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// ... Chapitre trente ... //

"The format" - AZ


La douleur m'envahissait, elle était partout, dans mes os, dans mes ongles, sur ma peau... Rien ne semblait l'apaiser, les vagues lancinantes me dévoraient de l'intérieur. Quand j'ouvrais un œil, la lumière devenait aveuglante et je ne voyais que mes doigts raides, des bâtons incassables.

Parfois je croyais discerner une forme devant moi, je sentais que l'on me bougeait et la douleur était pire encore. Je ne savais pas vraiment où j'étais, mais la main qui serrait la mienne parfois, j'avais en elle une confiance absolue.

Petit à petit, je restais plus longtemps éveillée, j'entendais une voix me parler sans que je ne puisse répondre. Et un jour enfin, j'avais distingué le visage d'Arwen, assise sur le fauteuil en face de moi, ses mains occupées à broder un tissu de soie blanc.

- Arwen...

J'ai murmuré avec une difficulté inhumaine. Ma bouche était sèche et ma gorge douloureuse.

- Maliha, tu es réveillée. J'ai cru que tu ne reprendrais jamais conscience.

Elle s'était approchée, accroupissant devant mon visage pour le caresser d'un geste infiniment doux. Les larmes avaient coulé de mes yeux et j'ai réussi à passer ma main sur son avant-bras.

- Je suis là, ne t'inquiète pas.

- Glorfindel...

- Il va bien, tout le monde est rentré sain et sauf depuis trois jours maintenant. Armetiel a été plus sévèrement touché, mais c'est un elfe robuste, il s'en remettra très vite.

- Je vois...

- Holorïn te donne régulièrement des potions pour t'endormir, le temps que ton corps élimine le poison.

Trois jours... Trois jours que je dormais avec ces douleurs dans les veines. Non je n'avais pas vu le temps passer. Holorïn m'avait prévenu que ce serait douloureux, il était loin de la vérité, c'était un supplice. En revanche... Si c'était à refaire, je ferais la même chose, encore et encore...

Je m'étais finalement rendormie, me perdant dans le temps et dans l'espace, à travers les murmures autour de moi, les mains passant dans mes cheveux et les lèvres qui se posaient sur mon front. Je sentais mes muscles se reconstruire petit à petit et quand je m'étais de nouveau réveillée, ma force était de retour. Toujours plus faible, mais bien là. Arwen était de nouveau à côté de moi et elle me souriait de son beau sourire étoilé. Je bougeais difficilement, puis j'ai pris appui sur mes bras et mes mains pour me redresser complètement.

- Doucement Maliha.

Aragorn... Il était assis dans le lit avec moi et me plaça des coussins dans le dos.

- Estel, comment vas-tu ?

- Je vais bien Maliha, tout le monde va bien.

- Bien... Très bien.

- Tu m'as fait peur, tu sais ?

- Je suis une dure à cuire, ne t'inquiète pas.

J'ai esquissé un sourire rassurant, mais je lisais bien sur son visage qu'il n'était pas du tout rassuré. Aragorn et Arwen avaient échangé un regard et j'ai vu le fin sourire passer sur le visage de l'elfe. Il était différent de celui qu'elle m'avait adressé plus tôt et je n'avais pu m'empêcher d'en faire un. Ces yeux le dévoraient, j'y lisais l'inquiétude, bien entendu, mais il y avait ce regard-là, celui du bonheur.

- Comment te sens-tu ? me demanda Estel.

- Comme si j'étais passé sous un camion.

- Pardon ?

- Piétinée par un cheval ?

- Je vois. Je vais chercher Holorïn pour lui dire que tu es réveillée.

Il était sorti aussi vite qu'une porte claquant dans un courant d'air. J'ai regardé Arwen qui l'avait suivi des yeux discrètement et souri en les imaginant tous les deux attendant que je me réveille sans rien dire, se regardant dans le blanc des yeux, tout aussi timide l'un que l'autre.

- Lui as-tu dis ?

- Maliha... Tu es à peine réveillée que tu commences déjà.

- Je récupère vite.

- Non, je ne lui ai rien dit.

- Tu devrais le faire.

- Ce n'était pas vraiment le moment, nous avons tous eu peur, tu sais.

- Je vais bien Arwen, Holorïn m'avait prévenu que ce serait douloureux.

Elle ne disait rien, continuant sa broderie doucement. La question me brûlait de l'intérieur, plusieurs fois mes lèvres avaient voulu prononcer son nom. J'en fronçais les sourcils en repensant aux mots que j'avais prononcés à son oreille. S'en souvenait-il ? m'étais-je demandé en mordant ma lèvre comme pour me réprimander.

- Il va bien.

J'ai tourné un visage horrifié vers Arwen qui continuait naturellement son ouvrage.

- O... Ok.

- Tu lui as sauvé la vie.

J'avais détourné les yeux du lit pour les perdre sur la baie vitrée de l'autre côté.

- Arwen... J'ai fait une connerie.

- Une quoi ?

- Je lui ai dit quelque chose que je n'aurai jamais dû dire...

Je n'entendais le fil traverser le tissu et j'ai soupiré de ma faiblesse.

- Je lui ai dit Arwen. Après un "je te haïs" qu'il prononçait pour la dixième fois... Je lui ai dit que je... Valars...

- Je ne pense pas qu'il s'en souvienne Maliha. Quoique tu aies dit, il ne s'en souvient pas.

- Comment peux-tu en être certain, tu...

- Parce qu'il a demandé à Holorïn

- Quoi ?

Holorïn ? "Votre amour est grand", alors il en avait parlé à Arwen...

- Je vois...

J'étais à la fois rassurée et désespérée... D'un côté, j'étais heureuse de pouvoir encore le cacher, mais de l'autre cela voulait dire que mon calvaire allait continuer. En même temps, il me haïssait. S'il l'avait su, crois-tu Maliha qu'il n'aurait rien dit ? Soyons réaliste, il aurait été pire encore... Les chiens ne font pas des chats...

- Il faut que je prenne l'air un peu...

- Je ne pense pas que te lever avant l'arrivée d'Holorïn soit une bonne idée.

- S'il te plaît, je veux juste respirer un peu, j'étouffe ici.

Elle m'avait aidé d'un bras, pour entourer mon corps d'un kimono épais avant de me lever. Je restais accrochée à son bras pendant un moment pour trouver mon équilibre. J'avais l'impression d'être une enfant, encore... Elle avait ouvert la porte-fenêtre sur la terrasse et nous nous étions assises toutes deux sur le banc face aux arbres. Il faisait beau, le soleil semblait haut dans le ciel et je pouvais enfin sentir le vent frais dans mon cou.

- Tu ne devrais pas sortir, tu sais.

