Chapitre 8 - Madeline
Samedi matin. Grasse matinée. Gorge sèche, barre dans le crâne et un boucan pas possible dans l'appartement.
Un rapide coup d'œil à mon réveil m'indiquait qu'il était déjà plus de onze heures du matin. J'attrapai mon téléphone, espérant qu'il m'aiderait à me rappeler ma soirée de la veille. Le resto avec Noé, ok, le bar avec Martin ok... Après c'était un peu le trou noir. Je ne me souvenais même plus de comment j'avais atterris dans mon lit. Je me trouvais vraiment pathétique sur le coup.
Je déverrouillais l'écran et examinais mes notifications une à une. Mon cœur fit un bond lorsque le prénom d'Edgar s'afficha dans mes messages. J'ouvris la page d'une main tremblante.
« Madeline...je n'attendais plus de message de ta part. »
Quel message ? Oh. Mon. Dieu. Qu'est-ce que j'avais bien pu lui écrire hier ?
Je remontai dans la conversation et lus ma supplique, honteuse.
« Pq T parti ? T'as rien explique ! Je te hais de m'avoir laissée. J'y arrive pas. Tu sais quoi ? Reviens pas. Tu n'as même ps essayé. Je t hais. »
Merde. Pourquoi, diable, lui avais-je envoyé ça ? Pleins de fautes en plus. Le cœur battant, je fis glisser mon doigt sur l'écran pour continuer à lire sa réponse.
« Je suis désolé. Je sais que ce n'est pas une réponse. Sûrement pas celle que tu attends. Je comprends que ne souhaites plus me voir. Je ne rentrerai pas. Du moins pas maintenant. J'ai honte de ce que je t'ai fait. Je disparaitrais de ta vie si c'est ce que tu veux. Tu peux me haïr. Et tu as raison de le faire. Je suis un lâche. Libère ton cœur et ne pense plus à moi, tu seras bien plus heureuse sans moi mais sache que je ne peux pas te faire la promesse de t'oublier. »
Un hoquet s'échappa de ma gorge encore sèche mais aucune larme ne coula de mes yeux pourtant brillants.
Il m'avait répondu dans la nuit. Etait-il sorti lui aussi ? Ou devenu insomniaque comme moi, de temps en temps ?
Que devais-je répondre à un tel message ? Qu'est-ce que j'y comprenais ?
Je le lisais et relisais. « Je ne peux pas te faire la promesse de t'oublier ». Cette phrase résonnait dans mon cerveau, encore et encore. Il ne m'oubliera pas mais ne rentrera pas non plus, par la même occasion. Si un trou pouvait se former et m'aspirer dans les tréfonds de la terre pour ne plus jamais m'en faire sortir, je sauterai même volontairement dedans.
Comment pouvait-on haïr et aimer autant une personne à la fois ?
Je n'aurais jamais dû lui envoyer un message à chaud un samedi soir mais j'explosais de ce silence. Avoir reçu une réponse de ce genre ne me réconfortait pas pour autant.
Mon cœur était en train de se serrer au fur et à mesure que mes pensées divaguaient, m'entraînant inconsciemment dans mon répertoire de photos, à regarder nos moments passés ensemble. Soudain, on toqua à la porte de ma chambre.
— Madeline, me demanda une voix que je n'avais pas entendue depuis un moment, es-tu réveillée, ma puce ?
— Mamie ? lui répondais-je d'une voix enrouée.
J'aperçus sa silhouette dans l'embrasure de la porte à moitié ouverte.
— On va bientôt déjeuner, tu te lèves ?
— Oui, oui, je vais me doucher et j'arrive, lui répondis-je en me tordant dans mon lit pour m'étirer.
Mes muscles étaient tout engourdis d'avoir passé la nuit sans bouger.
***
Je passai la porte du salon et étais étonnée de voir ma mère et ma grand-mère s'affairer à créer des choses sur la table de la salle à manger. Cette dernière était couverte de boites en tout genre, papier crafts, ruban blancs et verts et dragées de la même couleur.
— Qu'est-ce que vous faites ? demandais-je, curieuse.
— Bah, on prépare le mariage de ta mère, lança ma grand-mère maternelle en me regardant comme si j'arrivais de la lune.
