"À l'heure actuelle, je ne vois même pas les corps comme des personnes. Je les vois comme des pièces ou des camionnettes."

(Cyberpunk 2077)

Concentré, adossé au mur du couloir, le regard fixé sur un point dans le vide alors que des images se reflétaient sur le fond de sa rétine. L'onde qu'il avait lancé, tel un sonar, lui donnait une visibilité quasi-parfaite sur les pièces qui l'entouraient. Comme des silhouettes vertes, répercutées sur l'imagerie de son implant optique, Seo Changbin décomptait le nombre de désosseurs de l'autre côté de la salle. Quatre. Tous armés, l'un d'autre eux accroupit devant ce qui semblait être un autre corps, presque moribond mais dont les pulsations vitales lui parvenaient encore faiblement.

La cible était verrouillée, il envoya l'information silencieusement et en une fraction de seconde les lumières s'étaient toutes éteintes.

" Bordel ! Cria l'un d'entre eux de l'autre côté.

- Maintenant", résonna une voix dans sa tête.

La lueur d'une lame rouge sang passa devant ses yeux et une ombre se glissa dans la pièce, le bruit d'un tranchant puis un cri étouffé dans son propre sang. Changbin sortit à son tour de sa cachette, les silhouettes aux rayons verts lui faisaient face, l'un d'entre eux tombait au sol sous le coup net du sabre qui venait de le trancher. Il attrapa le cou de celui sur sa droite, lui brisa la nuque d'un coup sec, sans lui laisser le temps de lever son fusil, les deux autres acculés et paniqués commencèrent à tirer à l'aveugle. Changbin se rua derrière une masse qu'il sentit comme un meuble en métal, peut-être une caisse. Son sonar lui permettait de voir les formes, pas forcément d'en deviner l'origine, heureusement pour lui, le métal arrêtait plutôt bien les balles du désosseur.

Son regard pivota aussi tôt vers son compagnon, il avait les pupilles rouges, l'activation de sa vision thermique et la lame rouge de son sabre le rendaient bien visible. Même si elle donnait son exact position, elle avait cette faculté à décontenancé l'ennemi, car si on avait le temps de la voir, c'était que la fin était proche. Nul n'ignorait l'arme fétiche du leader du SKZ.

A nouveau une rafale de tirs et Bang Chan les évita, glissa sur le côté avant de se hisser jusqu'au tireur et lui trancher la gorge. Le dernier, hurlant à plein poumon vida littéralement son chargeur mais l'armure épidermique de Bang Chan réduisait les douilles en poussière et d'un pas lent, presque sadique, il saisit le canon chaud du fusil à mains nues. Lui arracha l'arme avant de le pointer vers son agresseur qu'il venait de désarmer et qui le regardait d'un œil fou, bouche grande ouverte. Face à la mort, les hommes étaient tous les mêmes. Prêt à supplier pour son Salut, aucun mot n'eut le temps de siffler entre ses dents que le chef du SKZ lui tira une balle en pleine tête.

Le bruit des morceaux de bétons qui se détachaient des murs marquait la fin de l'assaut. Changbin arrêta son sonar et alluma plutôt une lampe torche sur son épaule. Il s'approcha de Chan qui fouillait les effets du dernier homme qu'il venait de tuer.

" Russes ? Demanda Changbin.

- Surement, répondit Chan en continuant de fouiller et récupérer un petit boitier qu'il connecta à son système. Je t'envoie les infos Ji', il prononça à voix haute.

- Ok."

Changbin enjamba l'un des désosseurs au sol, il s'approcha du dernier point lumineux de la pièce, celui dont les pulsations étaient presque à l'agonie. Au milieu d'une baignoire remplit de glaces, reliés à divers écrans complètement explosés, un corps nus branchés sur divers ports, la jambe pendante et la tête en arrière. S'il n'entendait pas son pouls, on pourrait croire à une de ces poupées du Lizzie's qu'ils retrouvaient parfois éventré au milieu des ruelles de Night City.

" La Trauma Team est en approche. Vous avez pas beaucoup de temps." Leur rappela Jisung par le neurotransmetteur.

