// ... Chapitre sept ... //
"Dark in my imagination" - De Vérone
L'aube du quatrième jour de voyage se lève, nous atteindrons Bree dans quelques heures. Nous avons galopé sans relâche, nous reposant que le strict minimum, selon Glorfindel, car en réalité il n'y avait que moi qui en avait besoin... Mon corps supporte très bien le voyage bizarrement, contrairement à la première expérience il y a un an. Nous avons passé Amon Sul hier soir, nos chevaux sont rapides, j'ai eu du mal à tenir la cadence au début mais je me suis habituée.
Notre trajet s'est passé sans encombre pour le moment pas d'ennemis en vue, tout va bien. Je me suis détendue petit à petit, la première nuit a été compliquée, mes sens étaient continuellement en alerte, mais à chaque fois que je me réveillais je voyais l'elfe debout à regarder l'horizon et je me sentais mieux.
Glorfindel, il est resté près de moi toute cette année, comme il l'avait promis, il s'est occupé de moi. C'est devenu mon plus fidèle ami, je me demande encore comment je ne suis pas tombée sous son charme. Il faut bien avouer qu'il est d'une grande beauté, ses traits sont la perfection même, peut-être un peu trop d'ailleurs. Son visage est longiligne avec des sourcils fins et des lèvres étirées, un nez droit et des yeux d'un bleu profond. Il a l'air jeune comme tous les elfes il faut dire, mais il y a quelque chose dans ses yeux qui donne une impression de sagesse infini.
Je lui voue une confiance aveugle, trop peut-être, mais un seul regard échangé et je sais que je le peux. Je ne sais pas ce que je ferais sans lui, peut-être ne serais-je même pas arrivée jusque-là. Aurais-je eu le courage de continuer quand je m'effondrais aux entraînements si Glorfindel ne m'avait pas poussé à bout? Je ne pense pas, j'aurai peut-être même abandonné...
Je me suis levé dans la nuit pour rejoindre mon ami en haut de la colline, le soleil allait se lever sous peu et le ciel commençait déjà à prendre une teinte rosée. J'ai soupiré en arrivant à côté de lui et croisé les bras en regardant le paysage prendre forme sous mes yeux.
- Je ne t'ai jamais remercié pour avoir pris soin de moi jusqu'ici... alors je tenais à te le dire, merci Glorfindel.
- Il n'y a rien à remercier Maliha, c'est un plaisir de t'enseigner.
- Je voulais aussi te dire que tu es devenu mon ami le plus proche. Je ne sais pas si je suis digne de t'appeler mon ami Glorfindel, mais c'est ce que tu es devenu pour moi. Merci d'être là, merci d'être autre chose qu'un professeur pour moi.
L'elfe a tourné ses yeux sur moi, j'ai rougi en rencontrant son regard perçant dans les miens.
- Cela fait longtemps que je te considère comme autre chose qu'une élève Maliha. Tu es très différente de toutes les personnes que j'ai rencontrées, tu as un franc parlé à la limite du vulgaire mais je pense qu'il était temps que je rencontre une personne qui a la force de bousculer les codes bien rouillés des elfes. Tu m'ouvre de nouveaux horizons, tu m'apprends énormément toi aussi tu sais.
- Je t'apprends des choses moi ? J'ai ri.
- Tu m'apprends à savourer les instants de camaraderie, tu m'apprends à rire de tout. J'étais un elfe bien renfermé, je suppose que l'âge et le fait d'avoir vécu deux vies, m'ont amené à être comme cela. Mais tu m'as sorti de cette routine, tu m'as montré que je pouvais être surpris de nouveau, que je ne connaissais pas tout autour de moi, qu'il y avait encore de l'espoir pour m'émerveiller devant la vie. Merci à toi Maliha, et sache que tu es aussi devenue une très proche amie.
- Merci beaucoup...
