// ... Chapitre trente-six ... //
"Batismo" - Populous
Alors comme ça j'allais passer un temps indéfinissable à ses côtés... Non, je n'avais pas accepté de protéger le porteur de l'anneau pour rester avec elle. Je l'avais fait par devoir, cette cause est juste et comme l'avait dit le seigneur Elrond, elle nous concerne tous. Les elfes quittaient les rivages de la terre du milieu, mais pour l'instant mon heure n'était pas venue et je faisais partie de ce monde. J'ignorais au final si j'étais heureux ou non de l'avoir à mes côtés pour cette épreuve, car celle-ci sera une des plus dure de notre histoire. Je risquais de la voir sombrer, je le savais très bien. Quelle influence l'anneau aurait-il sur elle ? Devrions-nous finalement la tuer ?
Cette pensée me faisait tressaillir d'effroi. Comme si je réalisais finalement que tout ce que j'avais pu lui dire, et me dire, jusqu'à présent, n'avait été que mensonge, mais maintenant, j'étais glacé par la possibilité que cela devienne une réalité.
Les événements prenaient une tournure à laquelle je ne m'attendais pas. Autant cette après-midi, qu'à cet instant précis. Ses lèvres rouges, ce port de tête digne d'une reine, la courbure de son corps si clairement dessinée dans ce tissu luisant obscure. Il y avait quelque chose, autre chose, une chose que je n'avais jamais vue chez une femme jusqu'à ce soir. L'instant précis où elle traversa la salle pour rejoindre l'étoile du soir avec cette démarche, une démarche féline, souple et galbée. Je laissais mes yeux descendre le long de ce corps, de cette peau hâlée qui paraissait si sucrée, sans pouvoir me contrôler. Ses pas si particuliers révélaient ses hanches et son corps à la perfection. Pour la première fois de ma vie, j'étais happé, perdu et complétement soumis au pouvoir d'une femme. J'ai compris que j'avais seulement entraperçu son charisme et sa grandeur. Qu'importe les marques blanches et déformées sur sa peau, cela ne la rendait pas moins belle.
Estel m'avait longuement parlé qu'elle était différente de la gente féminine commune. Qu'elle avait quelque chose qu'aucune autre femme ne possédait. Il n'avait pas su réellement me dire, juste que sa culture était bien différente de la nôtre, plus souple, libre. Maintenant, je comprenais, elle dégageait une aura féminine complètement assumée, maîtrisée et presque sauvage. Une attraction irrémédiable voire écrasante. Qui n'aurait pas envie de la contempler, de la toucher, de se laisser soumettre, s'abandonner totalement à son emprise. Je plissai les yeux à l'idée et mon ventre se tordit.
Son sourire était merveilleux, ses yeux pétillaient et les heures sombres s'étaient envolées de mon esprit. Elle avait un pouvoir sur moi, celui de me faire tout oublier.
La soirée battait son plein et je n'avais eu aucune occasion de lui parler, peut-être était-ce une bonne chose. Pourrais-je seulement lui parler sans la dévorer, sans montrer une
faiblesse, alors que le masque continuait de s'effriter année après année. Glorfindel l'invita à danser tandis que je libérais la piste de ma propre danse, abandonnant ma cavalière d'un instant pour les regarder.
- La soirée est-elle à votre goût mon ami ?
Je me retournais pour voir Aragorn à côté de moi. Arwen était à son bras, toujours resplendissante de beauté. Elle était ce qu'il y a de plus beau dans la beauté des elfes. De grands yeux bleus, une chevelure brune tombant en cascade dans son dos et la lumière éblouissante de son âme reflétant le nom qu'elle portait.
- Cela fait longtemps que je n'étais pas venue à Imladris, j'avais oublié à quel point cette cité était apaisante. L'air y est doux et frais comme toujours, bien loin de celui putride de ma propre maison.
- Vous avez apporté avec vous une bien triste nouvelle Legolas.
- Oui, en effet, nous avons été impuissants. C'était ma propre erreur, je me devais de l'annoncer moi-même.
- Et vous avez fait le choix de vous joindre à nous dans cette ultime quête. Je ne sais pas si votre père approuverait cela.
- Cela fait longtemps que mon père ne décide plus de mon destin Aragorn. Avant, son influence était forte sur moi, mais plus aujourd'hui. Beaucoup de ses décisions sont en contradiction avec mes aspirations pour l'avenir de notre peuple. Laisser les autres mener notre destin en ne faisant rien en est une.
- Je comprends votre choix mon ami.
La musique était douce et lente et j'échappais souvent des yeux de mon ami pour la regarder danser. Elle souriait à Glorfindel d'une manière exquise, mais à présent je voyais bien qu'il étaient liés par une sincère amitié. Ils riaient ensemble comme j'aurais pu le faire avec Aragorn. La musique changea soudain et un son inconnu s'était diffusé dans la salle.
- Oh, dit Arwen. Ça va devenir intéressant.
La harpe lança quelques notes, puis la flûte, dans une mélodie bien loin de ce qui était convenable d'entendre. Pour combler ma surprise, un léger tambour lent et un martelage de bois discret créa une atmosphère sauvage et gracieuse dans la salle. Je voyais les danseurs se regarder avec curiosité, mais pas eux. Glorfindel chuchota à son oreille et elle lui répondit d'un regard gêné.
- Maliha et Glorfindel vont enfin danser une danse de son monde, murmura Arwen.
- Une danse de son monde ? je demandais, perdu.
- Maliha a toujours dit qu'elle apprendrait les danses de son monde à Glorfindel, en contrepartie de l'apprentissage des nôtres. C'est la première fois qu'ils nous montrent un tel spectacle.
- Pourquoi ? demanda l'homme.
- Glorfindel voulait lui faire ce plaisir une fois, dit-elle en souriant. Cette soirée est la dernière avant votre grand départ et peut-être même une des dernières qui sera donnée à Imladris, alors il voulait lui faire cet honneur.
Le tempo était lent, mais il remplissait la salle d'une tension unique, une atmosphère lourde. Cette ambiance reflétait parfaitement l'image qu'elle dégageait, suave, sauvage et sensuelle. Glorfindel s'était rapproché d'elle, posant une main dans son dos nu. J'ai dégluti quand elle se colla presque à lui, passant un bras autour de son cou. Il effleurait son bras libre, laissant parcourir ses doigts pour finalement emprisonner sa main dans la sienne. Leurs joues étaient collées et la proximité de leur visage presque insolente à mes yeux.