Changbin s'accroupit devant la silhouette féminine. Ce n'était pas la première victime de désosseurs qu'il voyait mais c'était toujours le même malaise.

Ce gang anarchique, dont on ne connaissait ni le chef, ni la hiérarchie, vieil héritage d'un regroupement de mafieux soviétiques du siècle dernier, avant la guerre des gangs, avant l'expansion de l'ultra technologie. Les désosseurs étaient des pilleurs qui n'avaient aucune règle, aucun code de conduite, pas de dogme, pas d'objectifs et surtout aucune morale. Leur but était simple, à défaut de réussir à voler les grandes corporations, d'avoir assez de puissance de feu pour attaquer un convoi de Millitech, il s'en prenait à ce que le monde avait à offrir de plus fragile : l'homme et son corps fait de sang et de chair.

Les désosseurs kidnappaient des gens, la plupart du temps des citoyens lambda, et volaient leurs implants pour les revendre au marché noir. Parfois ils s'attaquaient à des gangs, des membres isolés, sous synthécoke ou autre drogue qui les rendaient faibles et vulnérables. Il était rare qu'ils s'attaquent à des corpos car ces derniers avaient des contrats Trauma Team très cher et ça rendait la tâche bien plus difficile. Après tout, si les puissants n'avaient que faire des cadavres de la masse qui étaient jetés dans les poubelles comme de vulgaires ordures, il n'en était pas de même lorsqu'ils s'en prenaient à leur population.

Changbin sortit le corps de la jeune femme de la glace et le posait sur le sol, le recouvrant d'un vieux drap. Bang Chan s'occupait de la débrancher. Changbin sortit une biopuce de sa poche et le connecta à un port cybernétique prêt de sa clavicule, ses circuits qui traçaient son corps froid se mettaient à briller. Jisung était entré dans le système.

Le Solo aux implants vert et à la nuque découverte de sa colonne mécanique se redressa lourdement, il tira une cigarette de sa poche et l'alluma pendant que Bang Chan continuait sa fouille des ennemis morts.

Le malaise ne le quittait pas. La mort, il la connaissait, il a côtoyé tous les jours, les meurtres, les assassinats, c'était son gagne-pain mais les désosseurs, lui donnait un réel frisson d'horreur. Il n'était pas pour la torture, quitte à tuer il préférait faire ça vite et bien mais garder ses victimes en vie, les découper comme on traiterait une carcasse de bagnole chourrée. Ces désosseurs n'étaient pas humains et si après toutes ces années à Night City il devrait se sentir habitué, ça ne l'empêchait pas d'avoir toujours cette même sensation désagréable qui rampait sur sa peau modifiée.

" Terminé, compléta Jisung dans le neurotransmetteur. Posez là sur le balcon, la Trauma Team arrive."

Bang Chan avait lui aussi terminé sa fouille, Changbin écrasa sa cigarette et à deux, ils levèrent la jeune femme enroulée dans son drap qu'ils déposèrent sur le balcon. Quelques secondes plus tard seulement, les hélices de l'aéronef de la Trauma Team se firent entendre, les deux garçons s'éloignèrent aussi tôt, peu enclin de devoir se battre avec leur équipe d'intervention même si pas du niveau de la Max-Tac ou même du NCPD, était bien assez entrainer pour leur donner du fil à retordre.

Bang Chan n'attendit même pas de le voir en approche qu'il revint dans l'appartement, Changbin sur ses pas.

" Tu as confirmé l'identité Ji' ? Demanda Bang Chan en remontant la salle.

- Oui. C'était bien notre cible. J'ai prévenu Lee Know.

- Parfait. On se rejoint à l'Afterlife."

Les deux mercenaires quittèrent l'immeuble, Changbin regarda une dernière fois l'aéronef se poser sur le balcon à quelques mètres au-dessus de sa tête avant de s'engouffrer dans les rues foisonnantes de Night City.

A quelques mètres de là, à distance de transmission, Jisung coupa la connexion et se redressa sur ses pieds aussi légèrement qu'un jeune garçon dont il avait conservé l'aspect malgré les années passant. Les jambes presque dans le vide, au-dessus d'un toit de building. Il remonta la capuche de son hoodie, les jambes découvertes par un short court et des baskets hautes remontant jusqu'à ses genoux. Sa peau brilla de vagues multiples et il disparut dans une légère distorsion de la vision puis totalement fondue dans le paysage.

