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// ... Chapitre vingt-sept ... //

"About that" - Tez Cadey


- Hein ? Tu déconnes ?!

J'étais dans mon bain au chaud par ce matin glacé, Arwen assise dans le fauteuil à côté de moi, à broder des motifs floraux sur une de mes nouvelles chemises blanches. Ce qu'elle venait de dire m'avait choqué... C'était le cas de le dire.

- Non je ne "déconne" pas Maliha, j'en ai bien compté quatre et Glorfindel trois.

- C'est impossible, je n'ai pas dansé avec sept elfes cette nuit.

Et pourtant, elle avait raison. J'avais beau les compter encore et encore, la conclusion était la même, sept... Une porte de sortie ?

- Tu avais dit six ma chère, tu en as donc un de trop par rapport à ton estimation d'hier, dis-je victorieuse.

- J'ai dit "au moins six".

Les bras croisés, soutenant ma tête sur le bord de la baignoire, j'ai affiché une moue en pinçant les lèvres.

- Pff... fut ma seule réponse.

- Mauvaise perdante.

- Hey, j'ai juste dit "pff", cela ne fait pas de moi une mauvaise perdante, je réponds en tendant mon doigt vers elle.

- Tu mouilles le parquet Maliha.

- Oups... Et puis, de toute façon, je n'ai pas beaucoup d'occasion de porter des robes...

Je me suis de nouveau calée dans la baignoire en perdant mon regard par la fenêtre. J'ai passé une bonne soirée dans la globalité et je n'avais jamais dansé que cette nuit là. Bien que l'amertume gagne mon cœur en me remémorant la fin de soirée, tout comme le début d'ailleurs. Qu'importe, je ne garderai que les bons souvenirs.

J'ai à nouveau tourné mon regard vers Arwen, elle avait un fin sourire sur les lèvres, chantonnant doucement en plantant son aiguille.

- Raconte-moi un peu ta soirée Arwen. Je dois dire que je ne t'ai presque pas croisée.

Elle a levé les yeux vers moi, les oreilles rougissantes.

- Oh heu... et bien, c'était une belle soirée.

- Une belle soirée ? Tu vas devoir m'en dire plus tu sais ?

Elle tourne les yeux vers la fenêtre et sourit encore.

- Je crois... Je crois que j'arrive à comprendre ton cœur maintenant, Maliha.

- Que veux-tu dire ?

- Ce que tu ressens pour lui. Maintenant, je sais.

J'ai fait bouger l'eau autour de moi et récupéré le savon. Devais-je pousser un peu plus la discussion ? Cétait compliqué de trouver la limite des elfes. Si j'avais été dans mon monde, une conversation plus en détail ne serait pas dérangeante.

- Tu sais, je ne suis pas à l'aise avec le niveau de confidence des elfes. Mais je vais essayer de ne pas trop rentrer dans ta zone de confort. Donc si je comprends bien, tu ressens de l'amour pour Estel ?

Elle a baissé les yeux quelques secondes et a soupiré.

- Je me suis raccrochée à tes dires. Essayé de faire le rapprochement entre mon ressenti et le tien, tel que tu me l'avais expliqué. Ce qui m'amène à la conclusion que, oui, c'est bien possible.

- En si peu de temps ? Arwen...

- Quand as-tu su que tu étais perdue, Maliha ?

Sa voix était pressante, sur le fil de l'énervement. J'avais lancé cette question sur un ton ironique, alors que moi-même j'avais fait l'erreur de croire que le temps était lié à l'attachement envers une personne. Sur Terre c'était ainsi, les "coups de foudre" n'étaient que des mythes, mais ici, tout était différent...

- Pardonne-moi, je l'ai su à l'instant même où j'ai croisé son regard sans me l'avouer, c'est vrai... dis-je en regardant les arbres, perdue.

Elle n'a pas répondu, reprenant son travail.

- Et lui ? T-a-t-il dit quelque chose en particulier ? je demande.

- Non, et vu la situation, je crois que si cela n'était pas réciproque ça me serait égal. Je pense qu'il n'est pas insensible, mais je ne peux pas le confirmer.

- Je crois que je peux te le confirmer. Il a passé toute la soirée à tes côtés Arwen. Il ne t'a pas lâché d'une semelle !

- Ça ne veut pas dire grand-chose...

- Tu rigoles, ça veut tout dire, oui ! Un homme ne reste pas des heures durant avec une femme, qu'il a à peine connue, sans une quelconque attirance, Arwen. Et puis sa façon de te regarder, ou de te toucher, quand vous dansiez, pour moi c'est une évidence.

Ses yeux étaient écarquillés, abandonnant son travail en me regardant avec espoir. Il fallait aborder le sujet suivant... Il fallait à tout prix que j'en parle avec elle, même si le sujet était difficile.

- Ne fait pas la surprise, je sais ce que j'ai vu, dis-je en cherchant une transition.

J'ai avalé ma salive en préparant mes mots. Je suis persuadée qu'elle sait parfaitement les enjeux de sa situation et ce que cela implique. Mais je veux l'entendre de sa propre bouche, entendre ce qu'elle en pense. Les conclusions qu'elle pouvait en tirer, c'est ma meilleure amie, si je dois la perdre un jour...

- Arwen écoute... C'est d'Estel dont on parle et... Il est mortel. As-tu pensé à ça ?

- Oui Maliha.

La tristesse m'a pris le cœur et j'ai détourné les yeux. J'osais à peine imaginer leur avenir : la voir attendre la mort d'Aragorn sans vieillir... Essayer de m'imaginer la douleur de sa perte...

- Arwen j...

- Je le sais Maliha, mais rien ne m'empêchera de vivre ce laps de temps à ses côtés. Je préfère abandonner mon immortalité plutôt que de la conserver et continuer à vivre sans cet amour.

