Chapitre 30 - Madeline
Je posais mon verre avec fracas sur le comptoir du bar. Je ne comptais plus les tournées que cette bande de mecs me payaient.
J'étais arrivée à mon besoin fondamental de considération et de valorisation – merci les cours de me poursuivre pendant les vacances - et mon cher et tendre n'avait pas essayé de le combler une minute de la soirée.
Mes pensées brouillaient mon esprit et me portaient à ébullition. Une putain de cocotte-minute. Pourquoi fallait-il que je réagisse comme ça ? Il avait été en coulisse et sur scène une majeure partie de la soirée, c'était normal, mais mon cerveau n'arrivait pas encore à le comprendre.
La petite fille ingrate que j'étais était en train de pourrir la soirée la plus importante d'Edgar et la mienne au passage.
Je n'avais rien demandé à ces garçons que je ne connaissais ni d'Eve, ni d'Adam, mais je devais l'avouer, ils m'avaient fait passer le temps. Sauf que ce n'était pas avec eux que j'avais envie de passer la soirée. C'était avec Edgar, c'était toujours avec Edgar que j'avais envie d'être. Et le voir continuellement repousser le moment où on pourrait passer un peu de temps ensemble depuis le début de soirée me rendait folle.
Romy par ci, les garçons par-là, les groupies par là-bas.
Coucou, je suis là moi aussi, avais-je envie de lui crier. S'il pensait que je n'avais pas vu ses œillades à sa productrice, il se fourrait le doigt dans l'œil. Pourquoi diable étais-je aussi dépendante de ce garçon ?!
— Hey, la belle, t'es un peu trop dans tes pensées. Prends donc ça, me dit un de mes nouveaux copains en me tendant un énième shoot de Bailey's et Get 27.
Je n'avais pas retenu son nom et à vrai dire, je m'en contre foutais. Encore une fois, ils me faisaient passer le temps.
— Merci je-sais-pas-qui ! criais-je en claquant mon verre avec celui des autres.
— Moi c'est Antoine, au fait, rajouta ce dernier alors que je ne l'écoutais plus.
Je m'étais retournée vers la foule de plus en plus nombreuse et mon regard s'était accroché à celui qui faisait vibrer mes nuits.
Je lui décochais mon regard le plus noir et m'apprêtais à me lever de cet affreux tabouret quand le fameux Antoine se pencha vers moi.
— T'es trop belle, tu sais ? me susurra-t-il à l'oreille.
J'éclatais de rire. Réaction bien trop excessive face à ce simple compliment, mais plus Edgar s'avançait vers moi, plus j'avais envie qu'il ressente ce que je pouvais ressentir à me délaisser.
— T'es mignon, lui répondis-je un poil condescendante, sans penser aux conséquences de ce que je venais de sortir.
Il me sourit et un trait d'espoir emplit ses prunelles dorées. Ce brun au beau regard était plutôt bien bâti, et prenait soin de lui, à en juger par sa toilette et son odeur de musc frais, mais ça s'arrêtait là pour moi.
Edgar se frayait un chemin jusqu'à moi et je jouais à la conne jusqu'au bout.
Il était presque à mon niveau quand Romy se pointa dans mon champ de vision et l'attrapa par le bras en l'emmenant loin de moi.
Je ne savais pas ce qu'elle lui avait dit, mais ça avait suffi à l'éloigner sans plus d'explications. Je levais les yeux au ciel, exaspérée.
Trop c'était trop. Cette meuf m'irritait. Edgar avait eu beau me rassurer face à ses intentions purement professionnelles, elle était tout le temps dans notre décor et ça me foutait en rogne.
— T'as l'air contrariée, je ne voulais pas te vexer, tu sais ?
— C'est pas toi, lui répondis-je en me retournant vers le bar. A moi de payer une tournée.
Un sourire sans joie prit place sur mon visage tandis que je commandais de nouveau « rafraichissements », comme mes copains d'un soir aimaient les appeler.
L'instant d'après, je reçu un violent coup dans l'épaule alors que je payais mon dû.
— Mais qu'est-ce que tu fous, bordel ?
Je me retournais à moitié titubante vers la jolie blonde qui me servais de copine et essayais de reprendre mon sérieux face à sa mine déconfite.
— Je...hum... Je payais ma tournée à ces charmants garçons, tu veux un shoot ? lui proposais-je hasardeuse.
— Putain Madeline, tu me soûles.
Elle se pinça l'arête du nez et me lança un regard noir avant de reprendre.
— Qu'est-ce que tu fais avec ces types, là ? Tu fais n'importe quoi.
— Hey, tranquille, calme toi la copine, lança un de mes compères de boisson en touchant indélicatement le bras d'Elisa.
— Ne... Ne me touche pas, je ne te permets pas !