***

S'il y avait une chose qui ne changeait pas à Night City, c'était bien L'Afterlife.

Le repère était un point de constance dans cette ville toujours en mouvement, le même néon, la même vermine qui l'occupait. La liste des noms sur l'écran derrière le bar continuait de s'allonger, les mercenaires les plus célèbres tombés au combat gagnaient leur postérité en s'inscrivant sur cet écran mais toujours pas de Christopher Bang ou de Seo Changbin parmi les cocktails de l'Afterlife.

Si le gang du SKZ était déjà craint, il était devenu presque intouchable depuis les évènements du complexe d'Arasaka. Même s'ils n'avaient jamais été cité par la presse, personne n'ignorait leur implication. Ni leurs noms, ni leur localisation n'était un secret pour personne. Si on voulait travailler avec le SKZ, il fallait venir à l'Afterlife.

Le SKZ était une garantie de réussite, une garantie d'efficacité et leur force d'attaque semblait sans limite. Ne craignant aucune corporation, aucune puissance internationale, au point de devenir une arme que tous cherchaient à se procurer. C'était d'autant plus vrai que leur principal Fixer était devenu il y a quelques mois seulement le mari de Mashiro Arasaka, petite-fille de la Présidente du groupe Arasaka.

" Elle aura surement des séquelles, leur dit Jisung en buvant une gorgée de son verre assis sur la banquette du bar. Mais elle est en vie.

- J'aurai jamais cru que les désosseurs finiraient par s'attaquer à Annabelle Daws. Aussi haut placé dans Millitech, elle avait forcément un contrat Trauma Team en béton, constata Changbin.

- Et pourtant ils ont mis des plombes à arriver, dit Bang Chan les yeux fixés sur l'entrée de la salle. Ils ont eu le temps de faire des dégâts.

Il avait l'air pensif, buvant calmement son verre mais intriguant aussi tôt le Netrunner.

- Tu penses à quelque chose ?

- J'en sais rien."

Et leur conversation s'arrêta là car arrivait dans la salle de l'Hadès le seul Fixer avec qui ils acceptaient de boire un verre à l'Afterlife. L'homme dans son costume hors de prix, tranchait complètement avec les habitués du bar qui ressemblaient tous à des guerriers sanglant de l'ère numérique. La pupille droite plus clair que la gauche révélant son implant optique, des cheveux légèrement plus longs et ces six années qui n'avaient fait que maturer ce qui était déjà un excellent cru : Lee Minho alias Lee Know, le Fixer le plus réputé de Night City, qui esquissait un petit sourire en coin lorsqu'il arriva devant les légendes du SKZ.

" Et bien ça ressemble presque à un rassemblement de célébrités", sourit Jian en arrivant à son tour.

La belle blonde avait une bière à la main, ses très longs cheveux regroupés sur un côté pour dégager un côté rasé assorti d'équipement électronique crânien.

Six années à Night City, pour ceux qui le souhaitaient, ne représentaient que quelques minutes visibles sur leurs corps. Le transhumanisme technologique permettait à des personnes âgées de passer pour des enfants, ceux qui laissaient le temps faire son œuvre, étaient plus rare et Jian faisait partie de ceux-là et ça ne la rendait que plus jolie. Malgré un corps un peu malmené par ses jumeaux, son sourire, son assurance et son charisme naturel faisait des merveilles au point de tous leur arracher un sourire à sa vue.

" Toujours aussi magnifique Madame Kim, lui dit Minho en lui embrassant la joue.

- Et toi, toujours aussi flatteur. Ta petite épouse a bien voulu te lâcher la bride ce soir ? "

Minho se contenta de sourire, sans lui répondre. Elle but une nouvelle grande gorgée de sa bière, le regard attiré une seconde par l'alliance qui trônait sur l'annuaire du Fixer.

" Comme si on pouvait tenir en laisse Lee Know, sourit à son tour Changbin.

