// ... Chapitre vingt-cinq ... //
"Memphis" - PLÜM
Il faisait froid ce matin-là. Un coup d'œil par la fenêtre confirma mon sentiment. Les feuilles dorées du Mallorn sur lequel était suspendu mon talan étaient réouvertes d'une fine pellicule de givre blanc et scintillant. Luttant contre le sommeil, j'ai enfilé un hakama bleu profond et noué un obi assorti orné de broderies de feuillages dans un nœud élégant. Un bâillement m'échappa en repensant à la nuit difficile que je venais de passer. Encore une fois le sommeil m'avait fait faux bond. J'ai cherché dans mon armoire de quoi me protéger un tant soit peu du froid que je devinais dehors. J'en ai tiré un long haori turquoise que je mettais habituellement pour les cérémonies. Un soupir de satisfaction franchit la barrière de mes lèvres quand j'ai senti le tissu lourd et molletonné sur mes épaules. Comme à chaque fois que je l'enfilais, je passai un instant à admirer la beauté du vêtement en effleurant les délicates broderies d'argent qui le recouvraient.
Une fois habillé, j'ai regardé l'ensemble dans le miroir mais je n'y vis que le reflet de cette nuit d'insomnie qui avait creusé de profondes cernes sous mes yeux. La veille avant de me coucher, Glorfindel m'avait avoué que lors de nos dernières rencontres, Legolas n'était pas au courant du passé des titans et que, d'après Elrohir, il y a des années maintenant que Thranduil lui aurait tout expliqué. Il lui aurait également dit que le roi de la Forêt Noire avait délibérément choisi de garder le secret, voulant préserver son fils des titans et des circonstances de la disparition de sa mère. Le drame s'est passé lorsque l'elfe était encore un nourrisson, il n'en gardait donc aucun souvenir. Thranduil avait effacé toute trace de ma race, brûlé chaque livre, chaque mention, le moindre signe de l'existence des titans avait ainsi disparu de la Fôret Noire... Il fallait ne serait-ce que prononcer le mot "titan" pour que le roi ne coupe une tête...
J'avais écouté attentivement en essayant de rester lucide et droite, mais au fond de moi, c'était le chaos... Le petit espoir qui me restait, celui de nos moments ensemble, même si notre relation avait été complexe, il n'en restait pas moins que nous avions parlé... J'ai détourné les yeux en tenant mon épaule, me remémorant le froid de sa lame à l'intérieur de ma chair. Je ne comprendrai jamais cet instant, tout le reste était un ensemble confus entre le respect, la colère et la curiosité... Mais aujourd'hui je n'aurai droit qu'à la haine.
J'ai secoué la tête de gauche à droite pour reprendre mes esprits et m'attarder de nouveau sur mon reflet fatigué. Mes cheveux emmêlés par cette nuit d'enfer me donnaient l'air d'une folle et et j'entrepris de les discipliner dans une tresse simple. Il fallait dire qu'ils étaient plutôt longs... Quand on était immortel, on ne se rendait pas vraiment compte des années qui passaient et mes cheveux, contrairement aux elfes, poussaient toujours à la même vitesse que les hommes. Je me retrouvais donc avec une cascade de cheveux blancs qui tombaient au milieu de mes fesses. Un jour, il me prendra la folie de les couper à la mâchoire, et ce jour arrivera sous peu. Les cheveux longs, c'est une véritable plaie pour se battre.
J'ai enfilé mes bottines à talon et soupira une dernière fois en fermant la porte de ma chambre pour rejoindre Glorfindel et Arwen. Les elfes couraient partout, c'était le bordel, pour ne pas le citer. Les femmes étaient toutes plus belles les unes que les autres dans leurs longues robes brodées. Je me suis trouvée simple, mais c'était bien comme ça, me faire remarquer était la dernière chose que je souhaitais... Il était compliqué de me fondre dans la masse avec mes cheveux blancs alors porter une robe semblable aux leurs en plus... Non impossible, et puis je ne supporte pas vraiment les robes. Rester engoncée dans une geôle de tissus dans laquelle je me prends systématiquement les pieds, limite mes mouvements, me fait trébucher dans les escaliers et qui, à côté d'Arwen, me donne l'air d'une parfaite imbécile, non. Très peu pour moi.
Ne sachant pas quoi faire d'autre, j'ai cherché mes amis dans le tumulte des préparations. Ma gorge était sèche et j'avais la sensation affreuse de sentir de la sueur froide couler dans mon dos.
- Maliha !
Arwen... Elle était toujours aussi sublime dans une robe vert émeraude parfaitement ajustée et parée d'un fin diadème d'argent qui dégringolait gracieusement sur ses cheveux sombres.
- Arwen, bonjour mon amie.
- Bonjour à toi aussi. Comment te sens-tu ?
- On pourrait faire beaucoup, beaucoup mieux... À vrai dire... J'ai juste envie de me défiler...
- Hors de question.
- Je n'en attendais pas moins...
- Tu es superbe dans cet ensemble.
J'ai esquissé un sourire gêné et elle fronça soudainement les sourcils.
- Tu n'as mis aucune parure ?! dit-elle sévèrement.
- Je préfère rester simple Arwen, balbutiai-je précipitamment, déjà je suis là, j'ai fait un effort vestimentaire, et...
- Très bien, très bien, coupa-t-elle en reprenant sa douceur habituelle. Ne t'inquiète pas, tout va bien, d'accord ? Respire.
Sentait-elle mon mal-être à ce point ? Je ne le savais pas, mais j'ai pris une grande inspiration alors qu'elle prenait mes mains dans les siennes.
- Tout ira bien. Pense au positif, tu vas revoir Estel, reste sur cette idée, le reste ce n'est que du détail. Retiens dans ton cœur ce qui te rend heureuse, ne pense pas au reste.
- Je vais essayer, dis-je en souriant.
- Très bien, allons-y, Glorfindel est déjà en bas, il nous attend.
Nous avons descendu les escaliers le long de l'arbre principal de la cité avant de rencontrer la foule qui s'était placée en face des grandes portes. Glorfindel nous fit signe de loin. Par les Valars, il était tout devant... Ne pouvions-nous pas rester ici, derrière ? Arwen prit ma main pour m'entraîner dans la foule, ne me laissant pas le temps de protester.
