23 Décembre
— Moi je propose qu'on le laisse s'étrangler avec son vomi, rugit Sissy en contemplant le corps amorphe de mon cousin, les bras croisés.
Comme je m'y attendais, Enzo n'a pas pu résister au charme de la blondinette et s'est fait rembarrer une bonne quinzaine de fois dans la soirée. Il a énormément bu également, mais il est sept heures du matin et il n'a toujours pas dessaoulé. Je n'avais pas pour but de jouer les baby-sitters...
— On a qu'à lui balancer une bassine d'eau à la figure, peut-être qu'il redescendra ? je propose avec un sourire sadique sur le visage.
— On va faire aucune des choses que vous avez proposées, réplique Nathan en levant les yeux au ciel.
Il bouge l'épaule de mon cousin dans l'optique de le réveiller, mais celui-ci reste figé sur sa chaise, la tête basculant sur le côté. Sans succès, mon ami abandonne et s'assoit sur le canapé en le regardant d'un air lasse. Il zieute l'horloge mural et annonce :
— Il faut faire quelque chose parce que mes parents arrivent dans vingt minutes et qu'ils m'ont fait promettre de ne pas voir Enzo ici.
— Bah pourquoi tu l'as invité alors ? ronchonne Clément en baillant.
— Parce qu'il est drôle !
— Il n'y a que toi qui le trouve drôle, réplique Sissy, énervée. Ce mec est un déchet ambulant, personne ne l'apprécie ! Désolé Aïdan...
— Nan, t'inquiète, moi non plus je ne l'aime pas, je rassure Sissy en haussant les épaules.
Nathan nous couve d'un regard réprobateur, mais je n'en fait pas cas. Ce n'est un secret pour personne. Enzo et moi, nous nous supportons. Ça n'a jamais été le grand amour entre nous deux et si nos parents nous voient ensemble c'est parce qu'ils savent que nous avons à peu près le même âge et que nous souhaitons passer le temps.
Je laisse encore les garçons tenter de le réveiller et me dirige dans la cuisine où je récupère un verre d'eau. Je reviens et les laisse faire pendant quelques minutes avant de dire :
— C'est bon ? Je peux faire ma méthode, maintenant ?
Nathan jauge le verre du regard et avec un soupir me laisse la place. Savourant d'avance la suite des événements, je laisse un sourire carnassier s'imprimer sur mon visage et lui renverse l'eau sur le sommet du crâne. Ça a le mérite de le réveiller en sursaut, ses yeux hagards cherchant la source du liquide.
— Debout, on doit rentrer !
Il porte ses yeux vitreux sur moi et grimace en se massant le crâne. D'une voix pâteuse, il réplique :
— Chuuuuuuut... parles pas trop fort... il y a encore de la bière ?
— C'est terminé pour toi l'alcool, maintenant vas t'en ! s'exclame Clément en lui attrapant Le Bras pour le mettre debout.
Enzo se dégage violemment et se poste devant Clement d'un air menaçant, tanguant sur place. Je vois mon ami s'énerver tout seul alors je me place entre eux deux et déclare, attrapant le bras de mon cousin :
— Calmez vous, on y vas Enzo. Nos parents attendent.
— Ouais. Ouais, nos parents attendent, donc on y vas ! dit-il en pointant un doigt menaçant sur l'abdomen de Clément.
Ce dernier lui lance un regard furibond, mais je parviens à emmener mon déchet de cousin jusqu'à la porte. La politesse voudrait que je m'excuse d'avoir amené un crétin pareil, mais je n'en fait rien car c'est Nathan qui l'a invité. Contre l'avis général.
Je salut une dernière fois mes amis et nous sortons dans le vent glacial. Frissonnant, j'emmitoufle mon nez dans le col de mon manteau et presse le pas. La température glaciale a au moins eu le mérite de réveiller Enzo qui marche d'un bon pas même si celui-ci est chancelant.