J'ai trouvé les yeux d'Holorïn et derrière lui ceux de Glorfindel accompagné d'Aragorn.

- Mais arrêtez-vous un peu... Je vais bien, je veux juste prendre l'air. Inutile d'en dire plus, je sais, j'ai un peu trop forcé... Maintenant c'est bon, passons à autre chose.

- Comme tu veux, bois ça.

Le guérisseur me tendais une tasse fumante.

- Tu vas encore me faire dormir ?

- Non, juste te redonner des forces.

Ils étaient restés là, à côté de moi pour me raconter les diverses choses que j'avais ratées pendant mon long sommeil forcé. Le reste de la compagnie était rentré indemne, les orcs avaient maintenant la mainmise sur le passage du nord de la Lórien... Haldir se préparait déjà à la revanche prévue dans quelques semaines, le temps pour les troupes de récupérer.

oOo

Il m'a fallu quoi, une semaine pour marcher et courir comme avant. Le poison avait bien attaqué mes muscles, je devais l'avouer. Je ne pensais pas que cela aurait autant de conséquence sur mon corps. Les mages bleus m'avaient pourtant prévenu, et pour la première fois, je me sentais faible... Vulnérable même, depuis combien de temps je n'avais pas ressenti ça ? Des dizaines d'années sans doute...

Aujourd'hui, je reprenais officiellement l'entraînement, après l'accord d'Holorïn. Glorfindel m'attendait après ma course, pour une petite mise en jambes de reprise. Il était là à discuter avec Haldir, quand les billes blanches dans mes oreilles ont fondu pour revenir à mon poignet. Je reprenais mon souffle plus difficilement que d'habitude, mais franchement, j'étais bien contente de m'être enfin levée de ce lit.

- Maliha. Comment était la course ?

- Dure... Je n'ai pas vraiment trouvé mon rythme habituel, mais ça va. Tu n'es pas en tenue ?

- Non, aujourd'hui, tu vas t'entrainer avec le seigneur Haldir ici présent.

- Madame, c'est un honneur.

Ok... Pour résumer la situation, je n'avais jamais, et je dis bien jamais, partagé mon entraînement avec un autre elfe que Glorfindel. Je connaissais sa façon de bouger, et il connaissait la mienne sur le bout des doigts. Quand je m'entrainais avec Estel, je retenais mes coups, mais pas forcément avec Glorfindel. C'était toujours compliqué pour moi de m'entraîner avec quelqu'un... Si j'y allais franchement, je faisais mal, si je me retenais, autant ne pas s'entraîner... C'étais aussi simple que ça... Glorfindel était unique, il me connaissait par cœur, même sur le bout des doigts. Après des années à nous entraîner ensemble, je connaissais ses limites et travaillais de nouvelles choses sans le blesser. Il visait mes points faibles et savait comment les exploiter. Même si je m'entraînais généralement seule, le faire avec l'elfe était très instructif, mais Haldir...

- Glorfindel, je...

- Les elfes de Lórien ont une manière très particulière de se battre, tu as dû le voir par toi-même.

- Oui mais...

- Vous m'aviez promis un petit duel au bâton Ma Dame, l'avez-vous oublié ? Remarqua Haldir.

- Non, non je n'ai pas oublié.

- Vous savez, chaque nation Elfique à sa spécialité, même s'il n'en demeure pas moins que nous manions les trois types d'armes, bien entendu, mais il est connu que l'épée est la force de Fondcombe, l'arc celle de Vertbois-le-Grand et la lance celle de Lothlórien. Alors avant que vous ne pensiez pouvoir me faire mal, essayer dans un premier temps.

Il avait récupéré deux bâtons sur le socle d'armes, avant de venir devant moi pous m'en tendre un avec un sourire fier. Ce petit sourire typiquement elfique, piqua mon orgueil beaucoup plus vite que je ne l'aurais souhaité, mais allons bon, un défi était un défi... Non ?

- Bien ! lança Glorfindel en s'écartant.

J'avais retiré ma veste de courses pour ne garder qu'un pull blanc et fin, avant de prendre le bâton dans sa main.

- Voyons voir cette spécialité, voulez-vous, dis-je tout sourire.

Nous nous étions placés l'un en face de l'autre avant de nous saluer comme l'exigeait la coutume des elfes. Il avait tout de suite donné le ton...

Rapide, net et précis... Je devais bien avouer que les premiers mouvements que nous avions échangés étaient largement en sa faveur et je n'avais aucune excuse... Je n'étais pas habile au bâton, ça c'était un fait, mais contre Glorfindel j'aurai encore pu m'en sortir. Mais lui était d'un tout autre niveau. Sa façon de bouger, de passer le bâton autour de son corps avec grâce et dextérité, en vrai, c'était beau à voir, me dis-je en marquant un sourcil.

Il m'avait fallu bien des coups, qu'il ne retenait pas soi-disant passant, pour que je ne commence à prendre le rythme de ses attaques.

- Vous vous arrêtez à la vision de l'épée MaDame.

- Maliha, s'il vous plaît...

- Maliha, le bâton, contrairement à l'épée, ne doit pas être considéré comme le prolongement de votre bras. Il est bien plus que cela, c'est ce qui rend son utilisation complexe. Pour faire simple, c'est un autre bras, un bras libre, qui répond à ses propres règles.

- Pardon ?

- L'épée est maintenue dans votre main, elle prolonge votre bras. Le bâton ou la lance, est un élément extérieur, un troisième bras, à vous de l'inclure dans votre façon de bouger pour l'exploiter totalement. Regardez plutôt.

Il fait passer le bâton autour de lui, juste en le guidant avec ses doigtsv avant de le lancer dans une rotation folle sans réelement le toucher. J'avais déjà vu ça, il y a bien longtemps, mais pas ici... Ce n'étais pas vraiment la même chose, mais les grandes lignes étaient là, mélangées au savoir faire des elfes. Je n'allais pas me mentir, moi aussi, j'avais déjà vu un film ou deux avec un mec qui hurlait torse nu, tournant un bâton dans tous les sens par des figures délirantes. J'ai froncé les sourcils, dubitative, en essayant de retenir mon rire... Ou pire encore, car j'aurais pu dire "que la force soit avec toi"... J'ai serré les dents pour me retenir, par simple respect.

Tout ça pour dire que j'en étais loin... Très loin, mais en le regardant faire, je m'étais dit que dans pas très longtemps cet échange avec lui me mènerait quelque part. Alors, j'avais insisté, et de cette façon Haldir m'avait enseigné l'art du bâton pendant des semaines.

