Chapitre 5 - Madeline
— C'est la décadence, Madeline ! me cria ma mère alors que j'étais arrivée chez elle depuis une trentaine de minutes.
— Maman, on est vendredi soir, je suis fatiguée. Les cours, le métro, le train...
— En parlant des cours, tiens ! Explique moi pourquoi l'école m'a appelée en signalant ton comportement ? Parle-moi, Madeline. Explique moi pourquoi cette foutue école qu'on paye une blinde m'appelle pour me dire que tu te fais virer de cours, que tes résultats sont en chute libre...
Elle triturait nerveusement sa bague de fiançailles entre ses doigts.
— Parce que je ne vais pas bien, maman. Et que cette foutue histoire est tellement tordue que tu ne me croirais pas ! essayais-je de crier plus fort qu'elle.
— Essaie un peu pour voir ! me lança-t-elle au défi.
— J'ai... j'ai rencontré un garçon, commençais-je sur mes gardes.
Elle me faisait face, debout, alors que j'étais assise sur le canapé.
— Donc c'est pour un garçon que tu foires tes études ?
— C'est plus compliqué que ça...
Elle m'encouragea d'un regard à continuer mon histoire.
— Je... J'ai découvert il y a quelques semaines que... Putain, je ne sais pas comment te dire ça, maman. Je n'arrive pas à l'imaginer moi-même.
— Mais enfin, Madeline, crache le morceau.
Des larmes commençaient à jaillir de mes yeux verts.
— Il... Il t'a fait du mal ? me demanda-t-elle en s'asseyant à mes côtés, le visage radoucit et les traits inquiets.
— Oh maman, si tu savais, il m'a fait beaucoup de mal. Mais ce n'est pas ce que tu penses.
Je la voyais se détendre à côté de moi. Je l'imaginais déjà penser qu'Edgar m'avait violée.
— C'est donc quoi ? Il a rompu ? Tu es triste donc tu ne travailles plus ?
— C'est... c'est moi qui ai rompu, lui racontais-je entre deux sanglots.
— Je ne comprends rien, Madeline. Si c'est toi qui a rompu, tu ne devrais pas être dans cet état.
— Mais je l'aime, maman. Comme je n'ai jamais aimé.
C'était maintenant clair dans ma tête. En exposant une nouvelle fois cette histoire à voix haute, qui plus est à ma mère, je me rendais vraiment compte à quel point j'étais amoureuse d'Edgar. Et c'est ça qui rendait la situation plus douloureuse.
— Décidemment, je ne comprends toujours rien. Est-ce qu'il t'a forcé à faire quelque chose que tu ne voulais pas faire ? Est-ce qu'il t'a...
— Non ! Maman, il ne m'a pas violée ! Si tu veux tout savoir, c'était vraiment bien aussi de ce côté-là.
Je serrais les dents en pensant à ce que je venais de sortir à ma mère. Merde. Parler de sexe avec elle n'avait jamais été notre fort.
— Quand je pense qu'on n'a jamais vraiment eu cette conversation... Mon bébé est devenu une femme et je n'ai rien v...
— Maman ! la repris-je gênée. Ce n'est vraiment pas le sujet !
— Pardon, je t'écoute.
Décidemment ma mère était la femme la plus distraite au monde.
— Edgar... Son nom c'est Laville, enfin j'ai appris récemment que c'était Smith. Qu'il y a quelques années... Il a eu un accident de voiture avec son père au volant et ses deux sœurs qui sont malheureusement...
— Tous décédés.
Ma mère avait compris où je voulais en venir en finissant ma phrase.
— Tous sauf un. Maman, le petit garçon que tu as secouru est vivant. Et c'est lui.
—Je... Je ne sais pas quoi dire.
Elle regardait dans le vide. Surement en train de repenser à cette terrible journée.
— Mais comment ? Comment vous avez pu vous retrouver dans la même école ? m'interrogea-t-elle.
— Et bien... C'est la partie sombre de l'histoire..., commençais-je.
J'avais retrouvé mon calme et mes larmes avaient cessé de couler.
