// ... Chapitre cinquante-sept ... //
"Crayon noir" - Orphia
Le vent passa dans mon cou. Je n'avais aucune idée d'où j'étais. Le paysage autour de moi était un vaste désert aride. Il y avait une route, au bitume noir et neuf, parcemet de bandes blanches intermitantes. J'étais bouche bée devant la voiture qui semblait m'attendre. Elle était extrêmement vieille, de celles que l'on ne trouvait que dans les musées. La ligne vintage m'était complètement inconnue, virile et basse d'une coupe de caractère..
Je m'approchais curieuse, mais mon reflet dans la vitre me fit reculer. J'avais des cheveux très courts, sous l'oreille, comme lors de mon adolescence. Je portais un mini short et un sweat aux couleurs d'un autre temps. Le vent brûlant me balaya et je regardais autour de moi inquiète en redressant mes manches. Un désert de pierres, de sable et de buisson presque mort à perte de vue. Le soleil semblait se coucher et en face, là où devait mener cette route, la nuit et de lourds nuages.
Je fronçais les sourcils passant de la voiture aux nuages avec anxiété. Bien, de toute façon je n'allais pas restée là. Depuis longtemps je savais que mon esprit me jouait des tours lorsque je sombrais. J'ouvris la portière dans un son métallique et m'enfonçais dans l'habitacle dans un son de vieilles choses. Il n'y avait aucun écran, simplement des boutons, des aiguilles et des molettes. Une odeur de cuir régnait et je passais une main timide sur le tableau de bord d'un rouge décrépit. Il y avait une clé enfoncé dans une fente en dessous du volant ou pendouillait un porte clé d'une marque de chaussures oubliée. Sans vraiment comprendre ce que je faisais et actionnais le mécanisme simple. J'ai sursauté en entendant ce qui devait être un moteur thermique, lâchais la clé de stupeur et le ronflement ce tut. J'ai repris mon souffle paniqué avant d'essayer de nouveau plus longtemps. La voiture à vibrer et le moteur s'est finalement stabilisé. Une odeur de fumé bizarre à envahie l'intérieur et j'ai ouvert la fenêtre à l'aide d'une manivelle chromée en quatrième vitesse. J'ai mis ma ceinture de sécurité avant de regarder le levier central avec défi. P, N, D... Bon déjà ça ce n'était pas inconnue et les pédale non plus.
Je suis passé sur le mode adéquat avant d'accélérer. Le moteur à ronfler et la voiture est finalement partie. Je roulais à basse vitesse, c'était une antiquité après tout... Mais petit à petit j'ai appuyé sur la pédale d'accelérateur et j'ai pu constaté que la coupe virile du véhicule était plutôt en adéquation avec sa puissance. Je prenais de la vitesse et me surprenais même à apprécier la sensation de l'ancien temps.
Après plusieurs longues minutes sur cette ligne droite infinie, je tournais la molette de ce qui semblait être une radio.
Une batterie tout aussi vintage à résonner, un sourire étira mes lèvres au rythme rapide et du synthé d'un temps reculé.
J'ai pas trouvé la paix dans le métro noir.
Dans les ivresses du danger.
J'ai perdu la raison à attendre, j'ai renoncé.
Tu t'ai longtemps attendue, que nos regards se croise devant la Lune
C'est reparti.
Devant la couronne du roi.
L'aventure aux couleurs du soir.
Ta robe, tenir ton miroir.
Résultat, tant pis pour toi.
J'ai roulé, encore et encore, tapant du pied, le coude pas la fenêtre, la musique à fond dans ce paysage lunaire. Il faisait nuit et les étoiles avaient envahi le ciel au-dessus de moi. En face, les nuages formaient maintenant une masse noire distincte. Où étais-je, aucune idée encore, mais je suivais la route droite, calant le défilement des bandes blanches au rythme effréné de la chanson qui passait en boucle.
Une voiture noire, une odeur de gloire,
Quand la cours donne sur la voiture on te vois
Les années passes, tu as un chemisier en soie,
Aux couleurs magenta, dans les deux cas on te vois.