J'étais au bord du gouffre, ne sachant pas quoi dire. Elle irait jusqu'à abandonner son immortalité pour lui ? C'est impossible, un sacrifice si grand...

- Tu ne peux pas faire ça Arwen...

- Si je le peux et je le ferai.

- Arwen, comment peux-tu seulement y penser ?

- Veux-tu me voir mourir de chagrin Maliha ? Ou plutôt de vieillesse à ses côtés ?

J'ai serré les dents et sortit du bain en prenant un peignoir de soie. Je ne savais pas quoi penser. Il est vrai que quand Estel mourra, son chagrin sera tel qu'elle le suivra. Cet avenir n'était que mort et dans les deux cas ma meilleure amie finira par mourir... J'ai eu les larmes aux yeux, en restant plantée là, devant la fenêtre, les bras croisés, à imaginer le futur d'un air incertain.

- Maliha, sache que dans tous les cas, sentiments réciproques ou non, ces années seront les plus belles de mon existence, car j'ai quelqu'un à aimer.

Une larme a dévalé le long de ma joue et je l'ai retirée avec désespoir. Je l'ai entendu se lever pour venir derrière moi et prendre mes épaules.

- Je t'en supplie Maliha, soit heureuse pour moi. Après tant d'années, j'ai enfin un cœur complet.

Je me suis retournée pour la regarder. Son visage est rayonnant, ses yeux lumineux et leur bleu si profond. Je lisais le bonheur tout autour d'elle. Que pourrais-je faire d'autre que d'être heureuse pour elle en la voyant ainsi ? Je l'ai prise dans mes bras, serrée fort en respirant ses cheveux.

- Je le suis Arwen. Je te donne mon soutien. Je ne veux que ton bonheur, alors tu as ma bénédiction.

On est passé dans ma chambre, elle sur le divan face au feu et moi le nez dans mon armoire cherchant un legging et un pull à col roulé. Je suis légèrement rassurée, mais l'idée de voir mon amie mourir un jour m'était insupportable...

- Et toi Maliha ? Cette soirée ? Tu as dû obligatoirement lui parler cette fois-ci ?

- Oui j'ai dû le saluer...

- Et ?

- Il n'y a rien à dire malheureusement... J'ai eu droit à un avertissement.

- Un avertissement ?

J'ai soupiré en passant mon pull.

- Que je n'avais droit à aucun respect et qu'il me couperait la tête à la première erreur. Rien dont je n'étais pas déjà préparé de toute manière...

- Maliha...

- Je n'aurai pas à lui parler de nouveau de toute façon, donc tout va bien.

Elle n'a rien ajouté sûrement pour respecter mon silence. Devrais-je lui en dire plus ? Devrais-je lui dire ce que j'ai vu et passer pour une enfant ? Je me suis mordue la langue, m'agaçant contre moi-même... Me voilà dans un chagrin d'amour ? Je ne peux pas le croire, je suis pitoyable...

- Ton esprit est tourmenté Maliha.

- Mon esprit va très bien...

- Parle au lieu de te chercher des excuses.

J'ai soupiré lâchant ma botte, m'asseyant nonchalante sur le tapis devant la cheminée en laissant reposer mon dos contre le divan.

- J'ai quatre-vingt-trois ans Arwen, et pourtant j'ai l'impression que mon esprit est encore celui d'une enfant...

- De quoi veux-tu parler ?

- Et bien... Quand je suis rentrée hier dans la nuit...

- Rilomë c'est ça ?

- ...

- Elle était la cavalière de Legolas.

- ...

- Maliha ?

- Rilomë et lui étaient sur un balcon et...

J'ai encore soupiré en observant les flammes qui dansaient devant moi. J'avais honte d'avouer que j'étais simplement jalouse. C'était trop puéril, rien face à toutes les choses bien plus importantes en ce moment...

- Écoute Arwen oubli ça... Ce n'est rien.

- Tu as vu une chose que tu n'aurais pas dû voir c'est ça ?

- Il y a de ça oui, je ne me suis pas attardée de toute façon.

- Rilomë est une très belle elfe et une des plus gentille que je connaisse.

- Je n'ai rien contre elle Arwen.

- Mais je sais aussi qu'elle ne se laissera pas avoir si facilement par un elfe de la Forêt Noire. Les femmes savent très bien comment ils sont.

- Tu ne les as pas vu sur ce balcon, lui à lui caresser la joue comme ça là...

J'ai fait une grimace langoureuse en imitant le geste que j'avais surpris hier. Arwen a gloussé avant de mettre une main sur mon épaule.

- Là, on dirait une enfant.

- Ah ah, merci... Elle ne se laissera peut-être pas avoir, mais en attendant elle... Oh et puis merde tien, tant pis, je n'attends rien de toute façon, qu'ils fassent comme bon leur semble, j'ai d'autres chats à fouetter.

- Tu veux fouetter des chats ?

- C'est une expression Arwen...

- Vous les humains, vous avez un tempérament de feu, vos émotions sont toujours excessives... Après je veux bien croire qu'une vision comme celle-ci ne doit pas être agréable.

J'ai soupiré en regardant par la porte-fenêtre les bras croisés.

- De toute façon, c'est la vie, dis-je.

- Maliha, att...

- Je ne crois pas aux belles histoires pour s'endormir Arwen.