Voyant qu'elle attendait plus d'informations, j'enchainais. Depuis le week-end où j'étais rentrée un peu avant Noël, nous avions franchi une étape avec ma mère et je me sentais vraiment en confiance de parler de tout ça avec elle. Vous me direz, c'est normal d'avoir confiance en sa propre mère. Certes. On n'a pas tous une relation fusionnelle avec sa génitrice.
— Il s'est renseigné sur moi. Sur nous. A envoyé un flyer sur l'école dans ta boite aux lettres... Il a fait des recherches et à même engagé une espèce de détective pour creuser un peu plus sur l'accident.
— C'est un malade ? Un fou ? Qu'elles étaient ses intentions en faisant ça ?
— Il n'est pas fou, maman. Le problème c'est que j'étais tellement choquée d'apprendre qui il était vraiment, que j'ai tout de suite rompu. Il fallait que je parte, tu comprends. M'éclaircir les idées. Alors je ne sais pas qu'elles étaient ses intentions. Je ne lui ai pas laissé sa chance de m'expliquer. J'ai pu faire un point sur tout ce que j'avais rapporté dans sa boite aussi...
— Quelle boite ?
— C'est comme ça que j'ai découvert son identité, il gardait tout dans une boite, pleins de documents et photos, j'ai pris peur.
— Et tu as bien fait, Madeline. Est-ce que tu te rends compte ? As-tu appelé la police ?
— Non ! Et je ne le ferais jamais, maman. Je suis amoureuse de lui, quoi qu'il arrive, je serai toujours amoureuse de lui.
Je haussais le ton. Je n'aimais pas ce qu'elle me racontait alors que j'étais maintenant sûre de mes sentiments.
— Je t'interdit de revoir ce psychopathe. Je vais me renseigner pour faire transférer ton dossier dans une autre école. Hors de question que je te laisse avec un fou pareil !
Elle s'était levée d'un bond, furieuse et choquée d'avoir pu laisser son enfant entre les griffes de cet « aliéné ».
— Et moi je t'interdis de faire ça ! lui criais-je en me levant également du canapé.
Mes larmes avaient regagné mes yeux et coulaient précipitamment sur mes joues.
— Je crois que tu ne te rends pas bien compte, Madeline !
— Tu ne peux pas me retirer de l'école, je t'en prie. J'ai tous mes amis là-bas !
Je suppliai, en vain, ma mère. Elle avait l'air déterminée à chambouler encore plus ma vie. Il fallait que je trouve les bons arguments et vite !
— Est-ce que tu te rends compte à quel point il a bouleversé ta vie ?
— Tu me poses la question à moi ? Bien sûr que je me rends compte maman, ça fait des semaines que je n'en dors pas.
Je me mordais l'intérieur de la joue. Pas le meilleur des arguments, ça...
— On va te trouver une autre école.
Je sanglotais tellement que ma gorge était sèche.
— Non, non, non. Tu ne comprends rien.
— Je comprends beaucoup de choses au contraire. Tes résultats et ton état. Regarde-toi !
Je pris un coup de massue quand j'observais mon reflet dans le grand miroir du salon. Les épaules voutées, les cheveux et le visage ternes, des cernes violettes sous les trombes d'eau en dessous de mes yeux. Je faisais peine à voir.
— Il est parti de toute façon, maman. Je te le promets, il a écrit une lettre à son meilleur ami en lui disant qu'il allait s'installer chez sa grand-mère à Londres.
Je partais un peu en improvisation totale sur ce coup. Je n'avais aucune idée de ce que la lettre contenait et aucune idée de la durée de son séjour à Londres mais je tentais le tout pour le tout.
— Il est parti ? me questionna-t-elle, la voix plus posée.
— Oui je te jure qu'il est parti. Ça fait trois semaines déjà. Je n'ai pas de nouvelles et de toute façon... Il va m'oublier. J'ai rompu et il ne voudra jamais revenir.
Je tentai un sourire pour paraître crédible aux yeux de ma mère alors que je m'en mordais les doigts au fond.
—Bon. Il faut qu'on en reparle. Laisse-moi appeler ton père pour qu'on prenne la décision ensemble.