Je me suis approchée et pris l'elfe au creux de mes bras. Il a fait un pas de recul et s'est raidit avant de se détendre et de me rendre l'étreinte. Je n'ai pas senti son âme, je n'en avais pas besoin, la simple chaleur entre mes bras me suffisait à ressentir l'apaisement et la confiance.
- Tu vois... ça par exemple ça ne m'est jamais arrivé. Il a chuchoté dans mon cou en serrant ma taille.
- Il y a une première fois à tout, j'ai souri en sortant de ses bras.
oOo
Les heures défilent en même temps que le paysage, ici les collines sont vertes et remplies de fleurs et les pins ont laissé place aux chênes majestueux. J'aime énormément ce paysage boisé qui, il y a peu de temps, m'était encore inconnu. Le vent passe dans mes cheveux chargés d'une odeur de nature, le ciel est bleu et merveilleux, tout est splendide de rien, de vide, juste naturel, la nature à perte de vue sans rien d'autre. Le vent passe dans mes cheveux et j'ai respiré chaque branche, chaque herbe qui nous entourait.
Nous n'avons croisé personne, rien, il n'y avait juste nous deux, galopant seuls au milieu de l'herbe, des arbres et des oiseaux... Pas de voiture, pas de câble, ni de pilonne, pas de bitume, pas d'avion dans le ciel, rien. J'avais le souvenir d'avoir ressenti cela la première fois que j'étais partie avec Glorfindel, et je ne m'attendais pas à le ressentir de nouveau, mais pourtant mes yeux n'en étaient pas encore habitués à tant de vide, à tant d'absence de civilisation. Je me sentais presque dépassée, perdue, sans aucun repère, comme si pour une fois je ne contrôlais rien. Je galopais dans l'inconnu, je n'étais rien d'autre qu'un être vivant sur une terre qui m'accepte et non l'inverse.
J'aurai dû me sentir comme ça chez moi, j'aurai dû essayer de voir que la nature n'était pas juste une image, mais qu'en fait, nous nous imposions à elle, que c'était nous les invités...
- Nous arrivons, lance Glorfindel.
Je remarque au loin un village, nous passons au pas quand nous arrivons devant l'entrée de la ville. Glorfindel s'arrête, je fais de même. Nous laissons les chevaux.
- Mets ta capuche, les elfes et les femmes dans ta tenue ne sont pas forcément une habitude ici, dit-il.
J'obéis sans un mot et place ma capuche sur ma tête. C'était un village d'hommes, je regardais partout autour de moi. Les gens étaient habillés comme au moyen-age, c'était exactement comme dans les films, je me sentais plongée dans une série fantastique. Les maisons étaient en torchis, croisées de poutres peintes en vert foncé, bordeau ou noir, des fleurs aux fenêtres, des bouteilles en verre remplis de lait à côté de chaque porte, une odeur de "marché" dans les rues surpeuplés et le sol en pavé et terre battue.
Ça grouillait, parlait dans tous les sens, j'entendais les femmes rire à gorge déployée et les hommes crier que c'était trop cher. Les enfants couraient sans faire attention et bousculaient de nombreuses personnes en s'excusant les bras remplis de fleurs des champs.
J'étais émerveillée, je ne savais pas où poser mes yeux. La vie avait l'air si belle. Elle suivait son cours comme chaque jour, une routine bien installée de bonheur. Une simplicité qui me perd encore plus.
- C'est ici.
Je suis rentrée dans l'elfe trop occupée à regarder autour de moi. J'ai levé alors les yeux après m'être excusée rapidement, l'enseigne était un petit cheval blanc « le poney fringuant ».
Nous entrons, Glorfindel cherche du regard nos amis, une serveuse courait entre les tables en bois, distribuant des assiettes à droite et à gauche d'un mouvement bien rodé. Un grand homme est derrière le large bar, en train d'essuyer des chopes en rigolant avec les piliers dudit bar. Il règne une odeur de bière, de vin et de pain frais. Les rires me font sourire, mes pieds collent légèrement sur le sol me faisant remonter des souvenirs de ma jeunesse et des soirées bien arrosées. J'égare une main sur une table de bois pour en sentir l'essence et ferme les yeux avec émotion. Je croise quelque regard joyeux, des hommes, des femmes, tous tenant leur chope parlant ou même chantant quelque air inconnue d'un accent bien prononcé et enjôleur.
