14 Décembre
La tête reposant dans ma paume droite, je joue avec mon stylo bille avec la gauche, écoutant distraitement mon professeur d'histoire qui déclame son cours avec passion. Ma gorge m'irritant, je tousse à plusieurs reprises pour faire disparaître la gêne, mais j'ai bien l'impression d'avoir un début de maladie. J'ai hâte de rentrer pour guérir tout cela...
— Mec, ton tel fait que de sonner, éteins le vibreur au moins ! murmure furieusement Émilie en me jetant un regard sévère.
Je l'observe en affichant un air narquois, me moquant éperdument de son avis. Ce n'est pas de ma faute si cet imbécile compose mon numéro h24 !! Sérieux, il n'a rien d'autres à faire de sa vie ?! Il me tape sur le système.
Elle continue de froncer les sourcils en me lançant un regard noir, mais je me contente de hausser les épaules et de ricaner. Qu'est-ce que je peux bien m'en moquer de son avis, vraiment... !
Finalement, la sonnerie retentit au bout d'une vingtaine de minutes, nous libérant tels des animaux en cage. Je balance mon sac sur une épaule, ignore Émilie qui me lance un autre regard - comme si elle pouvait avoir la moindre importance sur moi - et sors de la salle en attrapant mon smartphone qui affiche interminablement le même numéro depuis ce matin.
Agacé, je décroche vivement et demande d'une voix claquante :
— Pourquoi tu m'appelles ?
— Aaaaah, j'ai cru ne jamais entendre ta voix, me réponds Alex sur un ton joueur, ignorant ma question. Je t'avais dis que je savais me faire entendre...
— Non, à ce rythme là tu vas finir par être un putain de harceleur !
Je l'entends ricaner suivit par un bruit sourd comme s'il s'avachissait sur quelque chose pendant que je me fraye un chemin dans la foule. Moi qui m'étais juré de ne pas décrocher...
— Au moins, je sais que tu réponds au bout de... trois heure quarante cinq ?
— Mec t'es insupportable !
Alex rigole, d'un rire si parfait que ça m'en retourne les tripes. Le savoir à l'autre bout du fil me fait quelque chose d'étrange. Je l'ai déjà rencontré et je lui ai parlé - si on peut dire que l'essaie d'élocution que j'ai produit ressemblait un tant soit peu à une discussion - mais cette conversation, à défaut d'augmenter ma nervosité, me paraît un peu plus naturel. Comme nos sms.
— Et ? Pourquoi tu m'appelais ?
— J'avais juste envie d'entendre ta voix, répond-il simplement.
Malgré moi, mon visage se colore de rouge pendant que je zieute la foule, m'assurant que personne ne remarque ce changement. Ce n'est pas comme si les élèves me remarquaient ou que des projecteurs étaient rivés sur ma personne, mais c'était instinctif. Comme un système d'auto-défense. J'aimerai bien le frapper à cet instant précis pour toutes ses sensations étranges qui fourmille dans mon corps.
— Allô ? Tu rougis... ? demande-t-il avec un sourire dans la voix.
Je me racle la gorge tout en essayant de réfréner mon embarras et réponds :
— Non ! Je me demandais juste... pourquoi ?
— Tu m'as vu, j'estime avoir le droit de t'entendre.
— C'est stupide comme raisonnement...
— Ta repartie est aussi méchante que dans tes sms.
— Je sais, dis-je avec un sourire narquois.
J'esquive le corps d'un individu qui manque de me rentrer dedans et m'avance vers les escaliers qui mène au self. J'essaye de repérer mes amis en écoutant le flot d'imbécilités qui sortent de la bouche de mon interlocuteur.
— Alooors ? Ma voix te fait quel effet ?
— C'est comme si on charcutait mes oreilles.
— Tu mens ! proteste-t-il, outré.
— Si c'était le cas, comment pourrais-tu le savoir ?
