« Comment définir le réel ? Ce que tu ressens, vois, goûtes ou respires, ne sont rien que des impulsions électriques interprétées par ton cerveau. »

(Extrait du film « Matrix »)

Comment savoir le temps qui passe dans le néant blanc ? Il pouvait s'écouler des heures, des jours, des semaines sans que Jisung ne s'en rende compte. Parfois des sons lui parvenaient de l'extérieur, des brides que son subconscient captait et qui se répercutait dans ce monde créé dans son système neuronal par l'IA enfantine qui apparaissait et disparaissait comme bon lui semblait.

Si Titan pouvait partir, alors il pouvait peut-être lui-même accédé à quelques connexions extérieures ? Cela faisait un temps considérable, qu'il ne se risquait pas à quantifier, qu'il parcourait l'étendu blanche. Il essayait de se concentrer, d'en ressortir le magnétisme, les caractéristiques numériques qui l'habillait. Il espérait voir un trouble, une légère distorsion dans le programme qui le permettrait de se faufiler dans la brèche mais tout était parfait. Tout était limpide. Il se demandait même si Titan avait simulé la sensation d'air qui rentrait dans ses paumons.

Il devait bien l'avouer, le contrôle de l'IA était au-delà tout ce qu'il avait pu imaginer. Ce n'était pas surprenant sur le principe mais le voir de ses yeux, tout du moins de ses yeux dématérialisés, c'était d'une autre envergure. Rien ne pouvait laisser supposer qu'il était dans ce sas parallèle à son propre sas personnel. Quelque part, il pouvait reconnaître que la complexité de l'encodage de ce programme était aussi une mesure de protection pour leur engramme respectif, il ne disparaîtrait que si Titan décidait lui-même de le faire disparaître. Inutile de se fatiguer, il n'était pas assez fort pour ça. Se heurter à sa limite n'était jamais agréable pour sa fierté personnelle. Sa soif de connaissance, de liberté, de maîtrise tant de son esprit que de son corps, était totalement réduit à néant par la simple volonté d'une IA libre. Sauf à ce qu'elle ne maîtrise aussi ses émotions dans ce vide cantique, il se sentait démoraliser. Se battre sans perspective de victoire aucune.

« Tiens, tiens, ils ont commencé l'opération. »

Titan venait d'apparaître derrière lui. Jisung avait été surpris de voir l'IA se matérialiser sous le corps d'un enfant la première fois mais là, il s'agissait non plus d'un enfant mais d'une femme. De longues boucles blondes et des yeux bleus sibériens, une étrange lueur sur la peau synonyme d'une modification cybernétique cosmétique, ce qui pouvait paraître inutile dans un monde totalement numérique. Elle avait des formes généreuses, peu dissimulées derrière des vêtements serrés et dévoilant des ports multiples tant sur sa nuque que sur l'intérieur de son bras. Une Netrunneuse. Le plus étrange était qu'elle lui semblait familière mais cette sensation, il l'avait eue aussi avec l'enfant. Le petit garçon qui était son ancienne forme avait également éveillé une sensation de déjà-vu.

Titan dû remarqué son silence circonspect, il laissa filer un petit rire de sa voix cassée et sortit un paquet de cigarette de sa poche.

« T'en veux ? Demanda l'IA en lui tendant le paquet.

Jisung sentit une vive émotion de manque le gagner, chose qu'il n'avait pas ressenti jusque-là.

- Est-ce que ça aurait les mêmes effets que dans la réalité ?

- Tu crois bien pouvoir respirer », sourit l'IA en tirant sur un des bâtons blancs pour le glisser entre ses lèvres maquillées de rouges.

Tout était feint donc.

« Non ce n'est pas feint. Je laisse simplement ton esprit imaginer que c'est vrai mais l'émotion elle, est guidée par toi et uniquement toi. »

Jisung prit la cigarette et l'alluma sous l'œil amusé de la silhouette blonde. Sa tenue était d'un autre temps, un genre qui ne se voyait plu à Night City depuis des décennies. Ses cuissardes noires en latex serraient si fortement ses cuisses qu'elles en ressortaient légèrement. Des tatouages électriques serpentaient sur sa peau, découvrant sa hanche alors que le reste de sa tenue n'était qu'un body en cuir enserré par deux ceintures épaisses.