Que pouvais bien faire mon ombre à cette heure-ci ? La vision du miroir de Galadriel s'était-elle finalement réalisée ? Etais-je en ce moment même devant mes amis sur le champ de bataille devant cette porte noire ? J'enfonçais la pédale pour engloutir les kilomètre le plus rapidement possible. Je devais savoir où cette route souhaitait me mener. Un éclair à jaillit des nuages que j'approchais de plus en plus.
Quand tes larmes coulent,
La voiture se gara devant la lune, elle est partie.
Devant le miroir, se maquiller les yeux au crayon noir.
Quand les yeux virent au noir,
Plusieurs tracent et pensent.
J'étais maintenant dans le nuage à l'intérieur de l'orage. Aucune pluie ne tomba et j'ai eu peine à trouver la manette pour actionner les phares de cet engin. Je crus apercevoir des montages, mais je ne savais pas vraiment.
Devant la couronne du roi.
L'aventure aux couleurs du soir.
Ta robe, tenir ton miroir.
Résultat, tant pis pour toi.
J'ai voulu regarder l'heure, mais le compagnon n'était plus à mon poignet et l'heure de la voiture semblait morte, affichant simplement 99:99. Je posais ma tête au creux de ma main en laissant mes cheveux danser dans le courant d'air choud qui rentrait par la vitre baissée. Regardant un instant les deux pompom accrocher au rétroviseur central se balancer lentement.
J'soupirais, mais je devais admettre que je me sentais bien à cet instant. Loin de toutes mes peurs et de mes doutes.
Quand tes larmes coulent,
La voiture se gara devant la lune, elle est partie.
Devant le miroir, se maquiller les yeux au crayon noir
Quand les yeux virent au noir,
Plusieurs tracent et pensent.
J'ai pilé d'un coup, m'arrêtant à la dernière seconde devant un gouffre qui tombait à pique. Les éclairs traversait le ciel dévoilant à mes yeux, au-dessus du gouffre, un miroir gigantesque oscillant d'une surface liquide noire.
Je restais transie à la forme ronde devant moi. Je la regardais sans comprendre comment cela pouvait être juste possible. J'ai coupé le moteur avant d'ouvrir la portière pour m'approcher.
La lumière est restée dans l'habitacle et j'ai lâché difficilement le métal de la voiture. Je me suis avancée vers le gouffre ne quittant pas des yeux le miroir liquide d'au moins cent mètres de diamètre. Il tenait en lévitation par je ne sais quel procédé. Une fois au bord du gouffre je n'ai pas su quoi faire.
- Alors te voilà finalement, me dit une voix.
J'ai fait un pas en arrière, la voix avait fait vibrer l'air autour de moi. J'étais absolument certaine d'avoir déjà entendu cette voix féminine quelque part.
- Où suis-je ? j'ai demandé timidement.
- Tu sais très bien où tu es.
Je suis restée indécise devant la forme noire.
- Qui êtes-vous ?
- Tu sais qui je suis.
- Quoi ...?
Là. A cet instant j'ai eu peur de la réponse. Parce qu'au fond, je la connaissais déjà.
- Je suis toi.
Mes yeux se sont écarquillés et je me suis souvenue. Cette voix c'était celle de mon ombre.
- Tu es mon ombre, dis-je en faisant un pas en arrière.
- Je suis toi.
- Tu n'es qu'un cadeau empoisonné de Sauron.
- Je n'ai jamais été un cadeau, Lucy. J'ai toujours été en toi.
- C'est impossible.
- Tu es une fille d'Illuviné, n'est-ce pas ?!
- ... Oui...
- Alors, arrête de nier l'évidence, je ne devrais pas rester enfermé ici !
- Je ne comprends pas, dis-je perdue.
- Tu n'as jamais rien compris ! Tu te dis intelligente, brillante même, mais pourtant tu n'es même pas capable d'accepter qui tu es ! Ta propre nature.
- Ma nature ?
- Tu es une fille d'Illuviné, une fille de l'enfer !
- Tu dis n'importe quoi...
Cette chose était complément folle... L'enfer, laissez-moi rire... Comment pourrais-je venir de l'enfer au juste ?
- Tu es rentrée dans le monde d'Iluvatar et tu n'as même pas été capable de reconnaître la plus grande différence entre eux et toi. Iluvatar est la lumière de la création, l'image de la perfection absolue et les êtres qu'il a créés le sont tout autant. Mais toi... Toi tu es une création d'Illuviné, une création de l'enfer. De toi émane l'ombre de la nature humaine.
