// ... Chapitre cinquante-deux ... //
"Exotica" - Purple Disco Machine
J'ai eu peine à ouvrir les yeux. J'étais tellement bien sur le matelas moelleux et les draps propres. Je finis quand même par les pousser en tentant de me redresser. Poussais un grognement de douleur, sentant mes muscles courbaturés ce tendre. Je n'y étais pas allée de main morte. Je restais assise un moment, attendant que la douleur se calme. Des images me parvinrent soudain, la guerre, le sang, Eriador... Eowyn qui me parlait. Puis la conversation avec Legolas, cette nuit... Un goût amer passa dans la bouche, un goût de vide...
Eriador.
Eriador... Il aurait pu me tuer. Pourquoi ne pas l'avoir fait ? Ces mots me revenaient en tête et je me demandais si moi j'aurais seulement pu l'effleurer... Avait-il vraiment tort après tout ? *Le sacrifice d'une éternité de service, au prix d'une âme déchue et souillée. Où comptes-tu trouver le bonheur après tant de mort ?* Quelque part c'était vrai. Mon âme tombait déjà en lambeau... Les cauchemars étaient de plus en plus présents et la vue du sang restait presque imprégnée dans mon esprit.
A la fin de cette guerre serais-je toujours la même ? Ou j'aurai été submergée par la dépression ? Le bonheur était-il seulement accessible après tant de mort et de souffrance ?
J'ai regardé mes mains, blanches et froides. Ne serait-il pas plus simple d'abandonner ? J'écarquillais les yeux sous cette pensée tout en reposant mes mains sur les draps d'un geste de terreur. Depuis quand j'acceptais de céder ?! Depuis quand le mal s'était-il ancré si profondément en moi? Ou la question s'était-elle déjà immiscée dans mon esprit sans même le savoir ?
Je me levais d'un bon, non sans mal, avant d'attraper une chemise blanche et un leggin gris, puis enfilé mes bottes en silence avant de sortir. Dans le couloir je me stoppais un instant. Allais-je leur dire pour Eriador ? Était-il sage de parler de lui ? Qu'il était en vie ? Cela les regardaient-ils au juste ? Les affaires des titans ne les regardaient en rien il me semblait... Me dis-je en serrant le poing. Du moins pas avant de prendre une décision... Ce serait mentir de dire que ses mots ne m'avaient pas atteinte. Une partie de moi criait qu'il avait tort, mais une autre acceptait de croire que j'avais les mêmes pensées tapis au fond de moi.
Je me dirigeais vers la grande salle, mais n'y trouvais personne en arrivant. J'ai continué ma route vers les cuisines et ils étaient là, autour d'un petit déjeuner. Mon regard se posa sur Legolas, droit comme un piquet, une tasse de thé fumante à la main, dos à moi... Aragorn, Gimli et Gandalf étaient attablés et discutaient doucement. C'est Estel qui leva les yeux en premier.
- Maliha... Tu es enfin réveillée, dit-il en se levant brusquement, déstabilisant presque le nain.
Il me prit dans ses bras, surprise par le geste si affectueux... Estel était rarement aussi intime, mais je lui rendis son étreinte douce, m'attardant dans cette nouvelle protection.
- Combien de temps ? je demandais.
- Environ six jours, dit-il en sortant de mes bras.
- Six jours... je murmurais hébétée.
- J'ai eu peur pour toi Maliha. Tu ne te réveillais pas, tu ne guérissais pas...
Quoi...?
- Six jours... Comment est-ce possible ? Je n'ai pas guérie... ? Jamais cela n'était arrivé. Gandalf se leva pour s'approcher à son tour.
- Comment vous sentez-vous ? demanda-t-il en me regardant longuement.
- Je vais bien. Enfin, j'accuse encore un peu le coup, mais ça va, je répondis avec un fin sourire.
Je les ai tous balayé des yeux. Legolas se retourna et je le vis se tendre en croisant mon regard. Au delà de ça, je ne comprenais pas ce que je lisais en eux. Pourquoi affichaient-ils tous ce regard de pitié...
- Venez, que je regarde l'état dans lequel vous êtes, dit-il d'un signe de main.
Je le suivis jusqu'au banc où il était assis plus tôt en lâchant le bras d'Aragorn qui se rassit lourdement en me faisant face et soupira.
- Donnez-moi votre bras.
- Quoi ?
- Si vous aviez vu votre corps quand nous vous avons trouvé, vous trouveriez parfaitement normal que l'on contrôle que tout soit en place.
Son regard était sérieux, je fronçais les sourcils. Je ne comprends pas...
- Ce n'était pas beau à voir...
Je me tournais pour croiser les yeux d'Eomer appuyé contre un pilier qui venait de rentrer. Il avait quitté son armure et son heaume et c'est un tout nouvel homme que je voyais.
- C'est le seigneur Eomer qui t'a retrouvé, m'expliqua Aragorn.