« Tu n'inventes rien alors, ici tout est guidé par mon esprit.

- Exact, sourit la blonde ravie de voir que le Netrunner comprenait un peu le monde qu'il avait créé.

- Donc ton physique...il est aussi issu de mon imagination ? Ou plutôt ma mémoire ?

L'IA tira sur sa cigarette, claquant d'un doigt pour le féliciter.

« Si tu viens de ma mémoire...Tu dois être...Alt ? Se risqua Jisung en planta son regard dans le bleu de ses yeux modifiés.

Le bleu de ses iris se mouvait en deux spirales mécaniques et se plissaient sous une petite lueur taquine.

« Alt Cunningham, affirma Jisung expirant la fumée. Mais je ne comprends pas, je n'ai jamais rencontré Alt. Elle était déjà un engramme quand je suis né. La seule image que j'avais d'elle était une vieille photographie de mon frère, qu'il avait gardé avec lui...Ah. D'accord. Donc ce n'est pas seulement les gens que j'ai connu. »

Il devait bien avouer, cette cigarette lui faisait un bien fou. Même si elle n'était qu'un fragment de son esprit.

« Si tu es Alt, qui était l'enfant ?

- Tu ne sais pas ? Pourtant tu devrais pouvoir te reconnaître.

- Moi ?

- Un fragment de celui que tu étais, coincé dans ta mémoire lointaine.

- Et tu ne pioches que dans cette époque ? Est-ce que je dois comprendre que mon cerveau a subi des dégâts sur ma mémoire à court terme ? »

L'IA leva les sourcils. Ce n'était pas le Fantôme pour rien, il était intelligent, perspicace et surtout il avait une parfaite connaissance de sa biomécanique, même dans ce monde, et dans le coma dans l'autre, il était redoutable. Il ne devait même pas s'en rendre compte et cela impressionnait Titan. Il n'avait pas eu besoin de passer par la Ruche pour devenir aussi fort. Que se passerait-il s'il avait en plus de ça, les capacités de n°11 ? Il serait imbattable, même pour lui.

« Tu as effectivement subi de graves dommages au cerveau. D'ailleurs, l'opération chirurgicale à commencer, c'est ce que je disais tout à l'heure. Seungmin va changer tes implants et faire ce qu'il peut pour sauver le reste.

- Mais...A mon retour ? Je me souviendrai de tout ?

L'IA continuait de tirer lentement sur sa cigarette, devenant soudainement un peu plus sérieuse.

- Ça dépendra de ce qu'il arrivera à soigner. Je suis une IA, pas un devin. »

Jisung déglutit. Pour le moment, il ne mesurait pas encore l'impact, tant au niveau physique que sentimental, toutes ses émotions étaient biaisées dans cet espace, et le fait de ne rien ressentir sur son corps avait nécessairement des effets sur sa psyché. Il était en dehors de la réalité, en tout point. Cependant il pouvait ressentir l'appréhension, la peur de son retour parmi les vivants, la peur de ne plus être lui.

« Allons, votre Charcudoc est le meilleur dans son domaine, je suis sûr qu'il va faire des miracles, essaya de le convaincre l'IA.

- Des miracles ?

Le mot n'était pas pour le rassurer. S'ils avaient besoin de miracles, c'était que la situation était on ne peut plus critique et Jisung ne pouvait s'empêcher d'en rire tristement.

- Aller..., murmura maintenant la blonde. Tu sais ce que je peux faire aussi ? »

Soudainement sa voix se faisait plus grave, plus masculine et une étrange odeur lui parvenait. Plus qu'une odeur, un parfum. Le parfum d'une huile mécanique d'implant militaire, mêlée à un soupçon de menthol. Il sentit le corps de la blonde se coller à lui mais cette fois elle était plus épaisse, plus dense et des bras musclés passaient maintenant autour de ses épaules, lui faisant relever la tête.

« Je peux aussi me servir dans des souvenirs plus intimes », sourit l'IA revêtant des traits espiègles.

Ses cheveux noirs, légèrement bouclés qui rendaient son regard charbonneux, une bouche pincée, plus rouge la moyenne et un implant vert électrique sur le côté du crâne rasé. Même s'il savait que ce n'était pas lui, qu'il n'était qu'un fragment de sa mémoire, Jisung ne put s'empêcher de sentir sa respiration s'arrêter. La cigarette n'avait pas eu autant d'effet.

