_ Je sais que ça peut paraître étrange, même irréel, mais c'est la vérité.

Je fixe un point imaginaire loin de moi, je n'arrive pas à croire ce qu'il s'est passé hier soir. Comment pourrais-je tout comprendre alors que tout ceci est complètement illogique.

_ Quoi ? Ça n'existe pas, comment peut-on être quelque chose qui n'existe pas ? rétorquai-je.

La fille semble réfléchir, sûrement à une autre sottise pour renforcer le premier. Dylan soupire, puis prend la parole.

_ Écoutez princesse, je vais y aller cash avec vous, nous sommes des habitants d'un monde parallèle, celui où toutes les créatures magiques existent, des fées aux mages, votre signal est parvenu au grand cristal. La reine nous a ordonné de découvrir ce qu'il se passait avec vous et vous aider en cas de besoin, vous comprenez ?

Non. Je n'avais rien compris hier, c'était bizarre...et excitant. Tout ce que j'ai retenue c'est qu'il y a un monde parallèle et puis mon cerveau a fait une erreur 404, ensuite j'ai rien pigé.

_Je...pas tout à fait, avouais-je.

La rousse me regarde avec des yeux doux, ses cheveux d'une couleur cuivre éclatante et ses iris émeraudes inspirent la confiance, contrairement à son partenaire, qui ne m'enchante pas du tout, ses yeux de la même couleur que sa jumelle, pourtant plus froid que ceux de cette dernière, et sa chevelure noir en bataille lui donne un air plus dur.

_ Je sais que c'est dur à encaisser, dit-elle, écoutez on va vous laissez du temps, ok ? Allez vous coucher et invoquez-nous quand vous serez plus à l'aise. Pour nous faire disparaître vous n'avez qu'à le vouloir, prenez votre collier et souhaitez qu'on se volatilise.

J'exécute son conseil, sans savoir si cela est vrai ou pas. En rouvrant les yeux il n'y a personne, c'est à ce demander si ma santé mentale est atteinte ou pas.

La meilleure chose à faire aujourd'hui est d'oublier ce que j'ai vu, et faire comme si de rien n'était, je dois aller contre le désir de savoir ce que c'était et me dire que ce n'était qu'un mauvais rêve. Je sens que toute cette histoire ne va pas bien se finir, et ça me terrifie encore plus.

Je soupire lourdement, qu'est-ce qui se passe dans ma vie ?

Les mots de ma mère lors de ce rêve reviennent soudainement.

__ N'oublie pas, ton collier te sera très utile un jour, prend soin de lui comme la prunelle de tes yeux...

_ Où es-tu maman...?

Quelqu'un vient encore toquer à ma chambre, me sortant de ma rêverie.

__ Princesse, vous êtes réveillée ?

__ Oui, que voulez-vous, Fred ?

_ Oh princesse vous êtes bien matinale aujourd'hui...

Ouais bien sûre, on se passera bien de tes commentaires inutiles, tu parles, j'ai pas fermé l'œil de la nuit.

Voyant que je ne réponds pas, le major d'homme se rattrape.

— Excusez ma curiosité, princesse, je ne voulais pas...c'est juste que sa Majesté veut vous voir pour parler d'une cérémonie qui aura lieu bientôt.

Ah ouais...ça, j'ai complètement zappé en fait, après ce qui s'est passé hier soir, il est temps de passer à autre chose.

_ Bon, soufflai-je, le train reprend sa route normale.

Je m'étire, pas étonnant que je sois encore fatiguée après la nuit que je viens de passer. Mais encore une fois, il faut se faire à l'idée que je doive faire taire ma curiosité sur les faits d'hier.

J'enfile un haut rouge, et une petite jupe noire, je prends la peine de me maquiller, pour cacher mes cernes, et "faire bonne figure" comme le disent si bien les habitants de ce château maudit.

"C'est une princesse, elle doit au moins s'habiller correctement, chuchote une femme qui passait par là.

Nous ne devons pas dire ce genre de choses, nous ne somme que des servantes après tout, la princesse à tout le luxe qu'elle veut, même si elle ne sait pas faire bonne figure, répondait l'autre."