Et oui. Le mariage. J'avais presque oublié ce putain de mariage. Merde. Ou avais-je la tête pour oublier la propre union de ma mère ?
J'étais entourée de trop d'amour, là. Entre Noé et maman, j'avais l'impression d'être la cinquième roue du carrosse.
— Tu nous aides ? me demanda ma grand-mère aux cheveux parfaitement teints, aux nuances auburns.
— Oui, oui, bien sûr, lui répondis-je en m'installant en face de mes deux ainées.
— A quelle heure es-tu rentrée, Madeline ? me questionna ma mère. Ce soir, j'aimerais que tu restes ici.
— Je ne sais plus à quelle heure, mais Noé m'a ramenée. Pourquoi tu veux que je reste ici ?
— Parce qu'une sortie le weekend c'est bien. J'aimerais qu'on passe un peu de temps ensemble aussi, on a des invités, me lança-t-elle d'un ton plutôt sec.
Je pense qu'elle m'en voulait toujours un peu pour hier. Ma grand-mère me fit un clin d'oeil à la seconde où nos regards se croisèrent.
— On pensait aller voir pour la robe de mariée cet après-midi, ma puce. Tu viens avec nous, bien sûr ? me questionna cette dernière, afin de changer de discussion.
Elle devait savoir que nos relations étaient plus ou moins tendues en ce moment. Ma mère avait aussi sûrement du lui raconter ma peine de cœur. Je le sentais à sa manière de me regarder. On se ressemblait beaucoup avec ma grand-mère Line. Elle était tellement belle, encore maintenant. C'était le genre de mamie à prendre soin d'elle et de son apparence jusqu'au bout des ongles. Avec sa petite soixante-dizaine d'années, elle ne faisait pas son âge et avait même rencontré un nouvel homme qui faisait battre son cœur depuis que mon grand-père était décédé.
Ça me confortait dans l'idée que tout le monde était heureux en amour autour de moi, sauf moi.
« Libère ton cœur et ne pense plus à moi » ... Comment pourrais-je ?
Je n'avais toujours pas répondu à son message et en même temps je ne trouvais pas les mots. Que dire ?
Un chose était certaine, je n'avais pas envie de l'oublier et encore moins de le haïr comme maintenant. Il fallait que j'agisse. Mais que faire ?
Je sortais mon téléphone entre deux remplissages de boites de dragées et envoyais un message à Elisa.
MOI: Elisa, tu me manques. Je suis désolée. Je rentre demain, j'ai envie qu'on se voie. Comme avant.
Sa réponse ne s'était pas fait attendre.
Elisa: Maddy, je suis tellement contente que tu ailles mieux. Enfin si c'est le cas. Merci pour ton message. Tu peux venir demain à l'appart. Comme avant. ;)
Je souris bêtement. J'avais peur qu'elle m'en veuille pour mon comportement.
MOI: Dis-moi, Théo a bien les clés de chez Edgar ?
J'observais les trois points m'indiquant qu'elle était en train de me répondre, apparaître et disparaître, toutes les deux secondes. Comme si elle cherchait ses mots. Puis le message apparut.
Elisa: C'est quoi ton idée ?
Je relâchais le souffle que je gardais inconsciemment en moi, sous les regards interrogateurs de mes ainées.
Moi: Je ne sais pas encore. J'ai l'impression d'avoir loupé quelque chose. J'ai envie d'aller chez lui et voir si je peux trouver d'autres informations.
En vrai, je n'avais aucune idée de ce que je cherchais. Une odeur ? Une photo ? Un souvenir ?
Je me raccrochais à cette idée saugrenue quand Elisa me donna son accord pour y aller avec moi. Ça paraissait bête. J'allais sûrement rien trouver là-bas, mais inconsciemment, j'avais l'impression que je me sentirais mieux une fois chez lui.
Pourquoi ?
Stupide idée. Stupide idée.
Elisa: Ok, je ne vois pas très bien ce que tu peux y trouver de plus, mais si ça te rassure d'y retourner sachant qu'il n'y sera pas et qu'il n'y aura personne, je t'accompagnerai.