Une telle détresse brilla dans les yeux clairs de la blonde que le garçon leva les mains en signe de reddition avant de se retourner vers ses amis, sûrement en insultant ma copine.
— Elisa, je suis juste seule ce soir, et ça, ça me soûle. Théo est bien plus présent pour toi que ne l'est Edgar pour moi. Je veux juste m'amuser un peu... tentais-je vainement de la convaincre.
— Tu ne sais pas de quoi tu parles. Je n'ai presque pas vu Théo de la soirée car il travaille. C'est idiot ce que tu fais, là. Pourquoi t'es pas avec moi à attendre les garçons près des loges ? On a le droit d'y aller en plus. Je ne sais pas ce que tu fais.
— Je crois qu'il préfère passer du temps avec Romy.
— C'est tellement insensé ce que tu dis... C'est lui qui m'envoie te chercher, me répondit-elle en levant les yeux au ciel.
— Parce qu'il est trop occupé avec Romy, explosais-je.
— Mais arrête avec cette fixette à la con sur leur productrice. PRO-DUC-TRICE. Tu comprends les enjeux ? Edgar n'est peut-être pas un saint, mais regarde ce que tu deviens... me répondit-elle sur un ton dédaigneux.
Ses mots me heurtèrent tel un coup de fouet.
— Comment ça, ce que je deviens ? Sous prétexte que je bois des coups avec garçons, je suis une pute, c'est ça ?
— J'ai absolument pas dit ça, t'es folle ! J'essaie de te faire comprendre que tu n'es pas le centre du monde Maddy. Tout ne tourne pas toujours autour de toi et ta petite personne. On a tous nos problèmes, et peut-être que si tu faisais un peu plus attention aux autres, tu le verrais.
Son ton était dur, elle criait sa rage contre moi.
— Qu'est-ce que t'entends par là ? Tu as des soucis ? Tu sais très bien que tu peux m'en parler, lui répondis-je en criant comme elle.
— C'est bien ça, ce que je te reproche Mad, il faut que je t'en parle pour que ça t'intéresse.
— C'est quoi ce putain de procès que tu me fais ? lui demandais-je de plus en plus énervée. Et dit moi ce qu'il se passe !
— T'as de la chance d'avoir Edgar, un garçon qui décrocherait la lune et brûlerait en enfer pour toi, ne gâche pas votre histoire parce qu'à UNE soirée il n'a pas prit soin de toi.
— Mais de quoi tu me parles ? T'es le couple parfait avec Théo !
— De quel couple parfait tu parles ? J'ai un mec qui se défonce tous les soirs pour faire face à ses insécurités et je le suis dans ce cercle débile de dépendance pour oublier les miennes et éviter de penser à ce qui m'arrive.
Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux tandis qu'elle se retournait pour prendre la fuite.
— Elisa !
Je la suivais tant bien que mal, à travers foule, quand une main puissante encercla mon bras pour m'attirer à elle.
— Hey, tu vas où ? Je pensais qu'on...
— Mais ça va pas, Anthony ? Tu m'as pris pour quoi ?
Je lui intimais de me lâcher sous les rires de ses amis et sa fierté en prit un coup. En plus, j'avais écorché son prénom.
— Sale pute, va ! me cracha-t-il au visage en me lâchant violemment.
Je titubais.
Connard... CONNARD !lui criais-je dans ma tête sans arriver à le dire à voix haute.
Comment un mec aussi gentil au premier abord pouvait vriller d'un coup en devenant un pur connard. Son père n'avait pas pris le temps de l'éduquer sur le respect d'autrui et surtout des femmes ?
— On te rince et toi tu te casses ! continua-t-il.
Rincée ? J'avais quand même payé ma tournée ! C'était fort de café ça. Je n'allais cependant pas essayer de me justifier avec lui, car premièrement je n'avais pas le temps pour ces conneries, et deux, je ne lui devais absolument rien. Pauvre type.
A la place je le regardais telle une lapine en cage, impossible de sortir un son convenable ou une insulte et retournais me fondre dans la masse, le cœur battant à tout rompre de cette attaque gratuite, cherchant Elisa parmi les gens.
Ayant traversé la salle en long et en large, évitant soigneusement de recroiser ce type, ma copine passa devant moi, en se dirigeant vers la sortie.
— Elisa, on peut parler ? Tu vas où ? Tu t'en vas ?
Mon ton était suppliant, je me trouvais pathétique. Pathétique de ne pas avoir vu son mal être, pathétique de devoir recoller les morceaux d'une amitié que je pensais soudée.
— Je rentre chez moi, va voir les garçons, ils sont à la table de Maya, la Dj. Moi je pars, je suis fatiguée.
— Elisa, attend, je suis désolée si j'ai fait quelque chose de mal, mais il faut que tu me parles pour que je comprenne.
— Prend du recul, Madeline.