Arwen est restée encore quelques heures et nous avons continué à bavarder de tout et de rien. Quand elle a fini les broderies sur ma chemise on s'est simplement séparées et je suis restée seule dans ma chambre à contempler les arbres. Un long moment je dois dire, je ne savais pas vraiment quoi faire et pas l'envi de sortir de cette pièce qui était, je dois bien l'avouer, une protection de l'extérieur. Je n'avais absolument pas envie de la croiser, mais d'un autre côté, je ne pouvais pas rester éternellement dans cette chambre à attendre qu'il rentre à Vertbois-le-Gand... Pathétique. J'ai froncé les sourcils, enfilé ma cape verte doublée de fourrure blanche et sortit en vitesse avant de changer d'avis.

oOo

Holorïn, j'avais décidé que j'irais voir Holorïn. Il m'avait dit qu'il pourrait faire quelque chose pour mes cicatrices... Alors allons essayer ça. J'ai traversé les passerelles supérieures, ma capuche chaude sur la tête sans un bruit. Caras Galadhon était silencieuse et je n'ai croisé personne en arrivant devant le talan que l'elfe m'avait indiqué hier. C'était un talan immense, le plus grand certainement après le palais et la grande salle de réception. Je suis rentrée pour déboucher dans une entrée, j'ai accroché ma cape contre le mur avant de m'aventurer dans le couloir. C'était plutôt sombre, de longs rideaux formaient le couloir, de sorte à diviser la pièce en ce que j'imaginais être plusieurs chambres.

J'ai passé un rideau, celui tout au fond du couloir pour déboucher sur une grande pièce lumineuse. Devant moi, placé au centre un divan et une grande table basse, à côté d'une grande commode sur le seul pan de mur qui n'était pas une porte-fenêtre donnant sur un balcon. Sur la gauche, des voilages ouverts sur une chambre. Sur la droite, fermée par des grandes portes en verre et fer forgé, encore une pièce. Surement un bureau de recherche, car elle cachait de longs plans de travail et des pans de mur remplis de bocaux ou de livres.

- Oh Maliha, vous êtes venue.

J'ai sursauté en plantant mon regard dans celui vert de l'elfe sur ma gauche. Il était là, depuis quand ? Aucune idée, il tenait des herbes et un sachet de son autre main.

- Bonjour Holorïn, je m'excuse, j'aurai dû m'annoncer.

- Non, non, ne vous en faites pas, vous êtes la bienvenue. Je ne pensais pas vous voir si tôt.

- Et bien...

- Vos cicatrices, c'est ça ?

- Si vous n'avez pas le temps, je repasserai... Je suis venue sur un coup de tête et vous êtes sans doute occupé.

Il sourit doucement avant de me faire signe de le suivre sans me répondre. Nous avons passé les portes pour entrer dans la pièce qui semblait être la pharmacie ou le laboratoire.

- J'avais déjà préparé une crème pour vous. J'espère que celle-ci fonctionnera.

Il fouilla dans les petits tiroirs contre un mur qui en étaient remplis. La pièce était immense, des tiroirs du sol au plafond, des manuscrits posés sur les grands plans de travail, ou de simples feuilles volantes. J'étais émerveillé par tant de savoir dans une seule pièce.

- C'est ici que nous faisons la plupart de nos recherches. Particulièrement sur les poisons. Dernièrement, le poison utilisé par les flèches orcs est beaucoup plus résistant, nous ne comprenons pas un changement si soudain.

- Comment ça ?

- En temps normal les ingrédients employés sont plutôt simples et facilement identifiables. Mais ces derniers temps, ils sont beaucoup plus sophistiqués. Il devient compliqué de réaliser les antidotes. Certaines plantes sont très anciennes ou rares, cela complique particulièrement les recherches.

- Où pensez-vous qu'ils les trouvent ?

- Si je le savais, je ne me poserais pas la question...

- C'est pas faux.

Il rit légèrement.

- Ah la voilà.

Il s'avance vers moi en tenant un petit pot de bois.

- Asseyez-vous sur la table dans l'autre pièce et retirez votre haut, que l'on essaie ça.

Je suis sortie pour m'asseoir sur la table et l'ai regardé, plutôt gênée.

- Ne faites pas l'enfant, savez-vous quel âge j'ai ? il dit d'un air blasé.

- Très bien, très bien.

- Je ne vous pensais pas pudique.

- Je ne le suis pas, enfin, on va dire que je ne me suis pas déshabillée devant un homme depuis des années...

J'ai retiré mon pull pour garder juste les bandes de tissus qui serraient ma poitrine. Il me regarda en détail en fronçant les sourcils...

- Tournez-vous.

Je me suis exécutée et senti son regard parcourir mon dos. Avaler ma salive en priant pour que cet instant se termine vite.

- Depuis combien de temps êtes-vous ici ? il demande.

- Ici ? En Lórien ?

- Non ici en terre du milieu.

- Cinquante-deux ans.

- Vous n'avez pas chômé.

Je me suis retournée en le regardant avec curiosité.

- Vous avez plus de cicatrices qu'un gobelin Maliha.

- ha ha... Très drôle Holorïn...

- Je ne plaisante qu'à moitié. Ne prenez-vous pas soin de votre corps ?

- Je ne crois pas que prendre soin de mon corps soit une priorité. Avez-vous oublié qui je suis ?

Il ne dit rien, plongeant dans mes yeux d'un regard indéchiffrable. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés comme ça à nous regarder sans dire un mot. Je ne lisais pas la pitié, pas la peine, ni la colère...

- Une femme ne devrait pas se laisser aller de la sorte.

J'ai arqué un sourcil en le regardant se diriger vers une chaise et me la tendre avant d'en prendre une autre et de s'asseoir en m'indiquant de faire de même.

- Que voulez-vous dire au juste ? Je demande.

- Donnez-moi votre bras.

J'ai tendu mon bras pour qu'il le prenne, m'applique la crème froide sur la peau et commence à masser doucement.

- Je veux dire que vous devriez prendre soin de votre corps.