L'idée me quitta aux premiers de leur pas. Il l'entraînait dans une danse inconnue. Ils semblaient se trouver et à la fois s'éviter, collant leur joue l'un à l'autre pour se retrouver. Elle passait une jambe autour de la sienne, dévoilant d'une fente de sa robe la peau de sa cuisse. Il la pressa contre lui, bloquait ses pas, laissait glisser sa main sur son côté et posa finalement son front contre le sien.
- Maliha me disait que les danses de son monde montraient beaucoup plus les sentiments que les nôtres... C'est en effet beaucoup plus intense, murmura Arwen, subjuguée.
- Cela frôle l'indécence vous voulez dire.... me sentis-je obligé d'ajouter.
- Cela n'en reste pas agréable à regarder. Regardez leurs pas, c'est si expressif, on dirait qu'ils désirent être l'un avec l'autre sans pouvoir le faire... ajouta l'Étoile du Soir.
Il bloqua une de ses jambes entre les siennes alors qu'elle lui tournait presque le dos et récupèra l'autre d'une main forte, maintenant fermement son dos contre lui dans un porté élégant et gracieux. J'arrivais à peine à suivre leurs pieds, tout était parfaitement maîtrisé et je sentais encore cette complicité exaspérante. Elle passa au-dessus de sa jambe d'un pas élégant, s'échappant de son emprise. Elle le regardait d'une manière si subjective, si suave en caressant sa joue. Le manège continua sous le rythme lent des petites barres de bois qui s'entrechoquaient et cette flûte qui les accompagnait doucement. Tout ne semblait être qu'un jeu, un enchaînement compliqué de pas qui les rapprochait et la fois les éloignait. Ils revenaient dans les bras l'un de l'autre, entremêlant encore leurs jambes dans les pas larges. Elle fait une fente large vers l'arrière, dévoilant plus encore sa jambe nue dans un cercle envoûtant.
Oui, je maudissais cet elfe ; plus il la touchait, plus je le voyais poser les mains sur sa peau et plus j'envisageais de le tuer. J'ai serré les poings à m'en faire mal, mon corps et mon âme étaient tendus. Je ne pouvais pas les lâcher des yeux un seul instant, me nourrissant de sa façon de danser avec lui.
La musique cessa, ils s'étaient regardés longuement avant de l'entendre rire en s'écartant de ses bras.
- Vous voilà dans une bien étrange posture, mon Prince, chuchotta l'étoile du soir à mon oreille.
Je tourna un visage horrifié vers elle, qui n'affichait pas un regard victorieux, mais plutôt pensif et inquiet. J'ai senti sa main sur mon bras alors qu'elle tournait les yeux vers les danseurs qui quittaient maintenant la piste pour se servir du vin.
- Et je vous conjure de ne rien en dire, Madame.
- Voilà bien des années que je vois votre regard Legolas sans n'avoir jamais ébruité quoi que ce soit. Mais, vous devez savoir que Maliha est une de mes plus grandes amies et que je n'accepterai pas que vous lui fassiez du mal et ce d'une quelconque façon.
- Je ne peux vous le garantir Arwen, vous connaissez ma position et notre passé.
- Votre âme n'est pas de cet avis.
- Sauf votre respect, mon âme ne vous concerne pas.
- Vous ne savez rien de la sienne, ce qui ne vous empêche pas d'émettre un jugement.
Je me perdis un instant dans les yeux bleus en face de moi. Elle n'était pas en colère, je savais qu'elle protégeait simplement son amie.
- Legolas Thranduilion, je peux lire l'amour dans vos yeux à chaque instant où ils se posent sur elle. Je vous ai vu vous engouffrer dans ses quartiers en Lórien pour apaiser la douleur du poison qui la rongeait, je vous ai vu ouvrir votre âme lors de cette danse, même si cela n'a été vu par personne d'autre. J'ai vu vos yeux remplis de tristesse lors de votre séparation et maintenant je vous vois la contempler comme s'il s'agissait du plus beau joyau de cette terre. Vous pouvez essayer de résister à ces sentiments, soit, faites-le, mais je vous demande une seule faveur.
- Quelle est-elle ma dame ? dis-je méfiant.
- Maliha est forte en tout point, sauf en une seule chose, ses sentiments. Elle a reçu la grâce des Valars comme vous le savez. Les sentiments sont grands en elle et la transpercent, la perte, la peur, la tristesse, la colère l'entraineront dans les ténèbres si elle les croise durant cette quête. Je souhaite seulement qu'avant de vouloir la tuer à la moindre faiblesse, et vous en serez certainement capable en outre, mais s'il vous plaît, avant cela, protégez là.
Elle implorait mon regard... Je m'étais juré de la haïr toute l'éternité, que mes sentiments ne devaient pas interférer à la tristesse de mon père. Qu'en aucun cas, elle n'aura droit à mon affection, car j'ai fait le choix d'enterrer ces sentiments. En étais-je juste capable ? Arwen avait raison, mes yeux et mon âme empestaient de ce sentiment... Aurais-je seulement le courage de la tuer ? Vraiment ? Sans essayer de la sauver ?
- Je ne peux garantir cela madame. Cela fait bien longtemps que j'ai appris à vivre avec ces sentiments et en aucun cas ils n'affecteront la dignité de mon peuple.
- Dans ce cas, que les Valars vous pardonnent de refuser un tel cadeau, dif-elle en se retournant.
Je la regardais partir doucement... Non, je ne ferai rien de tel.
oOo
Comment dire ? J'avais chaud. Je n'avais pas dansé ainsi avec Glorfindel depuis bien longtemps, mais nous n'avions rien perdu. J'étais dubitative, surprise même, en entendant les premières notes, mais je dois dire que oui, je m'étais amusée. Oubliant tout autour de moi pour ce petit moment de complicité avec mon ami de toujours.
L'elfe me tendit la cape pour la passer autour de moi avant de sortir prendre l'air frais de la nuit. Je marchais le long du grand balcon, posant les yeux sur la cascade au loin. Ce paysage était tellement beau...
- Dame Maliha ?
Je me retournais à mon nom pour voir Frodon.
- Frodon, que faites-vous ici au lieu de profiter de cette magnifique soirée avec vos amis ?
- La même chose que vous, je suppose, je prends l'air, dit-il en souriant.
- Je vous ai déjà demandé de m'appeler simplement Maliha, je ne suis pas une Dame.
- Bien... Bien.
Je m'approcha de lui pour m'appuyer sur le muret.
- Vous êtes inquiet, n'est-ce pas ? je demanda.
- Comme on peut l'être avant de partir vers la mort.
