21 Décembre
— J'ai besoin que tu m'aides en allant faire les courses, annonce ma mère en me donnant la liste de course.
J'attrape le bout de papier et zieute un instant avant de pousser un soupir d'exaspération. Je sais bien que je devrais arrêter de me plaindre, mais j'aimerais parfois ne pas avoir l'impression d'être le larbin de mes parents. Enfin... je me plains quand même souvent pour rien.
— Ouais, ouais.
— Emmène ta sœur avec toi, ça lui permettra de se dégourdir les jambes.
— Ok !
Je jette un coup d'œil à Emie qui est debout devant la télévision, une poupée dans les mains. Pourquoi je dois jouer les baby-sitters, sérieux ?
— Il y a beaucoup trop de neige donc il faudra y aller à pied.
— Sérieux ?!
— Oui, sérieux, réplique ma mère en me donnant deux grand sac cabas comme si j'étais assez fort pour tout ramener tout seul.
Ce n'est pas comme si j'étais fétiche, mais je sens que le poids va tirer sur mes mains. Je récupère les affaires qu'elle me donne et enfile une veste.
— Où est Henry ?
— Il déblaie la zone pour tes cousins qui arriveront demain.
— Donc il peut pas m'accompagner ?
— Non, Aïdan. Sinon je ne t'aurais rien demandé, réplique-t-elle sur un ton agacé.
Je soupire et récupère ma petite sœur que j'enferme dans une veste étanche jaune canaris. Je lui met ses petits gants violet qu'elle affectionne et lui fait enfiler les bottes assortit à la veste. Enfin, nous sortons de la maison d'un pas lent et attentif, histoire d'éviter de glisser sur les plaques de verglas.
Henry est en train de ramener la neige sur les côtés, comme l'as si bien dit ma mère et je me dirige vers le bus. Heureusement, les routes ont été salées donc les transports en commun passent tout de même, mais la neige est tellement importante que je pense que ça ne fera pas long feu avant que tout ne soit recouvert.
On grimpe dans le bus et j'assois ma petite sœur sur l'un des fauteuils, m'installant en face d'elle. Je soupire en replaçant les sacs cabas sur mes bras et observe la petite rouquine se tendre dans l'optique d'apercevoir la route.
— Il neige beaucoup, tu penses que les cousins vont quand même venir ?
— Oui, c'est pour ça qu'ils arrivent dès demain !
— C'est trop long d'attendre, ronchonne-t-elle en balançant ses jambes dans le vide.
— Juste quelques heures, un bon gros dodo et ils seront là très vite.
Elle me fait une moue boudeuse et attend sagement. Une quinzaine de minutes plus tard, le bus s'arrête devant le supermarché et nous descendons. J'attrape automatiquement la main d'Emie et nous entrons dans la grande surface.
Je récupère un cadi et en offre un miniature à ma petite sœur tandis qu'on déambule tranquillement dans les allées. Je récupère les ingrédients manquants que ma génitrice souhaite acheter pour les fêtes et permet à Emie d'en mettre un petit peu dans son propre jouet à roulettes.
Je fais les courses ainsi, commentant la liste d'un air futile tandis qu'Emie fait son babillage quotidien. Le smartphone qui est dans la poche arrière de mon jean ne cesse de vibrer et au bout d'un moment, je le sors furieusement pour apercevoir le nom d'Alex. Encore et encore.
✉️ De Aïdan :
Arrête de me harceler !
📩 De Alex :
Tu réponds enfin !!
📩 De Alex :
Et je suis obligé de te « harceler », comme tu dis, parce que tu me snob !
✉️ De Aïdan :
Laisse moi du temps, c'est tout.
📩 De Alex :
Du temps pourquoi ?
📩 De Alex :
Quand je t'ai embrassé, t'avais pas l'air de détester
✉️ De Aïdan :
Écoute Alex... j'ai juste besoin d'ordonner mes pensées, ok ? En plus, je suis occupé.
📩 De Alex :
Occupé à m'ignorer, oui 🙄
✉️ De Aïdan :
Je fais les courses
Je range mon smartphone dans la poche et soupire. En réalité, je sais ce qu'il me fait ressentir, ce que je lui trouve. Il faut bien avouer que ce n'est pas sa photo ou son joli minois qui m'ont fait « craqué ». Ce sont ses mots, ses blagues pourries... lui tout entier. Mais je ne pourrais rien faire tant que je n'aurais pas mis de mot exact sur ce que je veux. Et je sais également que je dois réfléchir rapidement parce que je lui fais sans doute du mal...
— On peut prendre ça ? demande la petite fille en me montrant un paquet de gâteaux à la framboise.
Je grimace quant à ses choix douteux et secoue la tête.
— Ce n'est pas sur la liste.
— S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît, dit-elle en joignant ses mains faisant cette mine à laquelle je ne parvient pas à résister d'ordinaire.
— C'est pas sur la liste, Emie.
