// ... Chapitre trente-cinq ... //
"Bell Damm" (Extended Mix) - Farfetch'd
Il commença par présenter Gandalf et Frodon à l'assemblée, et contrairement à ce que j'avais imaginé, il préféra garder mon identité sous silence, mais en y réfléchissant, c'était plus sage. Vu le nombre d'elfes présent, que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, autant ne pas commencer ce conseil avec une mauvaise nouvelle. S'ensuivi de longues discussions sur l'état général de la terre du milieu et les longs récits des uns et des autres, celui de Gloin, rappelant l'histoire qu'il nous avait déjà contée suscita beaucoup d'intérêt. Les yeux ont commencé à s'obscurcir les uns après les autres et je me suis doutée que nous rentrions enfin dans le vif du sujet.
Elrond parla alors de l'anneau et les corps se tendirent plus encore. Il raconta tout, du début à la fin, comment les anneaux furent forgés, comment Sauron, d'apparence amicale, corrompit les autres, comment Celebrimbor le perça à jour et réussit à cacher les trois anneaux des elfes. Puis la guerre, la dévastation et la fermeture de la Moria. J'ai vu le visage des nains se baisser de douleur. S'ils n'avaient plus aucune nouvelle de Balin, alors le pire était à craindre et je lisais sur le visage de Gloin la peur de recevoir une triste nouvelle dans un futur proche.
Il continua en parlant des hommes, des grands rois, Elendil et ses fils dont Isildur et lorsqu'ils furent assaillis par Sauron lors de la guerre de la dernière alliance. Racontant en détail la grande bataille, j'ai vu Frodon agrandir de grands yeux.
- Vous vous souvenez de cela ? Mais... Dit-il soudain.
- Oui je m'en souviens cher Frodon. Je marchais aux côtés de l'armée de Gil-Galad et d'Elendil à la bataille de Dagorlad, face à la porte noire du Mordor. J'ai vu Sauron être renversé et l'anneau récupéré par Isildur en lui tranchant le doigt.
Je sentais passer les sueurs froides dans mon dos. Il n'avait pas évoqué ce passage-là et je me devrais de le remercier... Car c'était lors de cette bataille qu'Eriador, mon prédécesseur, succomba aux ténèbres...
- Alors le grand anneau était au Gondor... dit Boromir. Si cette histoire a été autrefois une de celles contées par chez moi, elle est depuis longtemps oubliée.
- Très peu de personnes savaient qu'Isildur avait l'anneau Boromir, mais celui-ci l'entraîna dans la mort. Il a été renommé le Fléau d'Isildur pour cela, continue Elrond. Il ne reste de ce temps que l'épée brisée et éteinte, Narsil. La guerre de la dernière alliance n'a pas été vaine, Sauron fut détruit, sa tour sombre est tombée, mais son esprit a survécu à travers l'anneau. Les grandes lignées des elfes et des hommes se sont éteintes et aujourd'hui, il ne reste presque plus rien des Númenóréens, mais l'anneau, lui, a refait surface, il a été trouvé, signe de nouvelles heures sombres en ce monde. Montrez-leur l'anneau Frodon.
J'ai pris discrètement la première lame derrière moi pour la placer dans l'autre fourreau et préparer ainsi Laureline à toute éventualité. J'empoigna l'épée par mesure de précaution, surveillant les visages stupéfaits se dirigeant vers le semi-homme. Le hobbit regardait Gandalf qui lui indiquait d'un signe de main de s'avancer. Il se leva timidement, sortant une bague de sa poche et la posa doucement au centre de la pierre centrale avant de retourner à son siège en soupirant.
C'était un petit anneau d'or étincelant. Tout simple et sans artifice. Je ne m'attendais pas à ça je dois dire. Cette simple alliance d'homme contenait-elle vraiment l'esprit de Sauron, Seigneur des ténèbres ?
- Alors c'est vous le semi-homme de mon rêve ! s'exclama brusquement Boromir. Comment cet anneau est arrivé jusqu'à vous au juste ?
Boromir semblait tendu, je le voyais bouger d'impatience sur son siège alors qu'il s'adressait à Frodon. Le pauvre hobbit ne savait pas où se mettre et je lisais la gêne dans ses yeux.
Bilbon prit la parole pour raconter toute son histoire... C'est ainsi que je compris comment il avait obtenu l'anneau et que je ne n'avais rien vu... Frodon continua avec sa propre histoire jusqu'à sa venue ici et Gandalf expliqua enfin comment il avait découvert que cet anneau était bien le Fléau d'Isildur. Aragorn parla avec lui et ils confièrent leur longue recherche de Gollum à travers les montagnes, de comment ils l'ont finalement trouvé, fait prisonnier à Vertbois-le-Grand et où il a finalement avoué avoir indiqué son emplacement au Mordor.
- Alors cet être malfaisant est aujourd'hui enfermé en forêt noire, et bien qu'il y reste, dit Boromir.
- Gollum s'est échappé.
Mes yeux avaient trouvé le visage de Legolas alors qu'il s'était adressé à l'assemblée d'un seul coup.
- C'est pour cela que je suis venu, dit-il calmement. Maintenant je peux voir l'ampleur de notre faute.
- Comment le seigneur Thranduil, votre père, a pu laisser échapper cette créature ? demande Gandalf.
- Tiens donc, comme quoi rien n'est éternel finalement ! beugle Gloin me faisant sourire.
- Nous gardions Gollum jour et nuit, mais nous ne pensons pas qu'il a pu s'échapper par ses seuls moyens... Comme Gandalf, nous avons cru qu'il pourrait guérir de son mal et le laissions sortir parmi les arbres, continua l'elfe tendu.
- Encore mieux ! Vous êtes en train de dire qu'une créature pareille méritait un meilleur traitement que le nôtre peut-être ?! s'indigne Gloin.
J'étrangla un rire en le voyant maintenant pester contre l'elfe en le pointant du doigt.
- Gloin, s'il vous plaît, passez nous de vos souvenirs obscurs et laisser le Seigneur Legolas parler, soupire Gandalf.
- Hum... grommela-t-il en remuant sa barbe.