Un silence s'ensuit durant lequel je parviens enfin à repérer mes amis. Nathan et Clément sont collés l'un à l'autre tel des sangsues, les yeux continuellement rivés sur un smartphone. À leur côté, Lukas et Sissy discutent l'air de rien. Je souris devant le m'estime d'Alex, bien conscient qu'il doit être en train de se creuser la tête pour trouver une réplique digne de ce nom.
— Je fais confiance à mon instinct. Tu mens. Et je te fais de l'effet.
— N'importe quoi ! je réplique bien vite. Tu prends trop la grosse tête, on se connaît même pas...
— Tu radote Aïdan, chantonne Alex. Je trouve qu'on se connaît assez grâce à nos messages ! Tu es dans quel lycée ?
— De ?
— De Tours, imbécile !
— Pourquoi ? Je dois te laisser, mes amis m'attendent.
— Non ! C'est trop facile, tu fuis !! S'écrit-il.
Je souris de façon mauvaise et rétorque en arrivant à hauteur de mes potes :
— Je te laisse Alex, bisous !
Et je raccroche. Et je rougis. « Bisous » ? Oh my god, mais achetez moi un cerveau s'il vous plaît !! J'ai envie de me gifler.
Lukas me lance un regard interrogatif et d'instinct, mon estomac se tord sous la nervosité. A-t-il entendu ? Je n'ai pas envie d'en parler...
— Elle est où Émilie ?
Ah ! Ce n'est que ça ! Ouuuuuuuf...
— Je sais pas, je réponds en haussant les épaules, m'insérant dans leur groupe.
— Mais, vous êtes en cours ensemble ?! s'exclame Sissy, interloquée.
— Oui, bah je lui tiens pas la main h24 non plus ! je réplique, agacé.
Déjà que je dois la supporter dans tous les cours, si en plus je dois rester avec elle durant mes heures de libre, autant se tirer une balle dans la tête ! Ce sera plus rapide. Lukas me lance un regarde désapprobateur mais je l'ignore. Émilie et moi ne sommes pas amis, je ne lui dois rien. Et tout le monde est bien conscient de ce fait. Sauf la principale concernée visiblement.
On monte lentement les escaliers au fur et à mesure que les places du réfectoire se libèrent et Sissy finit par nous quitter, prétextant accompagner son amie quand elle fera son apparition. Je sens le regard inquisiteur de Lukas dans mon dos parce qu'à cause de moi les filles s'excluent, mais soyons clair... on ne traine avec elles seulement parce que Lukas est leur ami. Nous n'avons aucuns atomes crochus avec elles.
J'emporte un plateau garnit d'un plat de saucisse lentilles et d'une part de tarte au citron et prends place sur une table où mes amis me rejoignent rapidement. Le rouquin s'assoit en face de moi et me sermonne :
— Aïdan, t'exagère vraiment ! Je comprends que t'aimes pas Émilie, mais ne l'exclue pas comme ça.
Nathan et Clément me regardent sans comprendre avant de réaliser l'absence des deux jeunes filles. Ils vivent vraiment sur une autre planète.
— C'est elle qui ne m'a pas suivie. Écoute, je vois pas l'intérêt de faire semblant de l'apprécier alors que ce n'est pas le cas.
— T'es pas non plus obligé d'être méchant avec elle !
Je roule des yeux et réplique en mâchant mes lentilles :
— Tu dis ça simplement parce que tu es en crush sur elle !
Le visage de Lukas vire au rouge pivoine tandis que les deux garçons s'exclament en chœur, découvrant la nouvelle. Le rouquin essaye de se dépatouiller comme il le peut, mais mon accusation fait mouche. Nathan et Clément n'en reviennent pas.
— Attends, mais genre, vraiment ?! demande Nathan en sondant le visage de la victime.
Lukas se racle la gorge et essaye :
— C'est pas le sujet de conversation ! Ce que fais Aïdan es....
— Oh c'est bon, on s'en fou ! coupe Clément, avide de ragots. Je pensais juste que tu matais son cul ou ses seins, mais non ? T'es un petit cachotier Lukas Greval...