« Ne fais pas ça, il réussit à extirper du fond de la gorge.

- Pourtant je sens que ton cœur palpite, il frétille comme un petit oiseau, rien qu'à me regarder. Ça pourrait rendre les choses plus faciles, tu sais. L'attente, l'incertitude. Ici, je peux être qui tu veux, faire ce que tu veux. »

Comme pour appuyer ses mots, l'image de Changbin roulait de sa voix suave dans le creux de son oreille, venant appuyé son index sur la base de son cou, à l'endroit même d'un port cybernétique qui apparaissait brusquement alors même qu'il n'en avait plus aucun depuis son entrée dans ce monde. Seulement ce simple touché faisait rejaillir les innombrables fois où Changbin venait le toucher, lui caresser ce point précis en le sachant si sensible.

« Tu n'es pas lui, déglutit Jisung sans pour autant réussir à le repousser.

L'inconfort lui tenailler le ventre et en même temps il n'arrivait pas à bouger, complètement enivré par le parfum qui son esprit tordu essayait de faire revivre.

- Mais je peux l'imiter, en me basant sur ta vision, tes sentiments, susurrait l'IA.

C'était de la torture, de la pure torture et pourtant cette façon de parler, même si le timbre était identique, ne ressemblait en rien au noiraud qui faisait battre son cœur.

- Et c'est là que s'arrête ta compréhension de l'être humain. La vision que j'ai de Changbin, ce que mon esprit aime garder de nos moments, ce que tu penses comprendre, est loin de lui rendre hommage. Sa complexité te dépasse, tu es toi-même le fruit d'un esprit humain et tu ne peux le transcender. »

A mesure qu'il parlait, que l'IA semblait l'entendre sans pour autant le comprendre, Jisung sentait un poids venir le quitter et en même temps lui enserrer le cœur. Heureux de constater la limite du monde immatériel et en même temps si désireux de revoir l'être aimé, en chair et en os. De comprendre que son existence n'avait de sens que dans la réalité. Tout était vide ici, en tant qu'engramme, on ne pouvait en ressentir une quelconque satisfaction. C'était impossible et il se sentait soudainement triste pour toutes ces âmes dématérialisées.

« Tu auras beau apprendre, t'imprégner de chaque passage, de chaque interaction avec le monde sensible, tu ne pourras jamais comprendre notre âme. C'est notre part divine. Je dois bien avouer que c'est la première fois que je m'aperçois de ta limite Titan..., sourit doucement Jisung. Et je te remercie pour ça. Grâce à toi, je sais que Seungmin arrivera à me sauver. Si j'avais un doute jusque-là, j'en suis maintenant certain. »

***

Douze heures de bloc. Avec les réparations de Jian et leurs opérations combinées, c'était de loin la plus longue et la plus éprouvante des interventions chirurgicales qu'il dut réaliser.

Avachi sur son siège, une cigarette entre les lèvres, il regardait les constantes de Jisung qu'il venait de stabiliser. Ses mécanismes de la main droite étaient en surchauffe et ne bougeaient plus à cause des injections d'anti-douleur et d'adrénaline. Un cocktail paradoxal mais nécessaire pour tenir les douze heures sans trembler. Sa main gauche qui continuait d'apporter la cigarette à ses lèvres était lourde, comme son corps entier. Lentement, Seungmin laissa sa tête basculer en arrière, expirant son souffle dans un râle d'agonie. Il ne savait pas comment se relever, ni s'il pouvait réellement rester éveiller, même dans cette position inconfortable. Ton son être était en suspens et ne restait que le bourdonnement de ses neurones encore pris dans l'opération qui s'était terminé il y a déjà une trentaine de minutes. Jian était au bout de la pièce, endormie sur le petit canapé, les bras croisés sur le torse.

Seugmin laissa tomber sa tête doucement sur le côté, observant le profile de son épouse qui dormait mais son sommeil n'avait rien de paisible. De grosses cernes défiguraient son magnifique visage, ses cheveux étaient lever en un chignon grossier, d'où des mèches folles ressortaient et tombaient tout autour de son visage. Elle avait les lèvres en sang, à force de les mordre sous la concentration. Elle avait travaillé des jours entiers sur les nouveaux implants.