- Bonjour Maliha, Arwen.
- Bonjour Glorfindel.
Je me retrouvai entre mes deux amis, rassurée, protégée même, de les avoir à mes côtés, Glorfindel à ma droite et Arwen à ma gauche. Mon cœur battait la chamade. J'ai senti une main rassurante parcourir mon dos et leva les yeux vers Glorfindel en affichant un fin sourire qui n'en était pas véritablement un. Il me rendit un regard triste que j'ignorai.
Tout avait été soigneusement préparé pour cette venue. La dame de la Lórien se tenait en haut des marches de l'escalier menant au talan principal avec son époux, à quelques mètres de nous. La garde était à leurs pieds et je distinguai Haldir parmi eux, habillé de son armure de cérémonie. Armetiel était à côté de lui. Il me fit un sourire que je lui rendis comme j'ai pu avant de retourner à la contemplation de la porte, attendant qu'elle s'ouvre sur ma joie, mais également sur ma perte...
Après les plus longues et les plus interminables minutes de ma vie, nous avons entendu des chevaux arriver au pas de course avant de voir les portes s'ouvrir. Mon cœur battait la chamade, je sentais toujours la main de Glorfindel derrière mon dos, chaude, mais mon sang s'est glacé en les voyant rentrer dans la cité. Mes yeux se sont arrêtés sur Aragorn, entouré des deux elfes que j'ai reconnu. Trente et un ans se sont écoulés et je le découvrais changé au-delà de mon imagination... Il était grand et une fine barbe se dessinait sur sa mâchoire et ses joues. Il était devenu un très bel homme de quarante-neuf ans qui en paraissait vingt-cinq. Il descendit élégamment de son cheval. Je constatai que sa carrure s'était élargie et que ses traits devaient avoir abandonné ceux de l'enfance depuis bien longtemps.
- Valar qu'il a changé, je murmure, absorbée par ma contemplation...
- C'est devenu un très bel homme en effet.
- Il a la prestance d'un roi...
- Je dois le reconnaître, me répondit Glorfindel.
J'ai tourné les yeux sur Arwen, son visage était perdu, ses lèvres entrouvertes. Ses yeux dévoraient l'homme avec stupéfaction. Sauf à son plus jeune âge, elle avait peu connu Aragorn, il était certes normal de la voir surprise, mais... Un fin sourire s'étira sur mon visage. Les elfes n'étaient pas vraiment expressifs, mais là, il était facile pour moi d'interpréter ce que je lisais dans ses yeux... S'il y avait bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas, c'est de voir un jour Arwen avec ce regard-là. Ce regard si particulier que l'on a quand notre cœur s'ouvre à quelqu'un, qu'importe à quelle race on appartient, ce regard est universel. J'avais eu ce regard... Mon cœur se serra à m'en faire mal et je l'ai fait taire pour ne pas nommer ce que j'avais ressenti ce jour-là, et tous les jours qui ont suivit. Non en aucun cas cela ne peut être de l'amour, sinon je suis perdue pour l'éternité.
Je me fis violence et rapporta mon attention sur Aragorn pour ne pas observer celui qui rendait mon cœur malade... Pour ne pas admettre... J'ai fait un signe de tête à Estel qui me fit un sourire impatient en me trouvant dans la foule avant de s'avancer vers la Dame et le seigneur des lieux. Elrohir et Elladan faisaient déjà leur révérence, remerciant leur accueil et leur hospitalité. J'ai détourné les yeux, confuse, quand ce fut au tour de Legolas de faire sa révérence, repoussant ce moment au maximum.
- Nous vous souhaitons la bienvenue à Calas Galadorn Legolas Thranduilion, nous espérons que vous resterez longtemps parmi nos bois, lance la dame.
- C'est un grand honneur, merci pour votre accueil, mon cœur est heureux de revoir les arbres de la Lórien.
Sa voix m'est parvenue, une voix si claire, si douce et calme. Mes souvenirs refirent surface, j'ai senti mes joues chauffer et mon cœur s'emballer à ces simples mots... et j'ai succombé.
Je l'ai dévoré des yeux avec tristesse, les ai laissés suivre sa silhouette svelte mais que je saivais athlétique sous son armure. Non, mes sentiments n'avaient pas changé... Bien au contraire. Je sentais une vague de chaleur envahir à nouveau mon cœur, comme si je l'avais quitté hier... Valars, cette douleur maintenant que je savais... Maintenant il n'y avait plus que de la détresse et de l'amertume. Il m'était impossible de penser pouvoir juste lui parler et même de le regarder sans que je ressente une honte démesurée. J'ai baissé les yeux pour reprendre mon souffle resté coincé dans ma gorge avant de revenir à Aragorn qui finissait de saluer la Dame. Il s'est approché de nous et j'ai enfin pu poser mes yeux ailleurs. Rencontrant ceux de l'homme calme devant moi.
- Tu m'as tellement manqué, dis-je en m'approchant de lui.
- Toi aussi Maliha...
Je l'ai pris dans mes bras, je devais me mettre sur la pointe des pieds pour atteindre son cou... Quand je pense qu'à peine quelques années auparavant je le consolais les nuits d'orage et qu'il jouait avec des petits jouets de bois...
- Et dire qu'il n'y a pas si longtemps, je te portais dans mes bras... Tu es devenu tellement beau Estel... Regarde toi...
- Et toi tu es toujours aussi belle mon amie.
- J'ai quand même blanchi, non ?
- Ça met tes yeux en valeur Maliha, comme toujours.
- Mff, baliverne, comment s'est passé ton voyage ?
- Sans encombre, nous avons eu de la chance.
- Je vois, dis-je.
- Combien de temps restez-vous ? demanda-t-il.
- Le temps aux elfes de forger une nouvelle lame à Maliha, répond Glorfindel.
Nous avons bavardé encore un peu avant qu'il ne continue à saluer les autres personnes présentes. Et le pire moment arriva... La panique montait à chacun de ses pas vers nous, l'envie de fuir était insoutenable.