— Sur quoi ? Sur la situation ? Je ne sais même pas ce que tu me reproches !
— Arrête un peu d'agir comme la petite fille unique que tu es. T'as l'habitude d'avoir tout ce que tu veux, de faire tout ce que tu veux, mais pas cette fois. J'ai besoin de sortir d'ici. J'avais besoin d'une amie, mais clairement, je ne vois pas ce que tu peux m'apporter, là maintenant.
Elle se remit à contenir ses larmes, prêtes à déborder puis me tourna le dos.
— Elisa ! tentais-je une nouvelle fois de l'appeler, les bras tombant le long de mon corps.
— Pour l'amour du ciel, Madeline, laisse-moi ! m'ordonna-t-elle avant de pousser les portes battantes de la sortie.
Je restais là, interdite, me remémorant notre conversation, un sujet, un indice, mais ne trouvais pas. J'étais une amie pitoyable. Aveuglée par mon bonheur, délaissant les autres pour essayer de vivre ma parfaite vie. Je n'arrivais même pas à être énervée contre elle. C'était visiblement moi la fautive dans cette histoire.
Je n'allais pas laisser tomber mon amie comme ça, mais j'avais compris qu'elle avait besoin de temps.
En me retournant, Théo me heurta si fort que je fus à deux doigts de tomber. Heureusement, il fut assez vif pour me rattraper et me remettre sur mes pieds.
— Elle est déjà partie ? me demanda-t-il en fixant la porte de sortie, l'air embarrassé.
— A l'instant... Je... Je ne sais pas ce qu'elle a. Je me suis fait incendiée pendant vingt minutes.
— Je ne sais pas non plus. Ça fait des jours que ça dure... J'aurais espéré que tu puisses m'en dire plus, me répondit-il, dépité.
Je baissais la tête de plus en plus honteuse et désolée.
— J'imagine que c'est une passade et qu'elle ira mieux après une bonne nuit..., me dit-il plus pour lui que pour moi.
Il attrapa mon épaule et me guida vers le fond de la salle.
— Tu viens te poser avec nous ?
— Si vous voulez bien de moi, lui répondis-je d'une petite voix.
— T'es grave toi, me dit-il en levant les yeux au ciel.
— Pourquoi tu n'as pas essayé de la rattraper ? me hasardais-je.
— Parce que je la connaît et quand elle veut être seule, il vaut mieux la laisser. Elle sait aussi être conciliante et n'a pas envie d'être un boulet pour moi vis à vis de cette soirée pro.
Je levais les yeux au plafond, me sentant comme le véritable boulet de cette soirée.
Théo m'entrainait toujours à travers foule, tandis que je commençais à apercevoir Edgar dans son élément, assis sur un beau sofa rouge, à discuter avec tout un groupe de personnes non identifiées.
Il transpirait la joie. Il n'y avait pas d'autre place où je l'avais vu aussi sincère et en symbiose avec lui-même, que lorsqu'il exerçait sa passion.
Dès qu'il nous vit, il se leva et s'avança le regard aussi noir que le bleu du fond de l'océan. Je m'arrêtais net. Sa concentration énigmatique et son pas chaloupé m'attiraient autant qu'ils m'effrayaient.
Théo s'éclipsa discrètement tandis que je me retrouvais coincée entre un mur et un félin s'approchant dangereusement de moi.
— Enfin dispo, lâcha-t-il.
Je me raclais la gorge bruyamment, c'était l'hôpital qui se foutait de la charité.
— Toi même, le défiais-je.
Ses yeux éclaircis par la proximité reflétaient les lumières de la salle, lui donnant un petit côté magique.
— Touché, me répondit-il en faisant remonter son doigt le long de mon bras.
Je frissonnais à son contact malgré la chaleur ambiante.
Il rapprocha sa bouche de mon oreille dans une lenteur contrôlée.
— Vois-tu, il m'est difficile d'accepter que ma copine se laisse draguer ouvertement, le jour où je dois être irréprochable publiquement.
— Je sais, j'ai un comportement stupide ce soir, lui répondis-je en baissant la tête intimidée.
Il était évident que j'allais taire l'incident avec Antoine. Il était bien capable d'aller lui fracasser le crâne et par la même occasion, de mettre toutes ses chances de percer à la poubelle.
D'un geste il releva mon visage en soulevant mon menton de ses doigts abimés par les cordes.
— Je ne peux pas gérer cette soirée si je te sais accoudée au bar, entourée de quinze mecs en chien. Tu ne te rends pas compte de l'effet que tu peux faire aux hommes, Madeline. Ça me rend fou rien que d'y penser.
— Je suis désolée, je crois qu'inconsciemment, je cherchais à attirer ton attention, lui avouais-je.
— Mais tu as toute mon attention, Madeline, me répondit-il avant de m'embrasser fougueusement contre le mur humide de cet antre du rock'n roll.
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