- Et je ne pourrais jamais effacer ces images de ma mémoire. Je ne comprends pas comment vous pouvez être encore en vie, dit-il en croisant les bras
J'ai cherché dans les yeux d'Aragorn et ce qu'ils voulaient tous dire sans pour autant le dire réellement. Mais je ne voyais rien d'autre que cette pitié...
- Votre corps était digne d'un torturé, tordu comme une marionnette jetée des remparts, lance Gandalf.
Il y eut un grand silence et personne n'osa continuer la description macabre. Chaque fois que je cherchais la confirmation dans les yeux d'un de mes compagnons, ceux-ci baissaient la tête, comme pour oublier. Eriador n'y était pas allé de main morte... Je me souvenus vaguement de ses coups et des nombreuses fois où la pierre avait percuté mon corps...
- Votre bras.
Sa main était tendue devant moi, je soupirais avant de le lui donner. Le prit fermement, et commença à inspecter ma main en faisant bouger mes doigts un par un. Mon poignet, puis les os de mon avant bras. Il remonta à mon épaule en silence, la manipula sans un bruit. Me fit signe de lui donner l'autre et recommença la même inspection minutieuse. Le silence remplissait la cuisine. Tous regardaient Gandalf parcourir les articulations d'un regard soucieux et grave.
- Tournez-vous, demanda-t-il.
Je m'exécutais, posant mes yeux sur Legolas maintenant en face de moi. Je sentis le magicien toucher ma colonne vertébrale de ses doigts, contrôler chaque vertèbres, puis mes côtes, mes hanches, remonter à mon cou et me fit tourner la tête en touchant les os et soupir. Je n'arrivais pas à lâcher la tunique de cuir de l'elfe des yeux. Je sentais son regard sur moi comme on regarde une bête de foire.
Gandalf se plaça à genoux et contrôla mes jambes et mes genoux. Il s'est arrêté sur une cuisse poussant un énième soupir.
- Vous ne récupérerez jamais totalement la blessure de cette jambe.
- Hein ? dis-je surprise.
- Un coup vous a retiré une grande partie de chaire... Votre corps ne peut pas recréer ce qu'il a perdu. Vous aurez ce manque jusqu'à la fin de votre vie.
Je n'avais pas remarqué, mais en passant ma main contre ma cuisse, je le sentais, le trou à l'arrière de la cuisse. Un creux large et long. Un froid me parcourut, mes yeux se plongèrent dans ceux du magicien et ma mâchoire se serra... Mon corps avait souffert et je ne l'avais même pas remarqué...
- Vous avez eu de la chance, votre corps à encore fait du bon travail, il murmura en se redressant avant de poser une main sur mon épaule.
Oui il avait fait un bon travail... Mais les traces s'accumulaient.
- Ne refais plus jamais ça Maliha.
J'ai croisé les yeux du rôdeur.
- Aragorn... je commençais en soupirant. Je vais bien maintenant.
- Tu as failli y rester.
Je parcourus les autres des yeux pour y trouver une confirmation. Legolas détourna les siens avant de baisser la tête en avalant sa salive et Gimli un soupir grave en posant sa chope.
- Aragorn, je...
- Non... Pas cette fois Maliha... Tu ne peux pas tout assumer toute seule. Quand es-ce que tu comprendras ça ?!
J'avais depuis longtemps détourné les yeux des siens, attendant la fin de son raisonnement. Mais ses mots transperçaient mon cœur. J'ai senti les larmes monter sans comprendre en contemplant un verre sur la grande table. Une coula finalement le long de ma joue, mais je la chassais d'un revers de la main sous une montée de colère inexplicable.
- Et que veux-tu que je fasse d'autre Aragorn ? dis-je froidement.
- Maliha... dit-il dans un soupir.
- C'est ma tâche, je suis ici pour ça.
- Arrête d'être aussi bornée !
Tsss.. Je croisais les bras pour étouffer ma colère. Je me faisais engueuler comme une enfant et je détestais ça par-dessus tout...
- Bornée ?
- Aragorn a raison, murmura Gandalf dans sa barbe.
Pardon ?
- Que crois-tu que j'ai ressenti en te voyant dans les bras d'Eomer !? Tu étais méconnaissable et mourante ! enchérit Aragorn, le visage presque rouge.
- Il va falloir t'habituer, dis-je d'un ton sifflant.
- Ça suffit ! Pourquoi fais-tu ça ? Pourquoi ce sacrifice ?
Il se moque de moi ?
- As-tu oublié qui je suis ?! Je suis un titan Aragorn. Je suis là pour protéger vos vies. Demande à Legolas, lui il le sait très bien. Et si cela veut dire en mourir je le ferai. J'en ai fait le serment. C'est ce pourquoi j'ai été amené ici, sinon pour quelle autre raison serai-je là ?!