Glorfindel m'entraîne vers une table au fond ou se tient une personne encapuchonnée. On s'assoit autour de la table et l'homme lève les yeux vers nous, Elladan.
- Je suis heureux de vous voir tous les deux. Votre voyage s'est passé sans encombre ?
- Nous n'avons eu aucun problème, les routes sont dégagées.
- Tant mieux...
- Et vous, des ennuis ?
- Non aucun pour l'instant, l'enfant et sa mère sont en haut, nous irons les rejoindre. Mais avant cela je tiens à partager quelques choses avec vous.
- Très bien.
- Nous avons planifié avec Elrohir qu'il serait plus sage que nous voyagions séparément, le plus important est de mettre l'enfant en sécurité. Ce ne sera pas facile, il est très attaché à sa mère, mais je pense que vous le confier serait le plus prudent.
Glorfindel le regarde en silence, semblant réfléchir, puis se tourne vers moi.
- Qu'en penses-tu Maliha ?
- Pourquoi tu me demandes ça à moi Glorfindel, c'est ma première mission, je ne sais rien...
- Je veux juste avoir ton avis.
- Et bien, je suppose que c'est une bonne idée, nous irons plus vite à deux c'est certain, et deux cavaliers attire moins le regard que cinq... Il y a des avantages à être en nombre, mais pas pour la rapidité et la discrétion.
- Je suis d'accord, cela me semble le mieux en effet. Allons les rejoindre.
- Je suis doucement Glorfindel et Elladan à l'étage, nous rentrons dans une chambre discrètement.
La chambre est plus que sobre... Un lit, une petite table avec deux chaises, une fenêtre, la simplicité même.
- Ah ! Maman, amis ! Les cris de l'enfant me surprit au plus haut point après autant de discrétion pour arriver jusqu'ici.
- Aragorn ! Chut, il ne faut pas faire de bruit. dit la mère, Gilraen je suppose, en le prenant dans ces bras.
- Vous voilà enfin. lance Elrohir.
Il me jéte un regard noir, comme à son habitude, je lui en renvois un en croisant les bras.
- Je leur ai expliqué le plan en bas, lance Elladan
- Alors vous allez réellement nous séparer ? demande la dame.
- C'est le mieux à faire en effet madame. dit doucement Glorfindel. Maliha et moi-même passerons inaperçus et voyagerons plus vite que vous. Votre fils sera en sécurité avec elle.
Je me tourne en regardant incrédule Glorfindel dire ces mots. Pourquoi moi ? Me confier cette tâche alors que je suis dehors pour la première fois ?
- Je ne sais pas... je commence.
- Qui est cette femme au juste ? Je ne confierai pas mon enfant à cette personne sans savoir qui elle est. Je vous fais confiance, mais celle-ci a des limites.
- C'est Maliha fille d'Illuviné madame, elle est la Titan désignée par les Erus pour cet Âge.
J'ai perdu le fil de la conversation, submergée par les mots. J'étais en panique. Glorfindel me pose une main rassurante sur l'épaule.
- Je vous donne ma parole en disant que c'est la personne la plus qualifiée pour cette tâche.
L'elfe me lança un regard plein d'encouragement avant de se retourner vers la dame. J'ai soupiré et souri avant de me lancer.
- Enchanté Dame Gilraen, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour protéger Aragorn, dis-je en penchant légèrement la tête en signe de respect.
- Alors c'est vrai, les heures sombres de ce monde sont de retour, votre venue présage de très mauvaises choses malheureusement. Mais, les victoires de vos prédécesseurs ne sont plus à prouver, alors, j'ai confiance, j'accepte de vous confier mon fils, puissiez-vous le protéger jusqu'à Imladris.