- Ne soyez pas si défaitiste, les meilleurs sont à vos côtés, vous savez ! Aragorn est digne d'une confiance absolue et valeureux guerrier, Gimli est le fils de Gloin que je connais pour sa ténacité. Bon, je ne connais pas du tout le seigneur Boromir, mais il me semble être un grand capitaine... Inutile de vous présenter Gandalf.
- Vous connaissez l'elfe qui nous accompagne ?
- Legolas, oui... Fils du roi Thranduil, c'est un des meilleurs archers elfe que je connaisse, lui aussi est digne de confiance. Vous êtes plus que bien entouré Frodon, chacun d'entre nous vous protégera jusqu'à la mort.
- Je ne sais pas si cela me rassure.
- Ce qui compte, c'est que nous arrivions à notre but, qu'importe les pertes, la liberté de tous les peuples est en jeu.
- Si vous êtes vraiment le titan des histoires de mon oncle Bilbon alors je sais que votre courage et votre force ne sont plus à démontrer.
- Je vous protégerai comme je protégerai aussi les autres membres de cette communauté Frodon. Je suis là pour ça.
- Cela doit être dur pour vous de porter un fardeau aussi lourd.
- Pas autant que le vôtre je le crains.
- J'ai une multitude de questions à vous poser, vous savez...
- J'ai tout le temps d'y répondre Frodon, dis-je en souriant.
Il me regardait curieusement, semblant chercher celle qu'il voulait poser en premier.
- On dit que vous êtes la seule représentante de votre race car vous avez été appelée par les Valars eux-mêmes, est-ce vrai ?
- Oui ça l'est. Ce sont les deux mages bleus qui m'ont amené ici sous leurs directions.
Nous avons continué longtemps à discuter et je voyais qu'il m'acceptait presque petit à petit. Je pouvais voir la même volonté que Bilbon dans sa voix, moi qui le pensais timide, en réalité il était sûr de lui. Je distinguais une force de caractère bien trempée, cachée derrière cette méfiance permanente. Il ne connaissait rien de moi et encore moins les erreurs de ma race... Mais, pendant notre voyage, le moment viendra ou Legolas lancera une pique cinglante et à ce moment-là, je devrai raconter notre histoire... Mais pas ce soir.
Il me décrivit la Conté, les grands champs cultivables et les maisons sous terre. Cela était particulièrement intéressant et je lui promis de la visiter une fois notre quête terminée. Il vivait seul depuis la mort de ses parents et avait été recueilli par Bilbon. Sam était son jardinier, mais aussi son plus grand ami. Merry et Pippin ses cousins éloignés, mais j'avais rapidement perdu le fil à la description de l'arbre généalogique de la famille. Sam était visiblement timide et calme avec un caractère facile selon lui, Merry beaucoup plus rude et courageux que lui et Pippin, un pitre invétéré, un gros buveur de bière et fumeur d'herbe à pipe par-dessus le marché.
J'avais à peine remarqué que la salle se vidait derrière nous et c'est Glorfindel qui m'indiqua que la fête était terminée. Ce fut une des meilleures soirées de ma vie ici et je me coucha le cœur beaucoup plus léger. Une nuit sans cauchemars pour une fois, calme et apaisée.
Je me leva tôt le matin pour aller courir le long de la cascade et admirer le lever du soleil une fois au sommet. L'air était bon et rien ne pouvait faire changer ma bonne humeur.
J'ai médité dans l'arène, savourant le vent qui passait contre mes oreilles et le son des feuilles mortes qui tombaient sur le sol. M'entraina au bâton comme Haldir me l'avait appris, sous les yeux concentrés d'Aragorn qui fumait doucement en regardant mon jeu de jambe.
Il finit par se lever, prit un bâton et suivit les pas de la série avec moi. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas entraînée avec Estel, des années même depuis la Lórien. Nous n'avions rien dit pendant une heure ou deux, enchaînant simplement les passes fluides des elfes.
- Tu as vraiment l'endurance des elfes Maliha et je me demande si tu n'es pas supérieur à eux d'ailleurs, articula-t-il essoufflé.
- Mon devoir est de ne pas lâcher Estel et pour ça je dois avoir une forme Olympique.
- Une forme quoi ? demanda-t-il en posant ses mains sur ses genoux.
- Laisse tomber...
- Non, explique moi. S'il te plaît, pour une fois, explique moi.
Je le contemplais avec sourire, voyant presque dans son regard l'enfant que j'avais connu il y a des années de cela...
- Olympique. Dans mon monde, il y a une grande compétition tous les quatre ans qui s'appelle les Jeux Olympiques. C'est une compétition sportive ou tous les pays du monde se rencontrent et font concourir leurs meilleurs athlètes dans plusieurs disciplines. La natation, la course, la gymnastique, l'équitation, le tir à l'arc, l'escrime, et j'en passe, il y en a plus de huit-cent je crois... Alors, on dit "avoir une forme Olympique" en référence à ça, ça veut dire être physiquement prêt à participer. Mais c'est une expression, dans le langage courant ça signifie être en grande forme.
- Cette compétition doit être impressionnante.
- Elle l'est, c'est un événement mondiale !
- Ton monde me paraîtra toujours impressionnant et si loin du nôtre Maliha.
- Sur certains points, il l'est oui, mais pas sur d'autres.
La journée était passée lentement et les autres avec, passant principalement mon temps à m'entraîner ou à répertorier les affaires que j'allais prendre. Une semaine s'était écoulée avant qu'Elrond ne nous convoque pour déterminer le tracé de notre future route.
J'ai sorti les cookies du grand four de la cuisine pour les mettre dans deux saladiers, passé la tablette de verre sous mon bras et entrepris de me diriger à la bibliothèque un biscuit à la bouche.
- Oh, donnez-moi ça, ma chère ! lança Gimli en courant vers moi.
- UrggMf... dis-je la bouche pleine.
- Passez-moi donc un saladier au lieu de pester.
Il prit un saladier et j'ai pu manger mon cookie avec le sourire.
- Pourquoi avoir fait des gâteaux, ce n'est pas forcément l'endroit pour ça !
- Il n'y a pas d'endroit spécifique pour manger des cookies Gimli. J'espérais simplement détendre un peu l'atmosphère lugubre que nous réserve le seigneur Elrond avec ses grands discours, je m'expliqua en époussetant mon pantalon large et ma chemise en rigolant.
- Je vois très bien ce que vous voulez dire. Finalement, ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée !
Nous étions entrés dans la bibliothèque et je salua Boromir d'une révérence discrète, ainsi que Gandalf qui dépliait des cartes sur la grande table.
- Nous n'aurons pas besoin de ça, l'informais-je en posant le saladier de cookies.
- Très bien, très bien, répondit Gandalf en reprenant les cartes dans ses bras.