Legolas lui rendit un regard glacial et soupira. J'étais perdu dans mes souvenirs de la Forêt Noire et mon cœur loupe un battement en voyant ses yeux sur moi. Je serrais Laureline dans ma main alors que les images défilaient. Depuis longtemps j'essayais de les oublier, mais ce simple regard suffait à raviver chaque instant, chaque mot, chaque geste... Je baissa les yeux en avalant ma salive.
- On le laissait souvent grimper aux arbres, mais un jour, il refusa de descendre, il faisait nuit noire et des orcs nous ont attaqués. Nous nous sommes rendus compte de sa fuite une fois le combat terminé et il nous a semblé que cette attaque avait été programmée pour permettre son évasion. Nous avons suivi leur trace, mais abandonné en les voyant aller vers Dol Guldur, comme vous le savez, cette forteresse est de nouveau occupée et nous n'avons pas les moyens de la combattre.
- De toute façon Gollum n'a plus rien à nous livrer et les mots qui auraient pu nous protéger ont déjà été prononcés de sa bouche à l'ennemi, conclut Gandalf. Maintenant je vais vous conter la dernière partie de l'histoire.
Il raconta sa rencontre avec Radagast. C'est lui qui l'informa de la venue des neufs et qu'ils étaient à la recherche de Frodon et de l'anneau. Visiblement Saroumane offrit son aide à Gandalf qui l'a rejoint à la tour d'Orthanc. Au premier abord, il ne le trouva pas changé, mais au fur et à mesure de leur conversation les détails le paralysèrent.
Ses vêtements n'étaient plus blancs, il parla de la fin de l'ère des elfes, de gouverner les hommes et le mot "pouvoir" revenait sans cesse durant leur échange. L'emprise de Sauron sur son esprit avait fini par le rendre fou. Il emprisonna Gandalf au sommet d'Orthanc. Il en fut libéré par un aigle de Manwë qui l'amena finalement ici, à Imladris.
Un grand silence tomba dans l'assemblée, la nouvelle comme quoi Saroumane le Blanc était tombé et maintenant contre nous, assomma le moral des membres du conseil. Glorfindel prend la parole.
- Nous n'avons que deux solutions. Cacher l'anneau ou le détruire. Mais que ce soit l'une ou l'autre, la chose est impossible.
- En effet, reprend Elrond. Mais la seule qui me permette d'entrevoir la lumière est bien de le détruire.
Le silence retomba... J'ai senti mon sang se glacer, nous y étions enfin... Boromir, qui n'avait pas cessé de gigoter sur son siège finit par se lever. Je serrais déjà la lame froide alors qu'il s'approchait de la pierre centrale.
- Pourquoi toujours parler de cacher ou de détruire ?
Il marcha doucement en tenant sa tempe et s'approcha de la pierre centrale où était déposé l'anneau.
- Si ici, devant moi, se tient vraiment le Fléau d'Isildur, alors mon rêve m'a bien mené ici pour une raison...
Il s'avança encore... Le silence était lourd, la tension dans mes veines augmentait à chacun de ses pas. J'ai croisé le regard alarmé d'Elrond, reconnu le même dans les yeux de Gandalf. Un pas de plus, il tendit la main vers lui. Gandalf se leva, brandissant son bâton et j'ai bondi, sortant Laureline entière de mes reins.
- Boromir ! hurle Elrond.
La lame tourna dans l'ombre des paroles sombres du magicien qui tombait autour de nous, mes pieds ont dérapé à côté de lui alors que je plaçais Laureline juste sous sa gorge, barrant ainsi les derniers centimètres de sa main sur l'anneau. Le parler de la langue noire envahit l'espace et une vague d'obscurité s'étendit autour de nous .
La sombre incantation empoisonnait l'air de son venin et alourdissait l'atmosphère. J'ai croisé le regard de l'homme maintenant affolé, puis celui d'Elrond ne tenant plus sous les paroles du magicien. Boromir fit quelques pas en arrière et j'en profitai pour me placer entre lui et l'anneau, posant la pointe de la lame devant moi. Mes oreilles sifflaient, ma tête allait exploser, mais je ne lâchais pas l'homme des yeux tandis qu'il se laissait tomber sur son siège.
Les mots cessaient enfin et la noirceur commença à disparaître.
- Suffit ! crie alors Elrond. Gandalf, jamais de tels mots ont été prononcés ici à Imladris !
L'elfe s'approcha de moi et posa une main ferme sur mon épaule. Ma respiration reprenait déjà un rythme normale, mais je sentais encore la pression des mots dans ma tête.
- Maliha... ? s' enquit-il.
- ça va...
- Bien, mais ne le quitte pas des yeux...
- Oui.
Je me rangea à ma place, laissant Laureline planté devant moi. Elrond semblait hors de lui... Ces pires craintes s'étaient finalement réalisées. Cela annonçait des négociations difficiles...
- Je ne vous demanderai aucunement pardon seigneur Elrond, car la langue noire est entendue dans toutes les régions de l'ouest. Les personnes présentes ici doivent comprendre que cet anneau est totalement maléfique, dit le magicien en s'asseyant.
- Cet anneau est un don... reprend Boromir en se redressant, incapable de tenir en place.
- Si j'étais vous, je resterais assis, Seigneur Boromir, avertis Glorfindel.
L'homme me dévisagea en s'immobilisant debout.
- J'ai cru comprendre que ce rassemblement était un conseil. Pourquoi n'aurais-je pas le droit de parler ? Demande-t-il durement.
- Vous avez le droit de parler Seigneur Boromir, dis-je calmement. Tenez-vous seulement loin de cet anneau, je vous prie.
- Pardonnez-moi si je vous ai inquiété madame. Ce n'était nullement mon intention, n'ayez crainte, mon geste ne sera pas renouvelé.
Je lui fis un signe de tête respectueux en guise de réponse. Il resta debout, mais sans s'approcher de l'anneau et reprit sa phrase.
- Depuis longtemps, nous tenons à distance le Mordor loin de vos frontières, avec notre sueur et notre sang... Cet anneau maintenant retrouvé est un don, un don qui nous a été fait de l'ennemi. Pourquoi ne pas tout nous en servir ? Retourner la situation. Ni Saroumane, ni Sauron ne seraient préparés à une telle chose, nous devons saisir notre chance !