Elle s'approcha et me tendis l'enfant, qui râla en tendant les bras vers sa mère bien vite.
- Aragorn, dit Gilraen, tu dois rester avec cette personne, elle veillera sur toi jusqu'à ce que j'arrive à mon tour à Imladris, tu ne dois jamais t'éloigner d'elle, tu m'as bien compris mon amour ?
Aragorn ne dit rien et me regarda fixement, ses yeux étaient d'un bleu magnifique, il serait probablement très bel homme avec un tel regard. Il fait un signe de tête à sa mère et reste tranquillement dans mes bras. Je n'étais pas du tout habituée à tenir un enfant, je me suis toujours dit que je n'en aurai pas. Trop de travail et puis vu l'état de la planète c'était une très mauvaise idée, beaucoup de gens avaient pris cette décision malheureusement. Qu'allions-nous laisser à nos enfants sur cette terre polluée et aride ?
Mais là quand je le vois dans mes bras, la tristesse me prend. Je n'ai pas pensé à cela avant, depuis que je suis ici c'est la dernière chose à laquelle j'aurai sans doute pensé avant ce moment. Mais ici, sur cette Arda, peut-être... J'ai soupiré en rangeant une mèche claire derrière son oreille.
Son visage est si beau avec ses petites joues roses, ses sourcils tout fins, ses cheveux châtains clairs bouclés, son nez petit nez rond et ses petits doigts qui s'accrochent à mon cou. Je lui souris en le dévorant des yeux, il étire gentiment les lèvres à son tour.
- Il faut y aller, annonce Glorfindel.
- Oui allons-y, dis-je doucement en berçant Aragorn dans mes bras.
- Soyez prudent, que la grâce des Valars vous accompagne mes amis, lance Elladan.
- Soyez prudente Maliha, cet enfant est précieux, soutient Elrohir d'un ton grave.
Je me retourne en le toisant. Il me dévisage avec son regard sévère habituel.
- Je pense savoir ce que j'ai à faire et je connais également les enjeux, merci.
- Allons-y Maliha, dit Glorfindel en prenant mon bras.
La reine s'approche de moi le regard suppliant avant de prendre une main de son fils qui la regarde à son tour les larmes aux yeux.
- Je vous en supplie, c'est la seule personne qu'il me reste, il est tout mon être...
- Je vous jure de le protéger au péril de ma vie, vous avez ma parole madame.
Nous descendons les escaliers, je place la capuche d'Aragorn sur sa tête, nous sortons de l'auberge et plongeons dans le brouhaha de la foule. Aragorn tremble légèrement dans mes bras posant sa tête sur mon épaule.
- Hey, ne t'inquiète pas, ta mère va nous suivre de près, tout va bien se passer.
Il me regarde avec ses grands yeux bleus remplis de larmes. J'en retire une du coin de ses yeux et lui embrasse la joue avec un grand sourire.
- Comment c'est Imladris madame ?
- Oh tu verras, c'est beau comme dans un rêve. Et il y a plein de choses amusantes à faire. Comme embêter ces bons vieux elfes. je chuchote à son oreille avec un sourire malicieux.
Il rit en regardant Glorfindel, qui nous renvoie un air épuisé.
- Les elfes me font peur...
- Oh, pourquoi ça ?
- Et bien... Ils ont l'air méchant.
Je ris de bon cœur.
- Ils ne sont pas méchants, ils sont juste trop sérieux vois-tu, parfois il faut les taquiner pour voir leur vrai visage.
Ses larmes ont cessé de couler au fil de la conversation et nous avons regagné les chevaux.
- Je te présente Liméas. Liméas je te présente Aragorn.
La jument a reniflé l'enfant qui lui touchait les naseaux doucement. Ces oreilles se sont redressées de bienveillance et Aragorn à fait une légère révérence en riant.
- Ne t'inquiète pas, elle est très gentille et nous amènera à bon port très vite.
