// ... Chapitre cinquante-trois ... //
"Friends" - XVOTO
J'étais complètement saoule... Du moins ce qui pouvait largement s'en rapprocher... Les images étaient floues et passaient comme au ralentit. J'enchaînais les verres sans vraiment m'en rendre compte... Dans mon monde s'était un exutoire, un aveuglement... Je passais souvent mes samedi soir enfermée entre quatre murs, la musique déchirant mes oreilles de vingt trois heure à quatre heure du matin. On dit toujours que l'on boit pour oublier, est-ce vraiment vrai ? Franchement... Quand j'avais une peine de cœur, je buvais comme un trou, mais au final, je finissais en larme dans les bras de ma meilleure amie. Non on ne boit pas pour oublier, mais pour permettre d'accepter plus facilement. Et ce soir j'avais envie d'accepter... Celle que j'étais maintenant, celle que j'étais devenue... Les mots de Legolas, ceux d'Estel et peut-être même ceux d'Eriador...
- Tu ne devrais pas boire autant Maliha.
Je tournais les yeux vers la personne qui m'avait adressé ces mots, pour finalement tomber dans ceux d'Aragorn, qui me regardait comme un paternel le ferait.
- Je n'ai pas besoin de tes leçons de morale Estel, je suis assez grande pour savoir quoi faire il me semble, dis-je avec un léger sourire.
- Je sais Maliha, mais l'alcool n'a jamais rien résolu tu sais..
- Je le sais, ne t'inquiète pas. J'essaie juste de profiter à ma manière. Et puis il n'y a rien d'autre à faire pendant une fête.
Gimli était hors course, dormant sous la table, je ris en le voyant rouler un peu plus sous celle-ci. Eomer avait abandonné l'idée de le relever... Il ne tenait plus du tout sur ses jambes et ronflait comme jamais faisant presque vibrer la table. Mon esprit s'embrumait complètement et Dieu que j'aimais ça, ne pas prendre conscience de ses actes, vivre à la seconde sans se soucier du regard des autres. Mes yeux se perdirent en regardant la foule profiter de ce moment, de quoi devrais-je profiter au juste ? D'être en vie sans doute...
- J'espère que ce moment va durer longtemps... je murmurais.
- Que veux-tu dire ? demanda Aragorn.
- Ce moment de paix, j'aimerai qu'il ne s'arrête jamais... Que ce soit fini, que la mort arrête de frapper autour de nous, de pouvoir enfin profiter de la vie, même si...
- Essai juste de profiter alors, Maliha. L'avenir est obscur, mais les moments comme ça sont importants, je te l'ai déjà dit...
- Hum... Sans doute...
- Au lieu de ruminer, n'y-a-t-il pas quelque chose que tu aimerais faire ?
Je le regardais incrédule. Je n'avais jamais pensé à ça... Moi qui ne voyait toujours que l'ombre de la mort au-dessus de moi, celle du devoir et de la peur. Je souris faiblement en pensant à ce que j'aimerai faire. Mes yeux scrutèrent la foule heureuse autour de nous et je le trouvais alors, discutant avec Eomer. Il avait un énième verre de vin à la main et affichait un sourire détendu, plissant ses beaux yeux, qu'il était rare de voir. Les deux n'étaient pas comparables. Eomer avec sa beauté d'homme viril et droit et Legolas, avec l'élégance des elfes et cette attraction irrésistible qui prenait votre ventre en un instant. Je me sentis rougir en voyant ses lèvres s'étirer un peu plus, puis rire ouvertement. Je soupirais au son clair, presque magique, en détournant les yeux, reprenant une gorgée de vin pour le faire presque taire.
- Vas-tu passer cette soirée sans lui parler ? me demanda-t-il à l'oreille. L'alcool délit les mots...
- Pour lui dire quoi ? Pfff, je vais simplement aller au lit et "basta"...
- ça suffit, j'en peux plus... dit-il un instant avant de se lever du banc.
- Où vas-tu ?
- Faire quelque chose que je ne devrais pas avoir à faire.
- Hein ?
- Rétablir la communication.
Je n'ai rien compris sur le moment. Je le regardais simplement partir avec un air blasé. A quoi pensait-il au juste ? À dire un truc du genre "Tu dois parler à Maliha ?", peine perdue et complètement enfantin de sa part, me dis-je en levant un sourcil. Je ne voulais absolument pas participer à ce genre de choses... Et puis FUCK QUOI ! De quoi je me mêle !?
Il arriva finalement à eux, ils discutèrent en sirotant mon vin, une main supportant ma tête fatiguée. Je devais bien avouer que la fatigue me rattrapait depuis un petit moment et l'appel de mon lit se faisait sentir. En les quittant des yeux j'ai regardé mon compagnon, deux heures vingt du matin... Que ça ? Les soirées, ce n'était décidément plus de mon âge...
Quand je les ai de nouveau regardés, Legolas n'était plus avec eux. Ma tête quitta ma main soudainement avec un mauvais pressentiment.
- Tu souhaites me parler ?
Si le plafond était plus bas, je me le serais emplafonné... What ?!
- Hein !? dis-je de surprise en le voyant debout à côté de moi.
- Aragorn m'a dit que tu souhaitais me parler, dit-il en fronçant les sourcils.
Je le regardais éberluée, avant de baisser les yeux sur la table, complètement prise au dépourvue. Le banc bougea un instant et je compris qu'il prenait place à côté de moi. N'est-ce pas ma chance ? Une chance de quoi au juste ... Disait le diable sur mon épaule... De m'excuser de lui avoir dit que je le haïssais ? De lui dire que c'était complètement faux ? De lui dire que j'avais été en colère et que je ne pensais pas un mot de ce que je lui avait dit ? Que j'avais ces sentiments trop gênant au fond du cœur ? De lui dire que j'avais vu l'assassin de sa mère... Mazette...