- Et comment devrais-je faire selon vous ? Ne pas aller à la guerre ?

- Vous appuyez un peu plus sur les autres ?

- N'importe quoi...

- Vous savez, les rumeurs vont bon train entre les cités elfiques. Et l'une de ses rumeurs était celle d'une femme qui a tenu tête au roi Thranduil lui-même. Puis de cette même femme courant sans se retourner vers une armée entière, rien de tel n'avait était vu depuis un âge.

Je n'ai rien dit en baissant juste les yeux. Je regardais sa main parcourir mon bras en faisant imprégner la crème dans ma peau. Non il n'était pas le premier à dire ça, mais comme pour tous les autres, ma seule réponse était...

- Si vous étiez à ma place, ne le feriez-vous pas Holorïn ?

- Pas au péril de mon corps ou de mon âme. Vous avez une limite Maliha, les cicatrices sur votre corps vous le prouvent. Oui vous êtes une force de la nature, mais comme tout être vivant, je vous le répète, vous avez une limite à ne pas franchir. Votre vie est éternelle, si après seulement cinquante ans votre corps est dans cet état, imaginez dans deux cents ans.

Il a pris mon autre bras pour faire comme l'autre. Il n'avait pas tort, je devais l'admettre, mais...

- J'ai encore beaucoup de choses à apprendre, mes capacités au combat ne sont pas encore aussi bonnes qu'elles le devraient, mais ça changera. Avec ma nouvelle lame je pourrais...

- Vous perdre encore plus...

- Holorïn... C'est ma tâche.

- Glorfindel m'avait prévenu : vous étiez bornée.

- J'ai fait un serment et je le tiendrai.

- L'acceptez-vous vraiment ? Je me suis toujours demandé comment les titans pouvaient accepter les termes de ce contrat. L'immortalité contre la douleur et la mort ? Vraiment ?

- Je me fou de l'immortalité, j'y vois plutôt une utilité, une raison de vivre. Vous ne pourriez pas comprendre, vous ne savez pas de quel monde je viens... J'ai accepté parce que pour une fois, j'ai un but qui vaille que la vie soit vécue. Un but autre que centré sur moi-même, à suivre des principes débiles dans un système inégalitaire... Croyez-moi, ce n'est pas un sacrifice, loin de là. J'ai l'impression de vivre et d'être libre comme jamais.

Il s'est levé pour passer dans mon dos et applique une bonne dose de crème. Son visage était fermé avant qu'il ne disparaisse de mon champ de vision. Il ne comprenait certainement pas, mais ça m'était égal, personne n'avait besoin de me comprendre. J'avais choisi cette nouvelle vie et pour l'instant, hormis la guerre, tout était merveilleux, les rencontres, les paysages, cet air pur, la neige, les forêts à perte de vue, oui tout était merveilleux et ma vie serait un sacrifice bien moindre pour permettre à tout ça de continuer. Me racheter était mon seul objectif, racheter mes trente années à consommer, à profiter, cachant mes yeux des morts de la soif et des guerres auxquelles je participais indirectement. Le prix est cher payé, oui, c'est certain, ma vie sera éternelle, une vie solitaire, sans attache, sans famille, mais j'aurai l'âme en paix, j'aurai toujours quelque chose à protéger et j'en ai capacité. Je suis enfin utile...

- J'ai terminé. Pardonnez-moi pour cette conversation, je n'ai pas ma langue dans ma poche. dit-il d'un sourire.

- Et c'est tout à votre honneur, il n'y a qu'avec peu de personne que je peux parler aussi librement et franchement.

- Certains elfes vous diraient que je suis peu fréquentable.

- Ha ha ! Comme cela ne m'étonne pas ! Je vous aime bien Holorïn, vous êtes vivant.

Il m'a expliqué comment utiliser la crème en long en large et en travers, avant de me servir un thé et de bavarder de tout et de rien. Il m'a fait part plus en détail du problème au sujet des poisons. Le changement, selon lui, s'était fait très soudainement et les formules étaient de plus en plus élaborées. Une de ces premières pistes était que quelqu'un avait une connaissance particulière de certaines plantes utilisées. Visiblement très anciennes et cette connaissance était même aujourd'hui considérée comme perdue. D'autres cachaient parfois des ingrédients totalement nouveaux et Holorïn passait énormément de temps à tester des combinaisons d'antidotes.

Il m'apparaît comme un grand scientifique, touchant à la médecine de la façon la plus pointue que je connaisse depuis que je suis ici. Un peu plus loin des potions bien connues ou des incantations d'Elrond. Il m'a expliqué son travail, montré d'innombrables livres et croquis en me posant des questions sur ma propre expérience. C'est la première fois que je partageais des informations si précises et nombreuses de mon monde. Il a paru impressionné, me promettant que mes dires lui seraient d'un grand secours.

Je ne me suis pas posé la question si c'était une bonne idée ou non, de toute façon je suis loin d'être une experte en médecine, c'est totalement à l'opposé de mon métier. Je ne risque pas le moins du monde d'influencer leur savoir avec si peu d'informations.

oOo

La journée passa comme ça, doucement sur le divan à regarder les notes d'Holorïn et débattre sur les saisons sans aucune importance. J'ai oublié mes cicatrices, j'ai oublié mes angoisses concernant Arwen et Estel et oublié la tristesse de la nuit dernière. Avait-il senti que je n'étais pas dans mon assiette ? Que j'osais à peine sortir de mes quartiers ? Aucune idée et il ne faut pas essayer de comprendre les elfes...