- Je tiens Aragorn d'une main contre moi et me hisse sur ma jument d'un geste souple. "Bon écoute, nous allons galoper vite, d'accord, n'ai pas peur Liméas est une jument merveilleuse, elle ne nous laissera jamais tomber. lui dis-je ramenant encore ses cheveux bruns derrière ses oreilles. "Je suis certaine que tu es quelqu'un de très courageux, n'est-ce pas ?"
- Hum...
- Mais oui tu es très courageux. je lui souris.
Il rit quand je lui touche le bout du nez.
- Allons-y, dit Glorfindel.
oOo
Nous commençons à partir au grand galop, Aragorn est très sage et ne bouge pas devant moi, une de mes mains reste autour de lui pour le maintenir et l'autre sur les reines. Nous avons avalé des miles et des miles en très peu de temps mais la nuit tombe très vite. Aragorn a très bien mangé cette première nuit et s'est endormi comme une souche. Je l'ai enroulé dans une couverture au creux d'un arbre avant de rejoindre l'elfe qui observait les environs comme à son habitude.
- Je suis surprise, il est tellement calme et ne se plaint pas...
- Peut-être qu'il sent que s'il t'énerve de trop tu lui tordras le cou avec seulement deux doigts, ris doucement l'elfe.
Je lui claque l'épaule avant de rire avec lui. Je l'ai regardé quelques instants. Cet elfe sans âge et sans attache hormis celle de ne pas avoir encore sentie l'appel de la mer.
- Aimerais-tu avoir des enfants Glorfindel.
- Il faudrait dans un premier temps que je rencontre l'elfe de ma vie Maliha.
- N'as-tu vraiment jamais rencontré une elfe qui t'attire mon ami ?
- Je n'ai jamais vraiment pris le temps de regarder autour de moi.
- Tu vas me dire qu'après des milliers d'années de vie tu n'as pas eu le temps ?
Il me regarde avec des yeux rieurs quand je serrais mes mains derrière mon dos avec amusement.
- Il est vrai que j'ai eu du temps oui, de ce point de vue là.
- Je suis certaine qu'une des nombreuses dames d'Imladris qui te regarde en secret devrait finir par attraper ton cœur.
- De nombreuses dames ?
- Tu as la cote, mon ami.
- Oh voyez-vous ça et puis-je savoir qui sont ses dames si discrètes ?
- Je ne te le dirais certainement pas, mais il faudrait déjà que tu ouvres les yeux. Elles ne sont pas si discrètes tu sais.
- Comment sais-tu cela ?
- Sache que c'est la spécialité de mon sexe de bavarder inlassablement de celui opposé et cette règle n'échappe pas aux elfes.
- Je vois... Je serai plus attentif.
- Tu ferais bien en effet.
Un silence passe.
- Et toi ?
- Moi ?
- Veux-tu des enfants ? me demande l'elfe sous mes yeux surpris.
- Oh... Et bien, si j'étais encore sur Terre je suppose que la réponse serait un non catégorique.
- Pourquoi ? Me demande-t-il les sourcils froncés.
- La Terre n'avait plus rien à offrir à des enfants... Et je ne voulais pas perpétuer nos erreurs... Même si je ne pouvais rien faire, une voix au fond de moi disait qu'il ne fallait pas perpétuer l'espèce humaine. Nous avons eu notre chance... Nous avons fini par la gâcher... Mais ici, je ne sais pas, je n'y ai jamais pensé et puis je suppose que j'ai le temps, je souris. Je préfère ne pas y penser, beaucoup de choses vont se passer avant d'en arriver à cette question.
- Je vois, dit-il. Va te reposer, nous avons encore du chemin.
- Bonne nuit mon ami.
- Bonne nuit Maliha.
oOo
Nous repartons pour le dernier jour, il est quinze heures au vu du soleil qui descend lentement mais qui reste quand même haut dans le ciel. Aragorn a été adorable et tellement sage pendant trois jours, c'est un enfant béni des dieux. Il s'endort parfois dans mes bras l'après-midi, bercé par le rythme de Liméas, mais ne râle jamais.