Ne devrais-je pas profiter de mon esprit embrumé pour dire tout ça ? Était-ce le bon moment pour tout déballer ? J'arrivais à la dernière goutte de mon verre et le posais violemment sur la table.
- Tu fais fausse route... Je vais me coucher, dis-je en appuyant mes deux mains sur le bois pour me lever.
Il ne bougea pas, me regardant certainement faire. J'enjambais le banc et m'éloignais sans un regard. Après un pas, peut-être deux, je me rendis compte que l'alcool était quand même relativement présent et me retins à un poteau pour ne pas chavirer. Misère, j'allais mal dormir... Bonjour la migraine demain. Essayant de me stabiliser et de marcher à nouveau, deux bras fort me saisirent. Partant en arrière, puis soulevée sans difficulté.
Le temps que les images prennent leur place, un temps incroyablement long d'ailleurs. J'ai été prise de panique en me rendant compte qu'il me tenait au creux de ses bras. Comme un nombre de fois inavouable... Les miens étaient passés autour de son cou naturellement pour ne pas tomber et ses cheveux chatouillaient ma joue.
- Lâche moi Legolas, dis-je durement en retirant mes bras dans un réflexe de lucidité.
- Aragorn m'a dit que tu étais épuisé...
Jusqu'où était allé Estel...
- Voyez-vous ça... Fait moi rire, que t'a-t-il dit d'autre, ?
- Simplement que tu allais te coucher, mais que tu souhaitais me parler avant.
- Traître, dis-je d'un français qui le fit lever un sourcil. Non Legolas, je n'ai rien à te dire alors repose moi, je peux aller me coucher toute seule.
Je voulus me débattre un moment, mais la force me quittait, déjà à cause du nombre incalculable de verres et aussi, parce que j'étais réellement à bout. Sur ce point Aragorn avait raison, et la fatigue n'a pas arrangé ma faculté à résister à l'alcool.
- Tu crois que je ne l'ai pas vu ? dit-il en commençant à marcher à travers la foule.
- Vu quoi ?
- Que tu es incapable de marcher droit plus de quelques minutes.
Grillée...
- Et puis quoi ? Tu vas me dire que tu n'as pas bu non plus ? dis-je en essayant de me redresser pour le faire lâcher mes jambes.
- Je suis en effet loin de la sobriété, mais loin de ton état.
- Qu'importe... Et puis on peut savoir en quoi ça te regarde ? Franchement Legolas ! Repose-moi par les Valars !
Je me débattais, poussant avec mes mains, tirant encore sur mes jambes, pour le faire lâcher prise, mais rien n'y faisait, l'elfe me tenais fermement.
- Maliha, si pour une fois on arrêtait de se battre ?
Coulée... Je ne savais plus quoi dire, sauf peut-être...
- Hein...? désespérément en le dévisageant.
- Cette soirée est agréable n'est ce pas ? Alors ne la gâchons pas... Nos mots ont été durs la nuit dernière et je ne souhaite pas recommencer. S'il te plaît, pour cette soirée de paix, essayons de mettre nos différends de côté. Finissons la comme si cette situation n'avait jamais existé. Juste pour cette fois.
J'étais pendue à ses lèvres, buvant ses paroles en les imprégnant dans ma mémoire. Mes yeux se perdaient sur son visage calme. Rare était les fois où je le voyais ainsi avec moi. Un sourire passa sur mon visage en me disant que Legolas devait boire plus souvent. Cela lui déliait la langue et adoucissait son masque de froideur.
- Très bien, alors juste pour cette fois... dis-je simplement en détournant les yeux.
Il y eut un long moment de silence. Je regardais autour de moi les hommes rigoler. Les hobbits faisaient toujours les zouaves sur une table à danser et chanter sous le regard amusé d'Eowyn.
- Je suis désolé Maliha... il murmura à mon oreille avant de s'enfoncer dans un couloir sombre.
J'observais son profil parfait un instant, peut-être pour y déceler un mensonge quelconque. Je ne savais pas quoi répondre... Bientôt le silence envahit mes oreilles tout en regardant ses lèvres.
- Je n'aurai jamais dû t'adresser ces paroles avant la bataille, il ajouta, en serrant sa main sur ma cuisse.
Hum... Je n'étais pas certaine de le lui pardonner cette fois-ci... Ou peut-être l'avais-je déjà fait au fond... Je ne sais pas...
- Écoute... Je n'aurai jamais dû te dire ces mots hier, Legolas. Je suis allée beaucoup trop loin. Alors, oubli ça...
Il n'ajouta rien en rentrant dans les couloirs et continua pendant de longues minutes à les parcourir ainsi. Les formes étaient légèrement déformées autour de moi alors que je sentais sa main toujours serrer ma cuisse. La chaleur se dégageait de son corps contre le mien et ma tête a tourné... Il s'arrêta devant la porte et l'ouvrit difficilement en la poussant du pied, rentra, se retourna pour la faire claquer brusquement en me faisant sursauter.
Il me posa en travers du lit violemment, car l'arrière de ma tête s'enfonça dans les draps et le choc fut rude. Jeté aurait été un meilleur terme peut-être d'ailleurs. Je me relevais avec une dextérité retrouvée et commençais à retirer une botte avec l'intention de me mettre au lit sans rien ajouter. Oublier cette fin de soirée et le contact de son corps contre le mien.
Il se retourna pour repartir sans demander son reste. Mon esprit caburait à toute vitesse, mais j'étais incapable de m'arrêter sur une idée ou sur un sentiment bien précis...
- La douceur n'est vraiment pas ton fort Legolas. dis-je dans un murmure une fois qu'il eut atteint la porte.
Il ne pouvait qu'avoir entendu, les elfes entendaient tout. Il ne dit rien pendant plusieurs minutes, tenant juste la poignée dans sa main. Son soupir fit tomber ses épaules.
- Je sais être doux Maliha, dit-il, en tournant légèrement son profil vers moi.