- Veux-tu dire qu'Illuviné est mauvaise ?
- Elle est la sœur d'Iluvatar, son alter ego, son opposé... Elle est l'individualité qui engendre l'égoïsme... Ne t'es-tu jamais demandé d'où venait cette solitude, cet envi de réussite, de pouvoir, cette mésentente permanente et cette sensation d'être à jamais inassouvie qui vous définit tous ? Tu n'as jamais été capable de réaliser tes désirs, toujours à la recherche d'un bonheur inaccessible. Voici qui est Illuviné : celle qui ne s'implique pas, celle qui ne montre jamais la voie, qui n'offre rien d'autre que le tourment: l'indifférence ! Je ne suis pas un cadeau, je suis ta part d'ombre. L'essence d'Illuviné en toi, celle qui marque notre différence avec les créations d'Iluvatar.
- Tu dis n'importe quoi... Tout le monde à une part d'ombre en soi.
- As-tu vu juste un peu de l'égoïsme dont notre espèce est capable chez eux ?
- Ils peuvent insulter...
- Parce que derrière se cache un honneur, une promesse ou corrompu par le mal lui-même. Ils ne sont pas comme toi Lucy... Pourquoi nous appellent-ils Titan ? T'es-tu seulement déjà posé la question ?! Car nous le sommes. Nous sommes d'une infinie puissance , un mental d'acier ou la faiblesse ne devrait pas avoir sa place ! C'est moi qu'ils ont appelé pas toi ! Je transforme ta colère, ta tristesse et ta haine en force, toi qui ne les accepte pas !
J'ai fait un pas en arrière... Elle ne pouvait pas avoir raison. Elle ne pouvait pas être une partie de moi.
- Si c'était vrai, alors pourquoi ne t'es-tu pas manifesté avant ? hein !
- Ta clairvoyance Lucy.
Ma clairvoyance... Oui, mes sentiments ont été décuplés... Cela aurait-il eu une influence ? Oui, ma colère était bien plus forte, ma tristesse affligeante...
- Ta capacité à te dépasser, ta volonté de combattre et d'aller au bout de tes choix est ta part de lumière, car Illuviné reste une déesse, mais une déesse de l'ombre. Alors ta part obscure, ton avidité, ta colère, tes doutes permanents, ta solitude, ton incapacité à appartenir à un peuple, même le tien, c'est MOI. Je suis ton indifférence, ton égoïsme ! Celui qui te tourmente depuis ta naissance... Celui qui le fera toujours !
J'ai toujours trouvé le genre humain incroyablement égocentrique, égoïste et individualiste, mais de la a en donner l'origine...
- L'aspect négatif qui t'a forgé durant toute ses années, celle qui te maintient en vie et qui te permet de trouver une place dans tout ce sang, et même celui que tu réalises de tes propres mains ! Tu n'en aurais jamais été capable sans moi ! Laisse ta vraie nature te dominer. Laisse moi, MOI, la création d'Illuviné prendre la place qui me revient de droit.
- Tu prends déjà suffisamment de place...
- Tu ne serais rien sans moi Lucy !
Elle avait peut-être raison... Si mon ombre n'avait pas été là, aurais-je été capable de tenir face à toute l'horreur autour de moi ? Face à la monstruosité de la guerre. Ne serait-il pas plus intelligent de la laisser faire ? Elle était sans doute beaucoup plus efficace que moi.
- C'est vrai...
Eriador avait peut-être raison... Ma nature humaine était remplie d'une souffrance permanente. La perte, le regret et le chagrin qui en découle. Cela valait-il la peine d'être vécu ? J'ai regardé la masse liquide et sombre s'approcher. J'y ai vu mon reflet. Mon visage aux yeux rougeoyant sourire.
Qu'avais-je fait de bien finalement ? Les avais-je protégé à la hauteur de leur espérance ? Avais-je trouvé le bonheur ? Où peut-on trouver le bonheur après tant de sang ?
Une larme a dévalé ma joue et mon ombre a souri.
- Laisse-moi prendre ta place dans le conscient définitivement.
J'ai regardé ses yeux rouges. Celle que je devais être quand mon âme disparaissait. Et j'ai écarquillé les yeux. Je ne pouvais pas abandonner si facilement.