« Les meilleurs. Ils ne sont même pas disponibles sur le marché, noir ou autre. J'ai fait quelques modifications personnelles. Je défie n'importe quelle IA de venir me griller ces petits bijoux ! »

Sa force d'esprit avait toujours été une de ses plus belles qualités. Une des principales raisons qui avaient fait chavirer le cœur du Charcudoc. Dès leur première rencontre, alors qu'ils n'étaient encore que des adolescents, à courir les rues et voler des petits dealers pour pouvoir se payer quelques implants qu'ils pouvaient revendre à la sauvette, pour acheter un peu de quoi se nourrir.

Night City regorgeait d'orphelins ou tout simplement d'enfants livrer à eux-mêmes.

Comme une bande de chiens errants, ils étaient plus facile de survivre ensemble et ainsi le petit brun à lunettes s'étaient retrouver dans la même bande que la belle Jian. D'un an son aînée, elle avait déjà un caractère bien trempé. Elle avait encore sa jambe à cette époque mais déjà elle parlait plus fort que tout le monde et passait son temps avec Seungmin à décortiquer les petites machines, les remboiter, les défaire, les réparer, les travailler. Alors que le garçon s'intéressait davantage aux corps humaines, à l'interaction avec les modifications cybernétique, Jian se concentrait sur la mécanique pure. Ils s'étaient pris de passion pour les augmentations, plutôt que de voler, ils pouvaient se faire payer, là où leurs camarades de petits délits tombaient dans la drogue, se faisaient attraper par des gangs qui voulaient se venger, ou par la police qui avait besoin de se défouler.

Rapidement, ils n'étaient plus que tous les deux. Jian avait eu un accident avec une énorme presse et avait perdu sa jambe, remplacée rapidement par une prothèse cybernétique que Seungmin s'était procuré et qu'il lui avait implanté.

Peut-être que c'était simplement parce qu'ils étaient la seule famille que leur restait, peut-être parce que le petit garçon à lunettes était devenu un homme, que la belle Jian était devenue plus douce. Les choses s'étaient faites naturellement. Comme si elles étaient écrites. Seungmin l'avait embrassé et elle lui avait demandé de ne jamais l'abandonner. Une promesse facile à tenir, puisque Seungmin se l'était faite depuis leur premier échange, leurs premiers sourires échangés.

La porte du local s'ouvrit, faisant émerger Seungmin perdu dans ses pensées. Il redressa simplement son visage, la fumée passant devant ses yeux et l'empêchant de voir complètement le regard de l'instrus qui tomba d'abord sur Jian avant de se tourner vers le Charcudoc.

Bang Chan n'avait quitté son regard inquiet depuis des jours et avec l'annonce de l'attaque hier soir, ça ne s'était pas arrangé. Si Jian avait des cernes, elle dormait au moins, Bang Chan n'avait pas fermé l'œil depuis plusieurs jours et ses yeux injectés de sang trahissaient une augmentation accrue de ses prises de petites pilules.

« Je suis désolé, il s'excusa auprès de Seungmin en refermant la porte très lentement pour ne pas réveiller la jeune femme. Comment il va ? Il continua de chuchoter en se rapprochant.

Le Charcudoc se redressa enfin, soupirant bruyamment sous la fatigue. Il se frotta les yeux, la cigarette entre les doigts avant de tirer une grande bouffée et l'expirer.

- Il est stable, dit il en regardant Jisung allongé. On a tout remplacé. Mais temps qu'il ne sera pas réveillé totalement, on ne pourra pas savoir si les connexions fonctionnent correctement. J'ai rarement vu autant de dégâts, j'espère qu'il pourra s'en remettre. »

Au son de sa voix, Bang Chan comprenait que même Seungmin n'y croyait pas vraiment. Il était encore sous le choc de la plongée de Jisung, c'était sous ses yeux que son ami s'était pratiquement éteint et ça l'avait marqué au fer rouge. Un traumatisme dont il ne pourrait se défaire de sitôt. Une raison de plus de remplir son cendrier et c'était uniquement pour cette raison que le Charcudoc ne lui faisait aucune leçon de morale sur sa prise de drogue excessive. Les deux hommes étaient à cran.