Les journées ont défilé plus vite que je ne l'aurais imaginé. Je n'ai pas croisé Legolas et j'en étais plutôt ravie. En revanche, j'ai pu passer du temps avec Estel et ces instants-là n'ont pas de prix. Après tant d'années, je retrouvais un homme bien loin de l'enfant que j'avais laissé. Nos conversations n'étaient plus les mêmes et j'ai eu beaucoup de mal à le voir autrement qu'un petit frère immature. Mais ce n'était plus le cas.

- Tu bouges plutôt bien ma parole ! dis-je en reprenant mon souffle.

- Que crois-tu que j'ai fait durant toutes ces années au juste ?

- Pardonne-moi Estel, mais pour moi tu es encore un enfant...

- Comme un petit frère le sera toujours pour une grande sœur, n'est-ce pas ?

- Oui, en quelque sorte...

Nous étions tous les deux, sous le regard attentif de Glorfindel, à faire quelques jeux de jambes. Il bougeait bien, mieux que bien d'ailleurs. Les passes qu'il enchaînait m'étaient complètement inconnues, plus viriles, violentes et directes. Loin de celles gracieuses des elfes. Il en restait pourtant le fond, la base des années avant son départ. Je voyais la grâce avec laquelle il tenait son épée. Ou, la manière qu'il avait de se retourner, j'ai souri en reconnaissant une que Glorfindel nous avait tous les deux apprise il y a maintenant plus de trente années...

- Je le vois bien, tu es beaucoup trop forte pour moi maintenant, mais tu ne fais même pas l'effort de m'attaquer convenablement, je me trompe ?

J'étais plus absorbée à détailler ses traits qu'à contrer ses attaques, ça je ne pouvais pas le nier.

- Je suis démasquée... Je suis tellement heureuse de te voir.

- Je le suis aussi Maliha.

Nous avons terminé notre entraînement. Il n'y avait pas à dire, Aragorn n'était vraiment plus le même. Je me suis retrouvée presque triste d'avoir manqué toutes les années où il s'était transformé en homme. Glorfindel est finalement rentré dans ses quartiers au couché du soleil et nous sommes restés tous les deux à contempler les arbres. Je n'en peux plus du froid, je ne rêvais que des rayons de soleil chauds de l'été pourtant si loin encore...

- Je donnerai n'importe quoi pour être en été... Le soleil ne traverse presque pas la canopée ici en hiver, il fait si sombre parfois... dis-je en serrant la cape autour de mes épaules.

- La Lórien n'en reste pas moins un endroit merveilleux.

- Oui, c'est certain.

Un instant passe et je l'entends soupirer d'aise.

- Alors, tu es ici pour te faire forger une nouvelle lame ?

- Oui, et d'ailleurs, elle est bientôt terminée. Je dois passer voir Myrimir. Veux-tu venir avec moi ?

- Pourquoi pas ?

Nous avons terminé l'entraînement et nous sommes changés après une douche. Estel m'a rejoint devant la grande salle une heure plus tard.

- Tu t'entends bien avec les elfes de Lórien ? il me demanda.

- Plutôt oui, mais au début, c'était difficile je dois dire. Ils sont beaucoup plus froids et secrets... Hormis Holorïn, c'est évident... Mais Haldir a eu un peu de mal à m'accepter, jusqu'à notre première sortie aux frontières ensemble. Heureusement que Arwen et Glorfindel sont là...

- Tu serais restée enfermée dans ta chambre c'est ça ?

- Ah ah, oui c'est un peu ça en effet... Tu...

Je voulais prendre un air dégagé et naturel... Mais je crois que c'était peine perdu... Nous avançons doucement sur les ponts et entre les talan, j'ai essayé de ne pas marcher trop vite pour profiter de l'élan que prenait la conversation.

- Je ?

- Tu as passé la soirée avec Arwen hier ? Je t'ai à peine vu plus d'une minute !

Il détourna le regard et j'ai enlacé mes mains derrière mon dos en prenant un air faussement interrogateur. Ça n'allait pas du tout... Depuis quand je faisais des courbettes avec ce genre de conversations au juste ? Peut-être parce que j'avais l'impression d'avoir aujourd'hui un homme devant moi, un que je n'ai pas vu depuis plus de vingt ans...

- Pardonne moi, c'est vrai que l'on ne s'est pas vraiment croisé, il répond avec un sourire gêné.

- Et je suppose qu'il y avait une bonne raison à ton absence ?

- Maliha...

- Je ne fais que constater, mon ami...

- Constater, mais surtout insinuer comme à ton habitude.

J'ai ri ouvertement en posant sèchement ma main sur son épaule.

- Crois-tu qu'une femme dans mon genre n'aurait pas compris ?

- Tu es impossible Maliha...

- Alors ?

- Alors quoi ?

Je me suis précipitée devant lui, lui barrant la route.

- Es-tu sous le charme ?

Il soupire en penchant la tête et pince ses lèvres. Il a toujours fait cette tête en étant contrarié et j'ai souri de plus belle attendant sagement ma réponse. Il roule des yeux et finit par capituler.

- Comment ne pas l'être... J'avais un vague souvenir de son visage, mais quand je l'ai vu à notre arrivée... À cette soirée, marcher avec moi, danser... encore un soupir. Je ne sais pas quoi te dire d'autre Maliha, elle est juste, ensorcelante.

- Je vois, je réponds d'un ton malicieux..

- Maliha, tu fais fausse route... Arwen est un être inaccessible, une étoile brillante si lointaine, que je ne peux que la contempler et pleurer d'avoir seulement la chance d'être regardé par elle.

- Nous verrons.

- Maliha... dit-il excédé.

- Ah, nous sommes arrivés !

Myrimir était dans sa tenue de cuir à marteler doucement un petit anneau sur la grande table de métal. Lindir observait son travail d'un œil plus qu'admiratif, tout en incrustant des gravures sur une large lame.