Je faisais travailler mes muscles différemment, gagnait en souplesse, en agilité et en rapidité. L'enseignement de Haldir était merveilleux, les passes précises et mortelles. Un véritable plaisir. Petit à petit le bâton passait sur mes côtés tout comme il l'avait fait, je le reprenais sans vraiment savoir comment, mais il revenait dans ma main naturellement. Je réussissais à enchainer les mêmes mouvements qu'Haldir, pas avec la même agilité, mais les progrès étaient là. Glorfindel restait souvent à nous regarder et passait le plus clair de son temps à me demander en quoi cet enseignement pouvait bien me servir. Je lui répondais généralement "ce sont des choses qui me serviront avec ma nouvelle lame" à quoi il répondait gentiment que je possedais déjà un peu cette façon de combattre.

Hormis les entraînements, j'allais souvent voir Holorïn pour traiter mes cicatrices, et je prenais un ou deux sermons au passage, bien entendu... Il était devenu un ami cher à mes yeux, car partager mes angoisses était plutôt facile avec lui. Peut-être même plus qu'avec Glorfindel, son esprit était un peu plus ouvert...

- Croyez-vous à l'amour entre un elfe et un humain Holorïn ?

Il soupira.

- N'essaies pas de bousculer les choses Maliha. Laisse-les aller à leur rythme.

- Hein ?!

- Je te le redis une dernière fois, je ne suis pas aveugle.

- Ouais non mais quand même ! Il faudra que tu me dises comment tu fais.

- Je suis aussi vieux que Glorfindel tu sais, j'en ai vu des regards qui en disent long.

- Glorfindel ne voit pas autant de choses que toi.

- Il les voit, crois-moi, il n'ose pas en parler, il est bien trop renfermé pour ça.

- Je crois surtout qu'il est coincé...

- Il y a de ça, oui.

- Quel bonheur de t'avoir rencontré, je me sens un peu comme chez moi quand je discute avec toi, tu sais.

- Tu m'en vois flatté. Et pour répondre à ta question, oui j'y crois, mais laisse leur du temps. Leur situation n'est pas facile, Aragorn est mortel...

- Elle m'a dit qu'elle abandonnerait son immortalité pour lui Holorïn...

J'avais sorti ça dans un souffle. Au fond de moi, j'avais besoin d'en parler, et Glorfindel n'était peut-être pas la bonne personne. Mon cœur était toujours autant partagé entre la peur de la perdre, de voir mes deux amis mourir, et d'être heureuse de les voir s'aimer de la plus belle façon qu'il soit.

- L'amour d'un elfe Maliha, c'est quelque chose d'unique... L'immortalité ne vaut rien comparé à ça.

- Je sais...

- Et je sais que tu le sais.

- Arwen a déjà pris sa décision, elle l'a prise si vite...

- D'un seul regard, nous sommes capables de savoir si une âme nous complète.

- Je sais ça aussi... J'ai peur qu'Aragorn se braque...

- Pourquoi ferait-il ça ? Il me demande en apportant du thé.

- Et bien, le plus grand défaut d'Aragorn c'est qu'il se sous estime énormément. Depuis la découverte de sa véritable identité, il y a longtemps maintenant, il a peur de ce qu'il pourrait devenir. Et j'ai l'impression qu'il ne se sent pas digne d'Arwen.

- Aragorn deviendra un grand homme Maliha, je le lis dans ses yeux.

- Tout comme moi, mais il croit que ce destin est brisé.

- Un jour viendra, j'en suis certain.

Je lui avais souri, il continuait à masser les cicatrices dans mon dos, faisant pénétrer la crème. Quelqu'un rentra à cet instant, mais Holorïn ne fit pas attention, concentré sur sa tâche.

- Dame Maliha ?

J'avais tourné mon visage pour rencontrer les yeux noisette de Rilomë.

- Oh, Rilomë ? Comment allez-vous ?

- Très bien maDame, je viens vous prévenir que Dame Arwen vous cherche. Elle est à votre talan et vous y attend.

- Je vois.

- Nous avons pratiquement terminé Maliha, m'informe Holorïn.

- Très bien. Merci beaucoup Rilomë.

- Ne vous en faites pas, je passais seulement par là et je l'ai croisée en venant ici.

- Que puis-je pour vous Rilomë ? Demande Holorïn.

- Ça peut attendre.

- Si vous venez pour la potion de votre frère, elle est sur la table du fond, dit-il en désignant la grande table en bois.

- Oh, merci beaucoup. Cela vous dérange t-il que je la prenne en vitesse ? Je suis très en retard...

- Un rendez-vous ?

Je voyais ses oreilles rougir et mon cœur en avait bondi. Elle regardait vers la gauche d'un air gêné en serrant la petite fiole entre ses longs doigts.

- Vous n'êtes pas obligé de me répondre, je vous taquine, veuillez m'excuser.

- Ne vous en faites pas, je vous connais depuis longtemps maintenant Holorïn. Je vous laisse, merci beaucoup.

Elle était partie et moi, je restais complètement hors du temps. Ma seule pensée était de rentrer à Fondcombe le plus vite possible et de quitter cette situation déplorable. Mettre un terme à cette triste parenthèse.

- Peux-tu dégager tes cheveux Maliha ?

J'ai passé ma main pour retirer la tresse de mon dos en soupirant.

- Tu devrais les laisser lâches, tu sais. Cette tresse ne te met pas vraiment en valeur.

- J'ai autre chose à faire que de me mettre en valeur Holorïn.

- Tu n'es pas à la guerre à cet instant, il me semble.

J'ai soupiré encore sans rien répondre. J'en avais juste marre, mes nerfs étaient à vif. Tout était en train de me saouler. Caras Galadhon n'était-elle pas assez grande...? Oui, j'avais passé les trois dernières semaines à longer les murs, ça je ne m'en cacherai pas. Oui, j'avais à chaque fois pris le chemin le plus long pour aller au terrain d'entraînement, et faire en sorte d'arriver d'un côté qui me permettait de voir s'il n'était pas dans les parages. N'empêche que mon petit manège enfantin avait porté ses fruits, je ne l'avais pas croisé en trois semaines.

Je marchais en soupirant vers mon talan discrètement. Une chose était sûre ce soir, je n'irai pas.

- Ne me dis pas que tu veux te défiler ?

Arwen affichait un air plutôt fâché. J'avais tout de suite compris pourquoi elle était là, dans sa superbe robe bleue et magnifique diadème d'argent aux arabesques elfiques qui dégringolait dans ses cheveux. Le velours bleu nuit suivait ses formes à la perfection, oui, elle était sublime... Je voyais maintenant la large boîte sur mon lit et j'avais soupiré de désespoir... Je n'irai pas, niet, nada, non...