Je retirais ma deuxième botte avant de m'arrêter sur cette phrase, perdue. J'essayais de stopper les formes qui dansaient pour figer son visage dans cet instant. Il ouvrit la porte d'un geste lent en se détournant de mes yeux pour sortir.
- Alors c'est moi qui te fait l'oublier, je rétorquais.
Quelle crétine... Je m'insultais moi-même (à moitié)... Je ne voulais pas me battre, mais les mots étaient sortis tout seul, l'alcool encore... Ce n'était même pas de la colère, juste de la tristesse, je supposais, ou ne simplement le voir partir sur ce genre de conversation.
- Pardonne moi... Ce n'était pas un reproche. j'ajoutais avec un mouvement nonchalant de la main.
Il s'arrêta et devint rigide, presque tremblant et sembla réfléchir un instant.
- Et si je souhaitais être doux avec toi, Maliha...
J'entendis la porte claquer sans qu'il ne se soit retourné. Mon sang ne fit qu'un tour en réalisant ses mots et le ton qu'il avait employé. Il se retourna pour s'appuyer contre le bois et croiser les bras en me dévisageant.
Je serrais la botte dans ma main.
C'était le même...
Le même regard que tout à l'heure...
Il y avait quelque chose dans ses yeux. Un regard brut et j'aurais pu me noyer dans la profondeur de ce bleu si provoquant. Il me cherche ? L'urgence me prit... Et j'étais la botte, plus fort que je ne l'aurai voulu pour me lever en me détournant de lui... Comment pouvait-il me balancer ce genre de phrase, simplement comme ça ? Sait-il seulement ce que ça veut dire ? Même si mon état était actuellement déplorable, je ne pouvais pas oublier qui était devant moi. "La réalité Maliha, retourne à la réalité, c'est Legolas en face de toi, personne d'autre".
- Legolas, ses mots peuvent signifier autre chose pour moi tu sais...
Je devais me reprendre, et être sincère, tout en dénouant ma ceinture. La différence entre nous était beaucoup trop grande sur ce terrain là...
- Tout à l'heure aussi c'était la même chose. Tu as dit "pas que ton cou"... Legolas par "effleurer" je voulais dire pour me trancher la tête... C'était une métaphore et le sens de ta réponse peut prêter à confusion dans mon esprit... Tu ne sais pas jouer avec les mots comme je peux le faire.
- Crois-tu ?
Je me raidis.
Ses pas sourd s'approchèrent. Mon cerveau carburait à toute vitesse. Qu'est-ce que j'avais loupé au juste ? Je n'arrivais plus à distinguer le vrai du faux dans mon esprit.
- Quand je te dis que je souhaite être doux avec toi. Que crois-tu que cela signifie pour moi ? demanda-t-il d'un ton presque suave.
Je retirais la ceinture de ma veste, mais ses mots me firent m'arrêter de nouveau... Je me retournais pour le voir avancer encore de quelques pas. Il n'était plus qu'à un pas ou deux et je devais faire taire ce que mon coeur me criait, absolument, et immédiatement...
- Je ne sais pas, d'être aimable sans doute... D'être prévenant, enfin tu vois ,comme quand on aide quelqu'un alors qu'il a trébuché. dis-je d'un ton plat essayant de supprimer cette situation de non sens et l'alcool déformant mon esprit par la même occasion.
Il prit précipitamment la ceinture que j'avais entre les mains et la retira d'un geste ferme avant de poser ses yeux dans les miens.
- Et de quelle façon ton esprit croit-il jouer avec mes mots, Maliha ?
Je me figeais... Je venais de lui dire la vérité... De lui permettre de prendre la fuite face à mon esprit joueur. De retrouver un sujet normal, sans mes sous entendu débiles d'adolescente en manque... Mais visiblement ce que je voyais dans ses yeux n'était pas une erreur. Ou m'avait-il juste piégée... J'entendis le bruit sourd de ma ceinture qui tombait sur le parquet et il me fit trembler. Mes sens étaient en alerte, tendus à l'extrême par la chaleur qui envahissait mes veines... Ses mains passèrent sur mes épaules, il prit ma veste délicatement pour la descendre le long de mes bras. J'étais totalement prise au dépourvu...
- Je... Je... Je ne suis pas moi-même, j'ai un peu trop bu et...
- Qu'as-tu pensé Maliha ?
J'avalais mon courage une dernière fois sous les doigts qui parcouraient mes bras.
- Je viens d'un monde beaucoup plus ouvert sur certaines choses. dis-je déstabilisée.
- C'est-à-dire ?
- Je ne vais pas te faire un dessin... impatiente et gênée.
- Explique toi.
Et lâcher l'affaire sous le regard presque autoritaire... Comme il lâcha la veste sur mon lit.
- Très bien, je baissais les yeux et regardais la table de chevet à côté du lit. Pour moi le sens de tes mots peuvent parler d'une douceur physique plus... intime.
- Intime ?
Je levais les yeux d'énervement, mais je me noyais... Trop proche, trop chaud, trop bleu... Posait une main sur son torse, un pas en arrière, mais le lit arrêta ma fuite. J'étais piégée... Et j'avais atteint la limite de ma patience, de mon cœur, et surtout, celle de ma sagesse... Alors comme ça tu veux vraiment le savoir?
- Etre "doux" n'est pas à prendre à la légère, Legolas.... Quand on dit "je souhaite être doux avec toi" chez moi, c'est être doux d'une façon plus... Sensuelle... Les elfes ne découvrent le plaisir de la chair qu'après être liés. Je sais que vous, natif de la forêt noire, savez ce que peuvent procurer certains contacts, mais ça s'arrête là...
Il plongea à nouveau son regard dans le mien, les sourcils froncés. Ses yeux se plissèrent et ses lèvres se pincèrent à ma phrase.
- Certains contacts...? A quoi penses-tu au juste pour nous juger si prude ?