- Il est impossible de contrôler son pouvoir. L'anneau unique n'a qu'un seul maître, le détenteur de l'âme avec laquelle il a été forgé, répond vivement Aragorn.
- Et en quoi un rôdeur connaîtrait-il ce genre de renseignement ? raille-t-il.
J'ai froncé les sourcils, indignée. Je m'apprêtais à prendre la parole mais Legolas me devança.
- Boromir du Gondor vous avez devant vous Aragorn fils d'Arathorn, descendant d'Isildur et chef des Dunedains du Nord, dit-il désormais debout et face à lui. Il est l'héritier du trône du Gondor, vous lui devez serment d'allégeance.
Sa voix était forte et puissante, ne laissant place à aucune forme de contestation. Il n'a rien dit, regardant l'elfe hébété et Estel se leva, visiblement gêné de cette intervention.
- Legolas, s'il vous plaît asseyez-vous...
Il plissa des yeux ne lâchant pas l'homme du regard en reculant vers son siège. Je savais que les elfes de la Forêt Noire étaient sanguins, je les avais déjà vu à l'œuvre. Je voyais sa poitrine monter et descendre doucement sous sa chemise, dessiner doucement les formes de son buste. Il reprit sa place en soupirant.
Boromir a dévisagé Estel et je me suis tendue plus encore.
- Le Gondor n'a pas de roi, il n'en a pas besoin.
Heureusement qu'il s'était assis, sinon je crois que je lui aurais coupé les jambes.
- Aragorn a raison, nous ne pouvons l'utiliser, dit Gandalf.
- Qu'en est-il des trois des elfes ? Lance Gloin à cran. Les sept sont perdus, mais il en reste bien trois non ? Je vois des seigneurs elfes parmi nous, veuillez me répondre !
- Il est interdit de parler des trois, Maîtres Gloin. Lance Elrond irrité. Et ils ne sont en aucun cas nés pour faire la guerre, mais pour guérir, créer et conserver la pureté de ce monde. Ceux qui les utilisent tomberont si Sauron retrouve son anneau, ce qui revient absolument au même problème. Nous n'avons pas le choix, l'anneau doit être détruit.
- Alors qu'attendons-nous pour le faire ? lance Gimli.
Il s'élança d'un coup sur l'anneau, tenant fermement sa hache. J'ai bougé, mais la main d'Elrond interrompit mon mouvement. Je l'ai vu abattre la hache sur la bague d'un coup ferme. Un vrombissement envahit l'espace, la hache vola en éclat et le nain tomba à terre. Gloin se précipita pour le remettre sur pied lui demandant comment il allait. Elrond retira sa main en me faisant signe que tout allait bien.
- On ne peut le détruire, Gimli fils de Gloin, par aucun moyen en notre possession. Il a été forgé dans les flammes de la Montagne du Destin et c'est là qu'il doit être détruit. Il faut le renvoyer dans l'abîme flamboyant d'où il est apparu autrefois et l'un de vous...doit le faire.
Mon sang s'était glacé...
- On entre pas si facilement en Mordor... commence Boromir.
J'ai tourné mon regard vers Elrond, mais il ne se tourna pas vers moi, observant les hommes en face de lui.
- Les portes noires ne sont pas gardées que par des orcs, il y a un mal qui ne dort jamais.
J'ai fermé les yeux...
- Et le grand œil est toujours attentif. C'est une terre dévastée et stérile, recouverte de braises, de cendres et de poussière, l'air que l'on y respire, n'est que vapeurs empoisonnées, même dix-mille hommes n'en viendraient pas à bout, c'est une folie...
Chacun de ses mots résonnait dans ma tête. Maintenant je savais... Je savais où voulait en venir Elrond... J'ai levé les yeux vers Glorfindel qui me regardait désespéré, lui aussi venait de comprendre et j'ai pincé les lèvres.
Le silence était écrasant... J'avais peur... Oui, j'avais peur et je n'ai pas honte de le dire un seul instant... Qui n'aurait pas peur ? Je serrais Laureline à m'en faire mal en attendant la sentence qui ne venait pas... Et finalement, je l'ai vu se lever d'un bon.
- Je refuse de voir cet anneau entre les mains de cette femme, lance-t-il fermement.
J'ai soupiré en regardant Legolas devant moi. Oui, j'avais eu envie d'entendre ces mots, mais je savais aussi que j'étais la seule à pouvoir le faire... J'en perdrais mon âme, j'en perdrais sans doute la vie, mais j'étais là pour ça.
- Maliha est pourtant une des seules ici à avoir le pouvoir d'accomplir cette tâche, dit calmement Elrond.
- C'est de la folie, j'entends alors Aragorn.
- Quoi ?! aboya Boromir. Cette femme ?
- Cette femme devant vous est Maliha, fille d'Illuviné. Elle est la Titan envoyée par les Valars, et cette tâche lui incombe, tempête Elrond.
C'était donc pour ça qu'il ne m'avait pas présentée... Un goût amer passa dans ma bouche et j'ai baissé les yeux vers le sol. Je sentais chaque regard sur ma peau sans même les voir.
- Maliha...
J'ai croisé le regard d'Estel qui était horrifié.
- Vous êtes inconscient ! Qu'avez-vous en tête ? Offrir l'anneau ET un titan à notre ennemi ? Dans ce cas, cette guerre est déjà terminée ! crie Legolas.
- Et je suppose que vous pensez être celui qui va le faire ? explose Gimli en se levant. Je préfère la laisser partir elle, plutôt que de voir cet anneau dans les mains d'un elfe !
Ils s'étaient tous levés, les uns après les autres, même Glorfindel se tenait maintenant face à Elrond et j'ai fermé les yeux en attendant que ça passe...
- Vous ne pouvez pas envoyer Maliha seule face au Mordor, son âme sombrera ! hurle maintenant Glorfindel.
- Croyez-vous que le Gondor fera confiance à cette femme ?!
Je ne les entendais plus... Je voulais seulement que ça s'arrête, même si cela voulait dire prendre cet anneau et partir sans un mot. Juste être seule, comme je l'avais visiblement toujours été...
- Les titans sont des êtres corrompus, le seigneur Legolas à raison ! Lance un autre elfe.
