// ... Chapitre dix-neuf ... //
"Time - Jungle"
J'ai descendu doucement les marches de la tour pour arriver en bas sans m'en rendre vraiment compte. La mort s'étalait à mes pieds, mais nous avions gagné cette guerre. Oui, nous avions vaincu le mal aujourd'hui. Pourtant, rien n'arrête mes larmes, qui coulent contre mon gré. J'ai marché en évitant les cadavres dans un silence de mort.
« Maliha, si toutes les vies encore debout sont là, c'est aussi grâce à vous. La vengeance de Thorin, le destin de cette lignée n'est en aucun cas votre fait. Votre tâche est de sauver le plus grand nombre de vies possible et non de les choisir... »
Les mots du magicien revenaient en boucle dans ma tête, essayant de me faire une raison, mais en voyant le carnage, y avait-il encore assez de vie sauve ? Je ne vois que la mort, sous toutes ses formes. Les corps en charpies, les flaques de sang, les visages défigurés, les membres arrachés, tout s'étale à perte de vue sous mes yeux brouillés par les larmes.
La perte de mes amis me fend le cœur, le souvenir de Tauriel tenant Kili dans ses bras, Fili tombant dans la neige sans vie, Thorin en sang aux côtés de Bilbon. Les images tournent dans ma tête et aspirent les dernières gouttes de lumière.
Je sens une présence derrière moi, mais ne me retourne pas. Je n'ai vraiment pas envie de faire face, pas la force de sortir un mot. Pour dire quoi au juste ; ma seule envie est celle d'être seule dans mon désespoir. La personne s'arrête à mes côtés sans rien dire. Je continue de perdre mon regard sur les cadavres, les elfes, les nains, les orcs... Aurais-je encore la force de voir ça ?
Dans mon monde la mort est invisible, ce n'est qu'une idée. Une idée lointaine que je n'avais vu que dans les films ou aux infos. Maintenant la réalité est là, devant moi.
Au cours de mon ancienne vie, mon devoir était de concevoir des armes toujours plus efficaces, toujours plus mortelles... Je me rends compte aujourd'hui ce que ça fait d'en avoir une entre les mains et ce que cela peut engendrer. Un véritable carnage. Je m'en veux tellement à cet instant. D'avoir été un maillon dans la chaîne de la mort. Je m'étais toujours dit que c'était pour protéger mon pays, protéger les miens. La réalité est tout autre et elle me glace le sang comme jamais.
Mes yeux ne coulent plus et j'ose alors tourner la tête vers la personne qui reste silencieuse. Je croise alors les yeux bleus de Legolas. Je le scrute de haut en bas, il est dans un état aussi pitoyable que moi, des gouttes de sang noir un peu partout et le visage recouvert de poussières. Son regard ne laisse rien transparaître, toujours froid et nous regardons, ne sachant que dire. Je baisse alors les yeux sur les morts à mes pieds, incapable de tenir face à ce regard trop dur. Comme s'il lisait mes fautes. Celles d'avoir été une ignorante.
- Je ... je commence, mais ma gorge s'étrangle.
Je sens les larmes et la tristesse m'envahir encore, mais aussi celle de la culpabilité. Pourquoi je n'ai pas pu en sauver plus ? J'aurais pu être plus forte, être plus féroce encore. J'ai perdu mon visage dans mes mains pour cacher mes larmes de l'elfe qui doit me dévisager avec mépris. Mon cœur ne sait plus où il en est. La tristesse de la guerre, la perte de mes amis, mon attachement grandissant pour cet elfe, que je ne comprends même pas. Ce mélange est tellement contradictoire et horrible que j'en perds pied.
Je le regarde encore, il est tellement beau ce bleu, malgré la froideur de son expression, on se sent entouré par une chaleur de bien-être. On oublie tout dans cet abîme aux couleurs océan. Son mal-être, ses erreurs, son anxiété et sa tristesse.
La douleur de sa lame me revient. Pourquoi est-il là ? Pourquoi me regarde-t-il comme ça ? N'en a-t-il pas assez vu ? Non, il faut en plus qu'il me rappelle combien de morts je n'ai pas pu sauver. La mort de Thorin, Fili et Kili, comme son père ? Me faire regretter ce que je suis devenue...