« Des nouvelles de Washington ?

Le sujet sensible était abordé, Bang Chan s'en crispait presque par réflexe. Il se contenta néanmoins de ravaler sa tension, personne ne méritait les salves injustes de sa frustration.

- Rien. Mais avec l'armée qui a débarqué à Nigth City, je doute que les choses se passent bien. Les autres ont prévu une trêve.

- Les autres ? Expire Seungmin en écrasant son mégot avant de se lever définitivement de sa chaise.

- Les autres chefs.

Le Charcudoc s'arrête brusquement, plus que surpris.

- Tous les chefs vont accepter de se réunir sans s'étriper ?

- Pas tous. Seulement les plus important. Brigitte, Shinobu, Royce et Tess.

- Une belle brochette de personnes prêt à se tuer plutôt que collaborer. T'es sûr que c'est pas un piège ?

- Un piège de qui ? Soupira Bang Chan en passant sa main dans ses cheveux totalement à bout de nerf. Je tourne en rond comme un lion en cage, je sais rien de ce qu'il se passe là-bas, j'ai pas de nouvelles de Lee Know et ici, Changbin est au plus mal alors que Jisung est entre le vie et la mort. C'est la première fois que j'ai la sensation d'être totalement inutile. J'ai aucune idée de ce que je dois faire, tout s'effondre, tout m'échappe et je suis...Je suis à deux à doigts de péter un câble. Putain j'ai pas besoin qu'on pirate mon cerveau pour avoir envie de me mettre une balle dans le crâne, je te jure, je suis totalement perdu. Je sais pas quoi faire...Je sais pas... »

Bang Chan tournait sur lui-même s'arrachant presque les cheveux alors qu'il regardait chacun leur tour Jian, Jisung et le Charcudoc. Seungmin n'avait pas de réponse à lui donner, il n'avait jamais envié son statut et ses responsabilités, il n'avait pas l'étoffe d'un leader comme pouvait l'être le mercenaire mais ça ne l'empêchait pas d'avoir mal de le voir aussi désemparé. Habituellement Changbin serait là pour prendre le relais mais s'il ne l'avait pas vu depuis des jours, il l'imaginait encore au plus mal.

« De toute façon j'ai pas d'autres options, conclut Bang Chan. Il peut y avoir une faible probabilité que l'un d'entre eux ait plus d'information sur ce qui se passe à Washington. Et puis je me dis que si Brigitte accepte de sortir de son terrier, je peux bien faire moi-même l'effort.

- Elle ne les laissera pas s'en prendre à toi.

- Et moi à elle. J'ai au moins un allié, souriait le mercenaire.

Un sourire amer puisque rien dans sa vie ne lui permettait de se réjouir à cet instant mais tout occasion était bonne à prendre. Les deux hommes se regardaient quelques secondes avant d'entendre un appel sur la ligne de chef du SKZ. Bang Chan regarda sa montre.

- Wooyoung, maronna Bang Chan. Quelque chose ne va pas ? Il décrocha.

- Où es tu ?

La voix de l'autre membre semblait agitée.

- Chez Seungmin, pourquoi ?

- Ok. Bouge pas, j'arrive. »

Il raccrocha sans attendre et Bang Chan partagea un regard intrigué avec le Charcudoc. Ils n'eurent pas besoin d'attendre bien longtemps, seulement quelques minutes et ils entendaient déjà la porte de l'appartement, à l'autre bout du couloir s'ouvrir soudainement. Bang Chan eut à peine le temps d'ouvrir celle du local qu'une masse lui sauta dessus.

« Tonton Chan !

La petite de Seungmin venait de lui foncer dans les jambes.

- Du calme Sun, essaya de chuchoter Bang Chan »

La voix de l'enfant réveilla également sa mère qui émergeait difficilement du canapé, encore embrumée. La petite Sun la vit et contourna le mercenaire pour lui sauter à son tour dessus, Jian rattrapa la petite juste à temps et au lieu de s'en retrouver renfrogner, elle la serra simplement dans ses bras, un petit regard attendri vers son trésor.

« Mais j'ai pas pleuré ! J'ai été fort ! Pas comme Sun, moi je suis grand ! S'exclama un petit garçon de l'autre côté.