- On parle pas de n'importe qui mais de la petite-fille Arasaka, c'est au moins une laisse en or ! enchérit Jisung.

- Ca ressemble plus à une corde, marmonna Bang Chan "

Le mercenaire pris une grande gorgée de son verre, laissant la tension gagner le groupe qui cessait définitivement de rire mais Minho ne laissa pas tomber son sourire pour autant. Il vint s'asseoir à côté du leader, faisant bien attention d'appuyer son genou contre le sien et accrochant son regard pour ne lui laisser aucune chance de le fuir.

« Sois pas jaloux mon cœur. »

Bang Chan l'assassina une seconde du regard, les autres en avaient presque eu un frisson d'effroi courir le long de leur échine. Jisung hésita même à disparaître.

« Bon, s'exclama Changbin pour rappeler l'ancien couple à l'ordre. Lee ?

- Hum. Oui. J'ai fait virer les fonds sur vos comptes. Anabelle Daws a morflé mais elle s'en sortira. La famille a pris le relais.

- C'est le deuxième corpos que les désosseurs prennent pour cible en deux semaines, c'est un peu bizarre non ? Demanda Jian en venant s'asseoir près de Jisung. C'est plus qu'en un an.

- C'est le troisième en trois mois. Rappela Bang Chan. Tous des contrats Trauma Team premium », son ton était presque accusateur et tous le sentait, il regardait Lee Know comme une interrogation silencieuse dans le regard.

Minho avait l'habitude, tous étaient habitués à son caractère aussi froid qu'une lame mais il vrai qu'avec le Fixer, il avait toujours eu une pointe de douceur cachée derrière, qui parfois laissait entrevoir un sentiment plus humain. Après Arasaka, après toute cette histoire, il y avait même plus que de la douceur, en tout cas durant un certain temps, mais la trahison avait tendance à teinter de noir tout ce qui était lumineux auparavant.

« Ne me regarde pas comme ça, soupira Minho. Je n'en sais pas plus que toi. Les désosseurs sont devenus gourmand ou idiot, ou les deux. Je suppose que vous avez récupéré des infos sur le corps, vous aurez peut-être des données exploitables.

- Tu t'es renseignement pour les Netrunners ? Demanda Jian directement au Fixer.

Minho secoua la tête.

- Désolé, personne ne s'inquiète d'eux chez les corpos. Tu sais combien de personne se suicide par jour à Night City ? Entre ça, les cyberspychos, les cadavres à cause des gangs, c'est un charnier cette ville, quelques Netrunner morts ne font pas la différence.

Jian ne trouvait rien à redire car elle savait que Minho n'avait pas tort, ça ne la satisfaisait pas pour autant.

- C'est encore Seungmin qui s'inquiète ? Demanda Jisung directement à la jeune femme.

La blonde affirma d'un signe de tête, elle pencha légèrement la tête en arrière, visiblement épuisée.

- Il dort mal. C'est à peine s'il quitte le lit des petits tellement il a peur qu'il leur arrive quelque chose. Il veut pas m'en parler mais je vois bien qu'il a craint je ne sais quoi ou je ne sais qui. J'ai beau lui demander, il veut pas m'en parler. Il m'a juste demandé de voir si Lee Know avait des infos sur le suicide de Netrunners. »

L'inquiétude de la jeune femme avait au moins eu le don de faire disparaître la tension palpable qui muselait la bouche de Bang Chan. Ce dernier oublia une seconde sa mauvaise humeur pour regarder son amie. Il partagea avec Changbin un regard entendu.

« On va aller le voir Jian, déclara le mercenaire. J'en parlerai avec lui et s'il faut, on se renseignera.

- Seungmin n'est pas du genre alarmiste, s'il pense qu'il se passe un truc étrange, alors il se passe un truc étrange », continua Changbin.