Il s'approcha encore, pliant mon bras ... Je voyais bien qu'il y avait quelque chose. Quelque chose que je ne comprenais pas... Quelque chose que je voulais maintenant découvrir par-dessus tout, caché derrière cette mâchoire qui se serre en parcourant mon visage.
- De simplement s'effleurer la joue je suppose. dis-je dans un murmure.
Un simple sourire en coin passait sur ses traits. Il prit ma main pour l'écarter et ouvrir l'espace entre nous, détruisant ma dernière et seule barrière.
- Comme je le pensais. il répond sur le même ton.
- Pardon ?
- Je sais jouer avec les mots Maliha...
Tout s'est stoppé.
C'était descendu le long de ma colonne vertébrale pour se loger dans mon ventre. Ses mots murmurés comme un secret, une confidence interdite.
oOo
Le jeu s'était révélé. Un jeu qu'eux seuls étaient habitués à pratiquer sans le savoir depuis tant d'années. Et ce soir, les coups étaient sans retenue, car la réalité autour d'eux était noyée dans l'alcool coulant dans leurs veines. C'était leur sanctuaire, cet échiquier secret ; ignorant qu'ils y jouaient à se découvrir comme de fin stratèges et s'y rendre les coups avec envi. Lui, sentir le désir tendre son ventre et laisser le temps étirer à l'extrême la saveur de ses sensations. Elle priant pour pouvoir en savourer d'autres, explorant les émotions inconnues que lui procurait son adversaire.
- Tu as perdu à ton propre jeu.
L'esprit de Maliha s'arrêta, perdant complètement pieds dans le regard brûlant de l'elfe en face d'elle. Il était parti tellement loin, perdu dans le tréfond de son envi soudaine d'être audacieuse.
- Quel en était l'enjeu ? elle murmura.
Il suffoquait, jamais il n'avait vu cet air sur son visage et le voir l'enchantait, car là, à travers les siens envoûtés par l'alcool, il y lisait la liberté de ne plus se retenir.
- ... Ce que je souhaite...
Il s'approcha d'elle, passa une main sur sa taille et la sentit tressaillir sous ses doigts... Elle ne comprit pas. Ce n'est qu'en sentant la main de Legolas qui se perdait derrière son crâne, penchant sa tête en arrière, qu'elle réalisa que c'était peut-être réel.
- ... T'effleurer Maliha, murmura-t-il à son oreille.
Il entendit son souffle chaud avant de poser délicatement ses lèvres dans son cou. Le contact l'exaltait, se perdant dans l'odeur de la peau qu'il goûtait. Sentait le sang pulser dans les veines sous ses lèvres et l'envi de la dévorer le pris tout entier.
Maliha serra ses flancs pour se maintenir dans la réalité, assommée par la chaleur du contact doux, humide et brûlant... Elle laissa échapper un souffle quand il glissa dans le creux de son épaule en la dévoilant du bout des doigts. Puis un autre plus suave, pressant dans l'urgence son corps contre lui, quand il remonta lentement sous son menton en la serrant d'une main derrière son dos. Jamais le contact d'un corps ne l'avait tant emporté dans l'euphorie. Ce corps qui se perd, frémi, qui se tend, puis s'abandonne sous ses lèvres : l'image de la perfection.
Elle n'était plus qu'un feu ardent, nourri par l'amour enfoui dans son cœur, maintenant libéré par les lèvres sur sa peau. Elle inspira, posant ses yeux dans l'immensité bleu, y cherchant une raison à toutes ses actions démesurées.
- ... Et pas que ton cou.
Il caressa son visage du bout des doigts pour l'empêcher de répondre et approcha le sien en la fixant toujours. Elle sentait son corps contre le sien. Sa respiration contre sa poitrine et l'aura chaude qui semblait l'entourer. Elle ne bougeait pas, le souffle coupé par le visage de Legolas se rapprochant du sien. Toute logique s'enfuit de son esprit, savourant juste l'instant.
Legolas baissa les yeux, frôlant son nez du sien d'un mouvement lent. Le passait sur sa joue, puis sa mâchoire. Appréciant chacune des longues secondes où il la sentait respirer lourdement contre sa peau. Le geste électrisa son corps. La sensation de ce contact linéaire et discret était un plaisir sans fin. Il ne put résister à embrasser le coin de sa mâchoire et elle trembla. Asphyxiée, ne tenant plus le rythme de son cœur qui battait la chamade.
Il voulait savourer. Graver dans sa mémoire cette peau délicate et chaude ; cet instant imaginaire. Il caressa ses lèvres des siennes tout aussi lentement, sentant les lignes de la limite qu'il enfreignait. Finir le long de sa joue et revenir enfin à ses yeux.
Les joues de Maliha étaient rosées, ses yeux brumeux et son souffle court. Toujours tremblante, car le fin contact de ses lèvres contre les siennes était un mirage de velours brûlant. Il la rendait folle. Elle était perdue dans les étoiles bleues. Bercée par l'alcool et noyée sous les vagues lancinantes de ces caresses floues contre ses lèvres. De ses doigts qui se perdaient dans sa chemise en la tenant fermement contre lui.
Legolas avait atteint la limite de sa patience.
Il trembla.
Ferma les yeux et serrait la mâchoire pour contenir l'effet des gestes pourtant si innocents, mais il les entendait gronder dans son ventre. Même si braver l'interdit, dévorer des yeux et des lèvres son visage qui tombait dans l'extase, était l'image la plus exquise à ses yeux...
... Non, il n'aurait pas pû...
Même avec la plus grande volonté du monde, ne pas y succomber...
D'un soupir d'impatience, il scella leurs lèvres. Capitula, refermant ses doigts sur elle sans plus aucune retenue, plus rien...
La chaleur submergea Maliha. Totalement enivrée sous les lèvres et les mains maintenant si possessives. Passant les siennes dans son dos pour répondre à l'étreinte et se lover contre lui avec envi.