- Oui j'en doute pas. »

Bang Chan se raidit soudainement. Cette voix grave, il la connaissait. Il se tourna en direction du couloir et de l'autre côté une image du passé tenant dans ses bras le jeune Tae qui expliquait les derniers évènements avec ses mots d'enfants, un petit sourire sur les lèvres.

« Felix. »

Il n'arrivait rien à dire de plus, totalement figé alors qu'une vive émotion le gagnait.

Seungmin l'avait à peine entendu mais à son tour il sentit sa poitrine se gonfler d'une respiration plus rapide pour regarder franchir le seuil de son local le Netrunner blond, avec son fils dans ses bras qui jouait avec son collier en argent, tout en racontant son histoire sans s'arrêter une seconde.

« Désolé d'avoir mis tout ce temps, leur dit le Netrunner en déposant l'enfant au sol.

- Hé ! Se plaignait Tae. Pourquoi tu me poses ? J'avais pas fini.

- On reprendra après, d'accord ? S'accroupit Felix. Je dois parler avec ton papa et Tonton Chan.

- Hum. Ok.

- Felix ? C'est bien toi ? »

Jian se levait à son tour, laissant sa fille rejoindre son frère. Elle avait une tête affreuse mais son regard pétillant d'espoir donna le sourire à l'ancien danseur du Lizzie's. Il la trouvait toujours aussi magnifique, même avec ses cheveux dans tous les sens et malgré cette petite mine, la maternité lui allait bien. Il était si heureux de la voir qu'il ne put réprimer un petit rire alors qu'elle venait se jeter dans ses bras.

« Hé, rit doucement Felix en inspirant le parfum de sa peau, de sa chaleureuse étreinte qu'il n'avait pas sentit depuis six longues années. Moi aussi je suis heureux de te voir.

- T'aurais jamais dû partir, sanglotait la belle blonde. Tout ça ne serait pas arrivé si tu avais été là, Jisung, Changbin et maintenant Minho...Putain Lixie je te déteste d'être parti je te jure. Et tout ça c'est de ta faute ! »

Elle cracha en direction de Hyunjin à seulement un pas derrière eux. Le corpos ne s'en formalisa pas, la jeune femme n'était pas si furieuse, juste épuisée.

Bang Chan sembla se rendre compte à son tour de la présence du corpos. Il avait presque eu du mal à le reconnaître, avec ses longs cheveux bruns au lieu de son ancienne couleur flamboyante, sanguine, qui lui donnait à l'époque une allure encore plus menaçante qu'il ne l'était déjà. Ce dernier était toujours aussi silencieux et très attentif aux personnes qui gravitaient autour de son ange blond. Il ne s'était pas adoucit avec le temps et nul doute qu'il était toujours aussi redoutable. Néanmoins le mercenaire s'approcha quand même.

« Ca ne doit pas te ravir d'être revenu, il lui dit.

- Je ne dirais pas que je suis ravi mais je ne suis pas non plus déçu.

Bang Chan le comprenait. C'était peut-être l'un des rares au sein du SKZ et même de la ville à le comprendre tout en conservant cette rivalité sous-jacente et palpable entre eux.

- C'est comme de revenir auprès de la mère qui vous a chié sur les marches d'un orphelinat et qui maintenant vous taxe des clopes.

Hyunjin esquissa un sourire amusé.

- Exactement. »

Felix embrassa une dernière fois Jian sur le front avant de s'écarter et de regarder Seungmin, de répondre à son expression aussi surprise que soulagée par un sourire tout aussi désolé. Il s'approcha du Charcudoc, le trouvant encore fatigué que les autres, il était légèrement tremblant et la raison de son état de santé était juste à côté de lui. Jisung était allongé sur une table en métal, relié à divers écrans par des câbles multiples. En un coup d'œil, Felix semblait comprendre son état critique. Il se pencha au-dessus du Netrunner plongé dans le coma, contractant les muscles de sa mâchoire alors que ses poings se serraient.

« Je suis désolé Jisung...Je suis désolé de ne pas être arrivé plus tôt...

- Tu peux faire quelque chose ? Demanda aussi tôt Seungmin. Mes compétences s'arrêtent à son état physique, pour ce qui est des connexions à son cerveau, je peux pas faire grand-chose.