Que fera-t-il ? Va-t-il essayer de me tuer là, maintenant ? Va-t-il me rabaisser en public ?
Je ne peux pas...
J'avais tellement honte...
- C'est impossible Glorfindel...
- Maliha...
- Je ne peux pas...
- Maliha ? demande Arwen.
- Pardonnez-moi, mais c'est impossible. Je ne peux pas affronter ça, autant pour lui que pour moi...
Je me glissai parmi elfes pour me mélanger à la foule. Passer inaperçue alors qu'il arrivait au niveau de mes amis... J'ai vu Glorfindel me chercher des yeux puis plonger son regard dans celui d'Arwen, je ne suis pas parvenue à comprendre le message silencieux qu'ils se sont transmis juste avant que Legolas ne se place devant eux.
- Bienvenue en Lórien Seigneur Legolas, c'est un grand honneur de vous retrouver après tant d'années, dit Glorfindel en le prenant par l'épaule.
- Tout l'honneur est pour moi seigneur Glorfindel, Dame Arwen, j'ai grand plaisir à vous revoir.
- Soyez le bienvenu Legolas Thranduilion, que votre séjour soit reposant après un si long voyage.
Il a conversé doucement, le sourire aux lèvres avant de parcourir la foule des yeux et d'atterrir finalement dans les miens. Mon sang s'est glacé en rencontrant ses prunelles de feu bleu que j'avais tant espéré fuir.
Son visage s'est décomposé... Le sourire a disparu pour laisser place à la haine... J'ai vu sa mâchoire se serrer et ses narines s'écarter. Ses yeux se teintèrent d'un gris orageux, nourri par le dégoût. Il fit un pas en avant, mais Glorfindel le retint et murmura des quelque chose à son oreille. Il le regara avec mépris et fit un commentaire que je n'entendit pas non avant de revenir à mes yeux.
Valars, ce regard...
C'est toi qui le rends comme ça Maliha, alors regarde le bien...
Regarde le résultat de tes prédécesseurs. Regarde la conséquence de ton nom et de ton visage.
La partie de mon cœur si longtemps endormie s'est réveillée, je sentais chaque battement entre mes poumons et la douleur était insupportable. Le sentiment était clair en moi, limpide, une chaleur pure, accablante et cruelle. Oui, c'était ça finalement, ça ne pouvait-être que ça.. L'amour...
Mais, maintenant que j'avais le mot, maintenant que je m'étais confessée à moi-même, je lisais sur son visage le dégoût de voir le mien.
Comment supporter que la personne que vous aimez vous regarde avec tant de haine ?
Comment admettre que c'est "vous" qui provoquez cette réaction chez celui qui est certainement l'être le plus cher à vos yeux ? Comment encaisser une haine aussi débordante quand votre existence en est la seule responsable ? Comment faire ? Comment effacer l'ineffaçable, réparer l'irréparable ?
Il ne baissa pas les yeux une seule fois. Comme pour me faire plier sous ma simple faute d'exister. Et je l'ai fait... J'ai dégluti difficilement, ravalant ma honte et mon chagrin, avant de me détourner pour partir...
Valars, menez-moi le plus loin possible d'ici. J'ai monté les marches de l'arbre le plus proche. Monté les escaliers à une vitesse folle, perdant haleine dans ma course. Passé un pont, puis deux. Monté encore pour me retrouver sur un grand balcon face à la forêt en perdant mon souffle contre le garde-corps de bois. J'entendais au loin, les exclamations des elfes chantant des airs de bienvenu... Et moi j'avais juste envie de pleurer devant l'évidence...
- Maliha ?
Je me retournai vivement pour croiser le regard d'Arwen. Mon cœur lâcha et je fondis en larme comme une enfant... Ce n'était rien d'autre qu'un sentiment, mais pourtant mon monde s'écroulait en le comprenant enfin.
Amour, oui, je le sais maintenant et ne peux plus le nier. Ce n'est que de l'amour et le réaliser me tue. Après toutes ces années, comment n'ai-je pas pu m'apercevoir de l'évidence ?
Il demeurera vivace, ne s'éteindra jamais, je le sens au fond de moi, même en sachant que ce sentiment sera méprisé pour le reste de ma vie. Qu'il me détruira à petit feu, car j'étais haïe par celui qui en était l'auteur, et ce, pour l'éternité.
Arwen tendit les bras et me blottit contre elle. J'ai senti ses doigts caresser doucement mes cheveux et murmura des mots en elfique que je ne saisissais pas. Je voulais juste verser mes larmes.
- Maliha... Je suis tellement désolée... Je ne veux pas te voir perdre espoir... Je t'en supplie, n'abandonne pas si facilement.
- Il n'y en a aucun Arwen. Il me faut juste du temps...
- Tu n'en sais rien, Glorfindel à raison, tu n'es pas eux, tu es Maliha et tu es une femme merveilleuse, s'il ne le voit pas, alors c'est un idiot. Laisse-lui le temps de te connaitre, laisse-lui le temps d'ouvrir les yeux. Legolas n'est pas aveugle Maliha, aucun elfe ne l'est.
- Je préfère ne pas nourrir cet espoir Arwen, je préfère ne pas l'entendre plutôt que d'espérer quelque chose qui ne viendra jamais. Comment peux-tu seulement imaginer que l'elfe qui me haït le plus au monde, qui aimera qu'une seule fois dans son éternité, me choisisse ? C'est impossible, c'est inenvisageable...
- Maliha... Il y a tellement de choses que tu ne vois pas...
- Que je ne vois pas ?! Arwen... Tu n'as pas vu son regard quand il m'a trouvé dans la foule, tu n'as pas vu l'expression dans ses yeux.
- Je t'interdis de parler sans savoir, tu ne vois que l'extérieur, ne connais rien de son cœur ni de son âme...
Je n'avais pas la force de protester, alors j'ai juste hoché la tête.
- Profite de la venue d'Aragorn, cela fait tant d'années que tu ne l'as pas vu... Il y aura une grande fête ce soir et je veux te voir t'amuser.
- Je ne sais pas, Arwen...
- Maliha... Tu es plus forte que ça.
- Je ne sais pas... je murmure encore.