Après une dizaine de minutes à éviter les plaques de verglas, nous arrivons enfin chez moi. Je me déchausse en silence, mais Enzo n'est pas le moins du monde discret et je suis obligé de le reprendre plusieurs fois avant qu'on ne grimpe les escaliers.
Il s'avachit sur mon lit, mais je le repousse jusqu'à ce que son corps touche le sol. Il grommelle, mais dort à moitié. J'ai fais des pieds et des mains à ma mère pour mettre un matelas gonflable dans ma chambre afin qu'il ne dorme pas avec moi. C'est toujours une histoire compliqué quand il s'agit de faire dormir nos cousins à la maison.
Encore fatigué par cette soirée où je n'ai dormis que succinctement à cause d'un certain imbécile, je change rapidement de vêtement et me glisse sous les draps. Enzo se débrouillera pour retourner dans son lit. Rapidement, le sommeil me rattrape et me champs de vision devient noir.
Assis sur la chaise, je regarde la scène où Emie virevolte avec grâce. Pour une fois, je trouve le spectacle vraiment réussit. La mélodie emplie les lieux, la poursuite suit ma petite sœur qui danse sur scène, et les doigts d'Alex glisse sur les touches du piano avec grâce.
Il a revêtu un costume noir et blanc pour l'occasion qui met parfaitement sa silhouette en valeur. Il est beau. Et diablement sexy également. Je ne peux empêcher mes yeux de suivre ses mouvements avec avidités, oubliant un instant que ma sœur danse sur scène. Alex relève ses iris d'un bleu si profond que je m'y perds... il me fixe intensément et affiche ce sourire en coin qui indique que je l'amuse. Je me surprend à lui faire un signe de la main avant de regarder autour de moi.
Les spectateurs ne font pas attention à moi, trop subjugués par les danseurs qui viennent d'arriver sur scène. Ma sœur a déjà terminé ? Je ne l'ai même pas vu quitter la scène. Où est Alex ? La place derrière le piano est vide !
Je me lève et scrute la foule de plus en plus compact. J'essaye de me frayer un chemin, mais j'ai l'impression d'étouffer. Les gens m'empêchent de passer, on me bouscule. J'ai mal à la poitrine. Quelque chose effectue une pression sur mon abdomen. L'air me manque.
— A.... A... Ale... Alex ! j'essaye de crier, mais mon appel se noie dans la foule et mon champs de vision s'obscurcit.
En sursaut, je me redresse dans mon lit, avalant une goulée d'air. La respiration saccadée, je me calme lentement. Ce n'était qu'un rêve. Un simple rêve. Je n'ai même pas le temps d'été gêné d'avoir rêvé de ce jeune homme car mes yeux se posent sur Emie assise à califourchon sur moi, la tête penchée sur le côté. C'était donc elle qui appuyait sur ma cage thoracique !
— Maman dit qu'il est midi et que tu dois te lever, annonce-t-elle en me fixant de ses petits yeux curieux.
— Ok... mais tu devrais arrêter de me monter dessus à chaque fois !
— J'aime bien, on dirait une montagne !! s'exclame-t-elle en rigolant.
Alors que je tente de basculer mes jambes sur le côté, Emie glisse du lit et m'attends au pied, m'observant me réveiller. Je grommelle et zieute la couchette d'Enzo qui est vide. Serait-il déjà sur pied ? Avec la dose d'alcool ingérée, je doute qu'il puisse supporter l'intégralité de la journée...
— C'est qui Alex ?
Sa question me prend au dépourvu et quand je croise son regard curieux, je feins l'ignorance.
— Personne.
J'enfile un jogging et me dirige vers ma porte.
— Pourtant tu disais son nom en dormant.
Je ferme les yeux pour calmer les battements de mon cœur et pose un regard lasse sur ma petite sœur. Si je ne trouve pas un moyen de la faire taire, la maisonnette sera au courant en moins de temps qu'il le faut pour le dire.
— Tu as du mal entendre.
— Non, je suis sûre t'as dis Alex !
— J'ai pas plutôt dit « arrête » ? Parce que ça se ressemble quand même et que je rêvais qu'une petite chipie s'amusait à faire du trampoline sur moi !