- Je vais essayer.

Bang Chan regardait faire le Netrunner, sans attendre il tira la chaise du Charcudoc qui lui tendait déjà des câbles spécifiques, de son côté Hyunjin s'était redressé, se positionnant juste à côté du mercenaire.

- C'est bien que tu sois là, lui dit Bang Chan sans quitter Felix des yeux pour autant. Tu vas m'accompagner en attendant.

- Où ça ?

- Une petite visite de courtoisie à la fine fleur des gangs de Night City. Mais d'abord on va récupérer un colis. »

Hyunjin restait calme et lorsque Bang Chan se dirigea vers la sortie, il regarda une dernière fois Felix. Ce dernier l'observait à son tour et lui fit simplement un signe d'approbation avant de se pencher sur Jisung.

***

Depuis des jours Changbin arrivait à peine à regarder la lumière du jour, sa tête était lourde, son corps n'émergeait que peu de fois de ses sommeils profonds qu'il provoquait à l'aide de somnifère. Il savait qu'il devait se ressaisir, qu'il devait se remettre sur pieds mais c'était plus fort lui, à chaque fois qu'il ouvrait les yeux, à chaque fois qu'il reprenait vie, tout était noir autour de lui et il entendait le « bip » incessant des écrans rouges, il entendait le souffle de Jisung, voyait son regard se vider et son corps entier convulser avant de s'arrêter brusquement.

Le cauchemar il était réel, il n'y avait qu'en dormant qu'il oubliait tout, et parce qu'il droguait totalement son esprit, il arrivait à faire le vide mais ce n'était pas une vie. Ce n'était qu'une longue et douloureuse agonie auquel il voulait mettre fin sans savoir l'issue qu'il devait emprunter : la fin ou le renouveau. Était-ce même possible sans Jisung à ses côtés ?

Non. Il était encore en vie. C'était ce que son esprit guerrier essayait de lui répéter. Il devait se battre, reprendre du poil de la bête et aider Chan parce que Jisung n'était pas mort et qu'il devait tout faire pour le ramener. Il devait tout faire. Tout faire.

« Debout ! »

La porte de sa chambre s'ouvrit soudainement et tirant sur les rideaux pour faire entrer la lumière du jour, Changbin se plaignit aussi tôt de la brûlure sur ses rétines et toutes les désagréables sensations qui réveillaient son corps engourdi. Bang Chan ouvrait la fenêtre et tira sur sa couverture le faisant enrager. Il se redressa vivement sur ses coudes à deux doigts d'hurler mais un petit rire cynique provenant de la porte l'arrêta net.

« Quelle déchéance dis donc. Je ne m'attendais pas à te voir comme ça un jour, Seo. »

Il y avait des personnes capables de vous mettre en rogne rien qu'à leur ton condescendant et Changbin avait cru un moment avoir oublié le son de cette voix particulièrement désagréable, sans parler de ce regard en biais comme s'il le regardait du haut de son énorme building, au sommet de chaîne alimentaire. Ce n'est que lorsqu'il se tourna vers sa soruce que son visage se figea. Etait-ce une hallucination ?

« Alors ? T'as vu un fantôme ? Oups...Je devrais peut-être choisir mes mots avec plus de précaution.

- Hyunjin...Si...Si tu es là... »

Changbin se tourna vers Bang Chan qui afficha maintenant un petit sourire. A croire qu'il avait aussi retrouvé un peu d'espoir. Les bras croisés sur le torse, adossé à la fenêtre qu'il venait d'ouvrir pour faire entrer ce courant d'air frais dans la pièce.

« Felix s'occupe de Jisung. Nous on va retrouver les autres chefs. J'ai besoin de toi Bin.

- Debout Seo. Personne n'est encore mort alors pourquoi tu as à l'air si pitoyable ? »

Wake the f*ck up, Samurai! We have a city to burn 

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IN THE NIGHT CITY 🎶

Voilà j'ai la chanson dans la tête ! 

C'est le come back ! Rien de tel pour redonner un nouveau souffle au SKZ en perdition ! Felix va tout péter et je parle même pas de Hyunjin...

A bientôt les petits loups ! 

It's a danger pretty here in Night City
Here in Night City, got me up alright, here in Night City !

D.