J'ai toujours eu envie d'étrangler ce genre de personne, les servantes ne savent pas ce que je subis, elles ne savent pas les efforts que je fais, les décisions, les cours de défense que je fait, les risques que prends, et ça juste pour qu'elles vivent plus en sécurité. Je fais tout pour être une bonne reine, certes, j'ai une langue un peu pendue, et je ne supporte pas les commentaires déplacés, mais je sais, au fond de moi, que je peux devenir mieux, je peux leur montrer que je ne suis pas qu'une fille de roi, incapable de se comporter comme une adulte, je suis quelqu'un qui a des ambitions, et qui veut prendre un nouveau départ, pour être une nouvelle version de moi, une reine comme ma mère l'était.

***

_ Que me voulez-vous, père ? demandai-je.

— Ella, je voulais ton aide pour choisir les prétendants du bal, qui, à ce propos ce dernier aura lieu demain soir.

_ Tu abandonnes l'idée du mariage au clair de lune ?

_ Non, dit-il froidement, c'est juste qu'une certaine personne ne veut en faire qu'à sa tête alors que j'essaye simplement de la protéger.

Je fronce les sourcils, mon père à toujours été comme ça, il accepte les nouvelles propositions, mais n'oublie jamais ses idées. Il n'en fait qu'à sa tête, ça a toujours été son plus grand défaut, c'est devenu une manie de me rappeler à l'ordre pour me dire clairement qu'il n'est pas très heureux de mes propos.

Je me tais, faire de ça une énième dispute ne mènerait à rien. C'était mon idée depuis le début, mon refus. Maintenant je dois assumer les conséquences de mes actes, aussi lourdes soient elles.

_Bon, commence mon père, on commence, je te dirai les noms des prétendants et tu n'as qu'à accepter ou refuser, le minimum serait d'en choisir deux, compris jeune fille ?

Je suppose que ce "minimum serait d'en choisir deux" est nécessaire pour que je ne décline pas toute les candidatures, et ça m'agace de savoir que mon père a encore l'envie de me coincer avec quelqu'un.

"Décidément, ce ne sera pas aussi facile que j'espérais."

Je hoche la tête, et il commence son monologue à propos d'un certain prince venant d'un royaume dont j'ignorais l'existence.

"Ça va être très long, soufflai-je"

***

_ Quelle journée, bâillé-je.

Je tape violemment avec mon épée dans un morceau de bois que j'ai installé justement dans le but de m'en servir comme cobaye.

La journée a été rude : choisir des prétendants, assister aux préparatifs du gala, choisir la couleur des serviettes, non mais sérieusement, tout le monde s'en fout de leurs couleurs, ils vont quand même pas mater les papiers toute la cérémonie, si ?

Enfin bref, voilà comment je me retrouve maintenant à m'entraîner seule dans le jardin avec mon épée, ça m'a toujours aidé à évacuer mon stress et ma colère, à vrai dire, je pense que mon esprit a besoin d'un gros repos de ce que j'ai subi ces derniers jours, entre les propositions de mariage, ce que j'ai vécu la nuit dernière et les préparatifs de ce matin, je commence complètement à divaguer, j'espère que je vais tenir le coup.

Parce que oui, aussi dur que j'essayais je ne pouvais pas m'enlever les événements d'hier soir de la tête, mon esprit ne pouvait pas être capable de me sortir deux personnes que j'ai jamais vues, c'est illogique, mais ce qui me bouche vraiment un coin, c'est ce qu'ils ont dit quand ils étaient dans ma chambre.

Des fées, sérieusement ? Et puis ça existe déjà ? Je savais que le monde était un mystère, mais là...je trouve plutôt que c'est plein de conneries leurs histoires, et il suffisait que je le souhaite pour qu'ils disparaissent, que s'est-il passée ! Donnez-moi une seule explication logique, aussi complexe soit-elle, je l'accepterai, mais pas après ce que j'ai vu de mes propre yeux.

_ Et puis merde...

BOUM !

Après un dernier coup dû à mon énervement le morceau de bois s'est explosé en deux morceaux.

"Génial, et maintenant il faut que je me tape la moitié du château pour en trouver un autre, bravo Ella ! Tu gères très bien ta colère franchement"

_ Quelqu'un est très frustré à ce que je vois, réplique une voix familière.

Je dirige directement mon épée sous la nuque du propriétaire de cette voix, sauf qu'il est plus rapide, nos armes se heurtent, laissant place à un énorme bruit, j'ai perdu mon épée par la force de la sienne.

_ Pas assez rapide Swann, dit-il, et tu devrais serrer l'épée beaucoup plus fort, pour qu'elle ne s'envole pas.

Ethel, répliquai-je, quelle surprise !

Il rit légèrement, avant de baisser son épée et me regarder.