Il ne dit rien pendant un moment. Personne n'a rien dit. Alors ils avaient perdu leur langues ?!
- Dit moi pour quelle autre raison je serai ici si ce n'est pas pour ça, tel l'indique ce foutu contrat ?!
Le silence...
- Réponds moi !
Encore...
Je ne savais pas si celui-ci me fait plaisir ou s'il me donnait envie de pleurer, mais la colère explosa dans mes veines de les voir baisser les yeux.
- Y a-t-il une autre raison à ma présence ici ?! j'hurlais encore.
- Il y a des gens qui tiennent à toi dans cette pièce... murmura le rôdeur.
- Et je dois les protéger.
- Pas comme ça...
- Maliha, qu'importe votre mission. Personne sur cette terre ne mérite d'être sacrifié pour une quelconque autre personne, ajoute Gandalf.
Je bouillais de rage. Ils ne pouvaient comprendre... Je n'avais que ça, c'était la seule chose qui me tenait en vie... Et ils voudraient que j'en fasse moins ? Mon seul but était d'être ce bouclier et d'encaisser afin de limiter les pertes. Je ne sers qu'à ça...
- Alors pourquoi ce contrat ?! Pourquoi m'avoir appelé ?! Il est pourtant clair, un titan doit protéger les peuples libres, il est le premier bouclier et j'ai signé ce contrat. J'ai offert ma vie à ce contrat, je VOUS l'offre ! Je ne suis pas comme vous tous et ne le serai jamais ! j'hurle à plein poumons. Je suis seule, seule à être moi, je ne fais partie d'aucun peuple et personne ne m'attend à la fin de cette guerre. J'ai fait le choix de racheter ma condition humaine de ne rien avoir fait pour sauver mon monde. J'ai fait le choix d'abandonner ma vie précédente pour une cause qui me semblait plus juste, VOTRE cause ! Alors laissez-moi faire ce pour quoi je suis ici, parce que je n'ai pas d'autre utilité !
Aragorn me regardait avec un visage horrifié. Un long silence pesant s'installait déjà, alors que je reprenais contenance en essayant de contrôler mon souffle. Je l'avais dit, j'avais fini par cracher ma véritable peur, celle de n'appartenir à rien sauf à ce contrat. Encore une fois je me sentais vide...
Incapable de supporter une seconde de plus leurs regards plein de pitié, je me détournais pour sortir. Traversais la grande salle vide en écoutant mes pas et ouvris la porte principale pour retrouver ma place devant le paysage vert des plaines. L'air passa dans mes cheveux et je respirais enfin à plein poumon pour les remplir de vie..
Aragorn, Gimli, Gandalf et Legolas étaient à mes côtés, mais pour encore combien de temps...? A mon retour à Fondcombe, Glorfindel prendrait la mer comme tous les autres... Ils rejoindraient tous leur patrie... Mais, pas moi... Je n'en ai pas et n'en aurai jamais... Et je serais seule, à errer sur cette terre pour l'éternité, sans plus aucun but sauf celui de surveiller les hommes, juste voir les années défiler...
oOo
Aragorn s'assit en prenant son visage entre ses mains.. Éomer les quitta dans un soupir. Il ne savait pas quoi penser. Il était vrai qu'elle était la seule à pouvoir faire ça, mais aussi la seule à être "elle". Il n'osa même pas pensé se mettre à sa place. Gimli posa une main réconfortante sur l'épaule d'Estel avant de parler d'une voix tiraillée
- Comment peut-elle en venir à penser ne pas avoir d'autre utilité que celle de se battre ? lança le nain.
- Malheureusement, il y a une part de vérité dans son discours... commença Gandalf. Les titans sont depuis toujours appelés pour ça... C'est leur tâche, les Valars leur offrent de nombreux cadeaux en échange de leur sacrifice, la vie éternelle, l'ouverture de l'âme, la possibilité d'aller sur les terres immortelles et le bonheur...
- Qu'aucun d'eux n'a trouvé, dit ironiquement Aragorn.
- Oui... Malgré tout cela la vie d'un titan est en grande partie reliée à la mort de leur âme... Et finalement, tous ont succombé aux ténèbres avant de pouvoir terminer leur tâche.
- Comment une telle chose peut exister? lança Aragorn en levant les yeux. Elle sombre un peu plus chaque jour dans l'ombre ! Vous n'avez pas vu ce que l'on a vu...
Gimli baissa les yeux avant de les fermer et de ruminer des mots incompréhensibles.
- Que s'est-il passé ? demanda le magicien.
Il y eut un grand silence dans la pièce, chacun se remémorant la bataille. Mais personne n'osa la raconter au magicien avant plusieurs longues minutes. Peut-être trouver les bons mots, ou pour oublier la question. Aragorn baissa de nouveau la tête vers le sol en joignant ses mains et Gimli resta sans bouger le regard vide.