- Je ne peux pas te laisser faire ça ! j'ai hurlé.
- Bien sûr que si.
Devais-je l'éliminer ? Devais-je la tuer pour ne rester que lumière et ne plus souffrir de celle que j'étais ? J'ai encore regardé le visage devant moi.
- Pourquoi fais-tu ça ? Pourquoi tant de tuerie sans discernement ? Cette volonté de m'enfermer ?
- Parce que nous avons toujours été tapis dans votre âme, seulement capable de chuchoter à votre oreille, sans jamais nous montrer réellement. La clairvoyance nous a permis de nous matérialiser, c'est notre chance.
- Si je te laisse prendre mon âme, tu seras toujours inassouvie.
- Sans moi tu n'accompliras rien.
- Alors faisons le ensemble, dis-je d'un coup.
Le visage a froncé les sourcils. J'avais prononcé cette phrase sans réfléchir. C'était sortit tout seul, mais en m'écoutant j'ai réalisé...
- Pourquoi je ferais une telle chose ?
- Parce que tu es moi, dis-je.
J'avais mis du temps à comprendre. A me comprendre... J'étais un être humain. Un être imparfait, avec une part d'ombre et une autre de lumière. Je faisais des erreurs, parfois mes pensées étaient obscures et froides. Mais je pouvais aussi être altruiste. Combien de fois ai-je fait du mal aux autres en le sachant parfaitement ? Combien de fois ai-je pensé à ma gueule en premier ? Combien de fois ai-je souhaité reculer, me voiler la face sur mes actes ? Combien de fois ai-je été en colère ? Incapable de supporter l'echec ? N'avais-je pas passé ma vie à essayer d'être la meilleure, la plus forte, la plus intelligente et cela depuis ma naissance ?
Alors qu'il me fallait simplement accepter.
Accepter de ne pas être parfaite.
Accepter ma colère, mes peurs, ma cupidité, mon égo...
M'accepter tel que j'étais.
Accepter de combattre les yeux ouverts, de regarder le sang que je pouvais verser.
Accepter mes forces et mes faiblesses.
- Je t'accepte, dis-je. Tu es moi, alors affrontons donc cette vie ensemble. Nous ne pouvons pas vivre l'une sans l'autre.
- Je peux vivre sans toi.
- Pour faire quoi ? Ne plus jamais rien ressentir ? Ce n'est pas ça vivre ! Vivre c'est se laisser transporter par ses émotions et non y être indifférent ! Tu m'as protégé pendant des années, alors que si je les accepte nous serons enfin en paix !
Elle ne dit rien.
- Ne souhaites-tu pas être libre ?
- Si.
- Alors j'accepterai celle que je suis et toutes les émotions qui me traverseront. Sans passé ni futur ,il n'y a pas de présent. Sans le noir ou le blanc, il n'y a pas de couleur. Sans je jour et la nuit, il n'y a pas de vie. Sans ambition ni échec, il n'y a pas de progrès. Sans ombre et sans lumière, il n'y a pas d'âme. J'ai mis du temps à le comprendre et j'en suis désolée. J'ai mis du temps à accepter que je suis juste humaine, c'est tout. Un mélange discret de bien et de mal. Nous ne formons qu'un, alors faisons-le. Cela aurait toujours dû être ainsi. Pardonne moi de ne jamais avoir accepté, de ne jamais avoir écouté, mais c'est terminé maintenant.
J'ai vu la réflexion passer sur son visage. Ses yeux rouges se sont plongés dans les miens et j'y ai lu ma solitude et ma colère.
Le miroir à grossi et doucement, le liquide noire en est sorti. Il dégoulina pour former des marches d'escaliers noir. Elles ont fini par atteindre mes pieds et je l'ai vu descendre. Mon clone parfait... Il n'y avait rien de différent, hormis ses yeux rouges et sa peau incroyablement pâle. Elle s'est approchée, presque en ayant peur de moi. Une fois à ma hauteur je lui ai simplement tendu la main dans un sourire.
Elle l'a regardé avec méfiance, dégoût, puis peur. Je lisais toutes les émotions, que je ressentais avant comme néfastes, sur son visage et un instant je me suis reconnue en elle. Elle a prit ma main et tout est devenue noir.