Ils perdaient leurs lèvres l'un dans l'autre. Elle ouvrit les siennes pour le goûter sans ménagement. Agrippant sa tunique, puis son cou, désireuse de le sentir plus proche encore. Les lèvres de Legolas étaient si douces et si chaudes. Elle était aspirée, ne sachant pas si elle devait se battre ou céder. Elle voulait toujours plus... Explorer chaque recoin des sentiments qui la submergeaient. Chaque sensations qui explosaient aux mouvements toujours plus suaves et brûlants contre ses lèvres.
Legolas échappa un soupir grave et égara une main sous la chemise gênante d'un geste impulsif. La main de l'elfe la brûla. Cette simple main dévalant son dos la transportait au-delà des mots. La poussant à soupirer d'abandon contre les lèvres qui réclamaient encore les siennes.
Il était loin... Au-delà des limites. Transporté par le désir inconnu créé par son cœur enfin libre de s'exprimer. Il sentait les muscles rouler sous ses doigts, la peau si douce et le rayonnement chaud qui s'en échappait le rendait fou.
Il n'y avait qu'eux à cet instant, eux dans cette chambre, le bruit du feu craquant dans la cheminée et leurs respirations courtes se répondant à l'unisson. Le silence régnait, mais pourtant dans leurs cœurs les émotions chantaient. Ils s'embrassaient à en perdre leurs âmes. Plus rien ne comptait que leurs lèvres scellées, comme si la fin du monde était demain.
Il quitta sa bouche pour reprendre l'exploration de sa mâchoire, de son cou, en caressant son dos. Elle se cambra sur la pointe des pieds, reprenant son souffle pour sortir de l'océan déchaîné qu'était à présent son âme. Perdit ses doigts dans ses cheveux blonds en le serrant contre elle. Il murmura à son oreille des mots qu'elle ne comprit pas. Ou peut-être que si. Car le frisson parcourut sa peau et son âme, tel une vague de lave. Mais avant qu'elle ne s'en rende compte, il avait repris ses lèvres une nouvelle fois.
Elle était enivrée, elle sentait tout l'amour en elle se répandre dans ses veines. Son cœur battait pour lui, tout en elle battait pour lui...
Tu as la mémoire courte, petite...
Mais sans vraiment s'en rendre compte, une peur sans nom grandissait dans ce même cœur.
Tu ne t'en souviens donc pas?
Elle se resserrait autour de lui pour finalement se transformer en tristesse et le faire grincer. Comme un poison, l'ombre s'immisça dans son esprit pour raviver sa mémoire.
Alors je vais te le rappeler
"Je vous hais"
"Impossible. Quelle personne pourrait aimer une créature telle que vous?"
"Que la honte soit sur vous et sur votre race d'assassins"
"Vous êtes aveuglé par la force que vous possédez et un jour les personnes qui vous sont cher réaliseront qu'ils ont confié leur vie à un être malsain"
"Mais Maliha, pour moi, rien ne pourra changer ton nom."
"Fait donc honneur à ton piètre nom et protège les. N'est-ce pas ta seule raison de vivre ?"
Elle se recula doucement, s'arrachant de ses bras en réalisant enfin les gestes qu'ils échangeaient, comme s'ils l'avaient brûlée.
Ah, tu te souviens finalement.
Les souvenirs tournaient dans sa tête, les mots de l'elfe passaient en boucle martelant son cœur d'avertissements.
"Les elfes Silvan ne sont pas comme nous, ils sont beaucoup plus attirés par le désir charnel. Faire la cour n'est pas un rituel unique pour eux, ils peuvent le faire plusieurs fois jusqu'à enfin connaître le grand amour de leur vie".
Comment as-tu pu y penser et même y croire, petite...
Elle recula encore d'un pas, laissant sa main sur la poitrine de l'elfe pour le maintenir loin d'elle. Il ne bougea pas en reprenant son souffle, la regardant sans comprendre. Le regard qu'elle affichait sur lui à présent lui déchirait le cœur. Le regret... C'était ça, il n'y avait que regret et peur dans ses yeux.
Il décida de faire un pas en avant pour effacer cet air sur son visage, voulant le remplacer par celui qu'il avait vu quelques instants plus tôt.
- Non... murmura Maliha dans un souffle court.
Le mot claqua dans ses oreilles, lui coupant son souffle déjà court. La main de la titan le tenait maintenant du bout des doigts loin d'elle. Il ne comprenait pas ses gestes, ni le regard qu'elle lui lançait. Un regard triste, remplis de doutes et de non sens. Elle recula encore en laissant tomber son bras le long de son corps, détournant son visage pour perdre ses yeux sur le sol.
- Maliha...
- Tais toi...
Elle se refusait à assumer un amour à sens unique. Elle ne pouvait pas subir plus qu'elle ne subissait déjà. Cet instant était une grave erreur et il n'aurait pas dû être, ce dit-elle. Elle l'aimait et cette situation était déjà beaucoup de souffrance pour elle au quotidien. Alors continuer sur cette voie sans que celui-ci ne soit réciproque, cela la détruirait, elle le savait. Entendre l'elfe lui dire que cela ne signifiait rien... Que cet instant était simplement alimenté par l'euphorie de l'alcool et de la victoire, ça la détruirait. Elle ne voulait pas entendre ça, n'en avait pas la force.
Elle y avait déjà cru tant de fois et l'espoir était mort depuis longtemps.
Sans un mot de plus, elle se détourna de lui. Chaque pas qui la rapprochait de la porte de sortie étaient insupportables. Mais elle devait sortir... Protéger son cœur de cet amour illusoire, de cette situation malsaine. La douleur serait encore plus grande si elle venait à ne pas le faire maintenant.
Legolas la suivait du regard sans rien dire, restant juste là, l'observant s'éloigner d'un pas lent. Elle ouvrit la porte et la referma derrière elle.
Son regard, maintenant gris, se posa sur le sol. Il était perdu et la tristesse s'engouffrait en lui en même temps que l'idée qu'il la perdait définitivement. Le vide glacial pénétra son cœur au même titre que le désespoir. Il l'avait donc déjà perdu et révéler ses sentiments n'avait rien changé... Elle les avaient stoppés sans un mot.