- C'est juste un banquet Arwen, personne ne prêtera attention à mon absence. De plus, je ne suis pas obligée, il me semble.

- Tu n'es venue à aucun banquet depuis le dernier bal, je te signale.

- C'est parfait ainsi.

- Dame Galadriel m'a demandé où tu étais Maliha, cette fois-ci, tu ne peux pas y échapper.

Elle avait raison, j'avais loupé tous les grands banquets ces dernières semaines, déjà parce que j'étais blessée et parce que je n'avais tout simplement pas envie. Elle était assise sur le divan, attendant sagement que je capitule. J'ai soupiré, elle m'a regardé, je l'ai regardé, bref, nous nous regardions...

Ok... J'ai retiré mes bottes et mes vêtements pour aller dans le bain...

- Tu n'auras qu'à boire ton vin et nous faire la conversation, tu sais. Aucune danse n'est prévue, c'est juste un repas de marque.

- Ouais, ouais, en gros ce truc va plomber tous mes efforts.

- Ou simplement t'en faire faire Maliha.

- Ha, ha et je suppose que tu m'as dégoté une robe ?

- Tu supposes très bien.

- Youpi...

Elle était entrée dans la salle de bain et s'est postée devant la fenêtre. Les mains derrière son dos à se triturer les doigts.

- Arwen ?

Elle soupira en s'asseyant dans le fauteuil qu'elle occupait d'habitude.

- Je crois... Je crois que mon amour est réciproque Maliha.

- Bien sûr qu'il l'est, dis-je d'un air désespéré.

- L'amour a l'air si simple pour toi.

- Je n'ai pas dit ça, je dis juste que ça crève les yeux Arwen !

- Pendant ton sommeil, nous nous sommes beaucoup rapprochés. J'étais paniquée de te voir dans un tel état, j'ai presque perdu ma meilleure amie.

- Je suis désolée... j'ai murmuré.

Elle s'était approchée pour me laver les cheveux de ses doigts délicats.

- Il m'a rassuré, il a su trouver les mots... Je l'ai laissé prendre encore plus mon cœur.

- Quand vas-tu le lui dire ?

- Je... Je ne sais pas.

- Il va falloir que vous vous jetiez à l'eau un jour ou l'autre Arwen.

- Ce n'est pas si simple...

- Si ça l'est, votre amour est réciproque, vous vous dévorez des yeux comme pas permis. Depuis combien d'années attends-tu l'amour ? Tu n'as aucune excuse pour ne pas lui dévoiler tes sentiments. Aragorn ne fera jamais le premier pas.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Il te respecte beaucoup trop, toi et Elrond. Il n'osera jamais, pour lui la chose semble impossible, à ses yeux, tu es comme la Lune Arwen, inaccessible. Qui ne le serait pas ? Legolas peut-être, ou un elfe du même rang que toi, regarde-toi, tu es merveilleuse, tu es sans aucun doute la plus belle femme que j'ai jamais vue, mon amie.

Elle rougissait, alors qu'elle passait devant mes yeux pour récupérer une serviette.

- Ne fais pas cette tête, va te regarder dans un miroir. Dans mon monde, tu serais déjà célèbre et convoitée par des centaines d'hommes.

Elle ria gracieusement.

- Tu n'as pas le choix, tu dois le lui dire. Je ne vais pas continuer à vous regarder vous tourner autour là, comme des papillons devant une ampoule.

- Une ?

- Laisse tomber...

Je sortais du bain pour récupérer la serviette qu'elle me tendait.

- Prends ton courage à deux mains Arwen. Il ne le fera pas, je le connais tu sais... Si tu ne le bouscules pas, rien ne se passera. Et puis, il ne restera pas indéfiniment ici, tu le sais très bien...

Elle était contre le flanc de la cheminée à m'écouter en se mordant la lèvre les bras croisés.

- Saisis la chance que je n'aurai jamais... S'il te plaît, tu n'as rien à perdre, mais tout à gagner...

Elle se rapprocha de moi pour me prendre dans ses bras. J'ai répondu à l'étreinte en la berçant doucement.

- Je sais que je ne suis pas une amie très présente Arwen... Je suis désolée. Je veux te voir heureuse, te voir chaque jour avec ce regard de bonheur quand il est avec toi.

- Très bien, dit-elle en me prenant par les épaules. Tu es une amie merveilleuse Maliha, merci.

- Hum... Je peux échapper à la robe alors.

- Tu as perdu ton pari, rien à voir avec l'amitié.

Perdu.

Elle avait sorti un tissu noir devant mes yeux, par tous les saints... Contre toute attente, c'était un pantalon noir... Un simple pantalon noir, large et droit. J'ai enfilé le vêtement taille haute, avec grand plaisir et sans protester. Le tissu était fluide et d'une douceur infinie.

Elle me tendit le haut, une longue tunique de soie fluide tout aussi noire. Puis me fait enfiler une lourde veste bordeaux recouverte de broderies. Elle avait de longues manches évasées à la mode des elfes surmonté d'un col Mao qui définissait mon port de tête. Les broderies qui parcouraient entièrement la veste représentaient la Lune, le soleil, des étoiles d'argent et d'or, une merveille de patience... Elle traînait légèrement par terre, le tissu était raide, je me sentais comme protégée dans cette tenue, enveloppée par le tissu lourd et sombre. Elle me tendit un sautoir monté d'une pierre verte de la couleur de mes yeux et deux grands anneaux pour les oreilles qui ne m'étaient pas inconnus.

- Ils étaient dans tes affaires, je ne les ai jamais vus sur toi, je pense que c'est l'occasion de les porter avec cette tenue.

- Mes créoles... C'est ma mère qui me les a offertes, je les portais ce jour-là, à mon arrivée... Ce n'est pas vraiment le genre de bijou que l'on porte chez les elfes...

- Aujourd'hui si.

- Très bien...

J'ai passé les anneaux dans mes trous d'oreilles. La sensation m'avait fait bizarre, j'avais l'impression d'être transportée des années en arrière. Je les sentais balancer contre mon cou, j'ai souri.

- Ça te fait un beau port de tête.

- Merci.

Je m'étais maquillée simplement, un peu de rose aux joues pour relever mon teint hivernal, un coup de mascara et de crayon noir, puis un rouge sur les lèvres. Oui ça m'avait presque manqué au fond.

- Je te fais un chignon haut ?

Je l'ai regardé dans le miroir en réfléchissant.

- Non, laissons les lâches pour une fois.

Elle avait ouvert de grands yeux, avant de passer un coup de brosse pour les lisser.

- Ça te va très bien, enfin tu les laisses un peu libres.

- C'est Holorïn qui me l'a conseillé.

- Alors comme ça on suit les conseils d'Holorïn, mais pas les miens.