Je mime des gillis dans sa direction tandis qu'elle affiche une moue joueuse en reculant.
— C'était moi ?
On dirait qu'elle est fière. Poursuivant dans mon mensonge, je confirme ses dires et dans un rire je la poursuit dans la chambre. Je l'attrape finalement et plaque ma bouche contre son ventre pour souffler dessus. Le bruit qui s'en dégage lui provoque un rire et nous descendons dans la pièce principale le sourire aux lèvres.
— Aaaah ! s'exclame ma mère en déposant une tasse de chocolat chaud sur le comptoir. Si tu pouvais descendre plus souvent avec le sourire...
— Bonjour maman, comment tu vas ? Oui, j'ai bien dormi, merci d'avoir demandé. Oh mon chocolat chaud, je te remercie, je vais manger maintenant, je réplique d'une voix faussement enjoué.
Comprenant que je me moque d'elle, elle me lance un regard sévère mais n'a pas le temps de me réprimander car mon oncle annonce :
— J'ai ramené les jeux de sociétés, après manger on pourra jouer ?
— Oui, c'est parfait Corentin ! s'exclame ma génitrice avec un sourire joyeux.
Je lève les yeux au ciel et m'installe dans la cuisine pour petit-déjeuner au calme tandis que le reste de la famille s'attable dans la salle à manger qui jouxte le salon. Assis sur mon tabouret, j'ai vue intégrante sur leur groupe. Je ne vois pas Enzo ce qui me fait penser qu'il est sûrement dehors. Ou à la douche. Tant qu'il me laisse tranquille au réveil...
Après un bon petit-déjeuner pour moi et un repas savoureux pour le reste de la famille, nous nous sommes réunis autour de la table du salon pour jouer. Au départ prit dans une partie de Risk géant, nous nous sommes progressivement rabattu sur le loup-garou. Observant ma carte - sorcière - je jauge mes adversaires pour déterminer qui sont mes ennemis, mais avec l'expérience chacun a apprit à rester stoïque. Sauf les enfants...
— Et le village s'endort, annonce mon oncle en tournant autour de nous.
Les paupières closes, je me détache du discours de mon oncle pour repenser à ce rêve. Si Alex m'est apparut en songe, c'est sûrement parce que je pense trop à cette histoire. Mais il faut bien avouer que je ne passe pas un jour sans penser à lui ! Surtout qu'en évitant de répondre à ses sms - qui d'ailleurs ne sont plus arrivés depuis sa fameuse déclaration - j'ai encore plus envie de communiquer avec lui. Il me manque.
Il me manque vraiment.
Et je ressens quelque chose pour lui.
Alors pourquoi je ne fais pas le premier pas ?
— La sorcière se réveille, gronde mon oncle d'une voix forte.
Oups. J'ai dû être appelé plusieurs fois. J'ouvre un œil et affiche un sourire désolé tandis qu'il me désigne le mort.
— Que comptez tu faire ? Le sauver, ne rien faire ou tuer quelqu'un d'autre ?
Je réfléchis et lui montre mon pouce qui indique vers le bas - la mort - avant de désigner ma mère qui, j'en suis sûr, est un loup-garou. Elle ne sait pas mentir. Je l'ai vu se gratter l'oreille quand elle a reçu sa carte, signe que son rôle lui plait.
Il continue son discours et réveille le village, révélant ainsi les deux morts. Oceania - qui était la petite fille - et ma génitrice - loup-garou - sont donc éliminées au grand damn de ces dames.
— Qui souhaitez vous accuser pour ces meurtres ?
Enzo me pointe soudain du doigt alors que j'écarquille les yeux. Pourquoi moi ?
— D'accord, un vote pour Aïdan, mais justifie ton choix Enzo.
— Hier soir, il s'est évaporé à la soirée qu'on faisait donc j'en déduis qu'il est suspect !
Je lève les yeux au ciel et réplique aussitôt :
— J'ai toujours été là, c'est toi qui t'es endormie entre temps ! Mais du coup, vu que je me suis également endormis, tu caches peut-être ton crime en m'accusant ?