Tant de questions tournaient dans sa tête. Lui qui avait mis tant de temps à lâcher prise, tant de temps à lui ouvrir ses sentiments et tout ça pour rien d'autre qu'un refus glaçant... Il se sentait brisé. Il savait qu'elle venait d'un autre monde, que les coutumes y étaient infiniment plus souples et ouvertes, mais de là à avoir un tel comportement... Était-ce de sa faute ? De la sienne ?
Il balayait les questions de son esprit et le fit taire. Il n'aurait jamais dû faire ça... Il n'aurait jamais dû écouter son cœur ou même Estel. C'était peine perdu. Il avait murmuré à son oreille ce que l'on ne prononce qu'une fois dans la vie d'un elfe et elle avait répondu d'un geste odieux. Sans aucune explication...
oOo
Je marchais à travers la foule toujours dans la grande salle. Mon cœur battait la chamade en revoyant les images dans mon esprit. Jusqu'où me prendrait-il pour une conne au juste ? Ou avais-je mal compris ? Non impossible... Durant toute ces années... Tant de haine, de colère et de mots empoisonnés pour en arriver à ça ? Impossible...
Je poussais la porte d'un coup sec pour me retrouver une fois de plus dans le vent glacial de l'extérieur. Parcourais la terrasse en long en large et en travers, faisant les cents pas en caressant mes bras pour me rassurer. Valars... Une main arriva à ma bouche comme pour me forcer à avaler la gravité de nos gestes.
Je sentais encore ses lèvres sur les miennes... Son odeur, son goût, était comme imprégnée sur moi, j'en tremblais. Je descendis les escaliers en quatrième vitesse pour rejoindre les écuries et passais des heures dans une stalle, assise dans la paille, les genoux devant moi, à essayer d'oublier. Mais comment oublier ça au juste ? C'était-il seulement laissé transporté par la joute verbale et me prouver que j'avais tort ? Ou y avait-il autre chose ? Non, non, non...
C'était Legolas... Il ne peut rien y avoir d'autre qu'une volonté de me blesser. De me rabaisser, de se servir de moi... Ou simplement me trouvait-il agréable à regarder ? Une créature exotique à mettre dans un tableau de chasse ? Avait-il simplement l'alcool mauvais ? Non, non, nous parlions d'un elfe là, j'aurais pu dire ça d'un homme, mais un elfe...
Je me levais de nouveau pour marcher encore et encore.
oOo
Les hommes dormaient sur les tables quand Legolas sortit de la chambre. Il traversa la salle à son tour, non sans essayer de la trouver, mais elle n'était pas là. Il prit sa cape pour sortir et resta à regarder la lune descendre doucement à l'horizon.
- As-tu vu Maliha ?
Il se tendit au nom qu'Aragorn venait de prononcer. Le rôdeur se plaça à côté de lui en tenant sa pipe.
- Non, répondit l'elfe froidement.
- Je vous ai vu partir ensemble...
- Aragorn, je ne sais pas où elle est.
Estel le regarda avec étonnement. Legolas lui, semblait sur le fil de la colère.
- Que s'est-il passé ? il demanda en prenant une bouffée.
- Rien que je n'ai envie de partager, dit-il toujours froid.
- Très bien, comme tu veux...
Il restèrent un moment comme ça, sans parler à regarder la lune et les étoiles. Legolas aurait souhaité le lui dire, mais son orgueil l'en empêchait encore. C'était trop frais dans son esprit pour en débattre. Aragorn lui, savait très bien qu'il s'était passé quelque chose et quelque chose de grave.
Oui il lui en parlerait, mais pas maintenant. Maintenant l'elfe se sentait remplie d'une tristesse inavouée. La colère le tenait, mais plus pour bien longtemps. Comment allait-il faire pour la regarder en face ? Avait-elle seulement idée de ce que ça lui avait coûté de le lui dire ? Il savait son discours orgueilleux et les mots de la nuit dernière lui sont revenus en mémoire... Elle l'avait qualifié du même nom... Peut-être avait-elle raison ? Il fronça les sourcils en se disant que pour l'instant c'était encore l'amertume qui parlait.
oOo
Au bout d'une heure encore, à déblatérer sur le vrai et le faux, je le sentis... Je me levais d'un bond en regardant autour de moi sans comprendre. Le frisson parcourait ma peau et l'ombre bougeait au fond de moi. Je courus pour sortir des écuries. Quelque chose n'allait pas.
oOo
Legolas se tendit en regardant les faibles nuages prendre la couleur de l'aube.
- Quelque chose bouge à l'Est, dit-il d'un coup.
Aragorn le regarda sans comprendre, mais l'air sérieux qu'il vit sur le visage de son ami lui envoya un signal d'alarme.
- Que vois-tu ? demanda-t-il.
- Je ne suis pas sûr, mais une ombre grandit.... ça se déplace, il murmura.
Les secondes défilèrent et les yeux de l'elfes s'agrandirent.
- ça s'approche...
- Aragorn ! ils entendirent hurler.
Legolas vit Maliha monter les marches quatre par quatre et au-delà de leur situation il sut qu'elle savait.
- Legolas le sens-tu ? elle demanda en arrivant essoufflée.
L'elfe la regarda avec mépris et elle baissa les yeux.
- Oui, dit-il froidement.
Elle ne répondit pas et se retourna pour regarder à son tour l'horizon. Le temps s'étira, Aragorn les regardait tous deux s'alarmer pour une chose qu'il ne comprenait pas.
- Par les Valars... murmura Maliha d'un coup en faisant un pas en arrière.
- Il est ici, traduisit Legolas.
D'un bond ils s'étaient tous les trois retournés pour ouvrir la grande porte et s'engouffrer dans la salle en courant.
- Pippin ! hurlait Merry en regardant son cousin.