- Je passerai te voir pour t'aider à te préparer, et à t'empêcher de te défiler surtout.
J'ai ri légèrement en regardant mon amie dans les yeux.
- Merci Arwen... Merci de prendre soin de moi...
- Tu es une des personnes les plus importantes pour moi Maliha...
- Toi aussi, tu sais.
Elle partit après m'avoir récompagnée devant la porte de ma chambre. Je rentrai en silence et regardai autour de moi chaque objet dans l'espoir que l'un d'entre eux m'apporte un quelconque réconfort, mais rien ne pouvait m'aider à oublier le gris de ces yeux qui me hantait.
Je m'étais réfugiée dans mes quartiers sans pouvoir affronter l'extérieur. Tournée en rond comme un lion en cage. J'ai regardé la première heure de la matinée défiler en me plongeant dans mon esprit. Partie dans toute sorte de supposition et j'ai à peine entendu quand on frappa à la porte. J'ai laissé Aragorn rentrer avant de refermer derrière lui.
- Cela fait tellement longtemps Maliha, dit-il.
- Ça tu peux le dire oui... Plus de trente ans Estel...
- Je m'en suis vraiment rendu compte quand j'ai à peine reconnu Arwen... Elle était tellement différente dans mes souvenirs...
- En bien, j'espère ?
- Je dois l'avouer oui..
- Je vois... dis-je avec un léger sourire. Bon, je veux tout savoir de ton aventure ! Absolument tout.
Il parla du Nord, de son peuple disséminé un peu partout, rôdant dans les plaines en accomplissant diverses missions. Mais également des batailles qu'il avait livrées, de la première vie qu'il avait prise, de la grande forêt de Vertbois-le-Grand et de ses splendeurs. Ces premières blessures, des grandes cavales, de ses peurs et de ses joies durant ce long périple et des amitiés qu'il avait forgées.
Il avait entendu les histoires de son père et des anciens rois, il m'en parla avec amertume, disant que la faiblesse de sa lignée était dans ses veines et que ce voyage avait renforcé la décision qu'il avait prise en partant.
- Aragorn attend de vivre, tu as le temps pour y penser...
- Cette lignée est perdue Maliha, je ne risquerai pas de faire souffrir de nouveau le peuple comme par le passé, je me le refuse.
- Tu ne connais rien de l'avenir.
Il ne s'est pas battu, mais je lisais dans son regard la détermination que sa décision était la bonne. Je ne voulais pas croire que l'homme en face de moi, celui qui pour moi les traits vieillis par l'âge montraient la prestance d'un roi, ai abandonné sans même se battre... Ou peut-être que ce combat n'est juste pas encore arrivé ?
- Les orcs se multiplient... Quelque chose se prépare et nous ne savons pas comment l'appréhender. Les rumeurs vont bon train, il est dit que le Mordor se réveille. Les routes sont de moins en moins sûres et les forêts s'assombrissent, Vertbois-le-Grand est plus sombre que jamais et Legolas est impuissant. La dernière guerre n'a fait que retarder le mal.
- Je vois... Alors ça continue...
- Oui, et personne ne veut croire que le mal est peut-être revenu... Mais soyons réaliste, Gandalf l'a dit lui-même, Sauron est de retour.
- Je sais... Mais d'où lui vient cette force ? Gandalf a-t-il trouvé la raison de son retour ?
- Non... Non.
Je sentais l'Ombre au fond de moi remuer. Je savais très bien que les jours paisibles n'étaient qu'un sursis. Mais que faire ? Faudrait-il attaquer avant qu'il ne soit trop tard, avant qu'il n'ait retrouvé toute sa force ? Mais qui s'en chargerait ?
- Je voulais te dire que tu avais raison. Retirer une vie c'est... Même si c'était pour le bien, j'en suis sûr, ça reste une vie... J'ai cette impression d'avoir du sang sur les mains.
- Je suis désolée Estel... Cette sensation ne partira jamais, je suis désolée...
- Je sais...
Son visage était triste, et le voir ainsi me brisait le cœur. Il avait choisi cette voie, tout comme moi, la voie du guerrier, au prix de mains souillées.
- Gandalf te dirait que nos mains apporteront sans doute la paix, alors ne désespère pas Aragorn. J'ai mis du temps à comprendre que la paix avait un prix, un prix très lourd... Mais ça en vaut le coup, non ?
- Oui, ça en vaut le coup. Heureusement, nous pouvons compter les uns sur les autres.
- Je l'espère.
- Durant mon voyage, j'ai appris à mieux connaitre Elladan et Elrohir, ils sont devenus des frères pour moi. Tu leur as manqué, tu sais.
- Elladan, je veux bien te croire, mais Elrohir se porte bien mieux quand je ne suis pas là, j'ai ri doucement.
Il s'est tu en détournant le regard, avant de continuer.
- Legolas nous a rejoints il y a de cela vingt ans, sans son aide j'ignore si nous aurions réussi à sauver le Nord.
- Pourquoi vous a-t-il rejoint au juste ? demandais-je, intriguée.
- Il a dit vouloir explorer le monde. D'après ce que j'ai pu comprendre, il n'est pas dans les habitudes du peuple de la Forêt Noire de se mêler des terres lointaines, mais Legolas a toujours souhaité s'impliquer davantage.
- Je vois. Tu auras sans doute remarqué que les elfes de la Forêt Noire sont complètement différents de ceux de Fondcombe.
- C'est le moins que l'on puisse dire oui, il m'a fallu des années pour avoir sa confiance et son respect. Leurs coutumes ne sont pas les mêmes non plus.
Il a poussé un soupir en me regardant, son regard était triste. Il a marché en long et en large avant de venir s'asseoir avec moi sur le divan en face du feu.
- Maliha... Legolas m'a dit que...
- Je le sais Aragorn et cela ne m'étonne en rien qu'il t'en ait parlé. Je le sais depuis peu de temps, Glorfindel a souhaité que je le sache et c'est bien mieux ainsi.
Il a posé une main sur mon épaule, me poussant à quitter des yeux l'hypnotique ballet enflammé qui dansait dans l'âtre pour le regarder.