Il nie en bloc et s'ensuit une bataille d'argumentation pour ne pas être éliminé. Voyant que la majorité des doigts me désigne, je m'exclame :
— Non, mais je vous dis que c'est pas moi ! Pourquoi je serais le loup-garou ? Je n'aurais aucun intérêt à accuser Enzo s'il ne l'avait pas fait en premier ! Réfléchissez un peu !! Je suis quand même plus intelligent que ça pour me faire éliminer au premier tour si j'étais un loup-garou !
Malgré ce que je dis et les deux personnes qui changent leur vote, la majorité l'emporte et je révèle ma carte. Agacé qu'il ne m'est pas cru, je m'apprête à lancer un « je vous l'avais dit » quand mon oncle me coupe :
— Interdiction de parler les morts !
Je râle et me lève pour m'écarter du cercle. Voyant que la partie continue sans moi, je m'écarte un peu et sort mon téléphone. Je ne sais pas encore quoi répondre à Alex et j'aurais besoin... d'aide ?
J'appuie sur le nom du contact de mon ami et attends patiemment les trois tonalités avant qu'il ne décroche.
— Hey ! Je suis encore au lit, répond Nathan en baillant.
Vérifiant que personne ne me regarde, je m'élance dans les escaliers pour avoir une discussion personnel. Je m'allonge sur mon lit et répond :
— Désolé. Comment s'est passé le rangement ?
— Tranquille... les filles m'ont aidé et Clément est resté. Tu voulais quelque chose ?
Je l'entends grommeler contre Clément qui vient visiblement de lui donner un coup de pied et pouffe de mon côté.
— Nan, laisse tomber.
— C'est à propos d'Alex ?
— Comment tu sais ? je demande, le cœur battant.
— Bah c'est pas compliqué ! Tu te triture les méninges depuis ce baiser et t'es scotché à ton tel... qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as besoin des conseils de l'expert en amour alias Nathan l'irrésistible ?
— Qu'est-ce que vous avez tous à vous croire irrésistible ?!
Nathan rigole de l'autre côté du combiné et s'excuse en entendant son ami se plaindre du bruit. Il se met alors à chuchoter d'une voix un peu plus sérieuse :
— Écoute mec, tu te prends trop la tête ! Vous vous parlez depuis un mois déjà, vous vous connaissez ! Tu l'aimes bien, il t'aimes bien, vous vous êtes embrassés, y'a pas besoin de se prendre la tête comme ça !
— Mais c'est juste que... je sais pas !
— Tu sais pas quoi ?
Avant que je ne réponde, Nathan reprend aussitôt :
— Tu l'aimes ? Tu ressens des trucs pour lui ? Tu le trouve beau, sexy, t'as envie de l'embrasser, tu apprécie sa personnalité ?
Je reste songeur un instant, plus pour calmer les battements de mon cœur et le rougissement qui vient s'étendre sur mes pommettes.
— Ouais... je crois bien, oui..., je murmure.
— Bah voilà, alors qu'est-ce que t'attends ? Ce Alex il est raide dingue de toi donc tu risques pas de te prendre de râteau ! Aïdan, je t'adore, mais t'as tendance à te compliquer la vie pour rien. Fonce au lieu de rester en retrait parce qu'il restera pas indéfiniment à t'attendre.
— Chut putain ! s'exclame la voix ensommeillée de Clément en arrière plan.
Je grimace tandis que Nathan baisse encore la voix et me dit :
— Aïdan, tu le kiffe alors saute à pied joint pour le retrouver. L'amour c'est pas avec la tête que ça se pense, mais avec le cœur. Maintenant je te laisse parce que Clément me frappe avec ses pieds dans le dos et que ça fait un mal de chien !
Il raccroche aussitôt, me laissant devant le fait accompli.
Oui, je ressens des sentiments pour lui et rien ne m'empêche de les lui rendre.
Les dés sont jetés et c'est moi qui tient les rennes de cette partie.
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