Pourquoi avais-je mis tant de temps à accepter celle que je suis ?
Au-delà du titan, existait encore Lucy.
J'existais, n'était-ce pas une chance ?
N'est-ce pas un bonheur de s'accepter et de vivre, enfin, l'instant présent ?
Constater que, oui, nous sommes vivants. Et de laisser nos émotions, agréables ou non, nous le prouver.
Je commencerai à vivre à partir de maintenant.
J'accepterai ma peur, pour réagir.
J'accepterai ma tristesse, parce qu'elle est le reflet de l'amour que je porte.
J'accepterai ma colère, pour comprendre mes besoins.
Et être enfin apaisée.
oOo
Quand j'ai ouvert les yeux j'étais sur le sable gris. En face de moi, à quelques mètres, il y avait l'armée des hommes. J'ai reconnu Aragorn, Gandalf, Gimli et Legolas. La lame dans la main, arrêtée en plein mouvement de course, je m'étais finalement stoppée.
J'étais parfaitement calme. J'étais bien, même. J'ai senti les émotions en moi grandir et ma vision s'est élargie. L'air rentrait dans mes poumons, déversant la vie dans mes veines. J'ai détendu mes membres pour me redresser et marcher vers eux. Estel eut un mouvement de recul, mais Legolas l'a rassuré de la main. L'elfe s'est approché hésitant au début, mais finit par marcher franchement vers moi à grand pas. Il s'est arrêté à quelques pas. Son visage était tendu de peur, mais aussi d'espoir.
- Maliha ? demanda-t-il.
D'une main vers l'avant, j'ai compris son hésitation et sa crainte, mais je n'ai affiché qu'un sourire franc en faisant un pas. J'étais heureuse de le voir et le sentiment traversait mes veines avec joie. Qu'importe les questions, j'étais juste heureuse et j'avais presque envi de le lui dire.
- Lucy, j'ai répondu d'une voix forte et claire en lui tendant la main d'un geste de salutation.
Il était arrivé à ma hauteur et me regardait étrangement. Il observa la main tendue devant lui.
- Lucy... répéta-t-il perdu.
- C'est le nom que j'ai toujours porté et que j'aurai dû accepter depuis longtemps, dis-je d'un sourire.
Il a pris ma main dans la sienne pour l'entourer d'une sensation brûlante. J'ai refermé mes doigts d'une poigne forte pour y sentir chacune de ses phalanges. Après tout ça, je l'avais enfin retrouvé et maintenant que j'étais attentive, arrêtant de me laisser happer par toute mes questions, j'arrivais presque à lire au fond de son cœur.
- Tes yeux, dit-il.
- Mes yeux ?
- Ils sont... marron... pâle.
J'ai été étonné, mais après une réflexion, j'ai souri.
- C'est une longue histoire, j'ai fini par répondre. Je m'occuper de quelque chose encore.
Il m'a regardé encore un instant, plissant les yeux en ne comprenant pas. Puis en un instant il détourna les yeux pour regarder derrière moi et poussa un soupir.
- Je dois te dire quelque chose, dit-il avec douceur.
- Je ne pense pas que cela soit le bon moment, j'ai répondu en riant légèrement.
Je me suis retournée, pour regarder Eriador au loin. La Claymore toujours plantée dans le sable à côté de lui.
- Il me reste quelque chose à faire, dis-je.
J'ai senti sa main glisser le long de mon bras.
- Alors quand tout ça sera terminé, du moins si on a la chance de survivre à ça.
- Ce serait bien dommage de ne pas y arriver maintenant, non ?
Il m'a lancé un sourire tendre
- Oui, c'est vrai. Sois prudente Mali, Lucy... dit-il à mon oreille.
Ma main attrapa la sienne vivement.
- Toi aussi, Legolas.
Son pouce a caressé le mien avant que nos mains ne se séparent. Les questions ne sont pas venues, comme elles l'avaient fait tant de fois auparavant. J'ai simplement ressentit son touché et cela m'avait suffit. J'en avais ressentie chaque parcelle et les émotions qui en avaient découlé.