De toute façon je n'ai pas besoin de son aide pour ça, c'est déjà le cas.
Je le détaille une dernière fois, ces yeux et son visage. L'aura qu'il dégage fait frissonner et fondre mon cœur sans même m'en rendre compte. Mais je dois enfouir tout cela, l'enfouir avant d'en ressentir plus, je n'ai pas le choix. C'est ma seule option.
Je fais un signe de tête respectueux, qu'il me rend, puis commence à marcher droit devant pour rejoindre la cité des nains sans me retourner.
oOo
Le roi est mort, l'ensemble de sa descendance aussi, une lignée entière éteinte. Pieds d'acier a été proclamé roi sous la montagne. J'étais là, parmi les nains à pleurer Thorin, Fili et Kili en passant entre les tables de pierre où était posé leurs corps sans vie. Mais je crois que mon âme s'est enfuie. Elle est partie réfugier sa tristesse derrière un mutisme impénétrable, dans l'ombre rassurante. Plus les secondes, les minutes et les heures défilaient, plus je sentais mon âme s'enfuir dans l'obscurité pour ne plus souffrir.
J'ai enlacé Bard lui priant de prendre soin des hommes. Devenu seigneur de Dalle et de LacVille, titre qu'il mérite bien plus que d'autres hommes que j'ai pu connaître. Bard reste et restera un homme droit et juste, j'en suis persuadée.
- Que vas-tu faire Maliha ? me demande-t-il.
- Je vais rentrer à Fondcombe et retrouver mon maître.
- Tu peux rester parmi les hommes ici, tu sais.
La tentation était grande oui, mais la simple idée de me dire que je le verrai vieillir puis mourir m'est insupportable. Je ne le supporterai pas, pas après cette guerre. Je sais maintenant que je suis incapable de vire parmi les hommes...
- Je ne peux pas faire ça Bard. Je suis un titan, ma place doit rester auprès des elfes.
- Tu seras toujours la bienvenue ici, mon amie.
- Prends soin de toi et de tes enfants Bard, profite de cette nouvelle vie.
- Je n'y manquerai pas.
Bard est typiquement le genre d'hommes que j'aurai pu aimer, mais ça aussi ça m'est refusé. Tout est tellement sinistre, ma vie est sinistre.
Je suis restée avec Gandalf sur une partie du chemin de retour jusqu'au départ de Bilbon. Je n'ai pas beaucoup parlé pendant le voyage, mais personne ne l'a vraiment fait... Nous étions tous trois peinés des ravages de la bataille, Bilbon tout comme moi avions laissé une partie de notre innocence derrière nous lors des six derniers mois. Il ne sera plus jamais le même, je le lis dans ses yeux, quelque chose a changé et le ronge. La guerre a laissé des marques indélébiles au fond de nous.
Nous sommes arrivés dans le comté au milieu de l'après-midi. Le ciel était sans nuages et le soleil magnifique. Une journée parfaite...
- Je ne vous oublierai jamais, me dit Bilbon, me sortant de mon mutisme. Venez me voir si vous en avez l'occasion, vous serez toujours la bienvenue à Cul-de-sac.
- Je reviendrai avec grand plaisir Bilbon, j'espère également vous revoir. Je ne vous oublierai pas non plus mon ami.
- Prenez soin de vous Maliha.
- Vous aussi Bilbon, vous le méritez.
Je lui souris faiblement en le regardant partir vers chez lui. « Chez lui », vais-je rentrer chez moi ? Fondcombe est-elle ma maison ? Gandalf me posa une main sur l'épaule.
- Je vous quitte aussi Maliha. Faites bonne route et ne désespérez pas, la mort est partout par les temps qui courent et quelque chose me dit que le plus dur est à venir. Reposez-vous, récupérez vos forces et ne vous laissez pas gagner par trop de peine.
- Je vais essayer Gandalf, lui faisant un triste sourire.
- À bientôt.
- À bientôt mon ami.
J'ai fini par prendre la route pour Imladris seule. J'ai galopé aussi vite que j'ai pu, déversant des larmes dans la pluie et la nuit encore et encore. Mon cœur ne sera plus jamais le même. La tristesse, l'attachement naissant, la perte, tant de choses l'ont traversé, qu'il est épuisé. Trop d'émotions sont passées dans mon cœur, plus qu'il ne peut supporter.
oOo
Après plusieurs jours de traversée en solitaire, laissant mon âme se dissoudre dans la noirceur de la tristesse, j'arrive finalement à Fondcombe. Glorfindel est là à m'attendre après le pont. Son regard est dur et plein de questions avant même que je n'arrive à sa hauteur. Je crois même voir passer de l'inquiétude quand nos regards se croisent. Je suis incapable d'être heureuse à cet instant, mon âme est trop loin pour que je ressente une émotion positive.
Je saute à terre et marche doucement vers lui sans rien paraître. Nous nous fixons pendant de longues secondes sans qu'aucun de nous deux ne parle. La tristesse remonte et je détourne les yeux, ne pouvant plus supporter les siens qui m'ont percé à jour. Glorfindel lit en moi, comme tous les elfes, je ne peux rien cacher.
Dans un élan sans retenue, je me jette dans ses bras. Je voulais juste sentir son aura réconfortante. Le soleil émane de Glorfindel, une chaleur de bien-être, comme les rayons d'un soleil de printemps. J'enfouis mon visage dans son cou et recommence à pleurer quand je sens passer ses bras autour de moi. Je ressens le réconfort qu'il m'envoie, sa bienveillance et sa chaleur.
- Maliha, il murmure à mon oreille en serrant son étreinte. Ton âme est lourde et débordante de peine... Bien qu'il y soit une partie que je ne peux voir...
Il faudra que tu m'expliques comment vous les elfes pouvez lire l'âme humaine comme dans un livre... je murmure.
- Dis-moi juste pourquoi tu es dans cet état ?
Je soupire en cherchant les mots, mais rien ne me vient. Les images remontent en moi, le sang, les cris, les morts à mes pieds, la perte, la haine, l'attachement... Glorfindel ressert son étreinte, regardant les images comme dans un livre ouvert. Il soupire.
- J'espère juste ne pas revivre ça avant des années, par pitié, donnez-moi du temps...
- Nous ne pouvons pas savoir... J'en suis désolé.
Je soupire dans son cou en le serrant un peu plus.
- J'ai besoin de me reposer Glorfindel. Je suis fatiguée... Trop de morts, trop de sang...
- Repose-toi autant de temps qu'il te faudra Maliha, tu as fait du bon travail, tu as honoré ton devoir, sache-le.
- J'aurais dû faire plus...
- Ne te blâme pas avec des « j'aurai ». Tu as fait ce que tu devais faire.
Je m'écarte de ses bras et croise son regard rempli de tendresse et d'inquiétude.
Ce n'était pas une aventure, c'était une épreuve. Une épreuve qu'il me faut encaisser, tirer des leçons et de l'expérience. Je dois forger mon cœur, mettre une barrière contre la souffrance, la perte et même à l'attachement visiblement.
Thorin, Fili, Kili... Voir ses amis mourir... Combien de fois vais-je devoir vivre ça... Comment échapper à la perte des êtres chers ? Faites que mon cœur se taise, faites qu'il oublie, faites qu'il oublie tout, je vous en conjure Valars.
Une fois arrivée dans ma chambre, écoutant le silence autour de moi, la réalité me frappe. Le contraste est saisissant et glaçant. Et voilà ? C'est fini je suis « juste » rentrée ?!
Je pose mon sac sur la chaise d'un mouvement lasse. Mon esprit n'arrive pas à passer du sang, à ma chambre... Là, en cet instant, mon cœur ne comprend pas le changement radical, comme s'il ne s'était rien passé. Que tout est simplement revenu à la case départ et hop, on passe à autre chose ?! On oublie ?
Je me laisse lourdement tomber sur le lit et recommence à verser des larmes de douleur. Mon âme coule encore vers la noirceur et s'enfonce dans l'ombre de nouveau.
oOo
Vous vous êtes déjà dit que vous aimeriez changer de réalité ? Ça m'est déjà arrivé avant d'être ici, souvent même. Je trouvais mon monde fade et bourré d'intolérance. Notre technologie nous a déshumanisés petit à petit, projetant la réalité à travers un écran. Ce qui avait été créé pour nous rapprocher a finalement fini par nous désunir les uns aux autres.
Quand je suis partie, les nations avaient engagé les « guerres de la soif ». Les pays sous-développés se battaient pour pouvoir boire et nous pour les empêcher de voler notre eau si précieuse. Mon quotidien tournait autour des cinq litres obligatoires par jour et de ce qui me restait d'argent par mois. En voyant sur mon écran, les dernières unes des journaux sur les grandes guerres. Mais cela restait derrière un écran.
Aucune responsabilité ne nous atteint vraiment derrière un écran, nous sommes rattrapés par notre quotidien et notre routine. Mais le manque de « vivre » était là, jour après jour. La volonté de sortir de cette réalité virtuelle quotidienne me hantait.
Alors j'avais rêvé. Rêvé d'être dans un autre monde, de changer de vie, de sortir de mon bocal.
Aujourd'hui, là devant tout ce sang, cette mort qui s'était étalée à mes pieds. Je ne savais plus si j'avais fait le bon choix, si mon corps et mon esprit seraient toujours capables d'assumer d'être vivante et de survivre encore aux autres.
Vivre la réalité sans filtre, la guerre et la violence directement devant mes yeux et d'en être actrice. Mon bocal me manquait, là en cet instant, mon quotidien, ma routine me manquait. J'ai appris ce que c'était de vivre, j'ai appris ce qu'était la mort, la vraie. Celle qui vous glace les os, celle qui vous montre à quel point l'âme est fragile.
C'est comme libérer un oiseau qui n'a connu qu'une cage. Il n'a jamais volé, n'a jamais vu l'espace sans frontières, n'a jamais vu le ciel. Il se sent perdu et la liberté qui devrait le mener au bonheur devient son stress et sa peur. À force de nous masquer la réalité, on perd le sens même de la vie et de la mort. Les retrouver est un choc dans mon âme, car je ne savais pas voler.
Comment pourrais- je m'en remettre ? Comment pourrais-je recommencer et assumer ?
oOo
Glorfindel était impuissant et Arwen tout autant... Le processus avait mis du temps à s'installer, progressivement Maliha sombrait. Glorfindel peinait à voir son âme d'habitude si pleine de vie, si extravertie et si vivante.
Jour après jour, il la perdait de vue un peu plus, jusqu'à ne voir que le noir, un trou béant dans ses yeux, un visage sans vie et sans sentiments. Ses yeux étaient d'un marron rougeâtre et ils ne voyaient que l'ombre de leur amie. Après plusieurs mois, elle ne sortait plus que pour manger un peu dans la nuit...
Ne parlant plus ou très peu... Ils avaient peur de la voir dépérir, de la voir sombrer définitivement, qu'un jour, elle ne sortirait plus du tout. Cette idée faisait tressaillir l'elfe qui connaissait parfaitement ce processus.
Glorfindel s'en voulait énormément de ne pas l'avoir confrontée plus tôt aux batailles, mais Elrond lui avait ouvert les yeux en lui disant que ce n'était pas une chose à laquelle on pouvait se préparer. Ils ont discuté longuement du destin de Maliha. Longtemps ils se sont demandés si elle ne finirait pas par sombrer totalement, cédant son âme à l'être sans vie de sa force. Ils surveillaient ses yeux et essayaient de la faire parler le plus possible, gardant espoir qu'elle revienne...
Arwen tentait durant des heures de la convaincre de sortir, ne voulant pas l'abandonner à l'abîme. Essayer de lui donner un nouvel élan. Même Aragorn et son sourire ne firent rien, rien ne pouvait tirer Maliha de la tristesse et de l'horreur qu'elle avait vécu.
Je n'avais plus goût à rien, je m'étais enfermée dans un monde de ténèbres qui tournaient encore et encore. M'enfonçant jour après jour un peu plus dans une dépression noirâtre. Je voyais mes amis essayer de m'en sortir, mais rien ne pouvais m'en défaire, j'étais trop loin sans doute. Les images devant mes yeux étaient devenues grises et sans lumière. Mes souvenirs se perdaient, les journées semblaient tellement courtes...
Quand je faisais surface, les images sanglantes tournaient dans ma tête, les questions montaient une par une. Pourquoi n'as-tu pas pu les sauver ? Comment peut-on supporter la guerre ? Pourquoi n'as-tu pas pu en faire plus ? Comment vais-je faire pour supporter ça une éternité ? Suis-je maudite ? Je n'y arriverai pas, je ne pourrais pas faire face à tout ça... Le seul endroit où j'étais tranquille, c'était dans l'obscurité que m'avait offert le seigneur des ténèbres. Je m'y sentais bien, protégée de tout, mais il dévorait mon âme, je le savais...
- Maliha ?
J'ai reconnu la voix de Gandalf dans le creux lointain de mon oreille et le sens s'asseoir sur le coin de mon lit. Je n'ai pas la force de répondre. Je ne l'ai même pas entendu rentrer...
- Glorfindel s'inquiète de votre état et m'a demandé de passer vous voir.
Encore un silence.
- Vos amis s'inquiètent et Aragorn se demande pourquoi vous ne jouez plus avec lui depuis votre retour.
Je le sens se lever doucement après un nouveau silence ; entendant quelques pas vers la porte, je prends mon courage à deux mains. J'ai laissé mon âme sortir juste un instant, juste pour happer un espoir.
- Comment faites-vous pour supporter toute cette mort Gandalf ?
Je l'entends soupirer.
- Parce que je sais que cela apportera la paix.
- La paix... je murmure.
- La paix Maliha. Sachez qu'il y a toujours un prix à payer. Il faut juste avoir foi en elle et y croire. Vous en êtes l'élan et le principal messager... Lourd est votre fardeau, car en étant plus forte que n'importe qui sur cette terre, vous ressentez le besoin de tous les protéger, mais c'est impossible. Maliha, chacun d'entre nous offrira sa vie pour cette paix. Vous ne pouvez qu'accepter les pertes qui s'ensuivent en admirant leur courage.
- Et si je n'ai pas la force ?
- Alors nous sommes perdus. Mais, j'ai confiance en vous, vous n'avez pas été choisis par hasard, alors gardez espoir.
Gandalf soupire.
- Si j'ai appris une chose durant notre entraînement et toutes ces années passées à tes côtés, c'est que tu es bien plus forte mentalement que n'importe lequel d'entre nous. Tu as un passé que l'on n'aura jamais et que l'on ne peut imaginer, c'est lui qui t'a façonné. Cette puissance mentale te rend unique et je lui fais entièrement confiance.
Je me lève péniblement et regarde mon maître. Glorfindel se tient droit aux côtés de Gandalf. Ses traits sont tirés et ses yeux bleus sont presque gris. Je lis l'inquiétude dans son regard avant de le voir passer à un sourire débordant de tendresse.
- Personne ne pourra t'aider à trouver la solution pour faire face à la douleur de la guerre. Personne ne peut t'apprendre comment l'appréhender. Mais comme le dit Gandalf ce combat et ces pertes, est le chemin obligatoire vers une paix que nous attendons tous. Chaque être a donné sa vie pour que l'on brandisse nos signes de victoire. Nous devons aussi tenir pour eux. Tu dois tenir pour leur faire honneur et leur offrir cette paix au-delà de la mort.
Je regarde Glorfindel encore quelques secondes avant de me lever et de me jeter contre lui en pleurant. Ses bras m'entourent et me serrent tendrement. Je le sens poser sa tête sur la mienne et une main sur mes cheveux. J'agrippe la tunique dans son dos et enfouis mon visage contre sa poitrine pour y verser mes dernières larmes.
J'ai compris. J'ai compris que la paix a un prix et si je suis là pour en rajouter l'espoir, alors j'accompagnerai toutes ces vies qui se donnent pour elle. Leur montrer qu'ils ne sont pas seuls au combat, pour les protéger de mon mieux, eux qui se donnent corps et âmes. Je leur apporterai toute l'aide qu'il faudra et je ne faillirai pas.
- Alors, je tiendrai. Tu as ma parole, dis-je en plongeant mes yeux dans les siens
- Que ce vert m'avait manqué, dit-il en soupirant.
oOo
Trois ans plus tard
Il y avait un ciel sans lune cette nuit-là. Arwen rentra dans la bibliothèque où se trouvait le seigneur Glorfindel. Elle était affolée par la nouvelle que lui avait apporté son frère de retour du Nord.
- J'ai appris que Maliha avait croisé le roi Thranduil lors de la quête des nains... Glorfindel, est-ce qu'elle sait ? demanda Arwen paniquée.
- Non, elle ne sait rien, sinon elle m'en aurait parlé, répondit celui-ci, le regard sombre.
Il soupire en se détournant de l'étoile du soir. Il était inquiet tout autant qu'elle sur le sujet. Maliha était encore fragile et n'avait vraiment pas besoin de connaître le passé des titans maintenant et pas de cette façon-là.
Elrohir rentra à ce moment juste dernière sa sœur suivit de Gandalf et Elrond.
- J'ai croisé le prince de Mirkwood au nord, il le sait, lui. Il m'a posé beaucoup de questions au sujet d'Eriador, termina Elrohir en s'appuyant contre le mur les bras croisés.
Glorfindel s'approcha vivement de lui, le regard sombre. Il savait pertinemment qu'Elrohir détestait les titans pour ce qu'ils avaient fait subir aux elfes de Mirkwood. Il évitait Maliha le plus souvent possible et ne lui adressait la parole qu'en cas d'extrême nécessité. Elle n'avait jamais posé de question cependant.
- Que lui as-tu dit Elrohir ?
- La vérité. Je lui ai dit qu'Eriador avait choisi de se détourner de la lumière. Qu'il était aveuglé par la recherche continuelle de pouvoir et de force. Qu'il l'avait laissé prendre le dessus et vendu son âme pour finir par tuer tout le monde dans la bataille... N'épargnant personne, pas même sa mère...
- Comment as-tu osé dire cela Elrohir... déplora Arwen en fixant son frère d'un regard suppliant.
- Parce que c'est la vérité.
- Maliha n'est pas comme cela. Elle ne succombera pas ! s'énerve sa sœur.
Arwen se retourna vers Glorfindel dont le visage était fermé. Il devait avouer que lui aussi avait été du même avis qu'Elrohir après l'incident de la dernière grande guerre, qui avait signifié pour lui un échec en tant que maître. Il avait été réticent à accueillir et former le nouveau titan après ça.
- Glorfindel, Maliha n'a rien à voir avec ces hommes-là ! affirme Arwen. Tu peux le voir toi aussi, son cœur est grand et son âme solide !
Et il avait remarqué qu'en effet, elle n'était pas du tout comme ses prédécesseurs. Rien ne prédisait le même penchant que les autres, à laisser la force les prendre.
- Arwen a raison Elrohir, je n'ai discerné aucune avidité, aucune envi de puissance chez Maliha. Elle reste humble et simple.
Elrohir soupira en se tenant l'arête du nez.
- Elladan m'a dit pour ses yeux Glorfindel, lance l'elfe droit comme un I.
- Ceci est un sujet que je refuse d'aborder avec toi ! crie alors l'elfe pour répondre. Tu ne peux pas la juger pour réagir à des choses qu'elle n'avait jusqu'alors jamais vécu.
- Elle est comme eux !
- Non ! Regarde-la ! Vois-tu l'orgueil et l'avidité, Elrohir ? Vois-tu une âme semblable à celle d'Eriador ? Moi non ! Même si je ne peux pas l'expliquer, elle n'est pas pareille.
- C'est parce qu'elle est une femme, intervient Gandalf. Les Mages Bleus m'ont confiés une fois, que chaque personne désignée en premier par les Valars était des femmes, mais qu'aucune n'a accepté le contrat avant Lucy. Car tel est son vrai nom... Aucune.
- Tous regardent Gandalf étonné. Elrond acquiesça avant de s'avancer.
- Nous pensons que l'avidité des titans n'est présente que chez les hommes, mais nous ne pouvons rien conclure, car Lucy est la première, expliqua Elrond. Oui, nous avons bien vu ses yeux changer, mais c'est la tristesse qui parlait et non la colère.
- Je n'y crois pas un seul instant, crache Elrohir. Un titan reste un titan, elle possède la même faiblesse il me semble.
- J'ai entraîné Eriador et il a toujours été ainsi, dès le premier jour son âme a noirci de cupidité... Maliha est très différente. As-tu déjà vu Eriador pleurer les morts ? L'as-tu déjà vu regretter des actes, même ceux dont ils n'étaient pas responsables ? Je ne crois pas. Maliha a une belle âme et mon avis est qu'elle restera pure.
Espérons... car la guerre arrive à grands pas et un titan incontrôlable de plus serait une catastrophe, fini Elrond. Au moindre comportement suspect, au moindre changement de son âme, vous devrez nous prévenir, Glorfindel. Elle a déjà frôlé la perte de son âme une fois, même si vous avez réussi à la ramener, qui nous dit que la prochaine fois ne sera pas la dernière.
- Je l'empêcherai... dit l'elfe blond en regardant l'autre durement.
Il avait juste peur qu'elle ne sombre dans la peine de ne pas être assez forte justement. Que cela engendre les conséquences atroces qu'il ne connaissait que trop bien.
- Et si elle sombre ? Que ferons-nous ? demande Elrohir.
- Comme le premier titan, Hartlias fils d'Illuviné, elle sera exécutée, termine le seigneur d'Imladris.
Arwen se figea à la nouvelle, mais elle connaissait cette histoire. Ils n'auraient pas le choix.
- Espérons ne pas en arriver là, pour l'instant l'âme de Maliha est saine, fini Glorfindel en regardant Elrohir.
Le mage et Elrond sortirent de la pièce une fois la discussion close. Il savait que les émotions des titans étaient proches de celles des elfes. De par le cadeau des Valars de leur permettre d'ouvrir leurs âmes aux émotions vraies et sans limites. Ce qui conduit aussi à leur perte et à leur folie... Les hommes ne devraient pas ressentir autant d'émotions, ils ne savent pas vivre avec. Il devait à tout prix empêcher l'âme de Maliha de sombrer.
Il devait renforcer son entraînement de méditation. Elle devait apprendre à comprendre son âme, mais également à comprendre celle des autres. Lui apprendre à maîtriser ses émotions et à les calmer pour la protéger d'elle-même. L'empêcher d'utiliser le pouvoir de sa force et de lui laisser prendre le contrôle.
Autre chose préoccupait l'elfe, une chose qu'il n'avait pas prévue.
Le souvenir du premier contact avec Maliha lors de son retour lui revient en mémoire. L'attachement qu'il avait vu pour la personne qui aujourd'hui doit la détester l'inquiétait beaucoup. Maliha est humaine et contrairement aux elfes, les hommes aiment de façon brève. Chez les titans, il n'en avait cependant aucune idée.
Si Maliha entretenait cet attachement pour l'elfe qu'il avait reconnu, la situation deviendrait compliquée. Espérons qu'elle ne croise jamais sa route de nouveau et qu'elle l'oublie.
Arwen regardait le seigneur de la fleur d'Or torturer ses pensées en regardant le sol. Elle ne pouvait deviner ce qu'il ne disait pas.
- Seigneur Glorfindel, savez-vous quelque chose que je ne sais pas ?
- Il y a une chose en effet, mais c'est trop tôt pour en faire un problème. En revanche, si cette situation s'aggrave je vous en ferai part Arwen et uniquement à vous, car ce terrain ne m'est pas familier.
Elle ne comprit pas le discours, ni le sujet abordé, mais en voyant le visage de l'elfe en face d'elle, elle comprit qu'il disait la vérité. S'il y avait vraiment un problème, Glorfindel le lui dirait en premier, il la savait très proche d'elle.
oOo
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