- Ce n'est pas ce qui était prévu ! hurle Gandalf.
- Non, nul ne peut se fier à un elfe !
- Je l'ai déjà vu à l'œuvre, elle est déjà souillée par sa force. Vous ne pouvez pas lui confier cette tâche ! lance Legolas.
- Confiez l'anneau au Gondor !
- Elle vous a aussi sauvé la vie ! s'indigne Aragorn.
- Vous en avez que faire de mon peuple !
- Je vais le faire !
J'ouvris les yeux et chercha l'origine de la voix qui venait de dire ces mots, Frodon. Tous les hommes étaient maintenant rassemblés au centre de la place et semblaient figés. Le silence revenu, j'ai dévisagé Frodon qui hésitait désormais à continuer, mais son regard craintif avait disparu alors qu'il me regardait intensément.
- Je ne vois pas pourquoi je vous laisserais porter ce fardeau à ma place, Dame Maliha. Alors, je porterai moi-même cet anneau en Mordor.
J'ai soupiré en lui lançant un regard dur, m'avança vers lui à grandes enjambées, passant aux côtés des hommes sans leur prêter attention. Il me regarda effrayé... J'ai rangé Laureline derrière mes reins, avant de lui faire un grand sourire en m'agenouillant devant lui.
- Je ne vous connais pas beaucoup, pas du tout même, mais votre courage doit-être plus grand que le mien Frodon, avouais-je. Et vos mots m'ont rappelé une chose que j'avais oubliée, c'est que les faibles peuvent accomplir de grandes choses avec autant d'espoir que les forts. Mais je ne vous demanderais jamais de le faire à ma place, j'ai été envoyé ici pour protéger les peuples libres.
- Tout comme je ne vous laisserai pas le faire non plus. Car il est trop facile de vous désigner seulement pour ce que vous êtes, tout comme on me juge trop faible pour le faire, alors je vous en prie, ce fardeau est venu à moi, c'est donc à moi de m'en charger... dit-il. Bien que je ne connaisse pas le moyen...
- Alors dans ce cas... Accepteriez-vous de m'avoir à vos côtés pour vous ouvrir la voix jusqu'à ce que tâche soit faite ?
Il soupirait en m'adressant un sourire gêné.
- Cela me semble acceptable Madame...
Je me sentais heureuse... Heureuse de ne pas être seule, heureuse d'avoir maintenant un être si courageux à protéger.
- Juste Maliha, dis-je dans un sourire en me relevant à côté de lui.
- Je vous aiderais aussi à porter ce fardeau Frodon Sacquet, lance Gandalf en posant une main sur l'épaule de Frodon. Aussi longtemps que vous aurez à le porter.
- Si par ma vie ou ma mort, je peux vous protéger, je le ferai également, ajoute Estel avant de s'avancer devant lui et de s'agenouiller à son tour. Mon épée est vôtre.
- Et mon arc est votre, dit Legolas venant à mes côtés.
- Et ma hache ! complète Gimli.
Boromir s'avança doucement vers nous.
- Vous avez notre destin à tous entre les mains, petit homme, et si telle est la volonté du conseil, le Gondor se joindra à vous.
- Hey !
J'ai vu débouler Sam de derrière un buisson et j'ai souri, fière de moi.
- M'sieur Frodon n'ira nulle part sans moi.
- Visiblement, il est impossible de vous séparer... murmure Elrond.
- Nous venons aussi !
Là en revanche j'étais... Sur le cul... En voyant débouler les deux autres hobbits que je ne connaissais pas du tout d'ailleurs.
- Personne ne pourra nous en empêcher ! lance le premier.
- Et puis il vous faut des personnes intelligentes pour cette quête, dit l'autre.
J'ai senti la main d'Estel sur mon épaule alors que je souriais bêtement.
- Alors, vous serez dix à former la communauté de l'anneau. Qu'il en soit ainsi, puisse les Valars vous guider de leur lumière.
- Où est-ce que l'on va ?
Intelligent hein...
Le conseil s'est dissous, j'ai senti la main de Glorfindel parcourir mon dos alors que je discutais avec Aragorn.
- Je n'en savais rien Maliha, promit-il.
- Je sais...
Elrond s'était approché de nous et je lui offris un regard méfiant.
- Je ne vous aurais jamais demandé d'accomplir cette tâche seule Maliha. Je n'ai fait cela que pour faire réagir l'assemblée.
- Vous auriez pu me mettre au courant, je réponds, lasse.
- Si vous vous étiez réveillée plus tôt, je l'aurais fait, dit-il avec un sourire en coin en repartant vers Gandalf.
J'ai poussé un soupir en affichant un sourire à mon tour. Bientôt, il ne resta que les membres de la communauté, Elrond et Glorfindel.
- Nous choisirons un tracé de route dans les prochains jours, indique Elrond. Un départ dans un mois me semble bien, cela nous laisse le temps de préparer les affaires et de vous reposer, car certains d'entre vous doivent récupérer des forces. Laissez-vous le temps de vous connaître les uns les autres, certains d'entre vous se connaissent déjà, mais il va vous falloir apprendre à vous faire confiance pendant ce long voyage et rester soudés.
Nous nous étions séparés sur ces paroles et j'ai suivi Glorfindel dans les rues de Fondcombe. Il était silencieux et raide à côté de moi.
- Quelque chose te tracasse ? je demande.
- Tout me tracasse Maliha.
- Et bien, on n'est pas sorti alors, dis-je en le poussant légèrement de la hanche. Ne t'inquiète pas, nous avons une sacrée équipe !
- Oui c'est vrai. Maliha, je ne sais pas comment tu réagira en vivant continuellement aux côtés de l'anneau. Son pouvoir est fort...
- J'y ai pensé aussi... Nous verrons, mais pour l'instant je n'ai rien senti...
- Seras-tu ma cavalière ce soir ?
Je l'ai regardé perdu.
- C'est quoi ce changement de conversation ?
- Nous avons tout le temps d'y penser et tout le temps de nous laisser happer par les ténèbres non ?