- Je veux que tu saches que rien ne me fera changer d'avis sur le fait que tu es une sœur pour moi et que je te confierai ma vie Maliha, sans hésiter. Qu'importe le passé, tu m'as sauvé, protégé, appris, choyé et je ne l'oublierai jamais. Tu es une femme de cœur, droite et forte, alors tu n'as pas à avoir honte de toi. Elrohir et Legolas ne le voient pas encore, mais un jour, je suis certain qu'ils te verront tel que moi je te vois.
- Ça a été un honneur pour moi de te voir grandir Estel. Tout comme c'en sera un de marcher à tes côtés, quelle que soit la route que tu suivras.
Il a esquissé un sourire avant de me prendre dans les bras. Ils étaient forts et rassurants maintenant, dégageant un apaisement inimaginable, oui, il avait bien grandi et maintenant je me sentais petite.
Nous avons continué à bavarder et j'ai bien senti que me parler de son passé l'avait délesté d'un poids. Il m'a raconté sa rencontre avec les nains et toutes les péripéties qui en ont découlé, car rien ne reste jamais simple avec les nains. Il m'avait fait rire, beaucoup, et seuls les Valars savaient à quel point j'avais besoin de ces moments à cet instant.
- Sur ces belles paroles, dit-il en se levant, il faudrait sans doute que je trouve les quartiers qui m'ont été désignés.
- Tu n'as pas eu le temps de t'y rendre ?
- Eh bien non, j'ai passé mon temps à bavarder avec toi et avant cela avec Glorfindel et le seigneur Haldir, je crois ?
- Oui Haldir.
- Donc non, je suis toujours sans toit pour la nuit.
- Alors, file Aragorn, et tâche de trouver Arwen pour lui demander d'être ta cavalière ce soir.
Il m'a regardé incrédule en ajustant sa veste.
- Tu m'as bien entendu.
- Je comptais te le demander.
- Je suis déjà prise, dis-je, catégorique.
C'était bien entendu un mensonge, mais j'étais certaine d'avoir fait ce qu'il fallait en le voyant se gratter le menton d'un geste soucieux, absorbé par la contemplation du feu de cheminée. J'ai vu passer un air gêné sur son visage. Il était perdu dans ses réflexions et j'ai esquissé un sourire en voyant se profiler un visage presque enfantin.
- Très bien...
- À ce soir alors, dis-je avec un sourire en coin.
- Oui... À ce soir.
oOo
Je l'avais trouvé dans cette foule comme par hasard. J'avais immédiatement reconnu cette couleur si unique. Elle était toujours la même. Son visage n'avait pas pris une ride, mais ses cheveux arboraient désormais une couleur blanche.
La haine avait explosé en moi, l'envie de la tuer avait été saisissante. Mon corps avait bougé tout seul jusqu'à ce que la main du seigneur Glorfindel n'interrompe mon élan.
- Elle le sait, il n'est pas nécessaire de la tourmenter davantage mon prince, avait-il dit.
J'avais vu son regard et y ai lu du tourment . Son air était sévère, mais également emprunt de tristesse. Le lui avait-il dit pour la préparer à me revoir ?
- Elle n'a, et n'aura que ce qu'elle mérite, dis-je en me dégageant.
Mes mots étaient durs et, quand j'ai replongé mes yeux dans ceux de cette femme, j'ai senti mon cœur remuer malgré moi. Ma haine s'était effritée sous son air abattu. Il émanait d'elle un chagrin incommensurable et j'avais, l'espace d'un instant, senti mon cœur se pincer. Elle détourna les yeux avant de partir en courant dans le premier arbre derrière elle.
J'ai encore parcouru le sol des yeux pour trouver la raison de cette faille en moi. La douleur que j'avais lu, je l'avais déjà vue lors de nos adieux. Mais cette fois-ci c'est moi qui en était responsable... Mon cœur mit un grincement et j'ai enfoncé, d'un geste incontrôlé, mon poing dans le mur, horripilé par ces plaintes incessantes que je n'avais aucun droit de ressentir. Je me refusai cette compassion et m'interdisais la moindre faiblesse.
J'ai serré les dents en regardant ma main.
- Mon seigneur ? demanda une voix féminine derrière la porte.
- Oui ?
Une elfe est entrée dans le talan.
- Je me présente, je suis Rilomë fille de Galion. C'est un grand honneur pour moi de vous rencontrer. J'ai été désignée pour vous servir de guide si vous souhaitez vous promener à travers Caras Galadhon et ses alentours.
Elle avait mis la main sur son cœur dans un salut elfique traditionnel, dévoilant un bras aussi gracile que sa silhouette. La porte, restée entrouverte, permit à un léger courant d'air de s'infiltrer. Il fit ondoyer la cascade de cheveux blonds et lisses qui reposait derrière ses épaules. Je l'ai trouvé belle, alors que ses yeux noisette me regardaient avec délicatesse et timidité.
- Ravis de faire votre connaissance Dame Rilomë, ce serait un honneur pour moi de parcourir la cité avec vous.
- Je dois également vous transmettre le message qu'un bal sera donné ce soir pour fêter votre arrivée, à vous et aux autres seigneurs qui vous accompagnent.
- J'y serai naturellement présent si vous me faites l'honneur d'être ma cavalière ?
J'ai vu ses oreilles rougir légèrement et ne pouvant plus soutenir mon regard, elle baissa les yeux dans une courtoise timidité, tout en mordillant ses lèvres roses. Ce serait mentir de dire que je n'étais pas habitué à provoquer ce genre de réactions chez la gent féminine. Ce n'était pas un sentiment déplaisant, mais je n'en tirais pas de réelle satisfaction.
- Oh, je... J'en serais honorée, mon seigneur, dit-elle dans une révérence.
- Soit.
Au moins je n'aurais pas à rougir avec une telle cavalière. La beauté était chose commune chez les elfes, mais je devais bien admettre que la sienne était particulièrement saisissante.
- Alors, je ne vous dérange pas plus longtemps mon seigneur, je vous verrai ce soir, reposez-vous, votre route a été longue.
- Merci Dame Rilomë.