J'ai adressé un sourire à Estel et aux autres derrière lui, alors qu'il partait les rejoindre. J'ai fait face à Eriador qui n'avait toujours pas bougé. Un pas, puis de nombreux autres après, je m'étais rapprochée en laissant Laureline dans mon flanc. Mon objectif était de lui rendre la lumière qu'il avait perdu. Si j'avais compris une chose de mon entretien avec mon ombre, c'était que lui avait finalement tué sa lumière. Pourrais-je la ramener, je n'en savais rien, mais je devais essayer. Maintenant à quelques mètres, je me suis stoppée et récupéra la lame dans mes reins pour la planter dans le sol tout comme lui.
- Tu as détruit ta lumière n'est-ce pas ? j'ai demandé en français.
- En effet.
- Pourquoi ?
- Elle ne m'apportait rien d'autre que du chagrin.
- Oui, mais maintenant tu ne sais même plus ce qu'est de vivre. N'est-ce pas ?
Il ne dit rien, continuant à me dévisager derrière son casque. Je voyais les yeux rouge braqués sur moi et je pouvais deviner qu'il fulminait.
- Je n'ai pas besoin de vivre.
- Alors pourquoi es-tu né ?
Encore un silence.
- Nous avons tous la chance de vivre, toi seul est maître du temps qui t'es imparti, mais si tu n'es pas capable d'exprimer tes valeurs et de les protéger, alors c'est peine perdu. Nous formons un tout et tu aurais dû le comprendre avant de détruire ta lumière. Nous sommes des titans parce que nous sommes capables d'engendrer le bien comme le mal.
- Ma lumière est morte... Tes paroles ne servent à rien.
Il récupéra la lame dans sa main avant de courir vers moi à une vitesse remarquable. Le sang a pulsé et j'ai sauté, emmagasinant toute ma force. Un seul coup, un seul, pour juger sa puissance. Le choc a été terrible, j'ai senti mes pieds s'enfoncer dans le sol quand Laureline rencontra sa lame. La poussière est montée autour de nous dans une onde de choc incroyable. Maintenant je savais une chose, qu'il ne lâcherait rien.
J'ai tourné sur moi-même et essayé de lui placer un coup sur le flanc, mais il a encore contré. Sans comprendre ce qu'il m'arrivait, je me suis pris un coup de son bras libre dans le ventre. Propulsée en arrière par une force herculéenne, j'ai à peine vu le paysage défiler devant moi. Mes pieds glissaient sur la terre et j'ai planté ma lame pour me stopper après un mètre ou deux. Il était monstrueux, je n'avais jamais utilisé ma force à pleine puissance étant consciente, mais le jour était venu de l'accepter. Je la sentais pulser dans mes muscles et maintenant, devant lui, j'allais lâcher prise pour la première fois de ma vie. J'ai levé la tête, mais il était déjà sur moi. Laureline a vibré entre mes mains et j'ai eu du mal à la tenir.
Je l'ai repoussé vivement d'un coup de pied. Oui il était peut-être plus fort que moi, mais pas plus agile. J'ai senti qu'il possédait les gestes des elfes, je le voyais clairement à la façon qu'il avait de faire tourner la lame dans sa main, celle que nous avait appris Glorfindel. Après plusieurs minutes d'échange de coup puissant, j'ai fini par trouver une ouverture et à me placer sur son flanc. D'un murmure de victoire, j'ai tourné pour l'entailler profondément. Il a râlé, posant genou à terre. Avant d'avoir eu le temps de dire "ouf", j'étais partie en arrière dans une volée. J'ai senti la pierre entre mes omoplates et le choc me coupa le souffle en m'encastrant dans le flanc de la montagne. Mes os n'étaient que douleur et mon nez rempli de poussière. Un goût de sang remplit ma bouche et j'ai pesté en sentant mon corps réagir dans une douleur insupportable.
- Lucy ! j'ai cru entendre crier au loin.
Ma tête me tournait, je voyais les formes danser devant moi tout en sentant mes os bouger dans mes membres. Je ne m'y ferais jamais... J'ai laissé mes corps glisser lourdement jusqu'à atteindre la terre ferme dans un hurlement. J'ai levé les yeux rapidement, il était dix mètres tout au plus, attendant presque sagement que je me relève. Après avoir bougé un bras, puis deux, j'ai réussi à me mettre à genoux pour reprendre mon souffle.
- Tu ne devrais pas être là... j'ai murmuré.