Elle fait la moue, mais je lui tient tête. Il ne s'agit pas de mon argent et je n'ai rien sur moi. On continue à déambuler dans les allées, remplissant petit à petit le cadi. Finalement, on arrive aux caisses et je paye mes articles dans un silence de mort, vérifiant par instant que la petite crapule est toujours à mes côtés.
— Bonne journée ! dis-je en saluant la caissière, ramassant les deux gros sacs bien rempli.
Je souffle d'épuisement parce que les sacs sont lourd et que je sens que je vais devoir interrompre ma progression plusieurs fois. Emie prend l'une des lanières de ces petites mains sans pour autant que je la lâche.
Essoufflé, j'arrive au bus en maudissant mes parents. J'ai les mains en compote. Je regarde Emie qui s'accroupit face aux sacs, observant les articles avec intérêt.
Mon téléphone vibre encore et quand je le sors pour envoyer une nouvelle fois promener le grand brun, je découvre avec surprise que l'expéditeur est Nathan.
📩 De Nathan :
Hey, je peux passer chez toi ?
✉️ De Aïdan :
Euh ouais
📩 De Nathan :
Cool je suis là dans 5mins
✉️ De Aïdan :
Moi dans 10
Je range mon téléphone et fait le reste du trajet dans un silence de mort. Que me veut Nathan ? Quand on était plus jeunes, on était très proches. Cependant, plus on grandissait et plus nos centres d'intérêts divergeaient. On s'adore toujours autant, mais il s'entend beaucoup mieux avec Clément qu'avec moi. Après tout, ils ont les mêmes délires et le même genre de caractère alors que je suis plutôt maussade. On a donc arrêté progressivement de venir l'un chez l'autre. Disons que j'ai plus tendance à venir chez lui que lui chez moi.
Quand j'arrive à mon domicile, j'aperçois Nathan en grande conversation avec ma mère, un verre de jus d'orange dans les mains.
— Ah, Aïdan ! Tout s'est bien passé ? me demande ma génitrice avec un grand sourire.
Je déteste quand elle fait ça. Quand elle joue à la mère parfaite et agréable. Parfois j'ai l'impression d'en vouloir à tout le monde, je me complique inutilement la vie, mais ma mère - malgré que je l'aime de tout mon cœur - et moi n'avons jamais eu de vrais relations sans se disputer. Je crois que c'est notre seul moyen de communication et c'est fatiguant.
Je dépose les sacs dans l'entrée et laisse Emie raconter les courses avec enthousiasme. Je range mes affaires rapidement et entraîne mon ami dans ma chambre. Il s'installe sur mon lit tandis que j'attrape ma chaise que je fais rouler jusqu'à lui.
— Tes cousins arrivent demain ?
— Ouais, comme d'hab', je répond avec un sourire.
Nathan renifle et couve du regard ma chambre avant de s'exclamer :
— Ça a bien changé, ici.
— Ouais...
C'est bizarre que l'on soit là tous les deux. Chez lui, cela me paraît naturel, mais ici... c'est étrange. Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas retrouvé dans ma maison. Cela fait tout simplement trop de temps que quelqu'un n'est pas venu ici.
— Tu voulais un truc en particulier ?
Nathan esquisse un sourire et se repositionne.
— Ok, je vais pas y aller par quatre chemins. Je suis désolé.
J'arque un sourcil en me demandant de quoi il parle avant de comprendre. J'hésite entre froncer les sourcils pour montrer un soupçon d'agacement ou lui lâcher un sourire pour lui montrer que je ne lui en veux pas. De toute manière, je n'arrive pas vraiment à me fâcher contre Nathan. C'est mon seul vrai ami si on ne compte pas Clement.
— Ça va, laisse tomber.
— Mais ce baiser était... whoua !
Il sourit malicieusement et manque de rigoler.
— Oh la ferme ! répliquai-je en le poussant, les joues rouge d'embarras.
Nathan rit et pour le faire taire, je prend un oreiller et lui assène sur le visage. Il pousse un petit cri de surprise et, une fois libéré de l'oreiller, il mime un baiser. Je sens une chaleur nerveuse m'envahir et lui rabat l'objet sur le crâne pour qu'il se taise. C'est tellement gênant. Mon ami ne peut s'empêcher d'éclater de rire à gorge déployée et, après m'être défoulé sur lui, je finis par m'allonger à ses côtés.
Je reprend une respiration calme et aperçois le visage radieux de Nathan qui s'empêche de pouffer. Je fais rouler mes yeux dans leurs orbites et ronchonne.
— En vrai, il est beau gosse. T'as bon goût !
Je lui frappe l'abdomen pendant qu'il étouffe un rire et râle.
— Mais quoi ? Je m'attendais tellement pas à ce qu'il t'embrasse ! Je pensais juste que vous vous rencontrerez enfin.
— Ouais, bah lui avait pas le même plan.
Mes joues rosissent doucement tandis que Nathan me fixe avec amusement.
— N'empêche que je ne regrette pas, c'était intense.
— Oh, mais ta gueule !!