- Na, na, na, j'essaie de faire un effort, tu m'as offert un pantalon, alors bon...

Je me trouvais bizarre, d'habitude, je mettais mes cheveux en chignon dès le réveil, ou les ramenaient en une tresse rapide, mais jamais il ne m'arrivait de les lâcher. C'était beaucoup trop gênant pour les entraînements, de plus ils étaient maintenant complètement blancs. Comment dire ? J'avais du mal à les assumer. Là, en les voyant dégringoler sur mon épaule et ma poitrine, je voyais à quel point ils étaient longs. Il contrastait avec la tenue sombre et cela faisait ressortir mes yeux.

- Il faudra les couper Arwen.

- Les couper ?

- Dans mon monde, j'ai toujours eu les cheveux courts, un carré coupés juste au-dessus des épaules, bien droit et net.

- Mais Maliha c'est beaucoup trop court pour une Dame.

- Je ne suis pas une Dame, je suis moi... J'ai toujours aimé les cheveux courts...

- Très bien, nous ferons ça la prochaine fois.

Elle avait ramené mes longs cheveux blancs dans mon dos pour dégager mes épaules dans un sourire et les plaquer derrière mes oreilles.

- Il est temps allons y, dit-elle.

Je m'étais levée après avoir mis les ballerines et la suivre à l'extérieur. Nous étions restées silencieuses sur les ponts de Caras Galadhon, j'entendais le tissu de ma veste sur le sol. Arwen marchait à côté de moi d'une façon si fluide et élégante, légèrement plus grande que moi d'un ou deux centimètres. Elle était d'une beauté à couper le souffle, avec ses grands beaux yeux bleus et ses cheveux brun bouclés.

- Je lui parlerai à la fin du repas, si j'en ai le courage.

- Tu auras le courage Arwen. J'en suis certaine.

Nous étions finalement arrivées devant les portes du grand salon et elle s'était arrêtée.

- Je ne le laisserai pas te rabaisser Maliha...

- Arw...

- Je sais qui il est pour toi, mais je ne le laisserai pas faire... Tu ne pourras pas me forcer à ne pas répondre. Toutes les fois ou il t'a rabroué, je n'étais pas là, mais ce soir, il ne pourra pas dire un mot sans en payer le prix.

- Cette nuit est la tienne, ne t'inquiète pas pour moi, je ne me laisserai pas faire.

Elle avait affiché un air déterminé avant d'ouvrir la porte. Ils étaient tous là, j'ai laissé Arwen passer devant moi en baissant la tête. Glorfindel est tout de suite venue à notre rencontre, mais surtout à la mienne. Il savait pertinemment que je craignais par-dessus tout ce genre d'entrée...

- Vous êtes toutes les deux ravissantes.

- Merci Glorfindel.

- J'aurai trouvé ce noir terne, mais il te met vraiment en valeur. La coupe de tes vêtements m'étonnera toujours, cela nous montre à quel point tu es unique.

J'ai tourné mon regard pour voir Estel.

- Bonsoir Estel, c'est important pour moi de rester qui je suis. Mais merci, je prends ça pour un compliment.

- Tu le peux, c'en est un.

- Tu peux aussi remercier Arwen, sans elle je ne pourrais pas rester celle que je suis.

Le bleu de ses yeux explosait en la regardant comme un bijou. Pendant un instant, je n'ai pas pu m'empêcher de les jalouser, cependant ce sentiment avait rapidement laissé place au bonheur que me procurait de les voir ainsi. Ils méritaient tout le bonheur du monde.

- Dame Arwen, vous êtes resplendissante.

Elle rougissait en le remerciant. J'ai échangé un regard complice avec Glorfindel, qui avait levé les yeux au ciel.

- Allons voir les autres, nous allons passer à table.

Glorfindel m'avait offert son bras et nous avions marché lentement vers les convives rassemblés sur les grands divans du petit salon. J'ai vu Holorïn me faire un signe de tête ainsi qu'Haldir et que Dame Galadriel et Celeborn. Ils étaient toujours dans les étoiles pour moi, ce couple était simplement parfait, je me sentais si petite devant eux. Nous nous étions approchés pour les saluer respectueusement.

- Je suis rassurée de voir que vous allez bien mieux fille d'Illuviné. J'ai ouï dire que vous vous entraîniez sans relâche et que votre lame était bientôt terminée.

- Oui, mon Seigneur, le Seigneur Haldir m'enseigne votre art du bâton, c'est un merveilleux professeur. C'est un grand honneur pour moi d'apprendre avec lui.

- Vous faites beaucoup d'efforts mon enfant, mais sachez rester une femme derrière la violence de votre tâche, me dit Galadriel avec un fin sourire. Vous êtes bien plus qu'un titan, vous savez...

- Je ne l'oublie pas, soyez rassurée.

La grande porte s'ouvrait et j'ai serré le bras de Glorfindel en les voyant rentrer. Rilomë était à son bras, vêtue d'une robe crème vaporeuse aux broderies de lierre, le diadème d'or dans ses cheveux dégringolait de gemmes vertes. Ils étaient tellement beaux tous les deux, elle était absolument sublime à son bras, mon cœur s'est écrasé et lui dans son habit de soie grise avec une longue cape de velours vert foncé.

Glorfindel posait déjà une main sur la mienne, j'ai senti la chaleur de sa peau, mais j'étais glacée.

- Il forme un très beau couple ne trouvez vous pas ? Lance Celeborn discrètement à sa femme.

J'ai avalé ma salive.

- Malheureusement, ce ne sera pas la première fois que le Prince de Vertbois-le-Grand convoite une chose qui n'est pas ce qu'attend son cœur, mon cher époux.

Ils s'étaient approchés de nous, voulant sans doute saluer les seigneurs des lieux. J'ai encore serré le bras de Glorfindel, mais il ne bougeait pas. Nous nous étions juste décalés pour leur laisser le temps de faire leur révérence et leur salutation. Le bras de Legolas passait dans le dos de l'elfe pendant ses phrases, un geste si gracieux et doux. Et le pire s'était produit, ils s'étaient retournés pour nous regarder.

- Bonsoir à vous deux, lança Glorfindel en faisant une révérence en même temps que moi.

- Seigneur Glorfindel, fille d'Illuviné, dit froidement Legolas

- Seigneur Glorfindel, Dame Maliha, je suis ravie de vous revoir, dit Rilomë en nous saluant.

- Tout le plaisir est pour nous ma Dame, dis-je. Comment va votre frère Rilomë ?

- Très bien, les potions d'Holorïn lui font beaucoup de bien, il sera bientôt totalement remis.

- M'en voilà rassurée, Armetiel est un valeureux guerrier.

- Vous devriez venir le voir Ma Dame.

- J'essaierai de passer, je vous le promets.

J'ai croisé le regard de Legolas un instant. Je ne l'avais pas revue depuis le moment où je l'avais ramené ici, mourant dans mes bras. Je voulais lui demander comment il allait, j'ai ouvert les lèvres...

- Passons à table, nous sommes au complet, lança la Dame des lieux.

Nous nous étions avancés vers la grande table, Glorfindel avait tiré ma chaise puis s'était placé à ma droite et Arwen à ma gauche aux côtés d'Estel. J'ai levé les yeux vers Legolas en face de moi. Il a détourné le regard pour parler à l'oreille de Rilomë. J'étais restée silencieuse pendant l'entrée et je ne comptais pas faire d'efforts... Les yeux baissés pour ne pas croiser le regard en face de moi.

- Maliha, j'ai entendu dire que ta lame était quasiment prête.

J'ai levé les yeux vers Holorïn assis à côté de celui que je souhaitais éviter.

- Oui, Myrimir a presque terminé, je devrais pouvoir l'essayer fin de cette semaine.

- Je dois bien avouer qu'il me tarde de la voir, lance Haldir. Les forgerons sont très discrets sur le sujet, impossible d'avoir une quelconque information.

- Vous la verrez en temps voulu Haldir, soyez patient, rétorque Holorïn.

- Vous avez une curieuse façon de combattre Maliha. Mon frère m'a dit qu'il n'avait jamais vu ça auparavant.

- Je n'ai rien d'exceptionnel Dame Rilomë, juste beaucoup de force, votre frère a tendance à en rajouter.

- Je ne crois pas qu'il en rajoute, dit fermement Haldir. Votre façon de faire est unique en son genre, je me suis toujours posé la question, où avez-vous appris tout ça ?

J'ai baissé les yeux de gênes, je ne savais pas où me mettre.

- Je... Mon monde est très différent du vôtre. Je n'étais pas une guerrière là-bas, mais par observation tout au long de ma vie chez moi. J'ai pu en appliquer certaines formes lors de ma formation et ainsi avoir ma propre façon de faire, je suppose...

- Votre culture semble extrêmement riche, les deux armes que vous portez en sont le témoignage, continua l'elfe.

- Lindir à su les réaliser très fidèlement en effet...

- Est-ce des armes très répandues chez vous ?

Cette conversation ne me plaisait pas du tout. Je ne voulais pas être froide avec Haldir, mais je ne savais pas comment l'arrêter non plus...

- En effet, ce sont des armes très basiques.

- Leur efficacité est redoutable, on ne voit absolument rien, mais pourtant l'ennemi tombe. J'aurais souhaité un jour pouvoir en tenir une.

- Maliha tient à ce que cette arme reste entre ses mains. Sa civilisation est beaucoup plus évoluée que la nôtre, ces armes sont propres à son monde, elles ne doivent servir qu'à son propre usage.

- Glorfindel...

- Je comprends... Pourrais-je juste vous regarder les utiliser, vous ne les sortez pas souvent.

- Si vous le souhaitez, cela ne me dérange pas Haldir, dis-je en souriant.

J'avais croisé le regard de Legolas, un regard froid, je voyais bien qu'il se retenait de parler. Sa mâchoire bougeait d'énervement, mais merci Valars cette conversation était terminée.

- Votre monde me paraît très étrange, fille d'Illuviné. J'ai vu ses deux armes sur vos cuisses lors de votre arrivée. De plus, votre physique est bien loin de la race humaine présente ici, la couleur de vos yeux et votre taille digne d'une elfe. Je serai curieuse de voir votre monde et sa culture, celle-ci se dégage de votre personnalité et cela m'intrigue. Pouvez-vous nous raconter certaines choses ? Je sais que vous voulez rester discrète à ce sujet, mais j'aimerais apprendre à vous connaître et beaucoup de personnes autour de cette table le souhaitent sans oser le demander.

J'ai regardé le visage de la Dame de Lórien, elle était calme et avait dit cette phrase sans aucune arrière-pensée... J'avais longtemps réfléchi à quoi dire, m'étais rappelé mon quotidien chez moi... Je devais dire du positif, ou du moins un aspect neutre de chez moi qui me plaisait.

- Et bien... Pour commencer... Nous avons très vite évolué et appris beaucoup de choses rapidement sur notre propre monde. Notre planète... Je veux dire, notre terre, est très vaste, je ne sais pas si elle est plus grande ou plus petite que la vôtre, la carte d'Arda est loin d'être complète, mais c'est un premier point de différence entre nous. Nous avons beaucoup de cultures différentes, de croyances différentes, c'est un monde très riche et varié culturellement. J'ai eu la chance de pouvoir voyager souvent et découvrir beaucoup de pays différents. Chez nous, l'homme est la race dominante, les elfes, les nains et autres créatures ne sont pas présentes sur Terre.

- Terre ?

- C'est le nom de mon monde. Nous l'avons baptisée ainsi depuis des années maintenant. Notre technologie nous a permis de voir au-delà d'elle... De percevoir l'univers autour de nous, de comprendre l'infiniment grand dont nous faisons tous partie. Mais, bien entendu, nous sommes encore loin de tout savoir....

Ils me regardaient tous avec effroi. J'ai baissé la tête.

- De quel univers parlez-vous, je ne comprends pas.,lance Haldir.

- Et bien... De l'espace...

- L'espace ? dites-m'en plus.

J'étais plus que mal à l'aise maintenant, si je continuais sur cette voie, je les perturberais plus que je ne le voudrais.

- Pourquoi êtes-vous si gênée ?

Legolas... Il me regardait droit dans les yeux maintenant en posant cette question.

- Je pense que vous ne savez pas ce que vous dites.

- Je crois que Maliha c'est très bien ce qu'elle dit mon seigneur, rétorqua Arwen gentiment.

- Je suis gênée parce que je ne sais pas si je trouverai des mots que vous serez en mesure de comprendre. Mais surtout, je n'ai pas le droit d'influencer vos croyances avec mon savoir de l'univers. Imaginez les conséquences que cela pourrait avoir si je vous informais que ce en quoi vous croyez jusqu'à maintenant est parfaitement explicable ? Je n'ai pas le droit...

Son regard me transperçait sur place et je m'enfonçais encore plus dans ma chaise.

- Donnez-moi un exemple.

J'ai cherché de l'aide dans les yeux de Glorfindel à côté de moi, mais il me fait signe de m'exécuter. Si Gandalf était là, il m'aurait protégé. Je savais que Glorfindel voulait en savoir plus sur mon monde, alors il était normal qu'il attende la réponse à la question de Legolas.

- Une fois, tu m'as parlé des étoiles Maliha. Tu as dit que les étoiles étaient des boules de feu.

À ce moment-là, je le détestais, et je me détestais de m'être emporté le jour où je lui avais dit ça. Le seul jour où j'avais craqué devant lui en lui révélant quelques petites choses de la réalité autour de lui.

- Glorfindel... Les étoiles signifient beaucoup pour vous, si je vous explique ça alors...

- Parlez, fille d'Illuviné, lança sèchement Celeborn.

J'avais depuis longtemps détourné les yeux, mais c'était pour moi un sujet assez simple au final. Si je ne rentrais pas dans le détail, ça suffirait à ne pas trop les influencer.

- Je vais devoir parler en langue commune, je suis désolée, mais il y a certains termes qui n'existent pas en Quenya ou en Sindarin, ou alors je ne les connais pas.

Ils avaient approuvé en me regardant tous avec impatience et confusion.

- Pour vous, les étoiles ont été créées par Varda, "la Reine des Étoiles" au commencement de votre monde, et ont dit que ce furent les premières lumières. J'ai même appris qu'elle les avait déplacées pour former des constellations. Pour ma part, pour nous, c'est une tout autre chose.

- Comment pouvez-vous contester ça, fille d'Illuviné ? demande Celeborn calmement.

- Chez nous, nous avons une phrase pour ça, "rien ne se crée, tout se transforme". C'est une règle élémentaire que l'on apprend à l'école et pour l'instant absolument véridique. Cette règle s'applique à tout ce qui nous entoure, alors non, pour nous, personne n'est capable de "créer" une étoile à partir de rien.

- Expliquez-vous alors.

Mes mains étaient devenues moites.

- Bien, tout d'abord, et de ce que j'ai pu lire et apprendre avec le seigneur Elrond, vous connaissez le sens de la "gravité". Tout corps ayant une masse inférieure à un autre sera obligatoirement attiré par celui-ci. Le corps le plus lourd autour de nous en ce moment est Arda, nous sommes donc attirés par elle.

Ils me faisaient un signe d'approbation.

- Les étoiles sont formées dans ce que l'on appelle chez moi "une nébuleuse", c'est un immense nuage de poussière. Ne me demandez pas d'où vient ce nuage, cela deviendrait beaucoup trop complexe. Les poussières qui forment notre nuage vont se rassembler, la plus lourde attirant les plus petites et ainsi en créer une autre plus grande et plus lourde, etcetera, etcetera... Notre amas de poussières difformes va encore et encore grossir et prendre de la masse, une masse monstrueuse qui va alors se comprimer encore et encore sur elle-même. Cette compression va créer de la chaleur, tout devient alors tellement chaud et lourd que le cœur de cet ama parvient à fusionner, chez nous appelons ce stade la "fusion thermonucléaire", les molécules s'unissent pour en former de nouvelles plus lourdes encore. À ce moment, une énorme quantité d'énergie est produite, une explosion si vous voulez, et donne naissance à une pression interne qui s'oppose à la force de gravité, le tout se stabilise donc en formant une sphère rayonnante qui brûlera pendant des milliers d'années, notre étoile est née.

Ils ne disaient rien, je me sentais mal, voire très mal. Legolas me regardait intensément sans me lâcher. Il semblait perdu, ils étaient tous perdus, j'avais débité ça en quelques secondes. Je devais bien l'avouer, ça m'avait fait un bien fou. Pendant ces quelques secondes, je m'étais sentie chez moi à discuter avec mes amis... Mais c'était loin d'être le cas.

- Je n'aurais pas dû vous raconter ça... Je suis désolée... Il y a... Je suis désolée, mais il y a beaucoup d'écarts entre vous et nous. Je déteste les mots que je suis en train de dire, je ne veux pas paraître condescendante ou vous blesser. J'ai appris énormément de choses que je ne connaissais pas depuis que je suis ici, votre richesse culturelle est immense, vraiment et nous aurions beaucoup à apprendre de votre manière de vivre c'est absolument certain. Mais, le décalage technologique est beaucoup trop grand.

J'ai découvert mon poignet pour regarder mon compagnon, mais Glorfindel m'a pris la main.

- Maliha, ne te force pas, murmure Glorfindel à mon oreille.

- Tu voulais une explication toi aussi, il me semble non ?

- Maliha...

- Je voudrais juste vous faire comprendre. L'explication que je viens de vous donner doit vous sembler aberrante. Vous avez votre vision des choses et je la respecte totalement. Mais je peux vous dire, comme un plus un font deux, que c'est comme ça que se forme une étoile et que nous l'avons vu de nos propres yeux.

- Cela est impossible, rétorque Celeborn.

Je plaçais ma main sur la table, le compagnon à mon poignet s'était liquéfié pour prendre la forme d'une plaque en verre.

- Compagnon, montre-moi comment une étoile se forme s'il te plaît.

"Oui Maliha."

Ils avaient tous sursauté en voyant l'écran de verre parler et s'allumer pour projeter une faible lueur au-dessus de lui et l'image d'une nébuleuse magnifique en couleur s'est formée.

- "Voici la nébuleuse Oméga située à 6500 années-lumière dans la constellation du Sagittaire. C'est un nid d'étoiles Maliha, puis arrive la première phase de formation. La concentration Barnard 68 en est le plus bel exemple, la masse noire au centre de cette image, représente la concentration de poussière qui sera par la suite en fusion au cœur de l'étoile. "

Il affichait ensuite un grand amas d'étoiles bleues au cœur d'une nébuleuse.

- "Et voici des nouvelles étoiles dans leur nébuleuse après les premières phases de fusion. Cette photo est le Superamas R136 dans la nébuleuse de la Tarentule, les jeunes étoiles ici, et en général, ont une quantité d'hydrogène très grande, elles sont donc particulièrement chaudes, d'où leur couleur si bleutée."

- Merci, c'était magnifique.

- "À ton service Maliha."

L'objet s'était éteint et revenait simplement à mon poignet.

- Quelle était donc cette chose ? demande Haldir. Je l'ai souvent vu à votre poignet, vous le portez constamment sur vous, mais j'étais loin de penser que c'était... Vivant ?

- Il n'est pas vraiment vivant. C'est une intelligence artificielle. Nous les avons créées à partir de nos connaissances informatiques, des modèles se rapprochant le plus possible du genre humain. Dans sa façon de penser, je veux dire, l'esprit en gros, tout en gardant la puissance de calcul d'un ordinateur classique. Nous nous servons tous les jours des IA, pour nous déplacer, pour résoudre un problème, pour effectuer une tâche particulière comme celle que je viens de lui demander, c'est outil avec un esprit pratique et réfléchi, créer pour nous assister au quotidien. Dans mon monde tout le monde à un compagnon, c'est devenu indispensable. L'IA apprend en nous observant, donc chaque compagnon est unique et adapté à son utilisateur.