- Et où voudrais-tu que je sois ?
- Avec nous...
- Je l'ai déjà fait, il y a bien longtemps.
- Et tu n'as jamais trouvé ta place c'est ça ? Tu t'es senti incompris et seul ?
Il ne dit rien.
- Tu auras ta place là où tu veux qu'elle soit ! ça ne se mérite pas, ça se décide ! j'ai hurlé. Et même si on ne veut pas de toi à l'endroit que tu as choisi, il y a assez de place sur cette terre pour t'en trouver un autre ! Regarde la vie avec simplicité !
- Je ne vois plus rien de cela....
Sa voix était moins dure. Presque faible alors que je voyais sa main trembler sur le pommeau de sa lame.
- L'indifférence ne mène pas au bonheur... j'ai terminé en respirant la poussière.
- Tais-toi ! il a explosé d'une rage soudaine.
Je me suis levée pour prendre un bol d'air et repartir en courant vers lui. L'acier gronda dans une projection d'étincelle autour de nous. Je sentais mon corps, mes muscles, essayant de les maîtriser comme Glorfindel me l'avait appris pendant si longtemps. Il me fallait être plus rapide, plus souple et plus précise que lui. Il bloqua Laureline dans un son de métal strident et le temps s'est arrêté.
- ça suffit... dit-il dans un murmure.
Ce n'était pas sa voix noire... C'était la sienne... J'ai senti son souffle contre ma joue. Nous étions l'un à côté de l'autre prisonnier, Laureline retenait la Claymore, mais après une minute, je l'ai senti faiblir. Il s'était figé, comme s'il se forçait à le faire et j'ai compris, puis regardé, incrédule.
- Je crois bien que tu es celle qui devra me libérer, Lucy... Je ne te donnerai qu'une seule chance...
J'ai vu l'œil bleu me regarder une seconde, une seule et petite seconde...
- Ma lumière s'éteint...
- Tu peux la raviver, dis-je avec espoir.
- Je suis fatigué...
J'avais espéré le sauver, le ramener à la raison... Mais la seule chose qu'il souhaitait depuis le début, c'était d'être libéré de son fardeau éternel... La seule trace de lumière encore dans son âme, celle qui faisait de lui ce qu'il avait été un jour, venait de me demander de le tuer. J'ai senti la larme dégringoler sur ma joue à la vue de cet œil bleu terne qui s'effaçait déjà.
- Qu'ils puissent me pardonner, dit-il.
Sa lame tremblante a lâché la mienne, dans un dernier cri de courage, son genou tomba à terre. D'un geste rapide et souple, je me suis redressée pour brandir Laureline d'une respiration.
- Ils le feront, car moi je te pardonne.
J'ai fermé les yeux et abattu la lame d'un coup sec. J'ai regardé le corps tomber devant moi et mes jambes ont lâché. J'ai pleuré sa perte comme on pleure celle d'un membre de sa famille. Il avait tant donné par le passé, vécu tant de guerres et de doutes. Les meurtres qu'il avait commis étaient atroces, mais la vie d'un titan l'est sans tout autant. Nous étions là pour protéger par la mort, parce que nous étions les seules à pouvoir le faire avec indifférence. C'était ça notre force. J'ai réussi à accepter celle que je suis, accepter que je puisse engendrer la mort autant que la vie, cela faisait de moi un être humain. Il n'y a pas d'idéal, il faut juste vivre.
C'est la main douce d'Estel qui me reveilla.
- Maliha ?
Ce nom sonnait tellement faux maintenant... Maliha n'était que la façade d'une fourberie. La façade d'un mal être profond et incompris depuis toujours. Non c'est Lucy qui venait de le tuer et cela en pleine conscience.
- Lucy, j'ai répondu. Je suis née avec ce nom, c'est celui qui m'a été offert par mes parents. Celui qui m'a vu naître et celui que je n'aurais pas dû oublier.
Il m'a sourit avant que le sol ne tremble sous nos pieds. J'ai tourné un regard paniqué pour tomber sur les portes qui s'ouvraient entièrement.
- Combattes-tu à mes côtés Lucy ?
J'ai regardé sa main tendue vers moi avant de lui rendre son sourire et de la prendre.
