17 Décembre
Je fixe mes raviolis aux épinards, mon esprit totalement ailleurs.
« Tes mains sur le piano »
« Tu beug »
« Et moi... je bad »
Pourquoi, mais pourquoi, j'ai envoyé ça ?! Bordel, je fais des pieds et des mains pour qu'on ne se croise pas, qu'il ne sache pas à quoi je ressemble, je pars en courant à chaque fois que je le vois... mais je lui envoie ça ! Je lui annonce clairement que je l'ai vu et qu'il m'a vu.
En plus, je suis stupide, parce qu'hormis moi, il n'y avait aucun autre garçon blond dans la salle. Ou en tout cas, de mon âge. Alex n'est pas débile, il sera faire le rapprochement.
1+1=2.
Aïdan+Cerveau=Non compatible.
J'ai envie de me frapper avec ma fourchette et de me noyer avec mon eau. Oh bien sûr, Alex a répondu. Il m'a même envoyé une dizaine de messages ! Auquel je n'ai tout simplement pas répondu, trop perplexe par mes choix et trop peureux pour découvrir ce qu'il a écrit. Je l'ai tout simplement ignoré et j'ai une horrible boule d'angoisse au creux de mon estomac.
Je ne sais même pas ce qu'il m'a pris de lui écrire ceci. D'un côté, je ne veux absolument pas qu'il sache pour moi et d'un autre je tend le bâton pour me faire battre. Je suis illogique. Je n'arrive plus à me comprendre.
— Aïdan ? Ça ne vas pas ? me demande ma mère en me scrutant d'un œil attentif.
— Hein ? Si, si...
Elle plisse les yeux, pas convaincu. J'affiche un sourire de façade et annonce, histoire de détourner la conversation.
— Je vais chez Nathan cette aprèm'.
— Hum..., dit-elle en apportant lentement sa fourchette à sa bouche. Tu rentre à quelle heure ?
— Je sais pas... avant de manger en tout cas.
— D'accord, bah amuse-toi bien mon chéri !
Je hoche la tête et me force à manger avant de débarrasser ma table et de monter dans ma chambre. En réalité, je n'avais rien de prévu, mais j'ai l'impression que je vais finir par tourner en rond dans ma chambre. Il neige, je n'ai rien à faire hormis mes séries et mes jeux et mon téléphone ne cesse de vibrer. J'ai besoin d'aide. J'ai besoin qu'on m'éclaire.
Je saisi mon smartphone en ignorant les sms d'Alex et pianote rapidement
✉️ De Aïdan :
Nath' je peux passer chez toi ?
📩 De Nathan :
Yes quand tu veux 😉 Clément est aussi là.
✉️ De Aïdan :
Je m'en doute ! J'arrive alors
📩 De Nathan :
Ramène ton jeu là... Fantasy
✉️ De Aïdan :
Ah ouais ? Jeux de société ? T'es malade ?
📩 De Nathan :
Ferme là et ramène-toi ! 😘
J'attrape mon manteau, une écharpe et la petite boîte brune où est rangé le jeu de cartes et franchis la porte. Le ciel gris laisse tomber ses flocons sur le manteau de neige qui recouvre déjà les routes. L'avantage avec Nathan, c'est que nous habitons à dix minutes l'un de l'autre. Autant dire qu'enfant, on passait déjà tout notre temps ensemble.
Mais récemment, je n'y viens plus aussi souvent. Sûrement parce que Clément est devenu plus proche que je ne l'ai jamais été avec Nathan ? De toute façon, je ne suis pas d'un naturel très sociable, alors ça ne m'étonne pas de me faire distance ainsi par les autres.
Lorsque j'arrive devant sa maison, je sonne et une femme au visage tiré par un sourire chaleureux m'ouvre la porte. Elle a revêtu un tablier et une douce odeur de cookie rempli les lieux.
Huuuuuum ! J'avais oublié ce petit côté agréable de chez lui !
Un petit chat noir miaule et se faufile entre mes jambes, laissant des empreintes de pas dans la neige.
— Aïdan ! Ça faisait longtemps, entre.
Je me déchausse à l'entrée et accroche mon manteau avant d'être accueillis par les deux garçons qui déboulent d'un couloir adjacent.
— T'as fais vite !
— On habite à dix minutes je te rappel !
Nathan me fait une grimace et nous entraîne dans sa chambre. Son lit double est défait à ma gauche, une armoire renfoncée dans le mur se trouve non loin et une commode basse assortit d'une télévision et d'une wii trône juste en face. Sa chambre a toujours été petite, mais cela ne nous empêchait pas de passer de super moment ensemble.