Moi qui n'avait jamais vraiment aimé les enfants, je suis tombée sous le charme de ce petit être dans mes bras avec ses joues rouges et ses beaux yeux bleus foncés.
- Maliha ! crie soudain Glorfindel, sur ta droite, à douze heures, des cavaliers Wargs !
Je regarde sur mon flanc droit et vois au fond quatres cavaliers montés sur des loups géants, si on pouvait appeler de telles choses des loups... Ils approchent à grande vitesse. Glorfindel sort son épée et diminue son allure. Je reste indécise, un peu perdue, puis mon cœur accélère en revenant à la réalité.
- Avance, je m'en occupe ! lance l'elfe sous mes yeux perdus.
- Glorfindel, tu n'y arriveras pas tout seul ! je crie soudain paniquée en les voyant arriver toujours plus vite.
- Tu dois avancer avec Aragorn Maliha, c'est notre priorité, je vais les ralentir ! Continue aussi longtemps que tu le peux en forçant l'allure.
Il s'éloigne avant que je n'ai le temps de répliquer, mes yeux se posent sur l'enfant contre moi qui me regarde avec effroi. La panique me glace les os, ne pouvions-nous pas arriver sans encombre, sans croiser personne comme à l'aller ?
Je ferme les yeux essayant de garder mon calme, diminuer mon rythme cardiaque que j'entendais maintenant raisonner dans mes oreilles. Je sens le vent fouetter mon visage, Aragorn serrer ma veste et le choc des sabots de Liméas sur le sol. L'adrénaline envahit mes veines et j'ouvre les yeux sur le paysage qui défile à grande vitesse autour de moi. Sur ma droite, Glorfindel qui galope vers les Warg, son sabre brille sous le soleil, d'un grand mouvement il en décapite un, le sang gicle autour de lui.
Je serre le petit être dans mes bras, peut-être pour me rassurer à la vue du sang. Mon souffle se coupe, reste bloqué au creux de ma gorge. C'est la deuxième fois que je vois du sang, la deuxième fois que je vois la vie être arrachée sous mes yeux. Aragorn bouge et me sort de la torpeur.
- Aragorn, écoute, nous allons accélérer d'accord, tiens toi bien à Liméas, surtout tiens-toi de toutes tes forces, si je dois me défendre il faudra que je te lâche d'accord ?
- Oui, dit-il les larmes aux yeux.
- Tout va bien se passer, je suis là pour te protéger, accroche toi, tu es très courageux. Plus vite Liméa !
Nous galopons plus vite, la jument passe à la vitesse supérieure, je ne me retourne pas, les ordres de Glorfindel étaient simples, avancer. Au bout de quelques minutes j'entends un souffle rauque parvenir à mes oreilles, la sueur froide passe dans mon dos en regardant derrière moi et remarque le Warg qui nous poursuit et nous rattrape.
Le moment est venu, appliquer ce que Glorfindel avait mis un an à m'apprendre. Donner la mort.
- Aragorn, tiens-toi à Liméas.
Je le lâche, le vent passe sur mon ventre et prend l'épée derrière moi avec courage. Le Warg arrive sur ma droite, se place à ma hauteur, je sers Nordeline dans ma main et serre les dents.
A cet instant je sais que je vais retirer la vie pour la première fois, je vais tuer... L'idée tourne dans ma tête alors que je regarde la créature horrible grogner et baver d'une manière immonde.
Me penche vivement, Liméas se sert instinctivement contre le Warg d'un seul coup me permettant de faire un mouvement ample et horizontal vers l'arrière. J'ai vu la tête se détacher de ses épaules sans résistance et ma lame suinter de sang noir. J'avale ma salive avec dégoût, mais remarque le loup qui essaie de mordre la jument.
Mon esprit s'est arrêté, il n'y avait que l'idée de tuer dans ma tête, celle de protéger l'enfant. Donner la mort est devenu une nécessité et y réfléchir ne servait à rien...