- Maintenant oui.
oOo
L'armée noire envahi la plaine et l'heure de la dernière bataille était venue. L'homme en armure argenté sonna la dernière vague des hommes face au mal. Le destin allait se sceller maintenant. Cette fois-ci, elle était en paix, quand elle courrut vers l'ennemi aux côtés de ses amis. Son cœur léger, quand elle abattit sa lame dans le premier orc. Libre, quand elle s'élança vers le troll hurlant. Aujourd'hui elle tuerait d'une âme apaisée pour les mener à la victoire. Ils étaient peu nombreux, mais ils étaient là que pour tenir et ce, jusqu'à leur dernier souffle.
Quand elle vit les aigles fendre les airs et arracher les ailes des Nazgûl au-dessus d'eux elle cria d'un nouveau courage. A côté d'elle était Aragorn, puis Legolas, Gimli, les hobbits et Gandalf et s'était dit qu'il lui avait fallu bien trop de temps avant d'accepter qu'elle avait toujours voulu se battre avec eux... Plus encore pour admettre qu'elle avait juste eu peur de le faire. Un sourire passa quand elle entendit le nain crier un vingt-quatre haut et fort à côté d'elle, et Legolas contrer avec un trente-deux bien tassé... Cinquante-six elle avait rétorqué à son tour pour clore le débat. Gimli avait pesté dans sa barbe et un sourire étincelant est apparu sur le visage de la titan. "Dans ce cas c'est nous deux contre vous", avait-il ajouté.
Oui, elle aurait dû y songer plus tôt.
L'armée noire les avait totalement encerclés et même avec sa force elle ne pouvait pas faire grand chose. Ils étaient beaucoup trop nombreux pour eux et les hommes faiblissaient. Ils connaissaient tous le risque de cet enjeu, c'était un pari risqué. Lucy ne savait pas quoi faire, se déplaçant entre les orcs en les tuant aussi vite que Laureline le lui permettait. Elle ne pouvait pas tous les protéger et ça aussi elle l'avait finalement accepté. Elle faisait juste de son mieux
Après des minutes qui leur semblaient des heures, les ténèbres se sont effondrées devant eux et l'œil au loin commençait déjà à faiblir. Les yeux maintenant marron pâle se sont attardés dans le vent pour contempler ce qui devait être le début d'un nouveau jour. C'est quand elle sentit l'odeur de Legolas contre elle qu'elle se rendit compte qu'il l'avait prise dans ses bras. Il la serra si fort qu'elle avait envi de pleurer. Il embrassa son front comme s'il était un trésor et la souleva de terre dans une exclamation loin de la retenue des elfes.
- C'est fini, murmura-t-il.
- Oui c'est fini, maintenant...
Il venait de réussir... Les hommes hurlaient la victoire autour d'eux, mais c'est l'explosion de la montagne du destin qui les réveilla de l'euphorie de la victoire. Elle contempla les projections enflammées dans le ciel et s'était demandé si Frodon était toujours en vie après ça. Le sol a tremblé et s'est effrité devant leurs yeux. C'était un gouffre immense, tout le Mordor venait de sombrer, comme s'il avait ployé devant eux.
Elle a regardé l'aigle passer au-dessus d'eux et a reconnu Gandalf qui en était le guide. Elle espérait au plus profond d'elle revoir les deux hobbits en vie. C'est devant ce nouveau gouffre qu'ils ont attendu, observant les aigles survoler le champ de ruines.
- Pensez-vous qu'ils s'en soient sortis ? demanda Pippin.
- On ne peut pas le savoir, seulement l'espérer, dit-elle en posant une main sur son épaule.
- Les hobbits sont robustes, je suis certain qu'ils sont en vie, rétorqua Gimli en prenant appui sur sa hache.
Elle vit le premier faire demi-tour et a retenue son souffle. Quand elle vit Gandalf passer et l'aigle tenir une petite forme entre ses serres, puis un autre après lui, elle respira enfin. Ses muscles ont lâché la pression et elle a respiré l'air poussiéreux d'un jour nouveau, le cœur léger. Aragorn tapa son épaule et elle lui rendit, beaucoup plus fort que prévu d'ailleurs et le nain éclata de rire à côté d'eux.
- Tu es bien faiblard pour un roi tient, rigola-t-elle.
oOo
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