- Oui, tu as sans doute raison et oui, je serais "encore" ta cavalière dans ce cas.
oOo
L'après-midi s'était passé calmement, j'étais restée dans ma chambre à écouter de la musique tout en lisant sur le divan du balcon. L'air était frais quand le soleil déclina, mais je voulais profiter pleinement de chaque instant où je pouvais faire des choses simples comme celle-ci. Bientôt, je ne pourrais plus. Dans un mois, mon quotidien sera de marcher avec les autres vers une destination ténébreuse et incertaine.
J'ai posé le livre sur mes genoux en soupirant. Au fond de moi, je sentais que cette quête allait être dure et sanglante. Quelque chose me disait aussi que je ne serais plus la même. Ils m'avaient appelé pour cet instant-là, l'instant où j'ai posé ma main sur l'épaule de Frodon. Je le sentais dans mes os, ma destinée s'était écrite pour en arriver là.
J'étais née humaine, dans un monde dystopique à l'agonie. Ingénieure à créer des armes pour tuer mon prochain et protéger mon pays. Quelque part j'étais devenue l'arme maintenant. J'avais quitté ma petite vie tranquille, celle où j'avais tracé mon chemin comme tous les autres. Acheter mon appartement, ma voiture, payer mes impôts, respecter le quota d'eau quotidien, allée travailler, manger, dormir et enchainer les mêmes journées les unes après les autres en contemplant la fin de l'humanité sans rien faire d'autre que de me laisser porter.
J'ai pensé aux mages bleus, au premier regard que j'avais porté sur cette terre si belle et boisée. L'instant où j'avais quitté mon nom, ou j'avais marqué de l'encre bleue, la signature de mon destin.
- Tu sembles perdue dans tes pensées ?
J'ai sursauté pour voir Arwen passer en face de moi et s'asseoir à mes côtés.
- J'ai frappé, mais tu n'as pas dû entendre avec ta musique de sauvages, dit-elle avec un sourire.
- Es-tu vraiment en train de me dire que du Farfetch'd est une musique de sauvages ? Ma pauvre tu ne sais pas ce que sais que de la musique de sauvages... J'ai murmuré à moi-même. J'étais dans la lune, pardonne moi. Je suppose que tu es là pour préparer la meilleure partie de cette soirée.
- La soirée est déjà entamée Maliha, tu es en retard. Ta robe est sur le lit.
- Mazette...
- Quel est encore ce mot étrange mon amie ?
- Une expression de chez moi pour montrer mon désappointement.
Elle resta silencieuse un instant et j'ai bien vu qu'elle était tracassée. La Lune était déjà dans le ciel et je pouvais entendre que les festivités avaient déjà commencé, mais je voulais parler à mon amie. Aragorn venait de rentrer, seulement pour repartir... Qu'allait-elle faire ? Je sais qu'Elrond restera, mais une bonne partie de Fondcombe avait déjà quitté ces terres.
- Que comptes-tu faire Arwen ?
Elle regarda l'horizon, les nuages rosés descendaient lentement vers le sud en prenant une couleur orangé puis violette.
- Attendre son retour bien entendu...
- En as-tu parlé à ton père ?
- Pas encore...
- Tu comptes lui dire bientôt, je suppose?
- Durant les prochains jours oui, je n'ai pas le choix.
Elle me regarda, inflexible.
- Il pourra me dire ce qu'il veut Maliha, je resterai...
- Je sais... À ta place je ferai la même chose, dis-je en souriant.
- Et toi que feras-tu une fois cette quête terminée ?
Je n'y avais pas vraiment réfléchi...
- Je n'ai pas demandé à Glorfindel ce qu'il prévoyait... S'il part avec les prochains bateaux...
J'ai senti mon coeur se serrer.
- Glorfindel t'attendra Maliha. Tu le connais, il s'assurera que tu sois rentrée saine et sauve avant de partir.
- Penses-tu ?
- J'en suis absolument certaine.
- Alors je suppose que je reviendrai ici... Pour la suite, tout dépendra de Estel et toi.
- Comment ça ? demande-t-elle.
- Et bien, je resterai avec vous bien entendu. Vous serez marié, non ?
Elle me regarda avec de grands yeux, comme si j'avais dit quelque chose de spécial, quelque chose dont elle avait seulement rêvé.
- Arwen, si nous rentrons tous deux, penses-tu vraiment qu'il ne te demandera pas en mariage ?
- Non... C'est que, cela me semble tellement hors de portée.
- Pas pour moi, dis-je sûr de moi. Je resterai à vos côtés et veillerai sur l'humanité toute ma longue vie solitaire....
- Solitaire ?
- Oui... Je serais probablement la dernière personne immortelle de la terre du milieu.
- Tu peux aussi aller sur les terres immortelles Maliha.
- Non, je n'ai rien fait pour préserver ma planète, alors je veillerai sur celle-ci, c'est pour cela que j'ai accepté ce contrat. La race des hommes d'Arda ne doit pas faire les mêmes erreurs que nous.
- Je ne sais pas vraiment de quoi tu parles, mais cela me parait inconcevable que tu sois seule Maliha.
- Et qui restera à mes côtés, Glorfindel ? Il est plus vieux que la Lune Arwen, je pense qu'il mérite plus que quiconque d'aller en Valinor.
- Je ne pensais pas à lui...
Je l'ai regardé interdite... Elle allait abandonner son immortalité pour vieillir avec Estel... Alors de qui pouvait-elle bien parler ?
- Je vais te le répéter Maliha, mais il y a beaucoup de choses que tu ne sais pas voir.
- Ah ! J'y suis ! Laisse-moi te répondre pour la centième fois ! Attends... ça vient... ça vient... Ah ! ça y est, j'y suis ! Tu rêves ! Je m'exclame d'un geste nonchalant de la main.
Elle rit devant le numéro de cirque que je lui offrais.
- Pourquoi donc ne veux-tu pas croire en l'amour Maliha ?
J'ai levé les yeux sur elle, sa phrase était sérieuse... Parfaitement sérieuse.
- Je n'ai jamais cru aus romans de Jane Austen Arwen, ça n'existe pas.
- Et qui est cette personne ?
- Une auteure, certainement l'auteure des plus beaux romans d'amour de mon monde... Mais ce ne sont que des histoires.
- Parfois Maliha, même l'histoire la plus romanesque peut arriver.