_ Cori voulait faire une balade "sous la lumière du soleil couchant", dit il.

Et ce n'est qu'à ce moment que Cori, sa jeune sœur se précipite vers nous pour me prendre dans ses bras.

_ Ella !

Je lui rends son étreinte tout sourire, Cori est une gamine de six ans, brune aux yeux marrons, très gentille et attentionnée, je l'ai toujours aimé.

Quant à Ethel, c'est un brun aux yeux verts, c'est un peu mon professeur personnel du self défense au château, il est connu pour son agilité et sa précision lors d'un combat, en plus il a le même âge que moi.

_ Alors Cori, on fait des balades quand le soleil se couche maintenant ?

— Ethel m'a dit qu'il t'avait vu t'entraîner ce soir, alors je voulais te voir, réplique la petite.

_ Quelle galanterie Ethel, t'es devenu un vrai gentleman pour sortir avec une femme.

Je lui tire la langue, je l'apprécie Ethel est un peu comme moi, il n'a aucune gêne quand il parle, et il peut sortir des jurons de nulle part, alors qu'avec les femmes n'en parlons pas, il ne sait pas du tout parler avec elles, mais la moitié des filles ont un faible pour lui, elles disent qu'il a un air de "mauvais garçon", c'est un homme du combat après tout, mais malgré ça on s'est toujours bien entendu.

_ J'essaye de faire des efforts, mais c'est peine perdue, c'est mort avec moi, dit il.

_ C'est vrai que si on cherche la galanterie on toquerait certainement pas chez toi, me moquai-je.

_ Et toi, la miss je ne veux pas me marier, qu'est-ce que tu fais de ta vie ?

Il est au courant, tout le monde est au courant en fait, les nouvelles circulent vite à ce que je vois.

Je soupire, je ne veux pas parler de ça, tout ce dont j'ai besoin maintenant c'est de libérer la pression sur mes épaules.

_ Je ne sais pas, je ne veux pas me marier, je me sens prête à mener le royaume de mes propres mains, seule, mais père ne veut pas écouter, et ça m'agace.

Je lui raconte tout dans les grandes lignes, sans mentionner les événements d'hier soir, il m'écoute avec attention pendant que sa sœur cueille des fleurs.

_ Je ne sais pas quoi te répondre,réplique-t-il en se grattant la nuque, gêné, j'ai jamais vécu ça, mais aussi longtemps que tu vas le nier, au fond de toi tu sais que le roi à raison, je sais que tu veux vivre libre, mais est-ce que ça te tuerai de nous laisser assurer ta sécurité...

Je soupire, visiblement vaincue, il a raison je suis juste trop têtue pour l'avouer.

_ Et puis, ce n'est qu'un mariage personne ne te force à le regarder, lui parler ou même partager ta vie avec lui non ?

Je ris un peu, ses blagues pourries me remonte le moral.

_ Ne prend pas ton cas pour une généralité, tout le monde n'a pas ta froideur ou "tes airs de mauvais garçon", ris-je.

_ C'est vrai que je suis génial, mais c'est quoi cette histoire de "mauvais garçon".

Je lui lance un sourire, avant que Cori ne me tende un bouquet de fleurs, qu'elle a fait elle-même, décorer avec un ruban violet.

_ C'est magnifique Cori, merci, souris-je.

_ Eh, ne m'ignore pas, raconte-moi ce qui se passe.

J'éclate de rire, je ne pense pas qu'il aimerait que je lui dise ce genre de chose, il sera gêné et énervé, et je sais qu'il ne laissera plus aucune servante l'approcher, et je peux pas permettre ça, Lisa aussi a un faible pour lui, je ne peux pas lui couper le champs comme ça, selon elle il est "beaucoup trop chou pour abandonner"

_ Rien, c'est juste une expression que j'ai lue dans un livre, va savoir ce que ça veut dire, ris-je.

_ Haha, je saurais de quoi tu parles tôt ou tard, tu as piqué ma curiosité.

Je ris intérieurement.

" Tu vas te taper la honte de ta vie quand quelqu'un te le dira oui, c'est indigne d'un chevalier royal."

Soudain, je ressenti une envie de sortir du château, il se fait tard oui, mais il n'est que dix huit heures, on fera juste un tour pour voir comment se porte le royaume, et j'ai envie de changer d'air.

Je prend la main de Cori, et regarde Ethel, tout sourire.

_ Ça vous dit un tour au village ?