Je l'ai vu, là sur la grande table de bois entre les mains de Lindir : la première partie de ma future lame. Lindir gravait des arabesques sur la grande largeur à l'aide d'un outil fin et pointu. J'étais complètement absorbée par les courbes devant moi. Elle était grande, très grande, pour seulement la première partie. Bientôt l'autre viendrait se loger à l'intérieur pour l'allonger encore plus et je n'aurai pas une, mais deux lames si l'envie m'en prendrait...

Myrimir leva les yeux de son anneau de métal pour me faire un grand sourire.

- Oh Maliha! Regarde, regarde, j'ai commencé les chaînes la semaine dernière et ce sont les derniers anneaux !

- Quoi déjà ? dis-je en m'approchant de la boîte contenant les chaînes presque terminées.

- Et Lindir a terminé les pièces pour ton incompréhensible système de rappel.

Je me suis tournée vers Lindir pour contempler son visage souriant de fierté.

- Ça n'a pas été simple ton histoire, Maliha. J'ai dû les reprendre deux fois avant d'avoir le résultat aux cotes demandées...

- Pardon Lindir, je sais que je te demande beaucoup...

- Un challenge reste un challenge comme tu dis Maliha.

- Si tout se passe bien, nous aurons terminé dans quelques semaines. La deuxième lame est en attente pour sa dernière mise en forme et la trempe finale. Bientôt, nous pourrons te voir la brandir enfin, termina Myrimir

Estel s'est approché de Lindir pour contempler son travail. J'ai vu ses sourcils se froncer avant qu'il ne se tourne vers moi en désignant la lame du doigt.

- C'est quoi exactement Maliha ? Et il y a une deuxième lame comme ça ?

- Il y en a deux oui et la seconde viendra se loger dans la première. Avec ça, je pourrais enfin combattre à ma façon.

- Et les chaînes au juste ?

- Disons que parfois j'aimerais que mes bras s'allongent, dis-je d'un sourire impatient.

- Que tes bras s'allongent... Mais...

- D'où ton fameux système de rappel, les chaînes reviendront d'elles-mêmes à la fin de ton mouvement... Maintenant je vois réellement où tu voulais en venir, termine Lindir.

Il y eut un grand silence, leurs regards se sont tournés vers moi. Ils avaient compris... Ils avaient enfin compris, après avoir forgé à taille réelle la lame que j'avais dessinée, l'étendue de son potentiel, mais surtout de sa violence. Je voyais le regard inquiet d'Aragorn, son angoisse.

- Maliha, dit-il. Es-tu sûr de vouloir faire ça ?

- Oh que oui.

Et j'avais même hâte de l'utiliser. Hâte de l'avoir entre mes mains. Hâte d'entendre l'acier fendre l'air autour de moi. Oh que oui, j'avais hâte... J'allais être plus efficace. J'allais pouvoir me dresser devant une armée entière et tenir, les protéger et exploiter enfin toute ma force. Ne plus rien regretter et ne plus les laisser mourir...

- Faut-il encore que tu arrives à la manier Maliha, lance Lindir. Je connais à peu près tes capacités, mais même, je n'ai aucune idée de comment tu vas pouvoir contrôler ça.

- Nous verrons le moment venu, mais j'ai déjà ma petite idée.

Cette crainte, maintenant qu'ils avaient compris l'utilité d'avoir deux lames et la fonction de chaque pièce qui les compose, je voyais leur crainte. Je ne voulais pas formuler la réponse à la question qu'ils se posaient tous à cet instant en me regardant. Mais je sais que quelqu'un la posera et aussi qui...

Estel est resté silencieux un long moment, alors que je rigolais des potins avec Myrimir au sujet de la soirée d'hier. Elle était beaucoup extravertie. Peut-être dû à son jeune âge d'ailleurs. Mais il était agréable de converser avec elle. Elle me rappelait sincèrement les amies que j'avais eu dans un lointain passé. Je n'atteindrais jamais le même niveau de complicité qu'avec Arwen, mais d'entendre sa voix et ce timbre si particulier me remontait des souvenirs que j'avais depuis longtemps cachés dans un coin de ma tête.

- Tu aurais dû voir la tête qu'elles faisaient toutes quand il a entraîné Rilomë sur la piste de danse. C'était d'un drôle, elles étaient toutes là comme ça, elle fit une grimace faussement dégoûtée les bras croisés. Et ça murmurait des reproches "de toute façon, Rilomë a toujours le meilleur rôle", "je suis certaine que sous cette gentillesse se cache en réalité de l'égoïsme"... Bref c'était impressionnant. Je me demande pourquoi cet elfe attire tant la gente féminine, c'est fou quand même ? Oui, je ne peux pas dire qu'il n'est pas attirant, mais vous avez vu sa façon de parler, son air supérieur.

Oui, oui, derrière ses airs de forgeron, Myrimir était une grande bavarde. Faut dire que c'était l'elfe la plus jeune que je connaissais, à peine 500 ans si j'avais bien compris. Et on pouvait facilement sentir cette jeunesse à travers ses discours.

- En même temps Myrimir, il peut l'être, rétorque Lindir en croisant les bras.

- Oui, oui, d'accord... En levant les yeux au ciel.

- Legolas est quelqu'un de très réservé, mais quand on apprend à le connaître, c'est un elfe en fait très ouvert d'esprit et très agréable. Je crois que son rang n'est pas simple à tenir.

Estel le défendait comme il pouvait, après tout, il avait passé beaucoup de temps avec lui, si j'avais bien compris. Mais essayer de le voir avec un esprit "ouvert" et "agréable", sorry, je ne peux pas supposer que ce soit juste imaginable...

- Et vous oubliez que j'étais là, ça l'a rendu encore moins agréable, je suppose.