- Le combat n'avait pas encore débuté..., commence alors Legolas dans un murmure douloureux. Elle a sauté des remparts... Fait face à l'armée sa lame à la main... Son visage avait changé, elle est devenue cette créature d'acier, lisse et sans âme... Et à tué une partie de l'armée à elle toute seule en quelques minutes, détruisant tout sur son passage... C'était un véritable massacre...
Ils restèrent tous figés aux phrases de l'elfe qui ferma les yeux en prenant l'arête de son nez.
- Il n'y avait que l'ombre dans ses yeux... Rien d'humain, c'était juste cette... Chose, cette arme de mort... Elle a succombé pendant un instant. Elle n'a pas reconnu Gimli, ni Aragorn. Tuer était son seul objectif et n'importe qui aurait fait l'affaire.
- Tu as sus la ramener Legolas, murmura Aragorn en le regardant.
- Peut-être, mais partiellement seulement... L'œil rouge a continué de brûler Aragorn.
Il eut un frisson en se rappelant le regard de la titan lors des premières phases du combat.
- Grand dieu... murmura Gandalf.
- C'est dur de l'avouer, commença le nain. Mais si elle n'avait pas fait, nous n'aurions probablement pas survécu jusqu'à l'aube...
- Que faire ? demanda Aragorn en replongeant son visage dans ses mains. Que faire pour ne pas qu'elle tombe dans les ténèbres ? Il devient de plus en plus difficile de la ramener, de faire revenir cette flamme de vie après chaque combat. Avez-vous vu la tristesse dans ses yeux? La tristesse de ses mots?"
- L'aimer... murmura le magicien en regardant ses mains avec de grands yeux tristes.
Aragorn leva les yeux.
- Nous l'aimons...
- N'avez-vous pas entendu ? Elle est seule... Pense ne pas avoir d'avenir hormis la mort ou la solitude... Si elle trouvait l'amour peut-être qu'elle changerait d'avis ? peste le nain.
- J'ai déjà eu cette conversation avec elle... , souffla le rôdeur en le coupant.
- Oui et moi aussi... ajouta Gandalf en serrant son bâton.
- Et ? demande le nain. Si cette idée pouvait être la bonne alors...
- Maliha est immortel Gimli et elle possède le même cœur que les elfes, une immortalité, un amour... Si celui-ci va à un homme ou même un nain, son futur est voué à le regarder mourir et leur enfants aussi. S'il va à un elfe, et bien...
Aragorn tourna ses yeux sur Legolas qui le regardait avec tristesse en comprenant enfin la profondeur obscure des pensées de Maliha.
- Il n'y a que très peu d'elfes qui portent les titans en estime... Et les elfes n'aiment qu'une fois... Qui la regarderait, elle un titan, au lieu d'une autre ? finit-il.
- Tsss... Encore cette histoire d'ancêtre... Elle n'a rien fait, oreilles pointues ! Quand vous en rendrez-vous compte, vous et tout votre peuple, hein ?! dit-il en agitant son couteau à fromage en direction de l'elfe.
- Les titans nous ont trahis à chaque guerre... Son prédécesseur a tué ma mère. Croyez-vous qu'il est simple d'être insensible à ce qu'elle est ?! répondit Legolas avec colère.
- Parce que c'était son prédécesseur, vous venez de le dire ! rétorqua-t-il en tapant du poing.
- Cela suffit... le réprimanda Aragorn. Tâchons juste de lui montrer que nous sommes là... Que nous sommes ses amis avant tout et que nous tenons à elle.
Il se leva, commençant à sortir, avant d'ajouter tout en marchant.
- Mais, si l'amour pouvait montrer le bout de son nez et agir, cela nous ferait le plus grand bien, termina-t-il.
Legolas fronça les sourcils avant de sortir à son tour pour aller faire un tour. Estel avait lancé cette phrase avec reproche et il savait qu'il avait raison... Et il n'en pouvait plus, après la conversation qu'il avait eu avec elle dans la nuit, il ne pouvait plus tenir le masque ou il allait la perdre.
Avouer ses sentiments ? Oui, les lui avouer et lui montrer qu'elle avait une place dans son cœur bien au-delà de la haine qu'il prétendait avoir. Même si son amour n'était pas réciproque, juste rester à ses côtés lui suffirait. Lui montrer qu'elle avait une place quelque part, que quelqu'un serait là pour elle et ce pour l'éternité.
oOo
Des bras entourèrent mes épaules alors que les larmes coulaient sur mes joues.
- Je suis désolé Maliha... j'ai reconnu Estel. Je ne serai jamais à ta place, mais j'ai eu très peur tu sais...
J'ai essuyé les gouttes glacées avant de prendre ses bras pour les serrer autour de moi.
- Pardonne-moi, je suis allée encore une fois trop loin, dis-je.