Je prends un instant mon élan posant ma main sur la selle et me propulse hors d'elle, écoutant seulement l'instinct, oubliant la survie.
J'ai gardé une main en contact avec Aragorn et pose mes pieds sur la selle du loup. Je tourne Nordeline dans ma main et la loge sous son cou et tire vers l'arrière de toute mes forces. Sa tête immonde se coupe net au mouvement, me faisant presque sourire en reprenant mon souffle et remonte en selle, le cœur battant.
Alors c'était ça se battre, il fallait simplement que je tue ce loup et je l'ai tué, l'histoire s'arrête là. Un bruit strident frôle mon oreille, une flèche. Un autre Warg est à nos trousses, Glorfindel le poursuit, la lame serrée dans sa main.
- Aragorn, tiens-toi bien à Liméas je n'en ai pas pour longtemps.
Je me suis mise accroupie sur la selle en attendant que le loup arrive tranquillement puis quand celui-ci est assez proche, m'élance à terre en prenant soin d'entraîner l'orc avec moi. La poussière m'entoure, la douleur n'a durée que quelques secondes, j'ai roulé encore entraînant l'ennemi avec moi et fini par me relever, lui aussi d'ailleurs. Il n'a pas le temps de dire « ouf » que son bras gît déjà par terre rejoint bientôt par le reste du corps éventré de haut en bas. J'avais imaginé le bruit d'une lame qui lacère un corps, mais la réalité était bien loin des films, le bruit était sordide à la fois humide et net. J'ai regardé le corps à mes pieds quelques secondes sous le choc de ce que la colère avait accompli. Une main sur la bouche, le goût de l'effort mortel sur la langue, mais je suis sortie de mon trouble en entendant Liméas.
Le loup continue de la poursuivre, je me retourne et vois Glorfindel me tendre la main arrivant vers moi au galop. Je la prends au vol, sens la force de l'elfe sur mon bras qui me hisse souplement et atterrie sur la croupe de son étalon dans un mouvement aérien.
- Occupe-toi de rattraper Liméas, je m'occupe du Warg, dis-je en me penchant sur l'épaule de Glorfindel.
- Très bien. dit-il.
Glorfindel ordonne à son cheval d'avancer plus vite et nous finissons par le rattraper. Arrivée à sa hauteur, je reprends mon élan et saute, mes pieds touchent le sol, prends appuis dans la terre et attrape une lanière de la selle. Il se stoppe instantanément et j'encaisse le choc. Je prends sa tête entre mes mains, évitant les coups de dents et la tourne d'un coup sec. Il tombe raide mort à mes pieds.
Le combat est terminé, j'halète encore sous l'adrénaline qui circule dans mon corps, mes mains tremblent et ma gorge est sèche. L'odeur du loup est immonde et me tord le ventre. Mes jambes deviennent coton et je tombe à genoux en reprenant mon souffle. Regarde un instant mes mains, la sueur est mélangée au sang noir et aux poils du loup, elles sont mouates et brulante. Je les ai essuyées sur mes habits pour me débarrasser de la vue et de l'odeur qui semblait en être imprégnée avec une légère panique dans le cœur.
- Tu t'es bien battu Maliha.
Je lève les yeux pour voir Glorfindel à terre tenant les rênes de Liméas. J'ai regardé mes mains, elles avaient encore du sang noir et mon cœur paniqué de nouveau. Je me suis levée, un pas, puis deux, mais le paysage a tourné autour de moi et la même nausée me prend. Titubante, je me penche en avant tenant fermement mes genoux.... mais rien ne sort. Les spasmes sont puissants, mais rien d'autre ne vient excepté la sueur et les bouffées de chaleur insupportables. J'ai senti la main de mon ami caresser doucement mon dos tremblant.
- Ne t'inquiète pas c'est parfaitement normal. C'était ton premier vrai combat.
- Je... Je sais...
Je me suis redressée en me tenant à son épaule.
- Respire à fond, fait le vide.