- Ça, c'est une bonne idée, lança Estel en piochant dans un saladier.
- Estel, tu pourrais attendre que tout le monde arrive.
- Faut dire qu'ils sont bons, rétorqua Gimli en passant derrière moi.
Je levai les yeux au ciel en regardant leurs mains passer les unes après les autres dans le saladier que je venais à peine de déposer sur cette maudite table. Estel me lança un large sourire en croquant son morceau, chose qui me poussa à soupirer d'indignation.
- C'est vrai, marmonna Gandalf. Une petite douceur bienvenue.
- Je vous croyais plus sage... je ronchonna.
- Même les sages font pêcher de gourmandise Maliha, ajouta Glorfindel en me poussant presque pour prendre sa part...
- Ma parole...
Mais avant d'avoir le temps de rétorquer, Legolas passa dans mon champ de vision et la main de Glorfindel mon épaule fut salvatrice d'une diversion agréable...
- Bien, bien ! commença Elrond en entrant avec Frodon.
Ce n'était plus une réunion, mais un goûté à présent, car j'entendais les mastications croustillantes de chacun et cela me rendait heureuse...
- Maliha, la carte s'il vous plaît, demanda le seigneur des lieux.
Gandalf leva un sourcil en croisant les bras et je m'avançai en posant la tablette transparente au centre de la table.
- Elle n'est pas complète, je n'ai pas exploré toute la terre du milieu, donc une partie est retranscrite avec les cartes que j'ai trouvées ici. Mais l'échelle et les d'altitude sont justes. Compagnon carte s'il te plaît, dis-je en ma langue natale.
J'ai pris un cookie au passage, en voyant la tablette fondre en plusieurs morceaux qui glissaient aux quatre coins de la table, s'illuminaient en projetant une lumière vive et colorée au centre de la table. Bientôt, l'image virtuelle de la terre du milieu était devant nous en trois dimensions et Boromir se colla contre le mur avec Frodon contre lui.
- Pas de danger Boromir, la culture de Maliha utilise ce genre d'objet, c'est inoffensif.
- Tout de même !
- Boromir ce n'est qu'une image, ce n'est pas réel, expliquais-je en passant la main dans l'hologramme.
Le Gondorien s'approcha finalement pour passer une main à l'intérieur et la regarda comme absorbé.
- C'est de la magie, dit-il.
- Ne comparez pas la magie avec les choses virtuelles Boromir, je répondis.
- Il a raison, non ce n'est pas de la magie, juste la technologie, ajouta Gandalf, le doigt en l'air avec un sourire satisfait.
- Passons au vif du sujet, reprit Elrond. Maliha où sommes-nous ?
J'ai joint les mains et le compagnon fondit pour épouser le bout de mes doigts. Une fois fait, je m'étais approchée pour pouvoir toucher et manipuler la carte jusqu'à zoomer sur Fondcombe.
- Ici, dis-je en créant un pointeur rouge clignotant sur la cité.
Il s'ensuit alors de longues discussions... Parfois, j'échangeais des regards rieurs avec Frodon quand Gandalf et Elrond se taquinaient gentiment.
- La trouée du Rohan serait certainement le chemin le plus facile, murmura Gandalf.
- Surement surveillée par Saroumane, dit Aragorn.
- Nous pourrions traverser le Haut col, comme nous l'avions fait pour aller à Erebor Gandalf ? je demandais en montrant le passage sur la carte.
Il trifouilla sa barbe en réfléchissant.
- Non, il doit être surveillé par les gobelins... Je pencherai plutôt pour le Nanduhirion si le passage vers le Rohan est impraticable. Maliha, montrez-moi le chemin.
Je tournais les doigts pour zoomer sur la zone. Le pique était haut et je ne connaissais pas ce passage.
- Les escaliers sont difficiles à atteindre, mais c'est possible.
- Nous devons favoriser la trouée du Rohan, dit Boromir. Les hobbits ne pourront pas supporter un passage par les montagnes.
- Je suis d'accord avec le Seigneur Boromir, lança Glorfindel.
- Et pourquoi ne pas passer par la Grande Moria dans ce cas ? demanda Gimli.
Ce fut le silence complet alors que je positionnais mes doigts à l'endroit indiqué par le nain. C'était en effet un passage sûr et le climat y était favorable pour tout le monde.
- Je veux éviter la Moria aussi longtemps que possible, très cher nain.
- Gandalf pourquoi ? je demanda, surprise par le ton obscure.
- Vous souvenez-vous de notre dernière visite des entrailles de la montagne Maliha ?
- Mais il me semble que la Moria est un royaume nain...
- Vous avez entendu Gloin autant que moi... Plus aucune nouvelle n'a été donnée depuis maintenant des années et je crains que le pire soit arrivé. Je préfère ne pas prendre le risque.
Gimli fit la moue en prenant un cookie pour se consoler en marmonnant dans sa barbe. Legolas s'avança pour désigner la forêt de Lórien.
- En passant par Nanduhirion, nous pourrions faire une halte en Lórien pour nous reposer, dit-il.
- Pensez-vous réellement que les portes de Caras Galadhon nous seront ouvertes avec cet anneau ? rétorqua Gandalf.
- Encore une cité elfe... pesta le nain en mangeant son "énieme" gâteau comme pour passer son mal.
- Saroumane ne sait rien de cette communauté, nous devons prendre le risque de passer par le Rohan, insista le Gondorien.
- Nous serons capables de passer par les montagnes si le passage par le sud est surveillé. lança alors Frodon timidement. Les hobbits peuvent passer partout...
- Cela est bien vrai... attesta le magicien en souriant.
Pour ma part, le passage importait peu, mais il était vrai que les hobbits auraient probablement du mal dans les montagnes, surtout à cette époque de l'année.
- Maliha, pouvez-vous estimer le temps que cela nous prendrait de passer par les montagnes ? demanda Gandalf.
Je déposa les doigts sur la porte noire, le tracé passa automatiquement par le sud, mais je le dévia par le chemin indiqué et la Lórien.
- Sans pause, quarante-deux jours pour rejoindre la porte noire, dis-je en montrant le tracé rouge.
- Vous pouvez rajouter dix jours dans le cas où nous ferions escale soit au Rohan, soit en Lorien, dit Elrond.
- Et cette chose ne prend pas en compte le passage difficile des montagnes, ajouta Boromir en croisant les bras.
Après un ultime débat, la conclusion était de passer par la trouée du Rohan, le chemin serait plus long, mais la route meilleure pour les hobbits. En cas d'urgence, le Nanduhirion était le second choix. J'enregistra les itinéraires dans le compagnon et réorganisa la tablette à son simple effet.