Ses mots me rassuraient, même si j'avais l'impression d'être complètement folle. Elle devait aussi me prendre pour une tarée. Je reportais son invitation au sur-lendemain, la remerciais et rangeais mon téléphone.
— Et si on passait à table ? nous questionna ma mère en se levant d'un bond. On a du pain sur la planche aujourd'hui.
Le déjeuner s'était bien passé et l'après-midi fut fantastique. J'avais eu beaucoup d'émotions à découvrir ma mère en robe de mariée. Ce n'était pas quelque chose que j'étais censé vivre à mon âge, mais j'étais heureuse de l'avoir vécu. Elle avait opté pour une petite robe droite en tissu satiné blanc. Pour un remariage, c'était parfait. Elle était sublime, ma grand-mère en avait pleuré tout l'essayage. Je devais tenir ce trait de caractère des femmes de ma famille. Cette sensibilité à toute épreuve et ces pleurs faciles. Mine de rien, mes ainées avaient, le temps d'une journée, su effacer la mine triste et effacée que j'arborais continuellement depuis quelques temps.
Libère ton cœur et ne pense plus à moi.
Ça m'était revenu en pleine face en rentrant à la maison. Je m'étais réfugiée dans ma chambre portant encore les signes de mon adolescence et m'étais finalement fait une raison. J'aurais besoin de temps pour m'en remettre mais j'allais y arriver. Pour moi. Pour mes amis. Mes parents. Mon avenir.
Sache que je ne peux pas te faire la promesse de t'oublier.
J'avais passé la soirée du samedi en compagnie de ma grand-mère et son nouveau compagnon, André, ainsi que mon futur beau-père, Fred et de ma mère, tentant d'échapper à mes sombres pensées. Et ça avait plutôt marché.
Dans le train, le dimanche après-midi je repensais à ce que m'avait demandé ma mère la veille, devant cette nouvelle famille que mes ainées avaient créée. Son témoin. Elle souhaitait que je sois son témoin de mariage ! Ce n'était pas rien et je n'aurais jamais pensé qu'elle me le demanderait. Le mariage était maintenant dans quelques mois et j'avais bien évidemment accepté. Je repensais à sa mine heureuse dans sa belle robe blanche. Elle semblait avoir fait abstraction du passé. Alors pourquoi, moi, je n'y arrivais pas ?
C'était en passant les portes du métro que tous mes efforts pour tenter de passer à autre chose s'étaient envolés en fumée.
— Tiens Edgar, assieds-toi ici, mon chéri.
La mère de famille dégaina son sourire le plus compatissant en me passant devant avec son garçon. Je lui rendis son sourire en ne faisant aucun effort pour être aimable et levais les yeux au ciel lorsque les portes du métro bondé se refermèrent. Pourquoi avait-il fallu que cette nana appelle son fils Edgar ? Pourquoi je tombais sur elle alors que j'essayais de prendre de nouvelles résolutions le concernant ? Valise en main, et engoncée dans mon manteau d'hiver, je peinais à garder l'équilibre.
La tête en l'air, essayant de respirer le mieux possible dans cet espace si clos, j'inspectais les affiches de la rame pour occuper mon temps.
Mon regard s'arrêta sur la phrase d'un poète en haut à gauche. La RATP affichait fièrement des citations dans ses différentes rames, à l'occasion du printemps des poètes et il avait fallu que je tombe sur ce putain de Lamartine.
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ».
Oh Seigneur, sortez-moi tout ça de la tête !
******************
Bon Madeline est complètement perdue ! Son esprit vacille entre passer à autre chose et persévérer. Elle est tout le temps en train de changer d'avis. Parce qu'au fond, elle sait que tant qu'elle n'aura pas confronter Edgar, elle n'arrivera pas à passer à autre chose.
Elle n'a toujours pas réussi à répondre à son SMS. Et elle a bien regretter de lui en avoir envoyé un d'ailleurs !
Le prochain Chapitre sera du point de vue d'Edgar... Je ne l'ai pas encore écrit, je pensais avoir de la marge avec mes 8 chapitres mais c'est passé beaucoup trop vite !
Est ce que vous aimez toujours l'histoire ? :)
Merci pour vos votes et vos retours :) <3
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