Elle sortit d'une marche fluide et referma la porte derrière elle. J'ai soupiré en fronçant les sourcils, la nuit allait être longue.
oOo
Après de longues heures allongée sur mon lit, livre à la main à relire la même phrase sans jamais réussir à en saisir le sens, j'ai dû me rendre à l'évidence... Ce n'était pas la lecture qui allait me permettre d'oublier mon trouble. À l'évidence, faire les cents pas non plus, mais cela dégourdissait les jambes du lion en cage que j'étais. De contenir le sentiment de panique qui me tordait le ventre. J'aurais pu et me changer les idées en me promenant dans la cité avec Estel ou Arwen, m'assurant ainsi une distraction suffisante au lieu de ruminer dans mon coin. Mais c'était prendre le risque de le croiser, et ça, c'était mon dernier souhait. J'ai grogné en me sentant si faible d'esprit. La peur de devoir supporter son regard accusateur, d'entendre ses reproches et ses insultes qui seraient pourtant mérités, cela me terrifiait et je me maudit en serrant le poing...
Des coups à la porte me sortirent de mes réflexions accusatrices. Arwen... Déjà ? J'ai repris constance en passant une main sur mon visage et lui ouvrit. Seulement, à la place de mon amie se trouvait Glorfindel , je lui fis signe d'entrer.
- Pourquoi es-tu partie ? demande-t-il en tenant la porte.
- Hein ?
- Pourquoi t'être défilé au dernier moment ce matin ?
- Oh... Je ne...
- Tu es resté ici toute la journée, c'est ça ?
J'étais honteuse, mais je ne voyais pas d'autres solutions.
- Oui.
- Rien ne t'empêche de sortir Maliha, sa voix était ferme et froide, alors qu'il refermait la porte derrière lui.
- Comment veux-tu seulement que je me montre au juste ? Comment suis-je supposée marcher paisiblement, comme ça, dans Caras Galadhon en sachant....
- Cela suffit !
Je l'ai regardé incrédule. Les traits de son visage devinrent sévères et durs. Je devais dire que je ne m'attendais à tout sauf à ça.
- Arrête de te cacher comme un rat, Maliha. Où est donc passée la femme forte que je connais ?
- Tu devrais pourtant le savoir... Noyée dans la honte... dis-je avec ironie.
- Tu n'es pas eux !
Ces paroles claquèrent dans l'air et il y eut un instant de flottement durant lequel je dévisageais mon ami, choquée. Jamais Glorfindel n'avait haussé la voix. Oui, je n'étais pas eux, mais cela n'excluait pas ma condition de titan. J'avais la même force en moi, je la sentais dans mes muscles, tout comme je sentais la tour sombre m'attendre...
- Mais peut-être que je le deviendrai. Tu n'en sais rien.
- Je sais que tu n'as pas que cette force. Tu as du caractère. Pas le genre à se défiler face à une épreuve.
- Devant lui, devant son regard Glorfindel, mon cœur ne m'appartient pas, j'ose à peine le regarder en face et tu sais très bien pourquoi ! m'emportai-je en haussant le ton à mon tour.
Il me porta maintenant un regard désolé, je pouvais presque y lire de la pitié. Mais au fond de moi, je savais que quelque part Legolas avait raison...
- Je la sens Glorfindel, je la sens depuis que je l'ai vu, lui et son œil devant moi. Elle est là au plus profond de moi. Je l'ai déjà laissé me prendre une fois, qui te dit que je n'aurai pas encore besoin de m'en servir ? Qui te dis qu'il ne finira pas par m'avoir ? Tu ne sais rien Glorfindel...
La détresse et l'urgence ont traversé ses prunelles... Je ne lui avais jamais dit que je l'avais utilisée. Mais il devait comprendre que j'étais comme eux finalement... Que cette tour sombre faisait partie de moi et qu'elle avait commencé à dévorer mon âme, qu'il était si tentant de se blottir dans les pierres sombres pour laisser la force faire ce que l'on était plus capable de supporter...
- Je suis désolée...
- Quand en ressens-tu le besoin ?
Je soupire.
- Quand je n'ai plus le courage de regarder la mort... Quand j'ai peur... Quand la colère s'infiltre en moi ou que la tristesse est trop grande... Elle me protège contre l'extérieur, contre moi, contre mes propres gestes et le sang qu'ils engendrent...
J'ai soupiré avant de m'asseoir sur le divan en prenant mon visage entre mes mains.
- Elle finira par prendre mon âme pour ne jamais la laisser sortir et il aura gagné. Quand je la laisse faire, elle me retient prisonnière et je ne sais pas si j'ai le courage de sortir, j'ai juste envie de me laisser aller dans l'obscurité rassurante. Je suis comme eux, ouvre les yeux...
- Non...
- Comment peux-tu dire non alors que je viens de te prouver le contraire ?!
- Parce que tu en as conscience. Tu sens sa présence et cela me donne espoir. Je n'ai pas su le voir chez Eriador et il ne m'a rien dit... Je ne l'ai vu que sombrer, sans comprendre, il n'a pas cherché à se battre, à comprendre et à l'appréhender, non, il a juste succombé à son pouvoir. Mais toi, tu connais suffisamment ton corps et ton âme pour sentir la noirceur de cette force, t'en détourner et d'en sortir.
- Tu ne sais rien... C'est tellement facile de lui donner le contrôle...
- Les exercices de méditation sont là pour ça Maliha... Pour te permettre de ne pas y recourir, pour contrôler tes émotions et éviter qu'elles ne te submergent.
Je lève les yeux vers lui, pleine d'incompréhension.
- Alors tu savais ça aussi...
- Je sais juste que vous êtes comme des enfants face aux sentiments si forts que les Valars vous ont donné droit de ressentir. Qu'il doit être dur de tenir face à l'horreur et la mort, nous avons eu des centaines d'années pour y faire face, nous sommes nés avec, mais pas vous. Je l'ai lu dans tes yeux à ton retour d'Erebor. J'en suis venu à la conclusion que maîtriser tes émotions apaiserait certainement ton âme de la guerre. J'ai fait l'erreur de ne pas voir, de ne pas prendre assez soins de ton prédécesseur, mais je ne te laisserai pas sombrer Maliha, jamais.