Elle semblait se raviser et je profitais de ce revirement de situation pour souffler. J'envoyais un message à Noé pour lui dire de me rejoindre ici et partais dans ma chambre me préparer.
— Tu vas où ? me questionna ma mère en me voyant prendre les jambes à mon cou.
— Je vais me préparer, Noé va arriver, lui répondis-je l'air de rien.
— Ah parce que tu ne manges pas ici ?
— Non, ce n'était pas prévu, lâchais-je avant de fermer la porte de ma chambre.
***
— Madeline, peux-tu aller ouvrir, s'il te plait ? Je suis au téléphone ! me cria ma mère à l'autre bout du couloir.
— J'y vais !
Je courrai vers la porte d'entrée pour ouvrir à Noé. En ouvrant la porte, c'était bien lui, mon Noé. Je lui sautais dans les bras, je crois que je n'avais jamais été aussi heureuse de le voir.
— Madeline ! souffla-t-il dans mon oreille. Comment vas-tu ?
Il s'était détaché de moi, ses deux mains sur mes épaules à me contempler.
— Bof. Comme tu peux te l'imaginer. En plus ma mère est au téléphone depuis une demi-heure avec mon père pour savoir ce qu'ils vont faire de moi.
— C'est à dire ?
— Ma mère veut me retirer de l'école à cause de cette histoire. Mais il en est hors de question. Rentre deux minutes, lui dis-je en l'invitant à l'intérieur.
— Qu'en dit ton père ?
— C'est bien ça le problème, je n'en ai aucune idée.
Nous nous rapprochions discrètement de la chambre de ma mère dans laquelle elle était enfermée pour passer son appel.
« Ce n'est peut-être pas un environnement sain... », « ses notes sont en chute libre... »
— Tes notes sont en chute libre ? me chuchota Noé avec un sourire taquin.
— Ouais bah, je n'ai pas vraiment le cœur à étudier en ce moment. Tu ne te rends pas compte Noé, ma vie est en désordre depuis presque un mois.
— Si bien sûr que je me rends compte, mon chat. Attend, écoute ! m'interpella-t-il toujours en chuchotant derrière la porte de la chambre de ma mère.
J'adorais quand Noé me donnait des petits noms.
« Et bien je vais essayer de retrouver le contrat avec l'école. Tu es sûr qu'on a déjà payé toute l'année ?», « Bon... j'imagine qu'on peut la laisser finir cette année. »
Je poussais un soupir de soulagement puis disparaissais dans ma chambre suivie de Noé. Je n'avais pas entendu ma mère raconter à mon père l'histoire de l'accident et je préférais ne pas savoir ce qu'elle lui avait dit.
Je rajoutais du rouge sur mes lèvres puis un sourire faux apparaissait sur mes lèvres.
— T'es belle, Madeline.
Noé venait d'apparaître à mes côtés et m'avait fait cette jolie déclaration en remettant une mèche de mes longs cheveux derrière mon oreille.
— En ce moment, je ne ressemble à rien. Je crois même que c'est la première fois en trois semaines que je me maquille, lui répondis-je.
— Même avec un sac poubelle sur la tête tu serais belle.
J'eu l'impression qu'il venait de me poignarder en plein cœur. Je ravalais la bile qui montait et me retournais rapidement. Pourquoi venait-il de me dire ça ? C'était presque mot pour mot ce que m'avait sorti Edgar quelques mois auparavant.
Je repensais à son sourire, notre dispute qui avait commencée dans l'ascenseur, ses lèvres, notre fierté mutuelle, son baiser. Mais je ne ressentais plus les sensations de nos baisers. Je ne savais plus ce que ça faisait de l'embrasser.
— J'ai dit un truc qui ne fallait pas ? me questionna Noé alors que j'étais au bord des larmes.
— Non. Laisse-moi deux minutes et je te rejoins.
— Ok, je serais dans le salon. Il m'embrassa la main puis sorti de la chambre.
Je soufflais un bon coup. J'en avais tellement marre de pleurer.
Je prenais un mouchoir qui trainait sur mon bureau et m'essuyais doucement les yeux.
— C'est parti, Noé ! Maman, on s'en va, criais-je en sortant de ma chambre.
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