut la première fois que je le voyais déterminé, sans hésiter sur son texte, et synchronisé.
« Tu ne me fais pas peur, Machopeur, tu crois me vaincre sur une attaque comme celle-là ? »

Il courut vers Machopeur, et lui donna un uppercut. Machopeur se laissa faire, il connaissait son rôle.
« Et toi, tu crois me battre avec des baffes, laisses-moi rire. Tu vas être déçu. »

Il s'échangèrent ensuite les coups, des coups puissants, impressionnants, mais des Pokemons de cette nature résistaient très bien à des coups qui pourraient rendre un boxeur humain à terre. Abra fini le premier round par un tintement de cloche. Tygnon, faussement fatigué, venait s'écrouler dans son coin, marqué de coups et respirant très fort. Pendant ce temps, Machopeur continuait à être encore dans son rôle, le faite de combattre avec Tygnon lui faisait oublier ces doutes sur le mouvement des lèvres. Je le voyais qu'il prenait le même plaisir à jouer que les autres Pokemons. Tygnon se releva, et se tenait droit, en face à face avec un Machopeur qui se tenait aux cordages du ring. Il fit un monologue, tout en expirant très fort, et montrant des signes de fatigue :
« Je ne peux pas faire demi-tour. Je resterai et me battrai jusqu'au bout. Si j'abandonnai, je ne me le pardonnerai pas.
- Et moi, quoi qu'il arrive, je le jure, je resterai auprès de toi, encouragea Melodelfe.
- Prépares-toi à la défaite, car le champion, ça sera moi. »

Machopeur était à l'aise, et je voyais dans ces yeux une lueur inhabituelle. Il était concentré, et ce prenait vraiment pour le rival de Tygnon. Machopeur était fait pour ce rôle, j'en était persuadé. La cloche sonna. Machopeur fit alors, par surprise ou par improvisation, une attaque. Tygnon fut surprit aussi, et répliqua. Normalement, les deux auraient dû continuer à échanger les coups, mais ces deux attaques simultanées se résultèrent par le poing de chacun dans la face de l'autre. Ils restèrent comme cela, quelques secondes. Et puis, Machopeur s'écroula à terre. Je voyais que quelque chose n'allait pas, et je me précipitai vers lui, quand Nora me retient :
« Attends. »

Abra continua son rôle comme si ne rien n'était, vint voir Machopeur, et compta jusqu'à dix. Tygnon l'observait, encore fatigué, et meurtrit du coup de poing. Abra désigna ensuite le vainqueur :
« Tygnon est vainqueur !
- Hourra, lança ce dernier en ce précipitant sur son amie.
- Bravo, Tygnon, félicita Melodelfe, en montrant sur le ring.
- Victoire !
- Tu es le plus grand champion du monde, pleura Melodelfe en enlaçant Tygnon.
- C'est à toi que je le dois. »

La scène de Tygnon prenant dans ses bras Melodelfe se figea durant quelques secondes, le temps que Roger arrête tout.
« C'est bon, c'est terminé. Vous avez été superbe, même Machopeur, même si ces débuts sont poussifs. Et surtout, je ne sais pas ce que tu penses du final, Nora, mais il est fantastique. »

Machopeur fut encore gêné de tout ces compliments, mais il n'eût pas le temps d'y penser, nous reprenions les répétions. Et Machopeur hésitait quand il ne faisait rien, et se lâchait pendant le combat. J'eus alors une idée pour donner du courage à Machopeur. Je chuchotai quelque chose à Nora, qui me répondit :
« Oui, Tygnon en à un, quand il veut s'entrainer. Je pense qu'il serait d'accord de lui prêter. »

Elle en discuta avec Roger durant une pause, et il approuva. Il emmena alors sur le ring ce que je lui avais demandé : un sac de sable. Je demandai alors à Machopeur en montant sur le ring :
« Essayes de frapper le sac tout en récitant ton texte. »

Il ne comprit pas tout de suite, mais s'exécuta. Je pris le rôle de Tygnon, et comme par magie, il me récita le texte sans hésiter. Nous nous entrainions le reste du temps comme cela, à apprendre le texte, à jouer la comédie, jusqu'au grand jour...
Nous arrivions enfin à Cramois'ile, la salle était bondée de touristes, et Machopeur avait le trac : Roger allait lui donner sa chance ce soir. Je pris alors sa tête dans mes mains, et je lui fis face :
« Tu connais ton texte, tu connais ton rôle. Tu es un grand Pokemon, alors vas-y, j'ai confiance en toi. »

Et ce soir-là, Machopeur fut magnifique. Il incarna parfaitement son rôle de Machopeur, grand adversaire de Tygnon. Et sa défaite sur le ring me donna des frissons. Ce Machopeur était fait pour le théâtre. Il fut ému lors des applaudissements, et il accompagna ses camarades dans une petite danse, pour remercier le public. Après le spectacle, je rejoins tout le monde sur le pont, pour leur annoncer :
« Merci pour le voyage, mais il est temps pour moi de revenir à une vie de dresseur. Machopeur, veux-tu rester avec le théâtre ? »

Je connaissais sa réponse. Il fut heureux et triste, heureux de rester, triste que l'on se quitte. Il m'enlaça, et lâcha quelques larmes. Moi aussi, j'en lâchai un peu, je quittai un bref ami, mais un excellent acteur.
« Nous nous occuperons de Machopeur, je peux te le jurer, m'assura Roger. Merci pour tout ce que tu as fais. »

Je préférai partir maintenant, pour éviter une séparation trop longue. Je retrouvai la terre ferme, et je partis.
« Au revoir ! »

Je me retournai. Machopeur m'avait adressé ces deux mots, les plus beaux mots que l'on puisse me dire. Alors je sanglotai à nouveau, de bonheur plus que de tristesse, et je saluai le Pokemon, le grand acteur qu'il deviendra. Il avait raison sur ce point : ce ne sont pas des adieux, ce n'est qu'un au revoir.