Je voyais la culpabilité dans ses yeux. J'ai compris beaucoup de choses sur Glorfindel en cet instant. La responsabilité qu'il portait sur ses épaules après avoir essayé de former un titan. Qu'il plaçait en moi beaucoup d'espoir, mais aussi et surtout son honneur... J'ose à peine imaginer la grandeur de cet échec pour lui... La grandeur de sa déception face à notre race. Et pourtant il avait encore accepté, il avait assumé ma présence, il m'avait enseigné, soutenu et aidé. Alors si j'en venais à me perdre...
- Glorfindel... Si jamais je...
- Maliha, tu ne...
- Laisse-moi finir. Si jamais je sombre, que je ne reviens pas, qu'elle finit par me consumer et me prendre, et que finalement je lui appartiens, je veux que ce soit toi, toi et personne d'autre.
- Tu ne le laisseras pas...
- Promets-moi.
Il s'est avancé devant moi, posant genoux à terre et prit mon visage entre ses mains pour me regarder dans les yeux tendrement.
- Je t'en fais le serment.
J'ai esquissé un sourire en posant une main sur la sienne. Les yeux bleus de Glorfindel sont si profonds et doux, son visage si indéchiffrable, toute l'histoire d'Arda est gravée dans ses traits, toute sa sagesse... On frappa à la porte, brisant ce moment de complicité qui m'aura tant rassurée.
- Ce doit-être Arwen...
- Oh, pour te préparer, je suppose ?
J'ai ouvert la porte sur l'elfe qui portait des robes dans ses bras.
- Il semblerait, disais-je en riant.
- Une dernière chose Maliha, ne te laisse pas faire, tu n'as rien fait, tu n'es pas responsable, alors ne le laisse pas t'atteindre d'une quelconque façon.
- J'essaierai...
- Promets-le moi.
J'ai soupiré en me plongeant dans ses yeux bleus.
- Très bien, je te le promets Glorfindel, déclarais-je en souriant tendrement.
- Par rapport à ce soir, me ferais-tu l'honneur d'être ma cavalière ? demanda-t-il en renvoyant mon sourire. Tu l'as accordé à Haldir lors du dernier bal, alors me laisserais-tu l'être cette fois-ci?
- As-tu peur de laisser ton bras à une noble elfe de Lórien, mon ami ?
- Il y a un peu de ça, dit-il l'air gêné.
- J'ai cru comprendre que votre dernière cavalière est restée assise sur sa chaise tout au long de cette soirée ? ricana Arwen en posant les robes sur le lit alors que je fermais la porte derrière elle.
- Je ne suis pas un grand adepte de la danse... dit-il en détournant les yeux.
- Oh, voyez-vous ça, avec toutes les danses que vous avez apprises à notre amie ici présente ?
- J'accepte Glorfindel, je serai ta cavalière. Nous avons tous deux plaisir à rester sur nos sièges de toute façon.
- Ah non ! clame Arwen. Je n'ai pas fait faire cette robe pour rien, vous avez intérêt à danser tous les deux, et à vous laisser inviter, ce n'est pas négociable, explosa-t-elle me pointant du doigt avec reproche.
- Très bien, très bien... Attends, tu as dit une robe ?
- Une robe oui, pour une fois Maliha...
- Mesdames, sur cette magnifique discussion qui je sens sera longue, je vous laisse à vos problèmes féminins... Je passe te chercher dans une bonne heure Maliha.
- Pas de problème, à tout à l'heure.
Je l'ai vu sortir avec appréhension.
- Bon, allons-y, dit Arwen en s'approchant de moi.
- Attends, attends nous n'avons pas fini de négocier...
- Je ne compte rien négocier du tout. Cette robe est superbe, les couturières de Lórien ont mis des mois à la faire, donc par respect, tu la porteras.
- Qui a demandé cette robe, pas moi il me semble ? dis-je en faisant la moue.
- Pour une fois Maliha, s'il te plaît fais-moi plaisir, une seule fois...
Elle avait cet air découragé sur le visage en baissant les bras. Arwen avait toujours fait des efforts surhumains pour mes vêtements. Ça je devais le reconnaître, mais ce soir était une soirée plus que spéciale à mes yeux. Tester une folie vestimentaire aujourd'hui, pour cette soirée, ou la seule envie que j'avais, c'était de me cacher dans un trou, n'était pas une vraiment l'idéale...
- Attends de la voir Maliha, s'il te plaît...
J'ai soupiré, au-delà de résister à Arwen par pur principe comme à mon habitude, il y avait vraiment le problème de qui sera présent ce soir. Elle s'était certainement pliée en quatre, ça je le savais parfaitement. Ne lui faisais-je pas confiance ? Elle avait dû préparer cette robe pour cette soirée spécifiquement la connaissant. Alors ne devrais-je pas faire confiance à ma plus grande amie ?
- Pourquoi as-tu fait cette robe sans me consulter Arwen ? Ce n'est pas un simple bal pour moi, tu le sais très bien. Que tu le fasses pour n'importe quel autre événement ça me va, mais pourquoi cette robe pour cette soirée ?
Elle soupira en s'approchant de moi avec un doux sourire. Passa les doigts à travers mes cheveux pour défaire ma tresse en détaillant mon visage.
- Parce que je voudrais, pour une fois, que tu me laisses mettre en valeur la beauté que tu ne vois pas Maliha. Glorfindel à raison, tu te caches alors que tu ne devrais pas, tu es une femme derrière la guerrière, une très jolie femme, laisse le monde te regarder une fois de temps en temps.
Sachant que l'amour m'était interdit, je ne voyais pas vraiment pourquoi en faire tout un flanc. Mais peut-être devrais-je le faire pour moi ? Il était vrai que j'oubliais parfois d'être une femme... Arwen me le rappellait constamment, mais je n'écoutais pas vraiment. J'ai plongé mes yeux dans les siens avant de pincer les lèvres en signe de résignation.
- Très bien... Montre-moi cette robe.