Clement s'avachit sur le lit, rapidement rejoint par Nathan qui me demande :
— Au fait, il se passe quoi avec Lukas ?
— Bah rien, je réponds en haussant les épaules.
Nathan plisse les yeux et réponds :
— Allez, on te connaît Aïdan. T'étais saoulé.
— Ouais, mais rien. C'est juste que je suis obligé de supporter Émilie, je vais pas non plus être collé à elle h24.
— Ok.
On discute de tout et de rien pendant quelques minutes avant que Nathan exige que je sorte mon jeu. On s'installe sur le lit et commençons à jouer. Je n'arrive pas à croire qu'il m'est proposé de le ramener. Ils sont plus console et écran que terre à terre. Pendant quelques minutes, je ricane alors que je les démolit, mais Clément annonce fièrement :
— Ogre !
— Mais j'ai fée.
— Nan, mais mec ! Tu triche c'est pas possible, t'as toutes les fées, s'insurge Clément en mauvais joueur.
Je ricane et secoue la tête. Je suis tout simplement doué, voyons ! On continue de jouer en parlant d'anecdotes inintéressante avant que je tente, les mains moites et le regard rivé sur mes cartes :
— Euh les mecs...?
— Ouais ?
Je sens leur regard plus que je ne les vois et mon anxiété monte d'un cran. Ouais, en fait, c'était pas une si bonne idée. J'aurai peut-être dû en parler avec mes parents avant plutôt que deux de mes meilleurs amis et seuls potes.
— Aïdan ? T'as beugé ?
Clément rit face à la blague de Nathan, mais je me contente d'humecter mes lèvres. Au pire, je fais comme un pansement ? Je le dis vite et la douleur sera rapide. Sauf s'ils me renient... enfin, je les pense pas comme ça. Non ?
— Si je dis que je kiff les mecs et pas les filles, vous dites quoi ?
Whouaaaa... bravo Aïdan ! Phrase digne d'un enfant de primaire. J'ai envie de me frapper. Un silence me répond et, curieux, je relève la tête pour intercepter les regards étrange de mes amis. Nathan a même arqué un sourcil, septique.
— Bah... parlez, c'est chelou là !
Nathan rigole doucement et dit en jetant un regard incertain à Clément :
— Mais... tu nous l'avais déjà dit. Donc... tu veux qu'on dise quoi ?
— Hein ? Je vous l'avez déjà dis ?!
Je les regarde totalement perdu. Je l'avais dis ? Mais quand ? Où ? Si c'était le cas, je m'en serais souvenu, non ? Et ils n'insisteraient pas autant avec le fait de me caser avec une fille ? Mon cerveau s'est vraiment fait la malle...
— Mais... t'es sérieux mec ?! s'exclame Clément en rigolant. C'était genre... y'a un an et demie je crois. Et t'avais dis que tu te questionnais.
— Euh... ok, mais j'ai pas dis que j'étais gay !
Nathan hausse les épaules et sors un sac de M&M's de sous son lit. Une vrai caserne d'Ali baba sa chambre !
— Bah... t'es pas sorti avec des meufs donc on a conclu que ton choix était fait.
Je les observe tour à tour, perplexe. Nathan ouvre le sac de cacahuètes et m'en tend, déjà passé à autre chose.
— M&M's ?
— Putain les mecs, je souffle en m'en emparant. Et ça vous fait rien ?
— Tant que tu t'accapares pas Clément.
— Ni Nathan, continue son inséparable pote.
Je secoue la tête et on explose de rire en continuant de grignoter.
— Et sinon ? Tu voulais nous annoncer quoi ? Que t'es en couple ? me chambre Nathan en gobant ses M&M's.
Je rougis malgré moi et provoque donc des réactions totalement disproportionnés de la part de mes amis. Je me défais immédiatement de cette fausse vérité et rétorque :
— Non, par contre...
— Par contre ? demande Nathan, avide de ragots.
D'ailleurs, il mange ses petites boules de cacahuètes comme s'il regardait un téléfilm.
— Je sais pas vraiment... je discute avec un mec depuis le début du mois et... je sais pas... c'est un peu bizarre.
— Comment ça ? Mais raconte !
Pire qu'une fille, ce mec ! Finalement, je crache le morceau et nous en discutons pendant une bonne demi-heure. Je leur partage mes doutes, mes peurs et les pseudo-sensations que je peux ressentir en sa présence. Je déteste me livrer, parler de mes sentiments, je me sens vulnérable lorsque je le fait. Mais ce que j'apprécie avec eux, c'est qu'ils me connaissent et donc qu'ils m'écoutent sans m'interrompre.