Encore un silence.

- Je crois que vous avez raison Madame, il y a un gouffre entre vous et nous, dit la Dame en souriant. Je suis très heureuse d'en avoir appris un peu plus sur vous et votre monde et je pense que beaucoup de personnes autour de cette table comprennent enfin qui vous êtes vraiment.

- Je ne suis pas certaine que ce soit une bonne chose.

- Ne craignez pas de nous influencer, nous ne comprenons pas vraiment ce que vous avez expliqué. Le peuple d'Illuviné est un peuple complexe. Mais, je crois que vous avez encore beaucoup de choses à apprendre et à comprendre.

- Oui, c'est certain. Je n'ai pas la prétention de tout savoir, loin de là...

- Et je suis certaine que vous ne pouvez pas expliquer certaines des choses qui se passent ici.

- Oui en effet... Je ne sais pas comment je suis arrivé ici et encore moins votre magie. J'ai découvert un monde où notre logique n'existe pas, ou les règles que j'ai apprises ne s'appliquent pas toujours, et c'est ce qui rend ce monde unique et merveilleux, c'est ce qui me donne envie de le protéger.

- Je sais que tu feras de ton mieux mon amie.

J'ai souri à Arwen alors qu'elle passait une main dans mon dos pour me rassurer. Je suis revenue dans les yeux de Legolas. Il était calme et me détaillait comme si c'était la première fois qu'il me regardait.

- Si j'ai bien tout compris, il n'y a aucun elfe dans votre monde ? me demande Haldir alors que j'avais repris ma fourchette avec l'espoir de manger.

- Malheureusement non Haldir.

- Alors, votre monde doit-être bien triste.

- Il l'est en effet, j'ai ri doucement.

Le repas s'était poursuivi dans la calme et une bonne ambiance. J'étais plutôt soulagée je dois dire, parler m'avait retirer un poids de mes épaules. Les elfes n'avaient pas insisté sur les détails et je les en remercie grandement. Même s'ils sont durs parfois et même hautains pour les pires, il n'en restait pas moins que c'était un peuple beaucoup plus sage que nous ne le saurons jamais...

Le repas terminé, ils s'étaient rassemblés sur les divans pour conter des histoires et chanter. Je m'éclipsais sur le balcon pour prendre l'air. J'avais grand besoin de fraîcheur après ce repas plutôt tendu et riche en émotion, pour ma part du moins... Les émotions étaient toujours un problème... J'ai serré le verre de vin dans ma main en plongeant les yeux dans les arbres lumineux et magnifiques devant moi. Non, rien de tout cela ne pourrait exister chez moi. J'ai réalisé à quel point ce monde était merveilleux... La noirceur de la guerre m'avait fait oublier les premières semaines de mon arrivée ici et ce qui m'avait incité à accepter.

- Je souhaitais vous parler depuis un moment.

Je m'étais retournée, surprise et effrayée par la voix derrière moi. J'ai planté mes yeux dans ceux bleus de Legolas et en un instant mon souffle s'en était coupé.

- Excusez-moi, je ne vous ai pas entendu arriver...

Il s'était placé à mes côtés et regardait les arbres d'un regard perturbé. Dire que j'étais paniquée était un euphémisme... Le vent passait légèrement dans ses cheveux blonds et la lumière des arbres illuminait son visage, j'ai détourné les yeux pour me tenir droite vers le paysage comme un piquet en vidant mon verre d'un coup.

- De quoi vouliez-vous me parler mon Seigneur ?

- Je voulais vous remercier.

- Me remercier ?

- Malgré les différends entre nous que nous connaissons, vous m'avez sauvé la vie et je me dois de vous remercier pour cela. Je vous suis redevable pour l'éternité et...

- Vous ne me devez rien mon Seigneur.

- Je vous dois la vie.

- Je sais que rien ne pourra racheter ce que l'on vous a retiré. Alors je vous le répète, vous ne me devez rien.

Il m'avait regardé avec un regard dur et froid, mais sans haine pour une fois.

- À vrai dire, moi je vous dois plutôt des excuses, à vous et à votre père, dis-je doucement. Lors de notre dernière rencontre, je ne savais rien de l'histoire des mes prédécesseurs et je me suis permise des mots que je n'avais pas le droit de prononcer. Je m'en excuse.

- Vos excuses ne changeront rien.

- Je tenais cependant à vous les présenter, dis-je en le défiant des yeux.

Il continuait de me regarder intensément sans ciller. Je pourrais me perdre et me laisser écraser à la joute verbale, mais pas dans ce regard. Trop longtemps, j'avais détourné les yeux et l'alcool dans mes veines me murmurait de tenir bon. Mais il se passa une chose à laquelle je ne m'attendais pas, il capitula en soupirant. Posant ses deux mains sur la rambarde, bras écartés et la tête basse.

- Combien d'années...

- Pardon mon Seigneur ?

- Depuis combien d'années ne nous sommes-nous pas croisés ?

- Je dirais environ quarante ans.

Il tourna son regard vers le mien, dubitatif, mais toujours dans la même position.

- Vous aviez dit avoir quarante ans cette nuit-là... Alors aujourd'hui, vous en avez le double.

- J'ai quatre-vingt-trois ans.

- Votre visage est toujours le même.

Je souriais sans pouvoir me retenir.

- Peut-être, mais j'ai les cheveux blancs maintenant...

- Est-ce un caractère particulier de votre monde?

- C'est propre à ma race actuelle, mais... J'ai reçu le don de l'immortalité en venant ici. Dans mon monde, je serai une vieille femme, avec les cheveux blancs.

J'ai entendu murmurer et m'étais penchée sur la rambarde curieuse. Mon regard s'ouvrait, en voyant Aragorn marchant doucement aux côtés d'Arwen. Les chants lointains du salon embellissaient la vue qui s'offrait à moi. Ils étaient là, lui s'arrêtant pour prendre sa main, j'ai souri. Oubliant totalement la personne à côté de moi, oubliant le rapport de force et juste regarder le bonheur de ma meilleure amie se dessiner sous mes yeux.

- Que leur amour soit béni par les Valars, murmura doucement l'elfe à côté de moi.

- Et qu'il reste hors du temps, j'ai fini.

J'ai tourné les yeux vers lui, il me regardait durement, mais sans haine, avec quelque chose de bien plus profond. J'ai tenu quelques secondes... Juste quelques secondes... Puis je m'étais détournée sans rien ajouter, le laissant simplement là à ses réflexions.

oOo 

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