Elle sourit à pleines dents et s'approche du lit pour la récupérer. Elle était sublime bien entendu, d'un rose-crème, très pâle et élégant, faite de voilages fins, superposés pour former un col en "V" vaporeux, fondant la délimitation de la peau dans les voilages. De fines bretelles passaient sur les épaules pour former une large ouverture dans le dos. J'ai regardé le bas quand Arwen a serré le corsage qui vint définir ma taille. C'était magnifique, de grandes plumes de paons discrètes, fondues dans les voiles, étaient brodées sur toute la longueur du tissu. L'elfe a passé une ceinture d'or autour de ma taille avant de me faire un chignon haut, parsemé d'épingles invisibles.
Elle posa un diadème d'or sur ma tête, le cerclage était fin, laissant juste des petites plumes dorées dépasser sur mes cheveux, s'arrêtant juste au-dessus de mon front. Un bracelet de pierres vertes à mon poignet et elle me sourit tendrement en me tendant des ballerines surélevées, un léger talon.
- Je te laisse faire ton teint, mais je ferais tes yeux et tes lèvres.
- Ok...
J'ai passé une crème avant d'appliquer la poudre sur mon visage et un blush pêche frais sur mes joues. Elle m'a fait des yeux de biche, fondant un vieux rose discret sur mes yeux. Elle dilua une poudre noire dans de la crème avant de tracer un trait noir sur ma paupière pour étirer mon regard ainsi que sur une fine brosse pour allonger mes cils.
- Alors ? dit-elle en me regardant dans le miroir.
- C'est pas mal...
- Pas mal ? Douterais-tu de mes talents ?
- Non pas du tout...
- Alors,ose me dire que tu te trouves belle ?
Je l'ai regardé dans le miroir, elle, elle était belle, une beauté à couper le souffle... Ses grands yeux bleus, ses longs cheveux châtains qui dégringolaient sur son épaule, et ce sourire...
- Tu es belle Arwen, je suis juste "pas mal".
- Comment ne peux-tu pas voir ce que je vois. Regarde toi, tes yeux sont merveilleux, ton visage est unique et ton port de tête royale. Certains elfes ne sont pas indifférents à cette beauté tu sais...
Un sourire malicieux relevait le coin de sa bouche, un sourire qui puait la conspiration.
- Quoi ?
- Beaucoup m'ont demandé ton nom et d'autres où tu étais pour faire de toi leur cavalière ce soir.
- Je ne te crois pas un seul instant, Arwen.
- Tu verras... Tu es restée dans cette chambre tout l'après-midi, je peux te dire que tu en as déçus plus d'un. Et que tu vas crouler sous les demandes de danse ce soir.
- Veux-tu que l'on fasse des paris ?
Je me suis retournée avec un air de défi sur les lèvres. Il était agréable de passer un moment entre filles, même si nous étions loin de Fondcombe et des trois couturières qui étaient maintenant mes amies. Elle me rendit mon air malicieux avant de répondre.
- Très bien, je parie... Hum, je parie que tu danseras au moins avec six elfes ce soir.
- Six ?! Tu frappes un peu trop fort.
- Tu n'en sais rien et je tiens mon pari.
- OK, je parie que toutes tes danses, sauf deux, seront à Estel...
- Maliha...
- Crois-tu que je ne l'avais pas vu ?
Elle me fit un fin sourire timide en guise de réponse, restant silencieuse. J'ai senti que ce n'était pas vraiment le moment pour en parler... Et je ne la forcerais pas, tout comme elle avait attendu que je m'ouvre à elle...
- Si tu perds. Je reprends. Je porterai plus que des kimonos lors des réceptions.
- Si je gagne, tu ne porteras que les robes que j'aurai choisies pour toi, et ce pour l'éternité.
- C'est cher payé, tu sembles sûre de toi... Mais tu perdras, six c'est beaucoup trop.
- Moi aussi, je vois des choses Maliha.
- Dans tes rêves !
Nous rîmes de bon cœur pendant encore de longues minutes. Je me levai pour mettre mes chaussures alors qu'Arwen sortait de ma salle de bain portant sa robe. Je restai sans voix face à cette beauté surnaturelle, sa robe jaune clair éclairait les murs de la chambre, sa peau était plus lumineuse que jamais. Je me suis sentie tellement petite face à la femme devant moi...
- Tu es resplendissante Arwen. C'est toi qui danseras avec six elfes ce soir, crois-moi.
- Notre beauté est différente, j'ai la beauté des elfes et toi la plus belle de la race des hommes...
- Je m'en fous, tu es resplendissante.
- Merci...
- Ah enfin ! je lui fis un large sourire.
Elle passa par la coiffeuse pour sortir une pâte oscillant entre le rouge et le pêché foncé du tiroir et s'approcher avec un pinceau.
- Ne bouge pas.
J'étais la seule à mettre du rouge sur mes lèvres, je n'avais vu aucune elfe le faire. En même temps, leurs lèvres étaient parfaites.
- C'est fou comme cette simple chose sublime ton visage. Parfaite ! dit-elle en finissant.
- Parfaite... Parfaite... ironisais-je dans une grimace.
- Maliha... riait-elle.
On frappa à la porte.
- Puis-je entrer ?
- Oui, lance Arwen.
Glorfindel, je regarde mon visage une dernière fois avant de faire face à l'elfe qui rentre.
- Là ! dis-je en me tournant, présentant ma personne de manière ironique, mais avec humour.
Il ne dit rien pendant un petit moment avant de s'approcher pour me tendre son bras.
- C'est un honneur d'avoir une si belle dame à mon bras.
- Je t'en pris, dis-je en tapant faiblement son épaule avant de prendre son bras.
- N'oublie pas ça Maliha, il fait froid dehors.
Elle a posé une lourde veste sur mes épaules, crème, d'une soie épaisse. Je l'ai serré contre moi pour me réchauffer avant de reprendre le bras de Glorfindel.
Aragorn a passé la tête par la porte encore ouverte.
- Puis-je ?
- Bien sûr, Estel, elle est là.
J'ai désigné l'elfe derrière nous qui sortit timidement pour venir à lui d'un pas fluide. Elle me fait un sourire après mon regard encourageant.
- Nous y allons ?
- Oui, je réponds à l'elfe.
oOo
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