Le jeune roux s'étouffe avec son eau et tente encore une fois de dévier la conversation, mais sans succès, les garçons sont bien trop étonnés pour se laisser distraire aussi facilement. Et surtout très intéressés. Il faut dire que s'ils passaient un peu plus de temps avec nous et non sur leur appareil, ils s'en seraient déjà aperçut.
J'échappe donc au tribunal et sort du réfectoire un quart d'heure plus tard avec deux abrutis heureux et un Lukas en colère. Afin d'éviter d'éventuelles représailles, je prends congé de la troupe et me dirige en salle d'étude, histoire d'être au calme.
Quand j'entre dans la pièce, j'avise Eric - l'un des surveillants les plus cool de ce bahut - et m'assoie au fond en déballant quelques bouquins, faisant mine de bosser. Je sors discrètement mon smartphone et réponds à quelques textos en surveillant du coin de l'œil l'home assis sur sa chaise.
📩 De Alex :
Toujours pas finis de manger ?? Je m'ennui...
✉️ De Aïdan :
Mais t'as jamais cours ?!
📩 De Alex :
Avoir cours ne m'empêche pas de te parler... mi amor 😏
✉️ De Aïdan :
J'ai l'impression que plus je te demande d'arrêter avec ces surnoms ridicule, plus tu continue...
📩 De Alex :
Ce n'est pas qu'une impression 😉
✉️ De Aïdan :
Génial...
📩 De Alex :
Et toi ?
✉️ De Aïdan :
Je suis en perm...
📩 De Alex :
Qui vas en perm de son plein grès ?
✉️ De Aïdan :
Pleins d'étudiants studieux !
📩 De Alex :
Tu ne vas pas me faire croire que tu bosse avec ton tel à la main ?
✉️ De Aïdan :
...
📩 De Alex :
😂
📩 De Alex :
Sors
✉️ De Aïdan :
Pourquoi ?
Inconsciemment, mon cœur s'est mis à battre plus fort et j'ai relevé la tête, jetant un coup d'œil par les fenêtres. Serait-il ici ? Impossible... il ne connaît pas le nom de mon établissement. Ni ma tête... Je deviens parano.
📩 De Alex :
Au lieu de faire semblant de réviser, appelle-moi !
Je soupire malgré moi, mes épaules s'affaissant doucement. Cet abruti... Au moins je suis rassuré, il ne m'a pas trouvé.
✉️ De Aïdan :
Non, je vais vraiment bosser.
📩 De Alex :
Je ne te crois pas, mais je vais mettre ça sur le compte de ta timidité.
Je préfère rester silencieux face à cet affront et observe mes cahiers en faisant trembler ma jambe. Les mots économiques qui dérivent devant mes yeux ne m'atteignent même pas... je me redresse et masse mes tempes avant de ranger l'appareil électronique dans mon sac et de me concentrer. Si je veux mon bac, il faudrait peut-être que je m'y mette !
Vers 16h, après une bonne heure d'anglais, je monte dans le bus en direction de chez moi. Ce soir, je compte bien dormir et encore dormir. Tout sauf travailler.
Quand j'arrive chez moi, je m'empare d'un pain au lait, le tartine de beurre, y insère des carrés de chocolat, prends un verre de lait et monte à l'étage. Mon goûter préféré. Peu importe l'âge, je crois que je prendrais des goûter toute ma vie. Je me plante devant mon PC en y débutant un épisode de ma série. Je mange tranquillement en écoutant les personnages déblatérer, mon esprit divaguant par moment sur Alex.
Depuis que je l'ai vu, son image est encore plus présente dans mon esprit. Ses cheveux bruns décoiffés me donnent envie de passer ma main dedans, ses yeux gris perçants ont quelque chose d'excitant et son corps enveloppé sous ses vêtements... me procure des frissons. Bon dieu ! Comment puis-je ressentir tout cela ?!
Je suis perdu....
Je ne parviens même plus à me dire qu'on « ne se connaît pas », qu'il n'est qu'un inconnu, un mec avec qui j'échange.
Parce qu'il semble avoir prit plus de place dernièrement...
Et ça me file les jetons !
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