- Ha ha ! éclate Lindir. C'est le moins que l'on puisse dire ! Votre petite joute verbale à fait le tour de salle elle aussi.

- Mon dieu... En serrant l'arête de mon nez.

- Et tu n'as rien dit Maliha ?

- Que vouliez-vous que je dise ? La situation était assez compliquée elle l'est toujours d'ailleurs, pour que en plus, je mette de l'huile sur le feu... Et puis je me serais fait reprendre par Glorfindel.

- C'est certain... soupire Aragorn.

- Mais bon de toute façon la lame est bientôt terminée et dans quelques semaines je partirai, voilà problème réglé !

- C'est sûr, après ça tu n'es pas prête de le revoir.

- Ben voilà, parfait !

Je pense que ma phrase à été un peu agressive. Oui j'avais un peu hâte de partir maintenant qu'il était là, mais je ne pouvais faire autrement que de vouloir aussi rester...

- Maliha ?

Nous nous sommes tous retournés pour voir Glorfindel dans l'encadrement de la porte.

- Oh Glorfindel ! Entrez donc !

- Malheureusement je suis assez pressé Dame Myrimir. Maliha, une garde-frontière vient de rentrer et les nouvelles ne sont pas bonnes... Haldir nous attend pour en parler. Estel, tu peux venir si tu le souhaites, toute aide sera la bienvenue.

- Je vois... dis-je. Myrimir, Lindir merci pour tout, je reviendrai vite.

- Bonne chance à vous deux.

Nous les avons salués avant de nous retirer, Glorfindel marchait vite devant nous et semblait raide comme un piquet.

- Quel genre de nouvelles Glorfindel ? je demande.

- Le genre qui fait froid dans le dos...

Ok... ça sent la panique à bord. On a traversé les ponts les uns après les autres avant de regagner le talan principal de la garde. C'était un véritable enfer, Holorïn courrait partout ainsi que d'autres elfes. Le talan de la garde s'était transformé en hall des urgences, ils étaient tous paniqués...

- Haldir... Commence Aragorn.

- Ils ont été pris en embuscade hier... Trois d'entre eux n'en ont pas réchappé, dit Haldir en s'avançant vers nous.

Holorïn me regarde une fraction de seconde avant de revenir à sa tâche. Il avait un air désespéré sur le visage, les traits crispés de colère.

- Ils vont transférer les blessés au talan de guérison. Suivez-moi, la réunion a déjà commencé.

Il nous entraîne vers le fond de la pièce principale pour entrer dans la salle de conseil. Les grands généraux de la garde sont tous là ainsi que Celeborn et bien entendu Legolas. Une carte était posée au centre de la table ronde, aucun n'a levé les yeux en nous voyant arriver. Aragorn et Glorfindel se sont avancés pour parler avec les gardes, mais je suis restée en retrait.

- Ils ont pris le Nord en pénétrant dans la forêt par la plaine aux heures les plus sombres de la nuit. Ils n'ont rien pu faire, ils étaient beaucoup trop nombreux, dit Haldir.

- Le nord est donc essentiel pour eux et cette plaine aussi, conclu Celeborn.

- Oui mon seigneur, mais ce n'est pas tout. Cette plaine est la route la plus courte pour traverser la forêt sans y pénétrer vraiment. La plus rapide vers les Mont Brumeux...

- Cela veut dire qu'ils viennent de Dol Guldur, sinon ils auraient été vus, n'est-ce pas ? demande Aragorn.

- Oui, j'en ai conclu la même chose, mais pourquoi les Mont Brumeux ? Nous pensions qu'ils se dirigeaient vers le Mordor, mais cette embuscade dans cet endroit inattendu nous prouve que non.

Que pourraient-ils bien vouloir aux mont Brumeux au juste ? Passons cette question, réglons le problème et au plus vite.

- Qu'importe où ils se dirigent, il faut protéger le nord de la Lórien, dis-je.

Ils se sont tous retournés pour me regarder avec surprise. Quoi? J'ai juste parlé...

- Pour l'instant, l'essentiel est de les arrêter, leur raison ne peut qu'être une menace, donc si nous leur bloquons la route ça nous est bénéfique dans tous les cas, je termine.

- Je suppose que dans votre monde, on frappe avant de réfléchir ?

J'aurai reconnu sa voix parmi des centaines... Legolas me regardait depuis l'autre bout de la table, les bras croisés avec toujours ce même regard de dédain glacial. J'ai senti mon sang bouillir, il ne connaissait rien de mon monde... Mais il y a une chose que je sais faire, c'est analyser une guerre et comment défendre mon pays, aussi petit mes actes soient. Notre civilisation était beaucoup plus agressive que la leur et le "pas de quartier" résonnait dans mon esprit comme un code génétique... Était-ce là l'essence d'Illuviné ? Aucune idée...

- Dans mon monde il n'y a aucun orc mon seigneur. Nous réfléchissons pour diverses autres raisons, idiotes, oui j'en conçois, mais cela ne vous regarde pas. Donc ma logique élimine facilement le problème du "qui" dans ce cas. Les orcs sont nos ennemis et le mal s'est réveillé, donc croyez-vous que leurs actions nous soient bénéfiques ? Non, sûrement pas, alors la question est réglée. Défendons nos frontières et empêchons l'ennemi de progresser dans ses plans. Notre force nous empêche de toute manière de traiter le problème à sa source, mais pas de nous défendre. Ne pas le faire serait nous montrer faible dans tous les cas.

Il y eu un long silence... Celeborn plissa les yeux semblant réfléchir d'un air grave.

- Je suis de votre avis. Espionner et prendre le temps de connaître leur but serait une perte de temps. Nous prendrons ces dispositions plus tard. Pour le moment, nous devons leur montrer que cette route est fermée.