Il m'a fallu plusieurs minutes pour me faire à l'idée de ce que j'avais fait. J'ai regardé Glorfindel qui affichait un visage compréhensif.
- Je n'arrive pas à croire que c'était si simple...
- Simple ?
- Je veux dire, je n'ai pas eu à réfléchir... Je pensais qu'enlever la vie devait être un rituel, que c'était important... Mais en réalité, on y pense même pas le moment venu. On fait juste le geste par nécessité... C'est comme un automatisme, c'est effrayant Glorfindel...
J'ai encore serré l'épaule de l'elfe en avalant difficilement ma salive.
- Tu te souviendras de chaque vie...
- Quoi ? je l'ai regardé avec stupeur.
- Malgré le nombre, les années, les guerres, même si cela semble être un automatisme, car oui pendant le combat s'en est un. Tu te souviendras de chaque mort que tu feras, ça te semble fou, mais tu verras que j'ai raison.
- C'est rassurant... dis-je en affichant un sourire amer.
- Je suis désolé...
J'ai tapé son épaule avant de tourner les yeux vers Aragorn qui tenait la crinière de Liméas fermement entre ses doigts.
- Espérons que ce soit toujours pour de bonnes raisons alors.
- Certainement. Sourit l'elfe.
J'ai finalement fini par remonter sur Liméas derrière Aragorn.
- Tu as été très courageux Aragorn, dis-je en lui ébouriffant les cheveux.
J'ai un goût amer dans la bouche. Le pire c'est que sur le coup, je n'ai pas hésité une seule seconde, je n'avais aucun remord à enlever une vie... J'ai même trouvé ça... facile... Je pensais avoir de la pitié, avoir peur... Mais rien, dans le moment présent, n'a traversé mon esprit à part la volonté de tuer l'ennemi.
oOo
Nous avons rejoint Fondcombe à la tombée de la nuit, traversant le pont à grande allure. Elrond, Arwen et Gandalf nous attendaient à la fin de celui-ci. Glorfindel a mis pieds à terre rapidement et j'ai serré Aragorn dans mon bras avant de faire de même.
- Par les Valars vous voilà enfin, lance Elrond. Avez-vous fait bonne route ?
- Malheureusement non mon seigneur. Des cavaliers Wargs nous attendaient aux frontières d'Imladris, par chance nous avons réussi à les éliminer.
Les trois hommes ont continué leur discussion sur la future sécurisation des frontières à prévoir.
- Comment va l'enfant ? Me demande Arwen en s'approchant.
- Il a été très courageux, hein Aragorn, tu as été très courageux ?
Il ne répond pas en regardant Arwen avec de grands yeux.
- Je te présente Arwen Undomiel, l'étoile du soir, c'est l'elfe la plus gentille de Fondcombe tu sais, et aussi la plus belle.
L'enfant a détourné les yeux en se cachant timidement dans ma cape.
- Aragorn ne fait pas ton timide.
- Qu'il est mignon avec ses beaux yeux bleus.
- Oui et tellement sage je dois dire, un véritable petit ange, dis-je en caressant son cou.
- Il doit être fatigué.
- Sûrement, nous avons eu un voyage éprouvant, surtout pour lui.
- Et pour toi aussi si j'ai bien compris vous avez été attaqué.
- Oui, heureusement nous nous en sommes sorties rapidement.
- Laissons les hommes parler entre eux, viens avec moi nous allons coucher ce petit ange.
Nous avons salué les trois hommes avant de partir dans les rues de Fondcombe, Arwen avait aménagé les quartiers voisins au miens pour l'enfant et sa mère. Après avoir essayé de le coucher dans le petit lit qui lui était attribué, nous avons abandonné l'idée. Aragorn ne voulait pas se détacher de mes bras. Ses pleurs étaient intarissables quand nous le laissions seul dans la chambre, j'ai finalement abandonné l'idée de dormir seule cette nuit. Aragorn s'est endormi en quelques secondes une fois certain que je resterai là toute la nuit.
oOo
Note d'illustration: Rafael Castorena
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