- Tu as le droit de douter et d'avoir peur. Tu as le droit de ne pas vouloir de cette vie Maliha. Et qu'importe ton choix nous l'accepterons. Mais ne te plonge pas dans l'abîme, laisse nous essayer de prendre soin de toi.
- Je ne sais pas où est ma place Aragorn...
- Elle est auprès de nous, avec ceux qui t'aiment.
- Jusqu'à les perdre...
- Tu garderas un souvenir Maliha.
Je me retournais pour le regarder.
- Nous continuerons de vivre en toi, dit-il dans un sourire.
Peut-être avait-il raison... Mais pourtant je me sentais si seule et si vide de sens.
- Regarde l'instant. Nous sommes tous là, vivant. La victoire est nôtre, alors qu'il n'y avait aucun espoir.
C'était bien vrai. Les pertes étaient innombrables, mais les hommes avaient vaincu. Pourquoi avais-je cette tendance à toujours regarder le mauvais côté des choses ? Ne pas me contenter simplement du résultat ? Je lui souris en essayant de faire taire les questions qui me tiraillaient.
- Tu as été dure hier avec Legolas, il continuait en regardant la plaine.
- Quoi ?
- J'ai entendu votre conversation.
- Je vois...
- Je sais à quel point il a été détestable avec toi, mais il faut que tu apprennes à l'écouter. Je te l'ai déjà dit, "ne regarde pas ces mots, mais écoute ceux qui se cachent derrière."
- Il n'a rien à cacher... dis-je en croisant les bras.
- Observe, écoute et analyse Maliha. Tout comme les elfes nous l'ont appris.
- Je ne le comprends pas... Il est si... Changeant.
- Fais ce que je te dis. D'accord ?
Je regardais en travers, réfléchissant, puis acquiesça d'un signe de tête.
- Il y a deux personnes que tu devrais venir voir maintenant.
- Qui donc ?
- Tu verras, suis moi.
Nous étions rentrés dans la grande salle. Gandalf et les deux autres étaient de dos discutant entre eux. Il me fallut quelques secondes pour comprendre qu'ils n'étaient pas seuls. Je reconnus deux paires de pieds larges et velues. Mon coeur fit un bon. J'étais figée, restant plantée là sans rien pouvoir faire quand ils s'écartèrent pour montrer Merry et Pippin qui me regardaient déjà avec de grands sourires.
- Ah, Maliha ! cria Pippin.
- Pippin, Merry ?
J'ai finalement réussi à bouger pour m'avancer vers eux en trottinant.
- Mais quand, comment ? dis-je.
- Nous étions en Isengard, nous sommes rentrés avec les hommes après la bataille, expliqua Merry.
- Et nous avons vaincu ! ajouta Pippin.
- Je suis heureuse de vous voir, nous avons tellement eu peur ! Vous devez tout me raconter.
- Pas avant un petit déjeuner ! lança Pippin.
La tempête était finalement passée. Après un échange de regard compréhensif avec Gandalf et une tape dans l'dos de Gimli, je pouvais dire que c'était ça, l'amitié. Les paroles glissent sur eux, car ils savaient, d'une certaine façon, que vous avez simplement eu besoin de "dire". J'avais vidé un sac depuis si longtemps enfoui en moi. La peur n'était pas passée, mais elle était devenue plus claire et moins pesante.
Nous nous étions tous retrouvés dans la cuisine pour la seconde fois. Merry et Pippin réchauffaient les cœurs de leur aura solaire et chaude. Je les regardais raconter leur reçit, expliquant leur arrivé à Fangorn et la façon dont ils avaient convaincu les Ents de rentrer en guerre contre le magicien blanc déchu. Ce fut une ribambelle de descriptions toutes plus impressionnantes les unes que les autres.
Ils avaient été courageux ces petits hommes, me dis-je en les regardant mimer la bataille. Une main passa devant mes yeux avec une tasse fumante entre les doigts. Je plongeais mes yeux dans ceux bleus de l'elfe, avant de la récupérer gênée et de détourner le regard, revenant à la contemplation des hobbits en murmurant un merci presque inaudible. Sa main parcourue mon épaule du bout des doigts et il s'éloigna pour se poser contre un plan de travail un peu plus loin.
Observe, écoute et analyse Maliha, avait-il dit... Analyse...
- Il y aura une grande fête ce soir, dit Gimli d'un coup. Et je compte bien rouler sous la table, il est grand temps de se lâcher un peu.
- Une fête ? je demandais.
- Oui, pour fêter la victoire, dit Aragorn.
- Les Rohirimes sont connus pour leur amour de la bière, bien qu'il ne soit rien par rapport au nôtre ! ajouta Gimli.
- Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas bu une bonne bière, murmura Pippin.
- A qui le dis-tu, enchéris Merry.
- Les fêtes sont-elles différentes chez vous ? me demanda Pippin en prenant une tartine.