Ils ont établi un plan de bataille, mais nous ne savions rien de leur nombre, ni de leur fréquence de passage.

- Ils savent pertinemment que nous allons nous défendre mon seigneur et une embuscade est plus que probable. Mais pas si nous prenons position au bon endroit et au bon moment. Ils ne font que passer sans s'arrêter, dit Haldir.

- Nous avons l'avantage du terrain, les arbres nous permettront de nous cacher et de progresser sans être vu. Si nous atteignons la lisière de la forêt avant la nuit, nous aurons le temps d'établir un camp et de nous organiser. Enchaîne Estel.

- Un groupe d'une vingtaine d'elfes devrait suffire. Le but est de les surprendre. Cette plaine divise la partie de la forêt la moins dense et l'autre côté possède beaucoup moins d'arbres pour nous cacher. Même en faible nombre, on y arrivera. Si nous sommes chanceux, nous pourrons traverser la plaine de jour avec dix elfes sans être repéré et les prendre en étaux lors de leur prochain passage de nuit, complète Haldir.

- Et en cas de problème, nous avons Maliha pour nous couvrir.

Glorfindel s'est retourné vers moi en prononçant sa phrase. J'ai fait un signe de tête pour confirmer ces dires.

- Bien, nous partons dans deux jours. Rassemblez les gardes encore disponibles. S'ils ne s'attendent pas à nous voir aussi tôt après leur attaque, ils se trompent. Profitons de l'effet de surprise, termine Celeborn.

Deux jours... Dans deux jours je serai de nouveau l'arme de la mort. J'ai marché sans vraiment faire attention à mon environnement pour rejoindre mon talan. J'aurai de toute façon appréhendé cette bataille, comme toutes les autres. Mais cette fois-ci, il y avait une chose supplémentaire à mon tourment. "Vais-je sombrer ?" Cette question tournait, mais aussi, "vais-je en avoir besoin ?", "vais-je réussir à me retenir ?... Maintenant, aller au combat, prennait une toute autre dimension. Le risque n'est plus de les protéger de l'ennemi, mais aussi de les protéger de moi...

Un frisson glacial est descendu le long de mon dos, je sentais la panique me gagner quand j'ai fermé la porte et vu Nordeline contre la commode. J'ai posé ma cape et me suis assise sur le lit, entourant mon visage de mes mains. Les doutes tournaient dans ma tête... Peut-être aurais-je dû ne jamais accepter ?

oOo

Le lendemain, je me suis réveillée tôt, ou alors n'avais-je pas dormi tout simplement. Il faisait encore sombre quand je suis sortie, tenue d'entraînement sur la peau, écouteurs aux oreilles et bottes de course aux pieds. J'ai couru à travers les arbres pendant un très long moment, écoutant le son réconfortant de mon passé. Je les connaissais tous par cœur maintenant, mais ce son me faisait toujours autant vibrer, ravivant mon âme en me rappelant qui j'étais. "Ton passé fait de toi qui tu es", avait dit Glorfindel et il avait parfaitement raison.

Je suis allée à la grande salle d'entraînement et j'étais seule, parfait. J'ai pris un bâton et commencé à enchaîner les mouvements que je connaissais par cœur eux aussi.

Je ne sais pas ce que sont les deux billes blanches dans ses oreilles, je ne connais pas la coupe de ses vêtements, ni même la nature de ses mouvements. Mais ce dont je suis certain, c'est qu'elle n'est pas comme nous, elle est unique en son genre.

Malgré la haine épaisse et tenace, je ne peux que la trouver belle avec son front luisant sous l'effort. Tout chez elle m'attire comme un insecte vers les flammes. Comment ne pas être attiré par cette créature à la peau légèrement dorée par le soleil. Ses yeux si pâles et cette chevelure immaculée. Je ne pouvais pas contredire mon cœur, impossible.

J'ai arrêté mes mouvements, quelque chose n'allait pas. J'ai repris mon souffle, m'appuyant sur l'arme de bois en cherchant des yeux.

A-t-elle senti ma présence ?

Je me suis retournée violemment, persuadée d'être épiée et il était là contre un pilier de pierre. Les bras croisés, les yeux plissés et cette respiration lente que je devinais à peine.

Je ne savais pas quoi faire, probablement juste rester là à la regarder. Elle respirait fort, les lèvres entrouvertes et ses yeux plongés dans les miens. Demain, je pourrais dire adieu à cet instant sans masque, il me faudra le porter de nouveau et ne plus le retirer.

Pourquoi ne dit-il rien ?

Je ne veux rien dire... Juste que cet instant, hors du temps, ne s'arrête jamais.

Ce sérieux sans l'être, ce visage lisse sans haine. Dans mes lointains souvenirs j'avais déjà croisé ce visage là... Et c'est précisément celui-ci qui avait fait chavirer mon cœur, jusqu'à ma tristesse d'aujourd'hui. Valars que je suis heureuse et soulagée de le voir de nouveau... Mais bientôt cet instant si particulier disparaîtra et la haine refera surface. J'en était persuadé, cet instant là était interdit...

Sa mâchoire s'est serrée et elle a détourné les yeux. Un pas en arrière, puis deux, une révérence discrète, avant un départ précipité. L'instant s'était dissous et transformé en souvenir.

Ce souvenir là... Il sera le seul que je garderai de lui comme de la dernière fois où il m'a épargnée de sa haine. Demain, demain je le reverrai comme il est en réalité. Un si petit instant hors du temps, un simple petit instant de répit. Merci Valars, je ne n'étais plus, pendant ce petit instant, l'arme de la mort. Nous reprendrons ça demain...


oOo

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