La jeune femme leur était reconnaissante. Elle ne savait plus vraiment comment faire pour aider son mari sans pour autant donner l'impression qu'il se laissait emporter par la paranoïa et en même temps, elle-même commençait à s'inquiéter. Seungmin était quelqu'un de rationnel, peu sensible au stress mais depuis quelques semaines, depuis qu'un de ses patients était mort dans d'horrible circonstances, elle l'avait vu se transformer peu à peu en cet homme soucieux, toujours tendu et instable. Le Charcudoc ne se reconnaissait pas lui-même mais plus le temps passait, plus il se terrait dans le silence. Ça ne pouvait plus continuer, il était temps d'en parler aux autres mais inutile de s'attarder sur la question ce soir.

« Bon c'est pas le tout, je suis maman, je vais vous laisser, Jian se leva en terminant sa bière. Pas bêtises, vous n'êtes plus de première jeunesse. » Elle leur fit un clin d'œil avant de se diriger vers la sortie de la salle.

Ses amis suivaient sa silhouette disparaître dans le couloir, passant devant les autres clients du bar.

« Maintenant que la vieille est rentrée, se moqua gentiment Jisung, quelqu'un veut boire autre chose ? »

Bang Chan leva simplement son verre pour montrer qu'il voulait la même chose, Minho refusa et Changbin se leva avec le Netrunner pour l'aider à porter les boissons et lui éviter des mains baladeuses par la même occasion.

Le Netrunner attirait toujours autant les regards sur son passage, comme une créature aussi belle que dangereuse, dont le corps félin était semblable à une arme mortelle qu'on ne pouvait que regarder de loin au risque de s'y piquer. Son épiderme nacré aux reflets bleutés, brillant de ces fragments numériques qui recouvraient sa peau parfaite, ses jambes galbées, serrées dans son short noir et son holster aux cuisses. Si les autres n'avaient que le droit de le contempler, Changbin était encore le seul à pouvoir s'y perdre dans l'intimité. Le voyant se pencher au-dessus du bar, récupérer la bouteille d'alcool brun que lui tendait la Barmaid, il laissa ses yeux glissés sur le bout de peau découvert dans son dos. La ligne de sa colonne marquée, la cambrure de ses formes. La jeunesse, Jisung la cultivait de part sa nature et son regard était tout aussi espiègle, ne perdant pas une miette quant à la respiration du mercenaire qui se faisait plus rapide.

Se redressant complètement, le Netrunner s'approcha, obligeant Changbin à relever les yeux. Ses pupilles étaient devenu un peu plus sombre depuis qu'il avait installé un nouvel implant pour développer son sonar, en lien avec son implant derrière l'oreille dont les diodes vertes caractéristiques se voyaient même au milieu des clients de l'Afterlife.

Jisung roula presque jusqu'à coller son bassin contre le sien tandis que la Barmaid préparait le reste des boissons qu'elle posait sur le bar. Changbin quitta ses yeux brillant d'une lueur coquine pour regarder sa bouche légèrement plisser dans un petit rictus amusé. Jisung était un joueur, depuis toujours et rien ne lui faisait plus plaisir que de voir tout le trouble qu'il pouvait encore créer chez le mercenaire même après toutes ces années. Son mercenaire. Son chevalier servant.

« T'es vraiment sexy ce soir, souffla Changbin.

- Je sais que tu aimes bien quand je mets mon holster avec mon short.

- On dirait presque des porte-jarretelles en cuir. Ca fait ressortir tes cuisses fines mais musclées.

Il glissa son doigt sur la lanière qui serrait son quadriceps, faisant frissonner la peau du plus jeune.

- T'arriveras à tenir encore peu ? Riait doucement Jisung. Ou tu préfères rentrer maintenant ?

Changbin esquissa un sourire à son tour, s'approcha pour susurrer au bord des lèvres.

- Tu sais que plus j'attends, plus ça sera intense.

- Alors raison de plus. »

Jisung récupéra la bouteille et deux verres, laissant le reste à Changbin avant de se faufiler entre les autres clients, laissant un mercenaire dont le rire grondant faisait vibrer sa cage thoracique.

« Ah, il me rend dingue », il murmurait pour lui-même.

Les lumières épileptiques, les étincelles de quelques modifications cybernétiques sur des corps d'os, de chair, de fusible et d'acier. Et l'éclat dans les yeux du Netrunner par-dessus son épaule. La nuit promettait d'être chaude.