- Oh oui... dis-je avec un sourire. Cela n'a rien à voir et il y en a de différentes sortes. Vous pouvez faire une soirée chez vous avec vos amis, ou bien aller dans un endroit qui lui sera dédié. Une salle de concert, une discothèque, un festival... Nous chérissons énormément la musique.
S'ensuivit une discussion sur les genres et les rythmes. A cet instant je me vis des mois en arrière... Aragorn avait raison, l'instant présent était précieux et je me souvenais de chaque instant où j'avais rigolé avec les hobbits, les nains ou les elfes. Ou ont avait partagé ses moments compléments banals, mais qui resteraient gravés tout au long d'une vie.
oOo
Je retrouvais Eowyn plus tard dans la matinée et nous étions restées ensemble une bonne partie de la journée pour préparer la salle. Placer les grande tables une par une avait été un jeu d'enfant pour moi et Eomer me regardait faire avec les yeux écarquillés.
- Je me sens faible, avait-il dit.
- Pour une fois que le mot "aider" ou même "protéger", n'est pas sur tes lèvres, lança Eowyn avec humour.
- Je n'ai jamais eu besoin de te protéger Eowyn, répondit-il en faisant la moue.
Ils se ressemblaient tous les deux, on aurait presque dit des jumeaux. Les mêmes cheveux d'un blond foncé et les mêmes yeux verts.
- Encore heureux, dit-elle.
- J'ai cru comprendre que vous étiez entraîné ? je demandais à Eowyn.
- Oui et ce ne fut pas facile ! répondit Eomer avec un sourire.
- Passe moi tes sarcasmes tu veux, tu n'as aucune patience.
- Aucune patience ? Tu y vas un peu fort ma chère sœur.
- Alors pourquoi est-ce Hama qui a terminé mes classes ?
Il y eut un silence et je ris en voyant leurs regards mortels. Eomer capitula sous l'immobilité menaçante de sa sœur.
- Ok, je m'en vais... Dit moi, si tu as besoin d'aide, dit-il en riant.
Le temps qu'Eowyn ne réagisse, il était déjà loin.
- Viens ici ! hurla-t-elle.
Elle était épatante Eowyn, une simple femme, mais avec une présence digne d'une reine.
Après des heures de préparatifs: à choisir les fûts de bière, assisté par le nain et les hobbits, aider les cuisiniers et cuisinière à éplucher les légumes. A pleurer face aux oignons et rire ensemble alors que je mangeais la moitié des carottes que j'épluchais disant que Legolas devrait en manger plus souvent. Disposer les cruches remplies de vins sur chaque table et rire avec les hobbits en essayant une mandoline pendant leur chants, la soirée arriva enfin.
Les hommes avaient l'air heureux et soulagé. Nous nous étions tous rangés à notre table, sous l'œil royal du roi et levés pour le discours. C'était avec fierté que Théoden parla ce soir-là, disant que le courage des hommes n'était pas mort.
- Ils ont vu que le Rohan était toujours debout et prêt. Honorons ce soir la mémoire du frère perdu au combat. Saluons ces morts victorieux et n'oublions jamais leur courage. Ce soir, festoyons, faisons trembler les murs de cet instant de paix durement gagné ! Au Rohan !
Tous, nous avons levé nos verres en leurs noms.
- Au Rohan ! crièrent les hommes.
Estel posa une main sur mon épaule et je lui adressais un sourire sincère.
- Profite de cette soirée Maliha.
- Toi aussi mon ami, c'est bien mérité, je lui répondis.
- Essaie de te détendre et de regarder l'instant présent. Oublie le reste, ce soir est une coupure de joie.
Je bus mon premier verre de bière avec envi. Je devais bien l'avouer, Gimli avait raison, la bière du Rohan avait une saveur plus humaine. Se rapprochant de celle que l'on pouvait boire chez moi. Mon regard attrapa celui de Legolas à l'autre bout de la salle. Les secondes passèrent comme des heures. Plus rien ne serait pareil : j'avais perdu la capacité de savoir comment lui parler. Comment devais-je me comporter ? Ma colère était encore grande et je l'avais accepté.
- Je ne te demanderai pas de lui pardonner Maliha, mais essaye de rétablir le lien.
- Estel, penses-tu vraiment que ce lien a déjà existé... dis-je.
- Je crois que vous avez toujours eu un lien Maliha, mais que vous étes incapable de le voir. A vous de lui donner un nom.
- Pour l'instant il est synonyme de haine... je murmurais avec une tristesse non désirée.
Nous avions continué à discuter comme ça longtemps et je ne savais pas depuis combien de temps nous n'avions pas pris le temps de le faire. Nous aivons mangé, notre table était enthousiaste. Nous étions enfin ensemble, me dis-je.