— Et donc... cet Alex ? Est-ce que tu comptes le rencontrer ?
— Je sais pas ! C'est super compliqué.
— Il n'y a que toi qui te complique la vie, contre-dit Clément.
— Quelque part il a raison. Si tu ressens quelque chose pour lui, tu devrais te lancer. Au pire tu te prends un râteau et tu le bloque de partout, ajoute Nathan en haussant les épaules.
— Génial les mecs, vous êtes d'un réconfort...
Nathan ricane quelques instants et s'empare de mon smartphone en vitesse, pianotant quelques minutes dessus. Je proteste, mais Clément s'empresse de me bloquer le passage.
— Envoyé ! s'exclame-t-il en me jetant le téléphone.
Je le déverrouille immédiatement et observe avec abattement le sms de réponse.
📩 De Alex :
...
📩 De Alex :
Tu m'a vu ?
📩 De Alex :
C'était toi le blond dans la salle ? 😱 celui qui est partit ?!
📩 De Alex :
Tu réponds pas, donc j'ai vu juste 😱
📩 De Alex :
Attends, mais pourquoi t'es partis ? Je jouais si mal que ça ?
📩 De Alex :
Tu fais de la danse ?
📩 De Alex :
Tu accompagnais ta petite sœur 🤔?
📩 De Alex :
Aïdan réponds ! Quand tu balance une info comme ça, c'est que tu attend forcément une réponse de ma part.
📩 De Alex :
Et moi j'ai des questions !
📩 De Alex :
Tu me stalk ?
📩 De Alex :
Pourquoi t'es partis ? Tu compte revenir ? Je n'ai même pas vu ton visage...
✉️ De Aïdan :
C'est un parfait hasard, mais je peux te dire que t'as le boule qui chamboule 😘 Je compte bien revenir, histoire de mater ton p'tit cul bien musclé ! Mais t'inquiète pas, je suis aussi beau qu'un dieu !
— Mais pourquoi t'as mis ça ?! je m'insurge en virant au rouge cramoisi.
J'ai honte. Et j'espère sérieusement qu'il pensera que ce message n'est pas de moi. D'ailleurs l'appareil vibre dans ma main et je préfère le ranger, histoire de profiter de ma soirée. Ou surtout d'éviter de répondre à ses autres questions qui ne tarderont pas à mettre en pièce le peu de neurones qu'il me reste. Les garçons rigolent à s'en tordre la gorge.
— Je vais vous détruire !
Je prend le premier oreiller sous ma main et l'abat sur ces deux abrutis. On finit rapidement par engager une bataille de polochons, mes précieuses cartes volant dans la pièce.
C'est la mère de Nathan qui interrompt nos chamailleries en ouvrant la porte, annonçant :
— Goûter servit les loulous, si vous voulez manger c'est dans la cuisine.
— On arrive ! s'exclame Clément en abattant une dernière fois son polochon sur ma figure.
Je pousse un juron étouffé et me redresse en récupérant les cartes que j'enferme dans leur boîtier. On franchit les quelques mètres qui nous sépare de la cuisine et on s'attable derrière le petit bar, trois verre de lait frais posé dessus. J'adore sa mère, elle est toujours aux petits soins comme lorsque nous étions enfants.
J'en prend un et le casse doucement, étonné qu'il soit autant moelleux. Je le trempe dans le lait et en avale un morceau. Surpris, je me redresse et m'exclame :
— Mais ch'est chuper bon !
La génitrice de mon ami rigole et ébouriffe mes cheveux en expliquant :
— Ils sont a l'avoine.
— Oh my god ! je m'exclame totalement amoureux de sa recette. J'aime trop.
Nathan et Clément rit et nous finissons de manger en discutant. Finalement, je les laisse peu après 17h et rentre rapidement chez moi. Je vais devoir avoir une discussion avec Alex. Histoire de lui expliquer que ce n'est pas moi !
Et pourtant, durant toute la soirée, je fais tout pour repousser le moment où je devrais lui écrire.
Parce que même si ses mots ne sont pas de moi, la discussion avec mes amis m'a fait ouvrir les yeux.
Les mots d'Alex me touchent bien plus qu'ils ne le devraient.
Et je crois que...
Et je crois que je suis en train de...
Impossible que j'y mette les mots ! Plutôt crever !
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