C'était une vérité à Night City, qu'on soit à l'Afterlife ou ailleurs, qu'on soit seul, accompagné. Qu'on découvre un inconnu, un conjoint, un ami, un amant, qu'on retrouve celui qu'on n'a jamais vraiment perdu. Des lèvres qu'on n'a jamais quittées, une peau qu'on continue de marquer, dans l'ombre de la nuit à défaut de pouvoir le faire à la lumière du jour.

D'un coup bien placé, on fait voler la porte d'un appartement plongé dans la pénombre pour s'engouffrer à l'intérieur. Des bruits succions de baisers passionnés, des bras autour du cou et des jambes tenaillées autour de sa taille, ses mains robustes accrochées à des cuisses puissantes au point de le faire gémir entre ses lèvres malmenées.

Une paupière qui se lève doucement, l'œil vitreux par le mélange d'alcool, de drogue, de sexe lancinant qui lui tord le ventre alors que l'homme contre son corps ondule comme un serpent, attisant sa chaleur, son excitation et resserrant encore plus la prise autour de sa taille.

« Aah, ne peut s'empêcher siffler le mercenaire entre ses lèvres.

- Chan..., murmure le second entre ses bras. Putain Chan...S'il te plaît... »

La voix suave, grondante comme celle de la tentation prenant le pas sur celle de sa raison.

Le mercenaire progresse à l'aveugle dans son appartement jusqu'à buter sur un meuble, visiblement le bord d'un lit défait de ses couvertures et draps teinté de lueurs de couleurs vives. Les stores à peine fermés laissent apercevoir les lumières de la ville qui découpent le corps en sueur de l'homme étendu, au regard de braise, à la pupille droite plus claire. Ses cheveux châtains relevés au-dessus de son front et un torse soulevé par des respirations saccadées.

S'il pouvait encore parler, au milieu de son besoin vital d'être totalement possédé, il le supplierait de s'approcher, de ne pas le laisser seul au milieu de ce grand lit. S'il pouvait parler, il le supplierait de lui pardonner, comme il l'a déjà fait un million de fois il y a des mois de ça, quand il a franchi le pas de cette porte dans la lumière. Et après, à chaque fois qu'il la franchissait pour revenir, à la nuit tombée.

« Chan », il susurre à nouveau d'une voix presque brisée.

Mêlée à son excitation, un autre sentiment.

« Mon amour... », il reprend.

C'est douloureux, son cœur s'ouvre en deux mais pour rien au monde il ne reculera, pour rien au monde il n'abandonnera cet homme qu'il désire plus que tout. Chan glisse entre ses jambes, s'allongeant sur son corps pour venir le parsemer de baiser, le découvrant des vêtements déjà à moitié déboutonnés. Ses mains glissent de ses épaules, le long de son bras, effleurent ses doigts et continuent sur ses jambes qu'il remonte sur ses hanches. Il pince sa peau sous son genou plié, calant avec plus de ferveur son bassin contre le sien pour le faire languir un peu plus. Sa bouche grande ouverte, un appel à de nouveaux baiser plus langoureux. Retrouvant sa compagne de toujours, celle qu'il ne dompte que lorsque la Lune est leur seule spectatrice.

« S'il te plaît, il continue de supplier. S'il te plaît, prends moi... »

Obéissant Bang Chan, offert au désir de l'homme qui trône en son cœur depuis plus de six ans, malgré son départ auprès d'une autre, il lui est dévoué, autant que le Fixer lui a promis amour éternel, car ce n'est pas un mariage d'amour, c'est un mariage de raison et à défaut d'être uniquement la raison de l'argent et du pouvoir, il était la raison d'un amour plus viscéral, d'un amour filial que Bang Chan avait refusé de lui offrir.

Mais ce soir, ils oublient les rancœurs, les vieilles disputes, ils oublient ce qui les a brisés pour se retrouver. Au milieu de leur souffle commun, des baisers, de l'amour qui les unis dans cette vie comme dans l'autre.

« Je t'aime, souffla Bang Chan. Je t'aime Lee Minho ».

***

Sept mois plus tôt,

« Alors c'est décidé, tu t'en vas ?