Les hobbits en face de moi, Gimli qui buvait bière après bière et Legolas qui grimaçait presque face à la viande. Estel discutant avec Eomer de la suite, écouté par Gandalf en passant les doigts le long de sa barbe. Eowyn à côté de moi me racontant ses fameux entraînements avec son frère. Le brouhaha de la salle remplissait mes oreilles et je me sentis si bien. L'ambiance chaude qui s'échappait me rendait presque euphorique. Pour une fois ma clairvoyance m'était bénéfique. Je sentais chaque rire me percuter pour m'y laisser aller. J'avais envi de respirer cet air plaisant et de ne jamais en sortir. Aragorn avait raison, je graverai ce souvenir dans mon immortalité.
Plusieurs fois j'accrochais du regard l'elfe qui écoutait à peine Gimli lui expliquer l'art de la taille de pierre, mais le marbre était peint sur son visage quand il me dévisageait. Incompréhensible, comme je l'avais dit.
oOo
La fête battait son plein et les Hobbits dansaient sur une table après quelque heures et des litres de bière plus tard, Les hommes du Rohan avaient une descente assez impressionnante, mais certains étaient déjà saouls. Je me tenais avec Aragorn, à regarder tout ce beau monde fourmilier de rire et de joie retrouvée.
- Oh vous voilà vous deux ? nous lança Gandalf, une chope à la main, en s'approchant de nous..
- Gandalf, dis-je en baissant la tête en signe de respect.
- C'est une fête superbe, tâcher de profiter un peu mes amis.
- Nous essayons, dis Aragorn. Je ne vous l'ai pas demandé, mais auriez-vous des nouvelles de Frodon ?
Je fronçais les sourcils à la question soudaine de mon ami, cela faisait longtemps que le sujet n'avait pas été abordé en effet.
- Il a dépassé ma capacité de vision.
- Il s'approche du Mordor, dit finalement Aragorn prenant une gorgée.
- Comment le savoir ? demanda Gandalf.
- Que vous dit votre cœur ? dis-je sans savoir pourquoi.
Le magicien nous regarda tour à tour et esquisse un sourire.
- Que Frodon est en vie. Oui il est vivant.
Nous avions rigolé gaiement quelques minutes et je finis par les quitter en voyant Eomer assis à une table. Je m'approchais de lui et posais une main sur son épaule. Il leva les yeux et me sourit en se levant.
- Heureux de vous revoir Madame, dit-il en se retournant.
- Appelez- moi Maliha.
- Très bien Maliha.
- Je... Je voulais vous remercier, dis-je presque gênée.
- Me remercier ?
- C'est vous qui m'avez trouvé n'est-ce pas ? Vous m'avez ramenée auprès de mes amis et je tenais à vous en remercier.
- Vous n'avez pas à me remercier pour ça, n'importe qui l'aurait fait.
- Peut-être, mais c'est vous qui étiez là, alors merci seigneur Eomer.
- Avec grand plaisir, j'ai eu très peur pour vous, vous savez.
Il posa une main sur mon bras et le serra doucement. Eomer était un très bel homme, et je devais dire qu'il avait quelque chose qui dans mon monde ne m'aurait pas du tout laissé indifférente. Mais aujourd'hui mon cœur n'appartient qu'à une seule personne et les habitudes que j'avais avant sont bien loin. Mais, allais-je toujours rester sur cette idée d'amour à sens unique ? Maliha, vas-tu rester sans rien faire ? Depuis combien d'années n'as-tu pas ressenti le plaisir d'être dans les bras d'un homme juste pour une nuit ?
Nous nous étions regardé longtemps comme ça, lui, la main sur mon bras et moi à sourire avec toutes sortes d'idées... Ma parole, j'avais déjà trop bu ?
- Vous joignez-vous à nous Maliha ? finit-il par dire.
- Eh ?
Je me tournais vers la table qu'il désignait du doigt pour croiser le regard gris et dur de Legolas à l'autre bout et Gimli qui finissait "encore" une bière. Je me raidis, plantée comme un piquet en ne l'ayant pas vu avant. Eomer tenait toujours mon bras, m'attirant vers lui, pour me faire une place à ses côtés. J'acceptais en ignorant le regard noir de l'elfe et sourie au nain à ses côtés en m'assayant.
- Sur qui pariez-vous ? me lança-t-il en désignant l'elfe et le nain..
- Hein ? dis-je en tenant ma bière plus fermement.
- Ni pauses, ni gouttes renversées ! il continua.
- Ni régurgitations, fini Gimli en riant grossièrement.
- Alors, nous allons jouer à boire, vraiment ? demande Legolas.
- Exactement, c'est le but mon cher, dit Eomer avec un sourire.
Je voulais absolument assister à ça.
- Oh, intéressant, dis-je.
- Alors, votre pari Maliha ?
Je regardais le nain et l'elfe, derrière eux se tenait Hama, qui me salua d'une main amusée et l'autre sur le petit robinet de bois d'un énorme fût de bière. En observant la scène, une chose m'a sauté aux yeux.