Il rit encore et nous discutons d'Alex un bon bout de temps. Disons plutôt que Nathan me pose tout un tas de question auxquelles j'essaye d'esquiver sans succès car j'ai besoin d'éclairement. Par moment, il m'a écouté avec attention et au lieu de m'envoyer des vannes vaseuses, il m'a donné de vrais conseils ce qui était vraiment agréable.
Finalement, on a dérivé sur d'autres sujets sans importances pour tout simplement se retrouver. Ça m'a fait du bien, je ne sais pas depuis combien de temps nous n'avons pas parlé comme ça. Depuis que Clément et Nathan sont inséparable sûrement. Mais je ne suis pas jaloux, ils se sont simplement trouvé.
Soudain curieux, je demande :
— Mais... toi et Clément vous avez déjà... ?
— Quoi ?! Non ! s'exclame Nathan en se relevant avec son coude.
Je hausse les épaules et essaye de changer de sujet, mais le jeune homme ne veut pas laisser tomber tout de suite.
— Pourquoi tu penses ça ?
— Je sais pas, je répond en haussant les épaules. Vous êtes hyper proche et puis... très en symbiose. Je me demandais simplement.
Nathan hoche doucement la tête avant de se rallonger.
— Ce serait bizarre... et puis de toute façon, j'aime les filles.
Je ris et secoue la tête avant de changer de sujet. Vers dix-huit heures, ma mère demande à Nathan de rentrer chez lui car nous allons bientôt dîner. Je l'accompagne jusqu'à la porte et, avant qu'il ne disparaisse sous la neige, il me dit :
— Alex est cool et t'es mignon avec lui. Rappelle-le !
Je rougis et l'envoie balader avant de rentrer chez moi. Rougir, ça ne m'arrive que lorsqu'on parle de sentiments et c'est franchement énervant qu'on puisse tout voir sur mon visage.
Ma mère est en train de couper des légumes en cubes, réfléchissant sûrement de ce qu'elle compte faire pour noël.
— Ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu Nathan à la maison ! Il a bien changé, c'est devenu un bel homme.
— Ouais...
— Au fait, tu ne traîne plus avec Clément ?
— Si, si, mais on se voit chez Nathan ou chez les autres, je répond en haussant les épaules.
— D'accord. Tu peux mettre la table s'il te plaît ?
— Ouais.
Je commence à disposer les assiettes sur la table, perdu dans mes pensées.
— Il est toujours célibataire ?
— Qui ?
— Nathan !
— Bah, ouais.
Enfin, toujours... il n'était pas un coureur de jupon, mais avait eu quelques copines.
— Et toi ?
— Quoi moi ? demandai-je, les joues devenant rouge.
Je fixe la table et me place de dos pour que ma mère ne voit rien.
— Tu es toujours célibataire ?
— Bah oui !
— Oh la la, ce n'est pas évident, tu sais ! Tu ne dis jamais rien...
Je lève les yeux au ciel et me retourne vers ma génitrice qui me regarde depuis la cuisine. Je hausse les épaules et soupire.
— Tu sais que tu peux tout nous dire, hein ?
— Oui, oui.
Je finis de mettre la table en évitant le regard scrutateur de ma mère. Que puis-je lui dire de toute manière ? Je ne suis vraiment pas en couple, mais il y a bien quelqu'un qui m'attire... sauf que je ne vois pas comment le leur annoncer.
Ce n'est pas comme si l'homosexualité était tabou chez moi, mais c'est différent d'arriver et de dire « salut, je suis gay ! ».
— Aïdan ?
— Hein ? je sursaute. Pardon...
— Je te demandais de mettre la cruche d'eau s'il te plaît.
Je m'exécute automatiquement et m'approche de la table d'où elle cuisine. J'attends quelques minutes avant de me lancer, hésitant encore. Parfois, je suis prêt à parler, mais à d'autres moments je me résigne en silence. J'ai peur de commettre un impair, mais comme je suis Aïdan, je me jette par dessus bord sans prendre de détour.
— Qu'est-ce qu'il se passerait si c'était un garçon qui m'intéresserait ?
Ma mère arrête de couper ses légumes et pose ses yeux aussi vert que les miens dans mes iris. Elle dépose le couteau, essuie son torchon et s'apprête à faire le tour de la table pour venir me parler. Je l'arrête aussitôt.
— Non, maman, fais pas ça !
Elle sourit, amusé, et se replace devant ses légumes sans pour autant reprendre sa tâche.
— Un garçon t'intéresse ?
Je lève les yeux au ciel et soupire pour éviter le reste de la conversation.
— D'accord, et bien si c'est le cas je m'en moque Aïdan. Je sais qu'on se dispute souvent et que notre relation n'est pas des plus calmes, mais tu restes mon fils peu importe qui tu aimes. Tu sais très bien que l'homosexualité n'est pas un problème pour moi. Tant que tu es heureux...
— Ouais, ouais, je vois.
Elle secoue la tête et s'entête à sourire tandis que je retourne vers le canapé, soulagé.
Finalement, ce n'était pas aussi compliqué que cela...
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