- Il est vrai que cette carte est bien pratique, la prenez-vous avec vous Maliha ? demanda Gandalf.
- Non, je ne compte pas prendre l'ordinateur, mon compagnon nous fournira une carte plus petite, mais Gandalf, vous êtes une carte à vous seul, je souria d'un air charmeur.
- Oui, oui, c'est bien vrai, rit-il en posant une main sur mon épaule.
J'ai passé la tablette sous mon bras, pris le premier saladier vide et fut coupée dans mon élan pour prendre le dernier gâteau dans le deuxième. J'ai vu passer la main claire de Legolas devant mes yeux pour récupérer le dernier biscuit.
- Prenez-le si vous le souhaitez, dit-il en s'arrêtant.
Je leva les yeux sur lui en souriant gêné.
- Non, non, allez-y, c'est mon cinquième, vous n'en avez pas eu, il me semble.
Je lui tendis le saladier, il récupéra le gâteau, me remercia d'un hochement de tête, avant de le porter à sa bouche et de partir promptement. Essayant de faire le fantôme, je récupérais le saladier avant de m'enfuir vers les cuisines....
- Merci.
Je m'étais raidi, puis retournée pour croiser ses yeux bleus. Il partit sans rien ajouter d'autre et je restai coincée quelques secondes dans la rue déserte tenant ma tablette et les saladiers comme s'ils m'étaient indispensables pour vivre avant de m'enfuir une bonne fois pour toute.
- Ça s'est bien passé, non ?
Aragorn était accoudé à l'embrasure de la porte alors que je rangeais le tout.
- Ma foi, oui... Que fais-tu là ?
- Je souhaitais te parler.
- Me parler ?
Les seules fois où Estel désirait me parler en privé, c'étaient généralement pour m'annoncer de mauvaises nouvelles.
- Allons marcher un peu.
Je l'ai suivi dans les rues et nous avions rejoint les jardins échangeant des banalités. Il semblait heureux et non alarmé à cet instant. Peut-être une bonne nouvelle ?
- J'ai discuté avec Arwen avant-hier.
- Oh...
- Elle m'a offert ceci, dit-il en me montrant le bijou au creux de sa main.
- Estel c'est...
- Oui ça l'est... Maliha, je ne sais pas si c'est une bonne chose.
- Elle vient de t'offrir sa vie et tu ne sais pas si c'est une bonne chose ? Je rêve... je le dévisagea en marquant un sourcil.
- Que va-t-elle devenir si je ne reviens pas Maliha ? Elle va peut-être attendre un mort et son peuple prendre le dernier bateau sans elle.
- Ce choix lui appartient Aragorn.
- Peut-être est-ce le mauvais.
Je soupira en le regardant, il était piégé entre la tristesse et le bonheur, je le voyais bien. Je m'approcha de lui pour le prendre dans mes bras et il répondit à mon étreinte.
- Estel ne te refuse pas ça non plus... Tu mérites le bonheur et elle aussi. Ne l'attendrais-tu pas ?
- Si je l'attendais.
- Alors tu as ta réponse.
- Ce n'est pas si simple...
- Si nous réussissons, que tu es couronné Roi, ne voudrais-tu pas l'avoir comme Reine ? Si nous échouons, qu'importe où elle ira, le mal rongera tout sur son passage.
Il se détacha de moi dans un sourire résigné.
- Tu as raison.
- Ne perds pas espoir d'accord ?
- J'essaierai.
J'étais heureuse pour eux, plus que quiconque. Même si au fond de moi, je savais que je n'aurais jamais le droit à un tel bonheur, mais le voir chez les personnes qui m'était le plus cher me remplissait de joie.
- Aragorn, j'aurai moi aussi à te parler.
- Tu peux tout me dire.
- Il me faut savoir quelque chose avant de partir. C'est important et je veux que tu me répondes franchement.
- Très bien.
- Si je venais à sombrer, voir même essayer de prendre l'anneau. Que feras-tu ?
Il me regardait désabusé, mais inquiet.
- Si la vraie question est : pourrais-je te tuer ? Non Maliha, je ne le pourrais pas... Je ne suis pas Glorfindel, je ne pourrais jamais faire ça... Peut-être que face à l'épreuve, face au problème et aux faits accomplis... Je ne sais pas répondre Maliha... Qui en aurait la force ? Et puis, si ça se trouve, la question n'a pas lieu d'être.
- Je vois...
- Maliha... Te crois-tu capable de faire une telle chose ? Vraiment ?
- Je ne sais pas, je préfère imaginer tous les scénarios possibles.
- Je ne serais pas celui qui te coupera la tête. Je ne peux pas.
Il était parti comme pour éviter le conflit... D'un côté, j'en étais rassurée, mais de l'autre, je voyais très bien comment la situation pourrait finir.
J'ai regardé par le balcon, le vent était frais et caressait doucement mes bras sur la soie de mon kimono. Je regardais les elfes marcher lentement dans la lumière bleue des rues d'Imladris. Tout était calme avant cette tempête qui nous guettait.
Il devait être minuit passée et pourtant je ne trouvais pas le sommeil. J'ai serré le lien de mon pantalon fluide et enfila des ballerines. Me laissant flâner dans les rues silencieuse, j'avais décidé d'aller voir le lac sous la lune pleine. Je n'ai croisé personne et c'était une bonne chose... Demain, j'irai voir Arwen pour lui parler de tout ça, si elle voulait bien se dévoiler à moi. J'ai atteint le lac et resta bouche bée devant le spectacle. La Lune scintillait dans l'eau noire, révélant une perspective inconnue, c'était magnifique.
Une douleur me traversa le cœur. Peut-être que je ne profiterai plus de cette vue dans quelques mois... Fondcombe ne sera peut-être plus ma maison... Une larme dévala ma joue. J'avais passé tant de bons moments ici, mais tout a une fin, je le sais... Je ne voulais pas que ça s'arrête si vite... C'était ma maison ici, ma seule maison... Depuis l'instant où Arwen m'avait montré cette chambre, c'était devenu chez moi...
Si jamais nous devions échouer, l'anneau de retour au doigt de son maître, je jure de combattre jusqu'à mon dernier souffle. Au moins j'aurai une raison de vivre... Je me fit violence à cette pensée. Je savais qu'Aragorn accepterait sans doute que je reste à ses côtés, ou même les nains, mais je n'aurai plus ma place aux côtés des elfes. J'ai fait le choix de rester ici et non d'aller sur les terres immortelles. J'assumerai ce choix.
Si je venais à sombrer... C'était la dernière éventualité... Non, je ne veux pas me battre aux côtés du mal. Je vyais passer comme dans un film les images que m'avait montrées le miroir de Galadriel et j'eu un frisson de terreur. Je voyais encore clairement les yeux d'Estel, ceux de Gimli, que je pouvais à présent reconnaître, et ceux de Legolas... Non, je ne finirai pas comme ça, plutôt mourir.
J'étais rentrée déterminée, défiant la Lune des yeux, en sachant ce que j'avais à faire.
oOo
Une semaine plus tard, j'ai préparé mon sac. Demandé à Lindir de me faire des balles pour remplir mon chargeur et à Arwen, de me couper les cheveux.. Ce qui ne s'avéra être plus compliqué que prévu...
- Non Maliha, je ne ferai pas ça ! Tu veux ressembler à un homme ?
- Si ce n'est pas toi qui le fais, je le ferai moi-même. Ou pire, je demanderai à Gimli de le faire sur le chemin...
Elle poussa un soupir, résignée d'une main presque tremblante.
- Laisse-les au moins arriver en dessous de ton épaule.
- À ras alors.
- Maliha.
- Tu as déjà gagné cinq centimètres, tu devrais être heureuse.
- D'accord, très bien...
Elle prit les ciseaux et les coupa juste au niveau de ma clavicule. J'allais enfin pouvoir respirer. Oui, ils étaient beaux, arrivant au milieu de mon dos, permettant de faire de jolies tresses et de jolis chignons haut comme j'aimais, mais le temps était à la guerre maintenant et les tresses à la guerre, j'ai déjà donné... Je voyais bien dans le miroir la tristesse traverser son regard à chaque coup de ciseaux.
- Arwen, les cheveux ça repousse...
- Je sais...
- Ou... il y a quelque chose que tu ne me dis pas mon amie ?
Elle soupira, passant le peigne pour égaliser la coupe.
- Mon père n'approuve pas ma décision...
- C'était à prévoir.
- Je le ferai même s'il n'approuve pas Maliha.
- Je sais et pour moi, tu as raison.
- Enfin quelqu'un de mon côté... dit-elle comme sincèrement soulagée.
- Je serai toujours de ton côté.
Elle me sourit discrétement.
- Mes frères resteront, eux aussi, jusqu'à ce que ce soit terminé, ils tiennent à venir en aide comme ils peuvent.
- Elladan et Elrohir ont toujours beaucoup donné de leur personne, ça ne m'étonne pas non plus.
- Promets-moi que tu feras attention Maliha.
- Je te le promets.
J'hésitais et puis finalement après une semaine de réflexion sur la question, je me lança.
- Estel m'a dit que tu lui avais offert ton bijou, enfin je veux dire ta vie...
Elle resta sans voix et rougissante en triturant mes cheveux nerveusement.
- Oui...
- Alors dis moi, aurais-tu finalement offert officiellement ton coeur ?
- Oui, je l'ai fait...
Un long silence impatient passa dans mon cou.
- Et ?
- Et quoi ?
- Et bien quoi c'est tout ? Tu lui as juste offert ce bijou et c'est tout ?
Elle détourna le regard, alors que je levai la tête.
- Ne bouge pas, me dit-elle.
- Arwen ne fait pas l'enfant, nous allons rester loin l'une de l'autre pendant peut-être plusieurs mois, sans rien pouvoir nous dire et tu ne veux même pas m'avouer que vous vous êtes embrassés malgré ça ?
Elle s'était arrêtée net.
- Il te l'a dit ?
- Non personne ne m'a rien dit... Je suis loin d'être bête et loin d'être prude.
- Oui Maliha nous l'avons fait.
- Alors ? C'était comment ? As-tu aimé ?
- Pourquoi faut-il toujours que tu rentres dans le détail...
- Parce que c'est le plus intéressant ! dis-je tout sourire. Alors raconte ! Je veux tout savoir !
Elle craqua finalement et me raconta son premier baiser avec élégance. C'était comme dans un conte de fée. J'étais tellement heureuse pour elle et ils le méritaient tellement. On pouvait voir l'amour dans leurs yeux et s'en était presque grisant. Elle avait donné son immortalité pour vivre et mourir à ses côtés. Nos positions étaient les exactes opposées, mais j'en avais que faire, elle était heureuse... Ma meilleure amie était heureuse et c'est tout ce qui compte à mes yeux pour l'instant.
Mais pourtant... Mon choix à moi était tout autre...
- Je vais demander à Legolas de me tuer si je perds le contrôle Arwen.
Je n'ai plus entendu les ciseaux et je n'osais pas lever les yeux sur le miroir. Elle avait donné sa vie à l'amour et j'avais décidé que le mien retirerait ma vie.
- C'est la seule personne qui le fera.
- Estel...
- Ne fera rien... dis-je sèchement. Il m'a dit qu'il en serait incapable, alors autant choisir la personne qui le souhaite depuis toujours et qui saura s'en charger avec plaisir.
Je disais ça, mais les mots semblaient me tuer sur place.
- Crois-tu vraiment que tu te perdras ?
- Arwen je vais passer deux mois à côté de l'objet le plus maléfique de ce monde, ce serait inconscient de penser cette éventualité impossible.
J'ai finalement levé les yeux pour tomber sur son visage fermé et triste, mais je lisais qu'elle comprenait ma réflexion.
- Je crois que tu as fait le bon choix dans ce cas.
- Je le crois aussi. Pour une fois nous sommes d'accord le concernant...
Le son des ciseau à de nouveau envahi la pièce et j'avais presque l'impression que chaque phrase que nous avions échangé en était une métaphore...
oOo
Comment dire, Glorfindel me regardait de travers avec cette coupe... Non, je n'ai pas vu un visage d'horreur, mais... Il a cligné des yeux... Longtemps... Estel eu la même réaction. À croire que les cheveux courts pour une femme était un blasphème. J'étais plutôt contente, avec une raie sur le côté, ils partaient dans de larges boucles, encadrant mon visage d'une manière aérée. Que demander de plus ? Facile à attacher, facile à coiffer, terminé les longues tresses qui tapaient le dos et dansaient devant vos yeux dans les pirouettes. Non, j'étais très satisfaite du résultat... Et ce n'était pas si court que ça...
oOo
La tête et l'esprit léger que je sortais de mes appartements, llânant dans les rues en chantant pour rejoindre Lindir aux forges. Il m'avait préparé un petit stock de balles toutes neuves et impeccables, affûté Laureline dans les règles de l'art et réparé le cuir de ses fourreaux.
J'étais allée tirer quelques balles sur le terrain d'entraînement, histoire de me remettre à la page, mais j'étais quand même beaucoup plus efficace avec une lame... Lindir voulait vérifier que tout allait bien. Après tant d'années, jamais, elles ne m'avaient fait faux bond, légères et précises, c'étaient des armes d'exceptions. Je souriais en regardant le bois finement gravé sur les crosses, me rappelant mes premiers jours ici à Fondcombe.
Tout me rendait nostalgique... La première fois que j'étais partie, en compagnie des nains, je n'avais pas cette impression. Cette impression que tout aurait changé à mon retour... La notion même de retour me semblait lointaine, nos chances de réussite étaient si infimes... Plus les jours défilaient et plus cela me semblait impossible, mon cœur battait plus vite à chaque levé de soleil. Quand j'ai essayé ma tenue de voyage chez les couturières, l'adrénaline coulait déjà dans mes veines.
Elles avaient réalisé principalement des pulls, col roulés, chaud, près du corps, léger, mais résistant. D'après Arwen, il m'en faudrait trois, un pour les voyages, confortable et léger, un pour la montagne, chaud et doux, et un pour la guerre, manche courte et robuste. J'avais un kimono épais sans manches, fermé par une large ceinture de cuir. Un bustier pour la guerre, protéger ma poitrine et mon cou, fait de cuir et d'acier finement gravé, et des caches épaules dans le même genre. Trois pantalons et une paire de bottes toute neuve, montant jusqu'aux genoux, chaudes avec un léger talon.
Je n'avais pas beaucoup de choses à mettre dans mon sac, le poney qui accompagnait à l'origine Estel et les hobbits en venant ici, nous suivrait et beaucoup lui était déjà confié. La nourriture et le couchage seraient la priorité. Un sac pour moi donc... Des sous-vêtements de rechange, mes pulls, mes bas, un savon, ma brosse à dent (et la poudre qui va avec), brosse à cheveux, cape, bustier, épaulettes d'acier... Franchement, combien de valises aurais-je prises pour un tel voyage il y a quatre-vingt-cinq ans ? J'ai sourie à cette pensée en prenant une chemise blanche, inutile, la roule et la mit dans le sac avant de le fermer.
Le temps filait à toute allure, Bilbon était tendu, ainsi que Gloin, car ils allaient voir partir ceux qui leur étaient chers, leur famille... Les repas étaient de plus en plus calmes et tendus, Frodon ne parlait que rarement en dehors de son cercle. Aragorn filait un mauvais coton en fumant, regardant le poney d'un air inquiet, Boromir faisait semblant de lustrer son épée, Gandalf regardait encore et encore les cartes dans tous les sens, parcourant en long et en large la terrasse avec Elrond... Bref, tendu... Et moi... et bien moi, j'attendais patiemment que l'heure vienne.
Et le dernier jour était finalement arrivé...
Je rejoignais Estel pour préparer les sacs et faire l'inventaire de la nourriture avec les elfes. La journée était bien remplie et mes dernières heures à Fondcombe me paraissaient beaucoup trop courtes. Vers la fin de l'après-midi j'ai sorti mes vêtements de voyage, caressé le pull vert foncé fin, passé les doigts sur le kimono plus foncé et plus lourd, brodé sur les bordures, senti l'odeur du cuir de la large ceinture, j'y étais maintenant... C'était le début... La ligne de départ de ma véritable mission.
Arwen m'avait tressé les cheveux, juste deux larges tresses qui couraient de chaque côté de mon crâne se rejoignant dans un chignon solide au niveau de ma nuque.
- Ton visage sera dégagé, je peux te garantir que cela tiendra le temps qu'il faut...
- Du moins jusqu'à ce que je les lave...
- Il faudra que tu demandes à un elfe de te les tresser de cette façon si tu veux qu'ils tiennent de nouveau.
J'ai fait une grimace à cette pensée, car c'était peine perdue.
- Ah, tu les as voulus courts ! dit-elle en me regardant déconfite.
- Je sais faire ce genre de tresse. Bon, je n'ai pas le talent des elfes. De toute façon, ils sont cours, même si ça ne tient pas, ils ne me gêneront pas comme avant et le brossage sera infiniment plus simple, Valars quel plaisir...
- Oui oui, nous verrons.
Le silence passa alors qu'elle regardait mon sac avec tristesse.
- As-tu parlé à Estel ? je demanda pour combler le vide.
- Non pas encore, répondit-elle dans un soupire grave.
- Prenez le temps.
- C'est ce que je souhaiterais aussi. Et toi, as-tu vu Glorfindel ?
- Non, je comptais le voir ce soir, après le repas.
- Je vois, il était tendu aujourd'hui.
Je ne voulais pas éviter le sujet, mais je savais qu'il était perturbé.
- Oui j'ai remarqué. Il ne m'a presque pas décroché un mot ce matin, je soupirais à mon tour. Il ne devrait pas être si inquiet.
- Nous sommes tous inquiets.
- Je sais, mais tout ira bien, je veux y croire.
Elle souria en regardant Laureline qui brillait contre la chaise.
- Tu as raison, et le grand savoir-faire des elfes t'accompagne avec espoir.
- Oui... dis-je dans un sourire.
Le dernier repas fut plutôt joyeux. Merry et Pippin chantèrent, ramenant le sourire à Frodon. Bilbon s'était même prêté à nous conter des histoires dans la salle du feu et pour la première fois de ma vie j'entendis la voix claire et douce de Glorfindel envahir l'espace autour de moi. J'étais contre lui, sentant vibrer sa poitrine dans la chanson si apaisante, il parlait des temps anciens, où les elfes avaient donné vie aux arbres, où la lumière était née et les Premiers-Nés découvraient la terre.
À l'heure du coucher, je resta quelques instants encore avec Glorfindel au coin du feu, comme pour ne pas le quitter. On regardait tous deux les flammes sans rien pouvoir dire, ma gorge en était tordue et sèche.
- Tu devrais aller te coucher Maliha, dit-il finalement.
Je restais muette en n'ayant pas envi de répondre, seulement que le temps s'arrête. Ne pas penser à demain et aux jours qui suivaient.
- Maliha ?
- Hummf.
- Aller, dit-il encore en me poussant légèrement.
- M'attendras-tu ?
Il soupira en posant son regard sage sur moi.
- Cette question est idiote. Bien sûr que je t'attendrai.
- Merci...
- Merci à toi, Maliha.
Je levais alors des yeux interrogateurs vers lui.
- D'avoir accepté ce contrat, il ajouta dans un sourire.
- Ouais, encore heureux, dis-je en rigolant. Non, tu n'as pas à me remercier, je fais ce qui est juste.
- Allez, au lit !
Je me leva et le suivis dans les rues de Fondcombe, examinant chaque pierre comme si c'était la première fois. Me nourrissant des détails de chacune d'entre elles, pour finalement arriver devant ma porte.
- Que ta nuit sa douce Maliha.
- À toi aussi mon ami.
Il me montra sa main dans un salut gracieux et je fis de même en le quittant. Fermais la porte derrière moi et contempla le silence avant la tempête...
oOo
Impossible de m'endormir, j'étais pourtant restée longtemps à regarder par le balcon, serrant la cape autour de moi. Soupirer, réfléchir, soupirer, constater, supposer, soupirer, m'énerver... J'ai mis mes ballerines... J'avais une seule perceptive en tête, le trouver. Il y avait certaines choses que je devais savoir, et d'autres que je devais lui dire avant qu'il ne se retrouve à mes côtés pour deux mois, me dis-je en serrant les dents. Alors avec un peu d'espoir, je m'engouffra de nouveau dans les rues.
Après plusieurs minutes fraîches de recherche, je le trouva dans les jardins. Il regardait la cascade en bordure de la falaise les bras croisés. Il a tourné la tête vers moi alors que je m'avançais.
- Vous devriez dormir.
J'ai grimacé dans son dos, constatant que ça partait plutôt mal.
- Je n'arrive pas à dormir et j'ai deux mots à vous dire.
- Bonne nuit.
- Très drôle... ironisais-je en arrivant à ses côtés.
J'ai respiré l'air frais et humide en croisant les bras à mon tour, contemplant le beau paysage hivernal à ses côtés. Je devais me lancer maintenant ou je n'en aurai plus le courage.
- Je crois que si nous devons passer deux mois ensemble, il serait bien de nous entendre.
- Je ne pense pas que ce soit très utile.
J'observa son profil sous la Lune en serrant mes bras autour de moi pour me donner du courage. Il était beau, ça, c'était une certitude, mais cette voix si glaciale...
- Je crois que ça le serait... Les hobbits sont suffisamment inquiets pour ne pas y ajouter nos différents.
- Alors nous ne nous parlerons pas, cela règlera le problème.
Il était si sûr de lui que j'en perdrais presque mes moyens...
- Allez-vous vraiment continuer à me traiter comme si je les avais tué de mes propres mains Legolas ?
Je le voyais froncer les sourcils à mes mots et serrer sa main sur son bras.
- Vous possédez la même faiblesse, alors oui.
Je détournais les yeux pour les perdre encore sur l'eau qui tombait violemment sur les rochers... Mon sang bouillonnait de la même manière, mais je ne voulais pas me battre avec lui. S'il le disait, alors il ne m'adressera pas la moindre parole pendant plus d'un mois. Mon cœur tirait en sentant son regard contre ma joue, alors autant lui dire maintenant tout ce que je souhaitais lui dire depuis de longues années, comme ça j'aurai épuisé mon quota de mots pour les années à venir sans doute...
- Je vais dire une chose que j'ai toujours voulue vous dire Legolas, dis-je en regardant l'eau. Je suis désolée... Je suis désolée de vous faire subir ma présence. Si j'étais à votre place je ne sais pas comment je réagirais... Lors de notre première rencontre, je ne savais rien du passé de mes prédécesseurs, j'ai tenu tête à votre père alors que je ne savais rien, j'en suis désolée.
Il ne répondit pas, mais me regarda avec ce regard glacial et empoisonné. Soupira, mais continua tout de même avec ma seconde réflexion.
- Deuxième chose, je ferai tout pour ne pas sombrer, je vous l'ai déjà dit, je préfère mourir plutôt que de le laisser me prendre.
Je soupira encore, réfléchissant à chacun des mots que j'allais prononcer sous son regard.
- Contrairement à Estel, vous ne tremblerez pas, vous ne vous poserez pas la question. Il n'y aura aucune hésitation, alors je vous donne la permission de me tuer s'il me prenait l'envi de sombrer Legolas Trandhuillion. Entendez-moi, je vous offre le droit de retirer ma vie et sachez que je me laisserai faire si je n'entrevois aucun autre moyen. Ce sera ma seule demande envers vous.
Glorfindel ne serait pas là... Estel n'osera jamais le faire, il me l'a dit lui-même... Gandalf essaiera par tous les moyens de me garder dans la lumière, mais je sais que petit à petit, il gardait précieusement une partie de mon âme. Un peu plus dès que je la laissais faire, alors même Gandalf ne pourra rien faire pour me ramener. Il faudra que ma dernière lueur de conscience soit utilisée pour me mettre à genoux face à mon bourreau et que celui-ci n'hésite pas une seconde. Et qui était le plus à même de le faire dans cette compagnie ? L'être à côté de moi, car lui seul souhaitait ma mort, comme on souhaitait que le soleil se lève.
Il me regardait encore de haut en bas, sa poitrine se levait doucement alors que son visage s'adoucissait en se tournant légèrement vers moi.
- Pourquoi me demander ça ? il demanda en plissant les yeux.
- Contrairement à ce que vous pensez, je sais ce que je suis et le danger que je représente. Je sais aussi que je devrais l'utiliser et la laisser me prendre.
- Pourquoi ? ajouta-t-il, se faisant presque emporter par la colère et dépliant ses bras pour me faire face.
Je réfléchissais un instant à l'avouer ou non... En même temps peu m'importait de le lui dire...
- Pour ne pas avoir peur...
Il soupira en se détournant après quelque seconde. Il semblait réfléchir et c'était la dernière chose à laquelle je m'attendais...
Qu'importe les moments que nous avions vécus avant qu'il ne le sache, qu'importe les moments qui s'étaient égarés seulement quelques instants après les tensions délicates et incomprises. Qu'importe lui avoir sauvé la vie, qu'importe si je l'aimais, je lui demandais la seule chose qu'il semblait pouvoir m'offrir... La mort.
- Vous avez ma parole, fille d'Illuviné, dit-il sans me regarder.
Je souriais doucement pour moi et poussai un soupire de soulagement... Étais-je simplement soulagé ? Ou bien triste ? J'ai encore esquissé un sourire sous cette réflexion, puis me détourna doucement pour poser une main sur son bras. Je contempla sa main une demie seconde avant de la retirer, le temps de sentir le tissu chaud et doux sous mes doigts comme pour sceller sa promesse.
- Merci, dis-je en le quittant.
Oui, j'allais mourir. Mourir de la main de l'homme que j'aimais et c'était le plus beau cadeau pour un cœur qui de toute manière finirait brisé.
oOo
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