Le sang de Maliha ne fit qu'un tour en voyant le hobbit se tordre par terre. Il tenait entre ses mains une énorme boule de verre incandescente.
- Pauvre fou ! hurla Gandalf en arrivant.
Aragorn se précipita en dépassant la titan et prit la pierre des mains du Hobbit. Maliha le vit s'écrouler sans rien pouvoir faire, elle était figée. Le rôdeur sombra dans les ténèbres. Il y vit une lumière rouge, mais glaçante. Les images se succédèrent les unes après les autres.
oOo
D'abord celle d'un arbre blanc, brulant sur une vaste place face aux montagnes noires du Mordor. Il s'approcha d'une bordure pour tomber sur une marée noire d'orc. La cité était en feu et un hurlement lui déchira les tympans. Il regarda encore la marée noire pour y voir surgir comme une toile d'araignée de métal géante. Il fronça les sourcils ne comprenant pas vraiment ce que ses yeux lui montrait. Le hurlement retentit encore et une créature ailée planait au-dessus de la toile inerte.
*Le Gondor tombera, fils d'homme.*
Il ferma les yeux sous le picotement de la chaleur d'un vent soudain rempli de braises, pour tomber sur une étendue de sable. Il reconnut Gimli, Gandalf et Legolas à côté de lui, puis ses yeux sont tombés sur la grande porte noire du Mordor. Son sang ne fit qu'un tour quand les lourdes portes s'ouvrirent devant eux. Seulement deux personnes en sortirent. Elles étaient vêtues d'armures noires. Une d'entre elles était immense et il vit le long pommeau dépassé derrière son dos, mais une seule chose attira véritablement son regard. Leurs cheveux blancs.
D'un coup d'un seul, les lames sortirent des fourreaux pour s'encastrer dans la terre. Le sol trembla sous ses pieds. Il n'en crut pas ses yeux...
*Crois-tu ce futur impossible ?*
Elle était là devant lui... Il savait que c'était elle, car il reconnut immédiatement la longue lame à ses côté, Laureline. Son cœur s'emballa quand il la vit bouger et la prendre en main. Elle marcha vers eux, puis courut sans aucune hésitation. Les yeux rouges ne le lâchaient pas. Il crut entendre la lame fendre l'air, mais il ferma les yeux...
*Crois-tu qu'elle ne sombrera pas ? Ta lignée est brisée fils d'Arathorn et c'est celle que tu considères comme ta sœur, ta seule famille, t'arrachera la vie.*
L'image disparue pour le laisser voir Arwen. Étendue sur un divan, le visage pâle comme une morte. Un livre tomba de ses mains, mais il ferma les yeux...
*Tout autour de toi mourra. L'âge des hommes est terminé.*
oOo
- Aragorn !
L'homme entendit à peine Legolas l'appeler dans un hurlement. L'elfe maintenait l'homme par les épaules et Maliha regardait ses yeux délirants. Il convulsait presque et Legolas avait peine à le maintenir.
- Estel revient je t'en supplie, dit-elle. Legolas le sens-tu ?
L'elfe la regarda un instant, mais comprit finalement ce qu'elle voulait dire. Il ferma les yeux et chercha l'âme de son ami.
- C'est noir, dit-il. Je ne le perçois pas...
- Mon Dieu, Estel ! elle hurla encore.
Le palantir dégringola finalement de ses mains. Les deux restèrent à compter chaque seconde alors que son corps s'appuyait maintenant contre l'elfe comme un mort. Son souffle se fit plus régulier et Legolas passa une main sur son front.
- Je la sens, dit-il. Il est revenu.
Maliha poussa un soupir de soulagement en passant une main tendue sur son visage et Gandalf jeta précipitamment une couverture sur la boule de verre, qui roulait maintenant à travers la salle.
- Pippin, hurla Merry en tenant l'autre dans ses bras.
Le magicien courut vers lui pour lui prendre une main et se concentrer. C'est au même instant qu'Aragorn ouvrit les yeux dans ceux vert d'eau de Maliha. Il décolla son corps de l'elfe doucement en se retenant à l'épaule de la femme devant lui.
- Doucement Estel, dit Legolas en le tenant du bout des doigts.
Il reprit encore difficilement son souffle se perdant dans les yeux de Maliha. C'est un regard dur et incertain qu'elle n'a pas compris.
- Estel tout va bien ? elle demanda inquiète.
- Oui... Oui ça va maintenant et Pippin ?
Tous se tournèrent vers Gandalf qui rassurait Pippin comme il pouvait. Le hobbit était mort de peur maintenant totalement éveillé.
- Dites-moi ce que vous avez vu, dit-il doucement.
- J'ai... J'ai juste pris la boule... Je voulais seulement la regarder encore. J'étais obligé de regarder et les images étaient terrifiantes. Il...
- Continuez Pippin, parlez ! gronda le magicien.
- J'ai vu un arbre blanc en flamme, derrière les étoiles s'allumaient et s'éteignaient comm si quelque chose passaient devant elles, mais je ne voyais pas bien. Puis je l'ai vu... Je l'ai vu, lui.
- Sauron.. murmura Gandalf. Que vous a-t-il dit ?
- Il m'a posé des questions, continua le hobbit. Mon nom d'abord, mais je n'ai pas répondu. Il s'est énervé, puis crié, et j'ai fini par dire que j'étais un hobbit.
- Est-ce tout ? demanda vivement Gandalf. Avez-vous parlé de Frodon et de l'anneau ?
- Non, non il ne m'as rien demandé à ce sujet.
- Bien... dit-il avec soulagement.
Il se leva en reprenant son souffle. Il fit quelques pas, semblant réfléchir, avant de venir vers les trois autres.
- Et vous Aragorn, qu'avez-vous vu ? il demanda.
- Tout comme Pippin j'ai vu Minas Tirith et l'arbre blanc bruler. C'était la guerre, Gandalf. Il prévoit d'attaquer le Gondor...
- Je vois... dit-il soucieux.