- Celle-ci est impossible...
- Maliha...
- Aller, au lieu de dire des conneries là, allons enfiler la torture que tu as encore pondue, la coupais-je en le levant.
Elle m'a suivi dans la chambre alors que je regardais le "bout" de tissus sur le lit.
- Hors de question ! dis-je en pointant la robe du doigt. Tu sais que nous sommes en automne non ?
- Il fait bon dans la salle de réception.
Elle a pris la robe entre ses doigts pour me la mettre sous le nez, ma mâchoire se décrocha...
- Mon Dieu Arwen, pas ça ce soir... Je ne peux pas porter ça.
- Tu es ici chez toi, cette robe te ressemble, elle est toi.
- Peut-être l'aurais-je mise dans d'autres circonstances, mais pas celle-ci. Je ne rigole pas Arwen.
- Moi non plus.
Sa voix était incroyablement dure. Elle me regardait avec des yeux fixes et déterminés. C'était une robe magnifique, une véritable beauté... Toute de soie brillante d'un bleu nuit profond. Elle brillait d'une telle façon que l'on aurait presque cru à du velours, mais elle paraissait si légère. Un col ras du cou, tenu par de fines bretelles d'argent croisées dans le dos. J'ai su au premier coup d'œil qu'elle moulerait mes formes, car je pouvais apercevoir les triangles de tissus au niveau de la poitrine, puis d'autres partir sous la taille fine pour former les nombreux drapés de la jupe. Le dos était un dos nu peu profond, mais je voyais bien que je serais moulée jusqu'aux hanches par une série de petits boutons élégants.
Oui superbe... Mais pas maintenant... C'était le genre de robe que l'on sortait du placard simplement pour se contempler dans le miroir sans avoir le courage de sortir avec. La robe que l'on achetait pour sa beauté, mais que l'on n'osera jamais dévoiler au monde extérieur. Parce que c'était simplement trop... J'ai regardé l'objet avec envi, je voulais sentir la soie douce sur ma peau, la coupe était parfaite, il y avait tout ce que je pouvais aimer dans une robe. La sobriété de la ligne, la sensualité, le désir, mais surtout l'élégance de mon monde.
J'ai soupiré.
- Non pas cette fois Arwen. Je suis désolée.
- Tu vas la porter Maliha. Et tu sais pourquoi ?
- Non, éclaire-moi ?
J'ai croisé les bras, maintenant complètement énervée.
- Parce que tu es chez toi ici. Et personne n'a le droit en ces murs de changer ce que tu es. Tu te balades en "short", bronze tout l'été et maintenant tu refuses de porter ce simple bout de tissu ?
- Ce n'est pas la même chose.
- Si ça l'est ! Depuis quand le regard que les autres posent sur toi te dérange-t-il ?
- Depuis que c'est le sien...
- Ose lui montrer qui tu es !
- Non ! La seule chose que je souhaite c'est me cacher Arwen !
Elle posa la robe sur le lit avant de prendre la direction de la porte. Je l'ai regardé faire sans me retourner, regardant simplement le tissu bleu nuit sur le lit.
- Fais ce que tu veux... dit-elle. Je ne peux rien pour toi si ne t'accepte pas tel que tu es.
Elle était simplement partie... J'étais restée un moment droite comme un I sur le tapis en regardant cette robe, serrant les dents avant de me sauver sur le balcon que j'avais quitté. J'ai pleuré de colère... Sans aucun sanglot, j'ai juste laissé la faiblesse qui m'énervait parcourir mes joues. C'était la première fois que je me fâchais autant avec Arwen et pour une connerie banale d'ailleurs. J'avais l'impression que mon monde s'effondrait autour de moi. J'allais partir en ne sachant pas si j'allais un jour revenir, y laisser mon âme, peut-être même ma vie... Glorfindel allait quitter ses terres, Arwen rester avec Estel, s'il revenait... Mon monde s'effondrait... Et lui, qui serrait là là sous mes yeux... Qui marcherait à mes côtés, que je verrais peut-être mourir arrivant devant les portes noires. Je lui donnerai ma vie, mon âme, tout... Je ne reviendrai pas vivante de cette quête...
On frappa doucement à la porte et je n'ai rien dit. J'ai entendu celle-ci s'ouvrir puis se fermer. Les pas étaient lourds, cela ne pouvait pas être un elfe, trop rapide pour ceux d'Estel... Mais je ne voulais pas me retourner, laissant les larmes sécher sur mes joues comme une conne.
- Vous devriez vous dépêcher Maliha. Vous êtes déjà en retard, le banquet a commencé depuis longtemps maintenant.
- Bilbon...
- Pourquoi pleurez-vous ma jeune amie ?
- Pour rien... Une bêtise.
Il s'asseya calmement sur le fauteuil en mettant sa pipe en bouche.
- Cette robe ne va pas s'enfiler toute seule.
Je l'ai regardé avec surprise. Il me fait un sourire en expirant la douce fumée dont l'odeur m'avait manquée.
- Je ne peux pas la porter.
- Et pourquoi donc ?
- Elle est trop... Voyante...
- Elle est trop voyante, où avez-vous peur d'être trop voyante en la portant ?
Je n'ai rien trouvé à lui répondre.
- Un peu des deux je suppose alors, dit-il. Maliha, nous ne savons pas ce que les prochaines heures vont nous dévoiler. Le futur est incertain et la quête dans laquelle vous venez de vous lancer sera infiniment dure et risquée. Cette soirée peut être la dernière, ne voulez-vous pas profiter une dernière fois ? Ne voulez-vous pas vivre cet instant comme s'il était bel et bien le dernier ?
- Bilbon, je...
- Je ne connais rien à l'amour, je ne fais que l'observer. Mais sachez une chose, l'amour rend ce monde beau. L'amour dans votre cœur vous rend belle et vous êtes une très belle femme Maliha. Vous avez vu le sang, la guerre et la mort et pourtant quand je vous regarde je ne vois que l'amour que vous portez à ceux qui marchent à côté de vous. Cette robe n'est rien, ce qui est voyant, c'est vous et qu'importe le vêtement que vous portez. S'il vous plaît, faites-moi l'honneur de vous voir dans un vêtement digne de vous.
J'ai baissé les yeux en écoutant chacun de ses mots. Il fumait doucement et sa voix m'avait simplement apaisée.
- Allez ! Hop, hop ! C'est pas comme si vous alliez à la guerre, non ?!
Un sourire en coin s'est dessiné sur mes lèvres avant que je ne me lève pour rentrer dans la chambre.
- Merci Bilbon.
J'ai pris l'étoffe de tissu et rentra dans la salle de bain. Je sortais quelques minutes plus tard en me sentant nue. J'ai regardé mon reflet dans le miroir, oui cette robe était sublime et ajustée à la perfection... Elle s'arrêtait à mes chevilles et j'ai compris qu'elle se portait avec des talons... J'ai regardé mes pieds avec un air peiné en pensant qu'Arwen avait pensé à tout...
- Elle vous va comme un gant. Asseyez-vous, je vais tresser vos cheveux.
Je le regardais faire dans le miroir et je me demanda où il avait appris à faire ça. A cent-vingt-sept ans, il était logique que l'on sache coiffer quelqu'un, me dis-je avec un sourire. Il avait fait une tresse avant de former un chignon élégant sur un côté de mon cou. J'ai presque ri alors qu'il pestait avec une épingle dans la bouche.
- Maliha, m'accorderiez-vous une faveur ? dit-il en plantant délicatement la pique dans mes cheveux.
- Bien entendu, Bilbon.
- Prenez soin de Frodon... L'anneau est dur et lourd à porter. Je connais son pouvoir et...
- Vous n'avez rien à me demander Bilbon, je l'aurai fait de toute façon.
- Seriez-vous le protéger de vous...?
Je l'ai regardé dans le miroir. J'ai su qu'il avait longuement hésité à dire ces mots, mais ils étaient totalement justifiés. De toute la communauté j'étais la plus forte, peut-être même de ce monde. Non, je ne n'avais pas senti l'attraction de l'anneau, pas encore, mais cela viendra.
- J'ai déjà senti la noirceur en moi, je sais de quoi je suis capable Bilbon. Sachez une chose, je connais mes limites et je préférerai mourir que de me voir sombrer. Que ce soit Gandalf, Aragorn ou Legolas, aucun d'eux ne prendra le risque de me laisser tomber entre les mains du mal et je les laisserai faire au moindre doute.
Il souria.
- Vous avez mûri, vous savez.
- Hein ?! Mûri ?
- Vous vous appuyez un peu plus sur les autres.
J'ai ri légèrement, mais il avait peut-être raison... Du moins je savais que je pourrais compter sur les autres pour pouvoir me tuer en cas de pépin, ça calme... Que ferai Estel si je venais à sombrer... Je ne serai plus moi-même... Verrait-il celle que je suis derrière le masque ? Lui peut-être, Gandalf aussi, mais pas lui.
Je me maquilla rapidement, n'en faisant pas trop, et passa le rouge sur mes lèvres. Je l'ai vu fouiller dans les boîtes pour me tendre un bracelet d'argent et une paire de boucles d'oreille créoles très fines du même métal.
- Vous voilà prête !
- Bilbon, pourquoi êtes-vous venu ?
Il passait une main derrière sa tête avec une mine gênée.
- Et bien, j'ai fait une sieste. Beaucoup trop longue, après le conseil... Je ne voulais pas me rendre seul au banquet et votre fenêtre était allumée.
- Je vois, dis-je amusée.
- Avec vous comme cavalière, je suis certain d'être pardonné, voyez-vous ?
- Je vois très bien oui.
Je me leva, mis les sandales à talon et chercha une cape pour me lancer dans la nuit hostile.
- Allons-y madame!
Nous nous étions engouffrés dans les ruelles bleues d'Imladris en discutant sagement. J'ai commencé à me tendre en voyant les voilages danser dans le vent et la musique atteindre mes oreilles.
- Qui est votre cavalier ce soir ? demande Bilbon comme pour me distraire.
- Glorfindel.
- Oh très bien, vous êtes en charmante compagnie alors !
- Oui... Certes...
Je me arrêtais, restant en dehors de la vue de l'intérieur, pour respirer.
- Un peu de courage, vous avez affronté des armées entières, un petit banquet ne vous fera aucun mal !
- Oui... Oui... Vous avez raison.
Je regardais le sol au début, mais fini par lever les yeux pour chercher Glorfindel en urgence en ramenant la cape sur moi. Un elfe se présenta sur ma gauche et je n'ai pas fait attention quand il la récupéra, juste sentie le tissu descendre autour de moi dans un état statique de peur. J'eu froid, sentant le vent sur ma peau nue et j'ai regardé l'elfe qui me dévisageait de la tête aux pieds. Les chuchotements envahissaient la salle et j'ai de nouveau cherché Glorfindel en marchant avec Bilbon. J'ai croisé les yeux d'Arwen qui me fit un sourire fabuleux et j'ai su que notre colère était passée.
Elle s'approcha de moi en me tendant les mains. Ma peur a disparu sous ses yeux rassurants.
- Alors tu es venue....
- Tu peux remercier Bilbon.
- Je le remercierai alors.
Je me retournais pour voir que Bilbon n'était plus là, cherchant un moment et le trouvais avec Frodon et les autres hobbits.
- Je suis désolée Maliha, je ne voulais pas te blesser, ou...
- Arwen, je sais que l'annonce de cet après-midi a été dure à entendre. Je sais que tu renfermes trop tes sentiments, alors s'il te plaît, tu n'as aucune excuse à me donner. Je le protégerais, tu m'entends, je ferais tout pour qu'il te revienne.
Elle souria tristement en serrant mes mains.
- Revient toi aussi Maliha, tu es ma plus grande amie, que deviendrais-je sans toi ?
- Et moi sans toi Arwen.
Oui, elle était ma plus grande amie. Qu'aurais-je bien pu devenir sans elle ? Sans cette proximité entre nous, sans pouvoir déverser mes peines et mes secrets les plus profonds. Glorfindel m'écoutait, mais pas de la même façon, jamais il n'aura cette oreille féminine. J'avais mon petit cercle d'intimité avec Arwen, cette confiance que l'on ne peut partager qu'avec une personne du même sexe.
- Alors voici donc ma cavalière finalement.
Je me retournais pour voir Glorfindel. J'ai fait un pas en arrière en le voyant. C'était, comment dire, bizarre, il avait les cheveux en arrière, noué dans son cou dans une longue queue de cheval élégante. Portait une chemise blanche presque ajustée, mais pourtant fidèle à la mode des elfes. Un pantalon ample d'un coton plutôt rigide d'une couleur crème qui mettait en valeur ses yeux. Bien entendu,sa cape tombait lourdement sur ses épaules, ce qui le rendait toujours très "elfe", mais il y avait quelque chose que je ne comprenais pas...
- Et bien tu as fait un progrès vestimentaire ?
- Un progrès, non, Arwen m'a seulement indiqué que tu porterais une robe de ton monde. Alors en tant que ton cavalier, je me devais de faire un effort, pour une fois.
- Oh, je vois, c'est très gentil de ta part.
- Est-ce réussi ? me demande-t-il inquiet.
- Tu es très bien, le rassurais-je en posant une main sur son bras.
Estel était venue à notre rencontre en prenant doucement le bras d'Arwen pour la passer sur le sien.
- Maliha très en beauté ce soir, nous ne t'attendions plus.
- Estel, je vois que tu as fais un effort.
- Très drôle.
J'ai pu manger un morceau vite fait avant que Glorfindel ne m'entraîna à travers toute la salle pour saluer une par une les personnes présentes. Gandalf tenait son verre de vin en discutant avec Elrond de la quête qui sera la nôtre très prochainement. L'ambiance était bonne, et mes peurs envolées.
- Je n'aurai pensé qu'une femme portant une si grande lame puisse être aussi belle. Madame, Lance Boromir en s'inclinant légèrement.
- Veuillez pardonner mon geste lors du conseil Seigneur Boromir, mais j'étais sur mes gardes, personne ne comprend encore le pouvoir de cet anneau.
- Je ne vous en tiens pas rigueur madame, votre geste était seulement poussé par la volonté de nous protéger et je le comprends, pardonnez mon erreur.
- Vous êtes tout pardonné.
- Je serai ravi d'avoir l'honneur d'une de vos danses, Madame, pour prouver mon amitié envers vous.
Glorfindel qui me fit un signe d'approbation.
- Je vous en garderai une mon Seigneur.
- S'il vous plaît, seulement Boromir, nous allons passer du temps ensemble désormais.
- Très bien Boromir, alors vous pouvez m'appeler Maliha.
Nous avons continué notre balade, croisé les nains, qui m'ont salué en grande pompe. Je lisais le visage inquiet de Gloin quand il regardait son fils, mais je savais aussi qu'il devait être fier de lui. Gimli lui ressemblait, hormis qu'il semblait beaucoup plus sanguin que lui. Au moins je ne me sentirai pas seul entre Estel et lui. Quelque chose me disait que je m'entendrais bien avec lui, les nains ont un franc parlé et ne passent pas par quatre chemins pour dire les choses, ce que j'apprécie.
J'ai regardé toutes ces personnes autour de moi. Elles riaient, discutaient et profitaient de la soirée de la meilleure façon qui soit. J'ai aperçu Pippin, je crois, faire le zouave avec son cousin Merry (si j'avais bien tout compris), à côté d'eux Frodon riait avec Sam. Je ne connaissais pas du tout Frodon, mais il avait eu le courage qui m'avait échappé. Il me paraissait si innocent, si gentil et si rieur comme ça. Sa vie venait en tout point de changer, je devais avouer que je me voyais en lui. Découvrant que la vie pouvait changer du jour au lendemain, qu'une tâche vous était confiée et qu'elle chamboulait tout autour de vous.
- Il vous fait confiance, vous savez.
Je me retourna pour voir Gandalf à côté de moi. Il tenait un verre de vin et son dos d'un geste nonchalant.
- Il ne me connait même pas... je murmure.
- Mais il a hâte de vous connaître, ma chère.
- Et bien quand il saura la vérité, son regard changera sans doute, comme les autres, dis-je en tournant les yeux vers Legolas qui souriait à Arwen.
- Oh alors, vous savez... il murmure gravement.
- Glorfindel me l'a dit quand nous étions en Lórien.
- Je vois...
- Gandalf, je ne sais pas comment je pourrais réagir face à cet anneau.
- Vous n'êtes pas la seule qui y réagira Maliha, tous les membres de ce groupe seront soumis à son pouvoir.
- Mais ils ne sont pas tous ...moi.
Je le regardais avec un air inquiet. Il a soupiré avant de poser sa main sur mon épaule.
- Je sais qu'il vous en faudra beaucoup avant de sombrer Maliha. Tout simplement parce vous connaissez le mal en vous. Les gens pensent tous être fondamentalement bons, qu'ils ne se laisseront pas influencer, mais vous, vous vous méfiez de ce que vous pourriez être, cela me semble suffisant pour vous faire confiance jeune fille.
- J'espère que vous avez raison. De toute façon, le Seigneur Legolas ne se privera pas de me couper la tête au premier écart. Il se fera un plaisir de me le dire en partant d'ailleurs... dis-je en prenant une gorgée de vin.
Il me regarda en arquant un sourcil.
- Il le sait aussi, je précise.
- Hum... J'ai cru comprendre à son intervention, oui.
Il posa de nouveau une main sur mon épaule.
- Ne vous fiez pas à cela Maliha.
- C'est-à-dire ?
Une expression feignant l'ignorance s'imprima sur le visage du Magicien qui trouva un intérêt soudain au fond de son verre.
- Vous êtes un très mauvais comédien Gandalf, que voulez-vous dire ?
- Qu'il ne faut jamais se fier à ce que l'on croit. Voyez-vous, je croyais ma coupe pleine, mais il n'en est rien. Il me faut la remplir au plus vite si je ne veux pas finir les bouteilles et avoir un verre rempli de lie !
Il était simplement partie, me laissant avec Glorfindel quand les premiers danseurs ont envahi la piste de danse. Legolas a entraîné une elfe doucement et j'ai baissé les yeux. La soirée ne faisait que commencer visiblement et mon tourment aussi...
oOo
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