- Arrête, ne fais pas comme si c'était seulement ma faute. »

Minho terminait de fermer sa dernière valise. Le reste de ses cartons avaient déjà rejoint sa nouvelle résidence, il ne restait que les derniers vêtements et une raison supplémentaire pour passer jusqu'à la dernière minute avec le seul être qu'il aimera jamais. Seulement, l'amour ce jour là, était recouvert d'une énorme couche de colère, de tristesse et de rancœur. Des mots à la fois blessants et virulents avaient été prononcés si souvent qu'ils écrasaient d'une chappe de mélasse les beaux sentiments qui les avaient unis si longtemps, jusqu'au point de non-retour.

« Ce n'est pas moi qui abandonne », lui disait Bang Chan amer.

Adossé au mur opposé, bras croisés sur le torse et le regard noir, il avait cet air hautain qui lui donnait la désagréable impression d'être l'ordure de cette histoire, un moins que rien mais Minho s'était trop souvent battu avec lui pour lui laisser le plaisir de le dénigrer.

« C'est toi qui m'as abandonné. Je ne fais que prendre la décision que tu ne seras jamais capable d'assumer, parce que tu seras toujours un lâche.

- Tout excuse est bonne à prendre pour te donner bonne conscience, mais je t'en prie. Si tu veux que je sois le méchant pour te sentir mieux...

- T'es qu'un connard, jura Minho les dents serrés. Un connard d'hypocrite. Tu préfères que je reste ici et que je sois malheureux pour toujours parce que tu me refuses le bonheur ?

- Et donc c'est à moi de souffrir ? Céder à tes caprices ou rien ?

- Putain Chan, marmonna Minho en fermant les yeux d'exaspération. Laisse tomber, on a déjà eu cette discussion et c'est toujours la même impasse. Si ce qui nous rend heureux est différent, alors on a pas le choix. C'est simple.

- C'est justement ce que je te reproche, que ça soit si simple pour toi ! »

N'y tenant plus, Minho jette littéralement sa valise de l'autre côté de la pièce. Le visage brusquement rouge écarlate et les yeux écarquillés.

« Je t'interdis de dire que c'est simple ! Bordel ! J'ai tenu des mois en espérant que tu me comprennes ! J'ai essayé un millier de fois et j'ai aussi essayé d'oublier parce que je t'aime ! Mais je n'y arrives pas ! C'est pas une lubie ! C'est pas un putain de caprice de gamin ! C'est humain ! C'est moi, ok ? Je veux un enfant et toi tu n'en veux pas ! Alors qu'est-ce qu'il me reste ?! Combien de temps avant qu'on ne finisse par se détester ? C'est ce que tu veux ? Qu'on se déteste ?

- Alors tu te maries avec la première venue ! Hurle à son tour Bang Chan. Tout ça pour un avoir un mioche !

- JE ME MARIE AVEC ELLE PARCE QUE LORSQUE TU N'ETAIS PAS LA ! QUAND TU PARTAIS TE METTRE EN VRAC POUR TE VENGER DE MOI, ELLE M'A SOUTENU ! Merde ! Grinça Minho au bord des larmes mais refusant de céder. Je n'ai pas à me justifier. Plus maintenant. Je t'ai laissé le choix. Laisse moi faire le mien. »

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Bien le bonsoir ! 

C'est le Come Back du SKZ ! 

Et il n'y a pas que des bonnes nouvelles 🤐

A ce sujet, concernant les bébés, je rappelle que vous êtes dans un monde futuriste, il y a des façons conventionnelles d'avoir des enfants et des façons moins conventionnelles, plus technologiques, donc avoir un enfant pour un couple d'homme n'est pas si inédit à Night City. 

Je préfère prévenir, on va pas voir le Hyunlix tout de suite, l'intrigue va déjà doucement se mettre en place avant de pouvoir revoir nos petits amants maudits préférés...

Rappel vocabulaire :

Désosseurs : gang de Night City sans vraiment de chef ou de hiérarchie. A priori, principalement  composés d'anciens mafieux de l'ex union soviétique qui cherchent à kidnapper des gens pour leur voler des implants.

A lundi !

D.