- Gandalf, si le Gondor doit-être attaqué je dois y aller, lança Maliha.
Aragorn se tendit et n'a pas pu s'empêcher de lui prendre le bras vivement. Elle l'a regardé étrangement quelque seconde.
- Vous irez Maliha, mais pas encore... Le Gondor ne tiendra pas seul face au Mordor, il nous faut parler au roi Théoden.
oOo
Je n'avais pas pu fermer l'œil au final. Les nerfs me tenaient... Trop de choses s'étaient passé cette nuit et aucune ne me plaisait... Je regardais doucement le soleil essayer de percer l'horizon dans le vent glacial. Il était six heures du matin et tout était encore endormi. L'alcool avait depuis longtemps quitté mes veines et la réalité me frappait de toute part.
On attendait tous que les hommes se lèvent et j'ai entendu les pas d'Aragorn venir à ma rencontre sur la terrasse. Lui non plus ne souhaitait pas dormir.
- Maliha, tu ne dors pas ?
- Non Estel, impossible...
Il posa une main douce sur mon épaule et j'observais son visage tiré de fatigue. Je savais qu'il s'était passé quelque chose, mais comme chaque fois entre nous, j'attendrais qu'il me le dise lui-même. Il soupira un moment, semblant hésiter...
- Estel, dis-moi... S'il te plaît, je murmurais d'un ton rassurant.
Il regarda un instant mon visage comme pour me jauger et il se lança.
- Je t'ai vu...
- Tu m'as vu ?
- Dans le Palantir, je t'ai vu Maliha...
Une bouffée de chaleur me prit... Une bouffée de panique. Parce que je savais déjà ce qu'il avait vu... Tout comme moi avant lui dans le miroir de Galadriel.
- La porte noire, c'est ça ? dis-je comme pour le soulager.
- Tu n'étais pas avec nous Maliha.
- Je sais... J'étais...
Je savais par avance où mènerait cette conversation. A moi d'en prendre la responsabilité ou non... Devrais-je vraiment le lui dire ? Aragorn me faisait confiance et ne pas le lui dire le tuerait. Lire dans ses yeux une quelconque trahison de ma part je n'étais pas certaine de pouvoir le supporter... Non je ne pourrais pas.
- J'étais avec Eriador n'est-ce pas ? je continuais dans un murmure.
- Oui, dit-il. Je sais qu'il est mort et...
- Non Estel, je le coupais pour en finir.
Un silence passa. Je ne savais pas vraiment comment aborder le sujet et même si j'en avais le courage. Mais l'heure de vérité était venue.
- Vous m'avez dit que mon corps était dans un état pitoyable...
- Maliha...
Je lui fis un signe de la main pour me laisser parler librement.
- Il est arrivé peu de temps après votre repli. Je n'étais pas en état de le combattre....
- La percé dans la tour, dit-il.
- Oui...
Je le laissais accuser le coup.
- Pourquoi t'avoir laissé en vie ? demanda-t-il.
Nous y étions... Devais-je me confier maintenant ? Lui parler de mes doutes ? Les comprendrait-il au juste ? Sa réaction d'hier me laissait à penser que non... Non il ne comprendrait pas.
- Je ne sais pas Estel...
Il posa une main sur sa hanche en marchant, paniqué, sur la terrasse. Les images défilaient devant mes yeux... La vision d'Eriador à mes côtés, de mes mains tenant Laureline et le goût du sang dans ma bouche.
- Je m'occuperai de lui... dis-je en croisant les bras.
- Pourquoi ne pas nous l'avoir dit plus tôt Maliha ?
- Cela ne vous regarde pas, c'est un titan, Aragorn.
- Et ? il ajouta presque énervé d'un coup.
- Et il n'y a que moi ici qui puisse faire quelque chose. Je dois aller à Minas Tirith, il y sera certainement. C'est ma tâche de l'éliminer, ni à toi, ni aux elfes, ni à personne d'autre que moi, tu m'entends ?
Il me regardait perdu.
- Tu aurais dû nous le dire.
- Vous ne pouvez rien faire Aragorn.
- Je risque de te perdre Maliha !
- Laisse-moi m'occuper de mon seul parent Aragorn.
Un air triste passa sur ses traits. Au fond de moi je ne savais pas quoi faire. Je ne pouvais rien dire d'autre que,... que ça... Estel ne comprendrait jamais mes tourments et mes hésitations. Eriador était un titan déchu... Il n'en restait pas moins un être humain privé de ses sentiments et enfermé dans l'ombre. Son discours m'avait parue tellement familier après tout... D'un côté je devais le tuer, mais de l'autre, ce serait prouver ma véritable nature et qu'ils avaient raison sur les titans. Prouver chacun des mots que m'avait adressés Legolas jusqu'à maintenant. Que nous n'étions que des machines à tuer sans cœur.
Un frisson me parcourut encore sous les souvenirs de la nuit. Jamais ils ne nous comprendraient. Jamais ils ne verraient le mal être que nous procurait ce nom, ni même notre position... Jamais ils ne prendraient le risque de nous sauver... Seulement de nous tuer, après nous avoir demandé de nous battre pour eux...
Sans me l'avouer j'étais devenue un véritable titan... J'avais imprimé ce nom dans mon cœur. Depuis ma rencontre avec Eriador, ce n'était plus "je", mais "on"... J'avais une appartenance et je n'avais pas osé l'accepter. Mais en écoutant Aragorn, je me rendis compte du mur entre "eux" et "nous"...
- Estel si je sombrais, essaierais-tu de me sauver ?
Il me regarda et ce que je vis n'était en aucun cas la réponse que j'attendais... Car il n'y avait que la peur dans ses yeux.
- Oui Maliha, bien entendu.
Il avait eu beau le dire, j'avais décelé la peur de me regarder tel que j'étais. Il n'acceptait que l'âme, mais pas l'ombre... Avais-je fini moi, par l'accepter ?
oOo
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro