// ... Chapitre dix-huit ... //
"Made of" - Viola Martinsson
La ville grouille d'orc, c'est un véritable enfer. J'avance difficilement, essayant d'en éliminer le plus possible sur mon passage, mais les ombres noires déferlent des rues de tous les côtés. Quand en viendrons-nous à bout ? Je reprends mon souffle après plusieurs minutes de combat acharné et contemple la désolation. Les hommes, les orcs et les elfes jonchent le sol, il y a du sang partout sur les pavés. Je porte une main à ma bouche face au spectacle sous mes yeux. Le pic d'adrénaline qui jusqu'à maintenant m'avait épargné de cet effroyable spectacle redescendait.
J'arpente les rues les unes après les autres, tuant chaque créature noire sur mon passage, quand je tombe sur une place. Mes yeux scrutent les elfes en rang, immobiles sans comprendre.
Pourquoi ne se battent-ils pas ? J'aperçois le roi Thranduil plus loin, discutant avec son conseiller. Ils ne veulent plus se battre. Cette évidence me broie l'estomac. Nous sommes déjà si peu nombreux... Après, c'est moi « l'incapable » hein ? La colère me prend, forçant mes pieds à avancer vers lui.
- Alors, vous abandonnez ?
Il se retourne, oubliant son chef de guerre un instant pour plonger son regard dans le mien.
- Pensez-vous pouvoir me faire la morale ?
- Je crois que oui. Après vos grands discours de reproche à mon égard, vous retirez votre armée ?
- Trop de sang a coulé. C'est assez.
- Et quand les orcs atteindront votre royaume, que vous serez seul contre tous, pensez-vous qu'il coulera suffisamment ?
Il a fait un pas en avant et j'ai dû reculer face au regard de haine qu'il me donnait.
- Je vous interdis de tenir de telles paroles devant moi. Vous n'êtes rien d'autre qu'une petite garce, venue ici grâce à deux magiciens de pacotilles. Vous ne savez rien de ce monde, pourtant vous vous permettez de me faire de puériles leçons de morale. Aller mourir dans l'ombre, vous terrer dans les ténèbres de votre misérable vie.
Ses yeux étaient injectés de sang, alors qu'il avançait d'un pas vers moi à chaque mot. J'ai bu ses paroles vénéneuses sans comprendre la raison de ce déchainement de violence.
- Vous n'êtes qu'une erreur... Une erreur de jugement, vous n'avez aucune autre utilité que celle de tuer. Un jour vous vous en rendrez compte et votre force vous dévorera de l'intérieur... ça vous transformera et vous deviendrez celle qu'il faut abattre.
Je ne sais pas quand il est parti. Je suis restée à réfléchir sur ces dernières phrases. Qu'avaient fait les autres ? Qu'ont-ils bien pu faire pour avoir droit à tant de haine ?
Un relent de dégoût me passe sur le cœur avant de partir à la recherche de Gandalf. Il sera quoi faire, n'est-ce pas ? Le convaincre de ne pas les abandonner. Si je ne peux pas y parvenir, alors peut-être que lui oui...
Je tranche encore un orc de colère, puis enfonce la garde de Nordeline dans la gorge d'un autre. Que la peste soit sur cet elfe, comme dirait Balin. Il est rare que je déteste quelqu'un, mais là, c'était le cas et au plus haut point. Je ne comprenais pas ces paroles, mais cela ne fait pas de moi la même personne que mes prédécesseurs... N'est-ce pas ?
Après plusieurs longues minutes de recherche et de réflexions, j'ai fini par apercevoir Gandalf avec Bilbon sur une terrasse.
- Gandalf !
Ils se retournent tous deux vers moi en entendant mon cri.
- Par les Valars Maliha ! gémis Bilbon.
Je le regarde incrédule avant de comprendre que mes vêtements sont recouverts de sang, autant du mien que celui noir des orcs.
- Je vais bien, je n'ai rien, je lui dis en souriant.
- Ah... lâche-t-il.
Je croise les yeux du magicien qui me lance le même regard que le hobbit quelques secondes plus tôt.
- Gandalf, je vais bien, mais les elfes se sont repliés à l'intérieur de la ville. Ils ont abandonné le combat et les orcs sont trop nombreux en bas. Les nains ne tiendront pas.
- Nous venons de voir Thorin, Fili, Kili et Dwalin monter vers Azog pour l'éliminer, dit Bilbon.
- Bonne idée, alors nous avons peut-être une chance. Les orcs seront perdus sans son commandement. Gandalf, vous devez convaincre Thranduil de continuer, nous n'y arriverons pas sans les elfes...
- Je sais... Mais, je pense être impuissant...
- Quoi ?
- Je ne peux pas le pousser à se battre Maliha, vous savez comment il est.
- Mais...
- Gandalf !
Je me retourne au cri et pose mon regard sur un cheval blanc en nage qui remonte la rue à vive allure. Mon cœur loupe un battement. Là devant nous, il porte Legolas et Tauriel. "Pourquoi est-il là ?" Fut la première question qui me traversa l'esprit, avant de me sentir mal à l'aise au souvenir de notre dernière rencontre. C'était la dernière personne que je désirais voir... Pas que je n'aime pas sa présence, mais plutôt parce que je ne souhaite pas lui pardonner, pas encore.
- Legolas... murmure le magicien de soulagement en s'avançant vers eux.
L'elfe semble essoufflé et pressé, descend vivement et s'avance vers le magicien à grandes enjambées. Je baisse la tête en détournant mon visage, pour je ne sais quelle raison. Ce geste, incontrôlé, me surprend, mais je ne peux pas faire autrement.
- Legolas VerteFeuille.
- Il y a une seconde armée, le coupe l'elfe
- Quoi ? je murmure à moi-même.
L'annonce me glace le sang, je lève la tête et avance d'un pas pour entendre plus clairement la suite.
- Bolg commande une troupe d'orcs de Gundabad, ils seront bientôt là.
- Gundabad, c'était leur plan dès le début... Azog attaque nos forces, ensuite Bolg et ses troupes déferlent du Nord.
Valars... Cette expression, mainte fois entendue de la bouche de Glorfindel m'est venue naturellement. Prier les Valars me paraissait être une bonne chose à cet instant.
- Du Nord ! Où est le nord exactement ?! demande Bilbon qui semble affligé en regardant les montagnes.
- Par les hauteurs de la montagne... finit l'elfe.
La montagne... Alors les nains n'auront aucune chance... C'est un piège, il a attiré Thorin là-bas sachant très bien qu'il viendrait le tuer. Ils ne tiendront jamais, sauf si... J'ai froncé les sourcils en imaginant le scénario. J'avais peut-être une chance de les sauver.
- Gandalf, je murmure en le prenant par le bras. Thorin, Fili et Kili, ils sont tous là-bas.
Le magicien se retourne vers moi et me regarde, perdu dans ses pensées. Ce regard je ne l'avais jamais vu, celui du désespoir et de la peur.
- C'était un piège, il murmure.
- Oui en effet...
Je pose une main sur son épaule et lui sourit tristement. Il semble avoir compris mon regard avant même que je ne prononce un mot.
- Je retiendrai l'armée Gandalf, je murmure.
- Maliha... Vous n'êtes en aucun cas obligée de faire cela...
- Comment se fait-il que vous soyez ici ? lance Legolas en me regardant de haut en bas.
Nous nous retournons vers lui, mon regard se durcit en rencontrant ses billes glacées. J'aimerais l'insulter, lui cracher au visage toute ma rancune. Il me dévisage encore, détaillant mes vêtements et mon allure. Je n'arrive pas à comprendre ce que je lis dans ses yeux qui paraissent sombrer dans un puits sans fin. Mais je n'ai pas le temps de chercher...
- Gandalf... Nous n'avons pas le choix... Je tiendrais.
- Il doit y avoir une autre solution Maliha.
- Nous savons tous les deux que le temps nous manque... C'est la seule solution que nous ayons pour l'instant... Mon corps est encore en état de le faire, j'arriverai à les tenir suffisamment longtemps pour qu'ils sortent de là.
- Et comment feriez-vous pour...
L'elfe passe à côté de moi et me tire violemment le bras, coupant Gandalf. Ses yeux gris sont remplis de rage et d'autre chose que je ne comprends pas.
- C'est de la folie ! Vous allez vous faire tuer en quelques secondes !
« Vous allez vous faire tuer », après m'avoir poignardé tu dis ça toi ?! Je l'évite en essayant de poursuivre ma route sans répondre. De toute façon je n'ai pas à me justifier de quoi que ce soit.
- Vous ne devriez même pas être ici ! il crache.
Ça suffit... Après quelques pas en arrière, je le dévisage sans retenue, hors de moi.
- Ah oui et je suppose que vous dites ça parce que vous auriez préféré que je reste clouée à ce mur ?
Il plisse les yeux, sa mâchoire se serre, faisant un pas de plus vers moi. Il me toise d'un air suffisant, serrant mon bras plus encore comme pour me faire céder.
- Votre place n'est pas ici, vous êtes mortelle et chaque blessure vous rapproche de la mort...
Je sens la colère monter en moi. Il ne comprend rien et j'en ai marre...
- Vous parlez sans même savoir qui je suis... Vous m'avez jugé, alors que vous ne savez rien...
Je soupire plongeant mon regard dans le bleu profond maintenant débordant de questions avant d'arracher mon bras de sa main.
- J'y vais, dis-je en tournant mon regard vers le magicien.
- Je viens avec vous, lance Bilbon en passant devant l'elfe et prenant mon bras.
- Ne faite pas l'idiot.
- Je préviendrai Thorin pendant que vous retenez l'armée, vous ne pourrez pas faire les deux...
Je l'ai jaugé un instant... Bilbon est bien plus fort qu'il ne laisse paraître après tout.
- Très bien...
Je vous trouverai du renfort aussi vite que je peux. Je vous le promets, dit le magicien d'un regard sincère.
J'agrippe Nordeline dans mon dos et la sors en soupirant. Tourne les yeux vers Gandalf une dernière fois et lui fait un signe de tête entendu en commence à partir.
oOo
Le magicien regarda l'humaine partir en courant, arme à la main sans rien dire de plus. Comme s'il était normal de l'envoyer à la mort.
Legolas n'en croyait pas ses yeux. Il était médusé et inquiet, plus qu'il n'aurait voulu l'admettre. Cette humaine le troublait au plus haut point. Elle s'élançait dans la mort et ça remuait en lui une peur qu'il ne comprenait pas.
- C'est de la folie... murmura-t-il.
- Elle est beaucoup plus robuste qu'elle en a l'air, c'est un Titan après tout...
Il ignora quoi dire, le temps que la phrase énoncée s'éclaircisse dans son esprit, que les pièces du puzzle s'assemblent finalement en toute logique.
- Un Titan ? lâcha-t-il finalement.
Alors c'était ça, cette force surhumaine qu'il avait déjà remarqué. Elle doit aussi avoir une récupération rapide, car elle a utilisé le bras qu'il avait blessé sans aucun signe de douleur en retirant l'arme derrière son dos. Que dire de l'état dans lequel il venait de la voir, le blanc de son vêtement était rouge, le legging sur ses jambes parsemé de trous... Il y avait autant de sang noir que de sang rouge... Il s'en voulait de ne pas avoir compris plus tôt. En même temps, les titans ne devaient-ils pas être des hommes ? Pour lui, c'étaient des créatures imaginaires, passées souvent sous silence durant son apprentissage.
Il savait une chose désormais, il avait fait ça pour rien... Il l'avait blessé pour rien... Il passa une main sur son visage, n'osant pas imaginer que chaque trou sur ses vêtements était une blessure refermée. La question de comment pouvait-elle supporter la douleur traverse son esprit, mais il ne dit rien. Il y avait une plus importante encore.
- Qui sont-ils Gandalf ?
Le magicien lui afficha un regard triste qu'il ne comprend pas. Il mit du temps à formuler une phrase après plusieurs soupirs.
- Nous n'avons pas le temps de discuter de cela, Legolas.
L'elfe plissa des yeux. Pourquoi personne ne voulait lui répondre ? Pourquoi son père détestait-il tant les titans ? Pourquoi tant de mystère planait autour d'eux ? Ils venaient pour aider les peuples contre le mal, d'après le peu d'informations qu'il savait, des héros légendaires... Alors pourquoi lui cacher leur histoire ?
Il regarda le magicien s'éloigner de lui, la tête remplie de questions. Il commença à marcher à son tour dans les rues de Dale en quête de retrouver Tauriel. Il parcourait une allée où planait une odeur âcre de sang et de mort avant d'entendre la voix froide de son père au détour d'un croisement.
- Que savez-vous de l'amour ? Rien !
Il courut dans la rue sombre avant de sortir d'une allée et de l'apercevoir en train de menacer Tauriel de son sabre. La panique lui prit le ventre, voyant son amie en larme sous le regard haineux du roi.
- Ce que vous éprouvez pour ce nain n'en est pas, lança son père.
Il s'arrêta face à la phrase. Encaissant la nouvelle qu'il savait pourtant déjà. Son cœur sombra tristement dans la déception, mais se reprit malgré tout rapidement. Tauriel était avant tout son amie et en aucun cas son père n'avait le droit de la menacer. Si une personne dans ses relations restait droite et juste, désireuse de protéger son peuple et les autres autant que lui, c'était bien Tauriel et pour cela, elle restera dans son cœur.
- Vous prenez ça pour de l'amour ? Êtes-vous prête à mourir pour lui ?
Legolas rabat l'arme de son père d'un geste sec avec la grande lame.
- Si vous lui faites du mal, vous devrez me tuer, dit-il, soutenant le regard glacial de Thranduil.
Son père sembla perdu et baissa les yeux. Le prince se détourna et regarda son amie en larmes.
- Je viens avec vous, indiqua-t-il d'un ton rassurant.
Il se retourna et regarda son père avant de partir à sa suite. Thranduil semblait perdu et impuissant, mais il avait une question à poser.
- Pourquoi ne pas m'avoir dit que la femme humaine était un Titan ?
- Ne me parle pas de cette abomination. Partez...
Il lut une tristesse infinie dans les yeux du roi quelques secondes avant de se détourner et de partir. Legolas savait pertinemment que son père était un personnage froid et dur, particulièrement envers les autres races, il ne s'en cachait pas d'ailleurs. Mais l'insistance avec laquelle il avait détourné le sujet, ne rien dire de plus que des insultes sans justification, ne lui disait rien de bon.
Il y avait qu'une seule chose que Legolas redoutait dans la vie, les secrets de son père.
oOo
J'arrive finalement au pied de la tour et commence à monter les marches quatre par quatre. Arrivée au sommet, le silence m'enserre la poitrine... Il règne ici un suspens d'horreur, une sourde inquiétude mortelle. J'aperçois Thorin chercher de tous côtés la présence d'Azog.
- Thorin ! je crie. Vous devez partir ! Azog attend la venue d'une seconde armée qui arrive par le nord ! Cette tour sera cernée.
Je reprends mon souffle.
- On touche au but. Cet orc immonde est là ! râle Dwalin.
- Non, c'est ce qu'il veut, rétorque Thorin en le retenant. Il veut que l'on rentre.
- C'est un piège ! je hurle
Ils se retournent et me regardent, effrayés.
- Fait revenir Fili et Kili ! crie Thorin pris de panique.
Fili, Kili non...
- Où sont-ils ? je demande
- Dans la tour...
J'entame une course vers ladite tour, mais mon cœur se glace sous le nouveau son de tambours émanant de l'entrée. Des lueurs de flamme illuminent les murs et les cris d'orcs envahissent le silence. Azog apparaît sur la partie haute de la tour, traînant Fili à ses pieds.
Non, c'est impossible... J'aperçois les yeux paniqués du nain qui cherche une issue, mais c'est un air de résignation qui peint vite son visage en nous apercevant en bas...
- Celui-ci mourra en premier, dit-il en langage noir.
Mon ventre se tord, je reste immobile, incapable de faire le moindre mouvement. Mes jambes sont figées, n'arrivant pas à en croire mes yeux. C'est impossible, je me répète encore et encore. Ça ne peut pas se passer comme ça...
- Ensuite le frère, et puis toi Thorin Écu de chêne ! Je te tuerai lentement.
- Partez, implore Fili. Sauvez-vous !
Azog le transperce de son bras gauche, ma main lâche Nordeline et se dirige vers ma bouche horrifiée. Mes genoux flanchent et plongent dans la neige glaciale. Tout est allé tellement vite... Il l'a tué en quelques secondes, de sang-froid, sans aucune hésitation. J'arrivais même à lire dans ses yeux blancs le plaisir que ça lui prodiguait.
- Ici finira ton infâme lignée !
Le nain tombe mort sur la glace devant nous dans un bruit sourd. Comment peut-on être aussi cruel ? Des dizaines d'émotions parcourent mes veines... Le déni d'abords, puis la tristesse, la peur, le désespoir, pour s'arrêter sur la haine...
Une haine que je ne me pensais pas capable de ressentir. Je reprends mon arme et me lève, prête à bondir, mais Thorin arrête mon geste. Son regard est déterminé. Ce combat n'est pas le mien, je n'ai pas à voler la vie de cet orc à Thorin.
Alors, je tuerai son armée toute entière. Je lui adresse un signe de tête entendu et le regarde courir vers la tour.
Je me retourne pour voir Dwalin et Bilbon qui viennent de me rejoindre. Le sol tremble sous mes pieds d'un seul coup et les rochers vibrent sur la glace. Un millier de chauves-souris passent au-dessus de nos têtes, poussant des cris stridents, suivi de Bolg et d'une poignée d'orcs.
- Bilbon mettez-vous à l'abri ! j'hurle en tranchant la tête d'un orc.
Je n'ai pas le temps de voir s'il m'a écouté. Serre ma lame dans ma main et commence à déverser ma colère. Nous fracassons, tranchons, le plus d'ennemis possible. Nous sommes vite débordés, mais arrivons à les retenir.
- Tuez-le ! hurle l'orc blanc sur ma gauche en direction de l'arrière.
Thorin ! Il est sur la rivière glacée, une multitude d'ennemis s'avançant vers lui, il ne tiendra pas longtemps si je ne fais rien.
Je cours et saute sur les épaules d'un orc, plante le pommeau de Nordeline dans sa tête. D'un grand mouvement circulaire, j'en éventre un autre. J'enchaine les mouvements mortels, mais ils arrivent par dizaines.
L'un d'entre eux court vers moi trop rapidement pour me laisser le temps de sortir Nordeline. Je me prépare à encaisser l'abattement de sa lame sur mon épaule, mais une flèche lui transperce la tête. Je reste incrédule, regardant l'orc tomber en arrière doucement dans un grognement. Je cherche des yeux l'archer responsable et tombe sur l'elfe que j'avais haï plus tôt en haut d'une tour à l'opposé de la nôtre. Il continue de nous couvrir pendant que je continue mon propre combat. Je n'en laisserai passer aucun, aucun !
Après plusieurs minutes, un cri retentit. Un cri de femme cette fois, je cherche autour de moi, mais ne vois personnes d'autre que Dwalin et Bilbon. Lève les yeux vers l'elfe qui s'est arrêté de tirer, cherchant mes réponses. Il regarde vers la tour de gauche, semble vouloir prendre une flèche, mais arrête son geste, son carquois est vide... Il a le regard paniqué et cherche un moyen de descendre de son perchoir.
Une idée, une idée... Je cours vers lui et arrive au pied de la tour. Jauge la taille de l'édifice et celle du vide pendant quelques secondes. Oui, ça devrait le faire...
- Attention, cramponnez-vous ! je lui crie.
Il me regarde sans comprendre quand je recule de quelques mètres en rengainant Nordeline entre mes omoplates. Regarde ma main en inspirant pour trouver le courage. Lève les yeux en serrant le poing, lui faisant signe de la tête.
« Aller Maliha, ça ne fera mal que quelques secondes. »
Je ferme les yeux, prends appui sur ma jambe et cours le bras en arrière vers la tour. À sa hauteur, j'abats mon poing sur la pierre en serrant les dents. Je hurle de douleur, mes doigts s'écrasent sur la roche, mais le travail est fait ! La tour tremble, puis bascule vers l'autre rive, formant un pont en face de la cascade de glace.
Mes doigts se reforment, les os se soudent en tenant ma main en sang et je vois l'elfe en face, quelques mètres en dessous de moi. Il me regarde d'un air sombre et sévère.
Quoi ? Ce n'est pas ce que tu voulais ? Tu m'as embroché l'épaule et tu te demandes pourquoi je t'aide c'est ça ?
Il fait un pas vers moi, mais je l'arrête, lui faisant signe de la tête. Il se retourne pour voir Bolg de l'autre côté qui l'attend.
Il me répond d'un geste entendu en dégainant sa lame. Je ne comprends pas ce que je lis dans ses yeux au moment de partir... Mais qu'importe.
Je me détourne et cours de nouveau vers la rivière qui se remplit d'orcs et recommence ma tâche en passant devant Thorin.
- Où étiez-vous bon sang ! il hurle.
- J'aidais quelqu'un.
Nous ne pouvons guère continuer les questions, quand une nouvelle vague arrive. Je reprends la cadence, bien que la fatigue me gagne. J'ai dû perdre pas mal de sang au début du combat et je commence maintenant à le payer.
« Les seules façon de vous tuer sont : une perte de sang trop importante, le poison, ou de vous couper la tête... »
Qu'ils disaient... Mes mouvements sont moins forts et plus lents, mais cela suffit à tuer les orcs qui passent sans encombre.
- Maliha !
Je me retourne pour voir Thorin en difficulté. Couché au sol, sans arme, sur le point de tomber de la cascade de glace. Je cours vers lui, mais au moment de décapiter l'orc, une lame le transperce. Je m'arrête au côté de Thorin quand il récupère la lame avant que l'orc ne chute dans le vide.
- Vous avez un ami, on dirait, lui dis-je en le soulevant d'une main.
Il se retourne et regarde l'elfe en bas, le remerciant de la tête. Thorin part quelques instants après, mais je reste les yeux grands ouverts d'effroi en voyant Bolg s'avancer devant l'elfe. Il esquive et sort la seule lame qui lui reste dans son dos. Taille le bras de l'orc avant de se prendre en coup et de tomber à l'intérieur de la tour qui s'effondre progressivement.
- Legolas ! je crie terrifiée.
Je regarde autour de moi et remarque qu'il n'y a plus d'orc arrivant du nord, mais Azog faisant face à Thorin. J'échange une conversation rapide des yeux avec le nain. Visiblement, il est déterminé.
- Ce combat n'est pas le vôtre Maliha, allez aider l'elfe, il me lance, lisant dans mes pensées.
Encore une fois le choix me tiraille, mais il a raison, c'est son combat. C'est sa vengeance et elle ne me regarde pas. Le destin en décidera...
- Bonne chance Thorin, dis-je avec espoir.
Je me suis avancée sur le bord de la cascade. Ils sont là tous les deux, Legolas faisant face à l'orc sur la tour effondrée plus tôt par mes soins. Dans une manœuvre délicate, l'elfe tombe dans les décombres pour se protéger. Je me suis laissée tomber, pour arriver aux côtés de Bolg. Legolas est toujours à l'intérieur de la tour en miette, sonné, peinant même à se lever. L'orc me prend le bras, mais je le lui retire sans difficulté. Lui balance mon poing dans la figure, mais je me prends en retour un puissant crochet du droit/gauche qui me fait tomber aux côtés de l'elfe à l'intérieur à mon tour.
- Il frappe fort le con... dis-je en sentant ma lèvre ouverte.
- Remontez et allez à la tour en face, Tauriel à besoin d'aide.
Je pose des yeux sévères sur la main qui tient mon bras. Il la retire et me regarde d'un air perdu. Je prends alors la dague que j'avais conservée à ma ceinture et la lui tend en silence. Il la regarde surpris et la récupère en revenant à mes yeux.
- Elle vous sera utile, je murmure en me levant.
- Je suis d... il commence me suivant. Je suis dé...
- Ne gaspillez pas votre salive, ça m'est égal, dis-je tristement en détournant la tête. Je vous laisse gérer ça cette fois-ci.
Je saute, passe sous l'orc qui essaie de m'avoir au passage et cours rejoindre l'autre tour.
Je ne veux pas me retourner, ne peux pas le regarder combattre seul, sinon mon cœur m'obligera à y retourner... Je dois avancer et tuer le maximum d'orcs, afin de limiter la casse en bas. Laisser les nains avoir du répit et éliminer l'armée déjà présente. Telle est ma tâche, être un bouclier et non un héros...
oOo
Je ne vois pas Tauriel dans les couloirs de la tour. Après plusieurs minutes de progression, j'arrive à l'extérieur et mon sang se fige. Le reste de l'armée avance, des rangs marchent lourdement. Ils sont des centaines...
Je serre Nordeline, les voyant grogner à ma vue.
J'ignore combien de temps je pourrai tenir... Je suis seule contre tous et bien tant pis. Qu'importe, trop de vie sont en jeu. Je débranche ma peur et me jette à nouveau dans un assaut de sang.
Minute après minute, le désespoir grandit en moi. Je sens toutes les lames qui me déchirent les flancs et les cuisses malgré tous mes efforts... Je suis trop lente... Nordeline n'est pas assez puissante, pas assez longue... J'en décapite trois d'un grand mouvement vertical, mais l'un d'eux me tranche la jambe et je fléchis en tombant à genoux. Je n'y arriverai pas...
À bout de souffle, je me relève et continue, essayant de les empêcher de passer sur les côtés, mais c'est peine perdue. Je dois me rendre à l'évidence, c'est impossible...
Après un temps interminable, un glatissement me parvient. L'orc en face de moi se fige et recule d'un pas. De grandes ombres fendent le sol, je n'ai pas le temps de les identifier qu'elles fauchent les orcs. Les aigles, ce sont les aigles ! Un sourire de soulagement passe sur mon visage.
- Maliha ! crie un homme que j'identifie comme Radagast, passant au-dessus de ma tête. Les renforts arrivent !
Je lui souris à pleines dents et me retourne pour poursuivre les survivants qui fuient vers la tour. Les aigles s'occupent de l'armée, je m'occupe des déserteurs !
Mes mouvements sont de plus en plus faibles. Blessée à plusieurs reprises, par inattention et par mon manque de vitesse... Couloir après couloir, escalier après escalier, il n'en arrive plus un seul... C'est terminé...? Je suis épuisée, mes jambes me font mal et mes bras sont endolories d'avoir perdu trop de sang.
Je tue le dernier orc à l'embouchure d'un couloir et m'arrête contre un mur pour reprendre mon souffle. Avons-nous finalement gagné ?
J'entends des pas sourds et serre la main sur mon épée, prête à frapper, quand je tombe sur Legolas qui me dévisage de surprise.
Après plusieurs secondes sans rien dire, juste à nous dévisager. Je remarque son regard sombre et rempli de tristesse. Il tourne la tête vers l'autre côté, me faisant signe de le suivre. D'un pas hésitant, je l'ai suivi sans rien dire et me fige en débouchant sur une terrasse enneigée.
Tauriel est agenouillée aux côtés de Kili. Il me faut quelques secondes pour comprendre... Comprendre qu'il ne bouge pas. Qu'il ne bouge pas parce qu'il est simplement parti...
Mon cœur s'effrite. Kili... Tout mon être sombre dans la tristesse en voyant l'elfe pleurer et serrer les mains blanches du nain.
Le poids de la fatigue me prend d'un coup. Trop de morts. Les larmes commencent à couler sans aucun souhait. L'elfe à côté de moi me tient par le bras pour éviter ma chute. Fili... Kili... C'est impossible... Je n'avais beau ne pas beaucoup les connaître, je m'étais attachée à chacun d'entre eux. Le peu que j'avais partagé les ramenaient à moi comme des amis. Des amis que je n'avais pas su protéger visiblement.
La mort me glace le sang et la culpabilité m'emporte un autre sanglot. Elle grandit en moi et j'ai caché mes larmes derrière une main. L'autre, abandonnée sur le pommeau de Nordeline, tremble d'une manière incontrôlable. J'avais échoué lamentablement ?
J'essuie les larmes après plusieurs minutes et commence à partir épuisée. Ne supportant plus la vue de mon ami mort sur le sol et des pleurs de l'elfe près de lui...
Je suis perdue dans mes pensées noires en tombant nez à nez avec Thranduil. Il me dévisage de haut en bas avec un air de dégoût.
- Avez-vous vu ? me dit-il.
- Vu quoi ? je réponds, lasse.
- Votre échec... Thorin Écu-de-Chêne est mort... L'ensemble de sa lignée aussi. Vous n'avez servi à rien. Comme tous ceux de votre race...
- Quoi ...
Thorin ...
D'un geste incontrôlable, j'ai lancé Nordeline qui s'encastre à ses pieds en faisant crier l'acier à ma place.
- Alors faites-le à ma place la prochaine fois ! je lui hurle en larme.
Un bras m'interrompt alors que j'avançais, menaçante, vers lui. Thranduil me dévisagea, surpris, mais elle s'efface comme neige au soleil. De nouveau, c'est le dégoût que je vois et la demande silencieuse de ma capitulation. Non, je ne baisserai pas les yeux devant cet elfe, jamais. Lui, qui a attaqué les nains. Commencé une guerre pour rien, sauf pour son orgueil de petit roi ! Tout ça pour de l'or !
- Calmez-vous... Maliha... murmure Legolas derrière moi.
Je recule d'un pas attiré en arrière et laisse couler mes larmes de colère.
- Vous ! Vous...
Mais je suis incapable d'articuler, prise de sanglots crispés. Ma seule réponse fut de lancer mon poing contre la pierre, au lieu de la mettre dans son visage parfait. Les pierres, fracassées, tombent à mes pieds. Le chagrin me prend la gorge et je préfère me défaire d'un geste froid de la main de Legolas pour partir en laissant Nordeline.
oOo
Legolas passe à côté de son père pour poursuivre la titan qui part en larme.
- Je ne veux pas que tu suives cette femme, lance durement son père.
Il s'arrête dans son élan aux mots avec un regard rempli de reproches.
- Et pourquoi donc ? Parce que c'est un « Titan » ? dit-il, exaspéré.
- Exactement.
Le ton était froid et sans appel.
- Pourquoi tant de haine et de mépris ? Elle a combattu bravement et protégé nos arrières d'une armée entière. Pourquoi une telle haine ?
- Les titans sont des traîtres...
Il sent alors la colère monter lui aussi. Rien ne pouvait justifier le comportement de son père face à la vérité. Elle avait sauvé beaucoup de vie, plus que n'importe lequel d'entre eux.
- Pourquoi dites-vous cela ? Elle a...
- Parce que ta mère est morte de la main de son prédécesseur !
Thranduil se fige face au cri si puissant qui s'était échappé de son cœur. Comme une lointaine plainte qui ne demandait qu'à sortir depuis des années. Legolas se figea, s'attendant à tout, sauf à ça.
- Les Titans ne sont que force et celle-ci les consume. La seule part d'humanité qu'il leur reste sombre petit à petit. Elle finit par être happée dans les ténèbres de leur âme... Ils n'obéissent à personne, deviennent incontrôlables et les morts s'accumulent... Lors de la guerre de la dernière alliance avec les hommes. Nous nous battions sur deux fronts, les hommes devant Barad-Dûr avec l'armée de Gil-Galad face à Sauron lui-même et nous à Gundabad mené par mon père. Le Titan à nos côtés... Nous n'avions pas compris au début. Ce n'est que quand j'ai vu son visage inexpressif et ces yeux de braises, que j'ai compris qu'il n'était plus lui-même... Il ne distinguait plus ses amis de ses ennemis. Nous savions qu'il y avait un risque d'appeler cette race d'hommes si particulière. Nous connaissions le revers de la médaille, la force qui les rongeait et les rendait insensibles... Tant de morts... Quand je l'ai vu s'approcher de ta mère, il était déjà trop tard...
Legolas resta pétrifié. Il ne savait quoi penser. La femme qui l'avait accompagné jusque-là ne ressemblait en rien à la description de son père. Son prédécesseur n'était pas comme elle, impossible. Elle ne ferait jamais ça, ce n'était pas la même personne, lui cria son cœur en premier.
- Alors si tu as un tant soit peu de respect pour ton peuple et pour moi, ne la rattrape pas. Ils sont tous pareils. À un moment ou à un autre, elle succombera à sa force et deviendra une machine à tuer, sans limites et sans âme, tout comme eux... Une brute incontrôlable... Ses yeux deviendront sangs et elle finira par sombrer à son tour. Je peux t'en faire le serment.
Il ne voulait pas croire ce qu'il venait d'entendre. Elle lui a sauvé la vie, deux fois... Elle possédait un courage sans faille... Elle était mortelle...
Il était perdu. Perdu dans ses souvenirs et dans ses impressions. Son cœur lui faisait mal. Mal d'être coupé en deux. Il naviguait entre la haine qui grandissait à cette nouvelle, la tristesse de la perte de sa mère et... Cet attachement naissant qu'il ne pouvait nier pour le vert tendre de ses yeux, pour ses actes, son combat, sa force et son visage. Il serra les dents en prenant l'arête de son nez douloureusement.
- Je n'ai pas vu ce que vous décrivez... Mais je ne peux nier vos mots... Alors... Il ne me reste qu'à effacer de ma mémoire son visage. Pour vous, pour ma mère, mais aussi pour mon cœur.
- Legolas, tu...
- Je ne rentrerai pas, j'ai besoin de temps... le coupa Legolas ne voulant pas entendre son père.
- Et où iras-tu ? demande Thranduil.
- Je n'en sais rien...
Thranduil regarda son fils étonné. Comment cette femme a-t-elle pu se loger dans son cœur ? La peur le prit. Non, il ne pouvait pas s'attacher à « ça »... À cette personne, pas celle-ci !
Il la croit mortelle, alors il aura une chance de l'oublier si son attachement n'est que naissant. Mais un jour viendra où il saura qu'elle est en vie et immortelle. Il devait sauver son fils de ce poison.
- Va au Nord. Là-bas tu rejoindras les Dunedains et la Reine Gilraen, les fils du seigneur Elrond y seront présents. Parle avec Elrohir, il aura beaucoup de choses à te dire sur le sujet. Tu trouveras les réponses et les explications que je ne peux te donner...
Legolas lui fit un signe d'affirmation et partit pour ne pas en entendre plus, mais avant même un souffle...
- Ta mère t'aimait Legolas... Plus que tout... fini Thranduil.
Il se retourna pour le dévisager. Jamais il n'avait vu son père ainsi. Prononcer même le verbe aimer de manière si douce... Il ne pouvait que couper court et poser une main sur son cœur avant de la tendre vers son père. Le signe d'une allégeance infinie. Une qui lui coûterait cher...
Legolas descendit les marches de la tour et finit par arriver sur la rivière gelée. Il se figea, voyant la titan à genoux sur la glace, tenant son visage entre ses mains, tremblante sous les sanglots. Gandalf s'approcha d'elle et la releva doucement, murmurant des paroles qu'il savait sages.
Il resta là, à la contempler pleurer et son cœur se serra. Il avait envie de la prendre dans ses bras, mais s'y refusa en voyant le corps sans vie de Thorin au côté du Hobbit. Elle sortit des bras de Gandalf d'un geste de désespoir, traversa la glace et descendit pour rejoindre la vallée dévastée.
Gandalf soupira quand Legolas arriva à sa hauteur. Plongea les yeux dans ceux du magicien, plein de questions.
- Il est dur pour nous tous d'accepter cette perte, mais ça l'est encore plus pour elle... Elle se sent responsable. Elle a pourtant sauvé tant de vies... Pauvre enfant.
Legolas ne dit rien. Regardant juste le magicien avant de repartir à sa poursuite. Il voulait juste la voir une dernière fois. Détailler son visage et se plonger dans ses yeux. Lui faire ses adieux et l'oublier définitivement. Tel était son choix, avant de laisser la haine couvrir tous les souvenirs.
Il dévala les marches et arriva sur le champ de mort. Elle était là, à regarder les cadavres joncher le sol. Ses sanglots lui parvenaient et il pouvait sentir sa détresse à travers eux. Il s'avança prudemment, mais elle ne se retourna pas quand il arriva à sa hauteur, cachant ses larmes.
Elle finit par tourner son visage et plonger ses yeux vert pâle dans les siens. Son visage était sale. Les larmes avaient creusé des sillons propres sur ses joues. Les contours de ses yeux étaient rougis par les sanglots et il arrivait même à voir les gouttes accrochées à ses cils.
Ses vêtements étaient en lambeau et recouverts de sang. Il sentit son cœur se serrer en voyant le trou de sa dague sur sa chemise rouge. Elle baissa les yeux de résignation.
Mortelle, titan... Le choix le plus simple était de la laisser partir sans rien dire. La laisser vivre sa vie si brève, loin de lui. Loin de la haine de son père et de la sienne, qu'il ne pouvait ignorer. Elle n'atteindra plus son âme... Dès qu'il l'aura quitté des yeux, elle s'effacera juste comme si de rien n'était. Tel était son choix.
oOo
Nota: Artiste GUWEIZ toujours :)
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