De la bière ?! Je vois, c'était bien essayé, me dis-je avec un sourire espiègle.
- C'est déloyale Legolas... dis-je en le désignant du doigt.
- Déloyale, comment ça ? demanda Eomer.
L'elfe me fusilla du regard, mais je lui rendis un sourire plus vicieux que je ne l'aurai souhaité.
- Les elfes sont naturellement plus résistants à l'alcool, il est donc certain que Legolas gagnera avec de la bière.
- Voyez-vous ça ! lança Gimli, révolté.
- Legolas, vous avez laissé faire ? Je vous connaissais loyal pourtant, j'ajoute en tapotant mes doigts sur la table.
- Que faudrait-il alors pour que cela devienne équitable ? me demanda Eomer.
- Sortir le vin le plus fort que vous ayez en réserve...
- Quoi ?! dirent les deux hommes en même temps.
- Vous avez devant vous le fils du roi Thranduil et je suis certaine qu'il est bien entraîné. Hein, Legolas ? dis-je d'un sourire niais..
L'elfe me renvoya un regard plissé de reproches, mais il fut arrêté par un coup de coude bien placé de Gimli.
- Tu as essayé de me rouler, l'ami. Tu ne t'ai toujours pas remis de ton échec, c'est ça ?! dit-il en rigolant.
Legolas se tourna vers lui en levant un sourcil.
- Cet orc n'était pas mort.
- Bien sûr que si il l'était ! Je te le répète, ma hache dans sa tête était responsable de ces spasmes !
Après une dispute au combien folklorique, Hama arriva avec un fût poussiéreux.
- Bon, je ne sais pas s'il est encore bon, mais il me semble que c'est un vin offert par votre peuple seigneur elfe, lance Hama, les mains sur les hanches, fière de sa trouvaille.
- Là, ça va devenir intéressant... je murmurais à moi-même d'un sourire en coin.
- Donc si je comprends bien, je bois la bière et lui cette vinasse pourrissante ? demande Gimli en disignant le nouveau tonneau noir du pouce..
- Exact, maintenant tu as de grandes chances de gagner, dis-je en buvant un peu de bière.
Hama prépara le fût et goûta le vin en grimaçant.
- Ouhhh !, Il est corsé ça messieurs, ça je peux vous le garantir ! dit-il en serrant les dents.
- Parfait ! lança alors Eomer.
L'homme grimpa sur le banc et j'ai dû le retenir de tomber un instant. Il me remercia du regard avant de frapper dans ses mains pour attirer l'attention de l'assemblée.
- Mes seigneurs ! Madame, dit-il avec de grands gestes de salutations. C'est l'heure du grand défi ! Devant vous, l'elfe, au combien séduisant, des bois obscurs de Vers Bois le Grand, fils du roi Thranduil. Et à côté de lui, son opposant, Gimli, fils de Gloin, maître nain des cavernes scintillantes, grand mineur et chuchoteur de la montagne...
- Et buveur de bière depuis sa naissance ! cria le nain frappant du poing sur la table.
L'assemblée, qui s'était formée autour de nous, riait aux éclats en levant leur verre en signe d'encouragement. J'ai vu les Hobbits s'approcher, ainsi que Gandalf et Aragorn. Ce dernier me fit un geste amical en levant son verre que je lui rendis.
- Les paris sont ouverts, mes amis ! continua le cavalier.
- Si vous arrivez à vaincre Legolas, je vous offre un tonneau d'herbe à pipe ! hurla Merry.
- Deux ! enchérie Pippin.
- Ahhhh, voilà un enjeu intéressant ! lança Gimli en éclaboussant la table de sa bière.
Il y eut des exclamations et se fut la débandade. Chacun criait le nom de mes deux amis et je soupirais d'un demi sourire. Eomer peinait à prendre tous les paris en les gravant sur la table de son poignard et j'ai ri en le regardant faire. Une main en l'air, essayant de calmer les hommes pressés.
J'avais toujours aimé cette ambiance et elle m'avait manquée... Même Gandalf et Estel riaient derrière, en les regardant de loin.
- Madame, votre pari, demanda Eomer.
J'ai terminé ma gorgée de bière avant de poser ma chope.
- Vous êtes obligé de parier sur moi ! hurla le nain.
- Je parirai intelligemment, dis-je en ajoutant le suspense du doigts.
Je croisais le regard de Legolas, alors qu'Hama lui servait déjà un premier verre.
- Je paris sur Legolas.
- Quoi ?! protestait le nain.
- Gimli, il a plus de deux mille cinq cent ans et rien qu'à son nom, je sais que les fêtes de Mirkwood sont bien loin d'un pari comme celui-ci. Les elfes ne dorment pas, j'ai fini en reprenant ma chope.
Legolas me lança un regard que je ne sus pas interpréter... C'est nouveau ça...
- Tu verras, Titan... Je le ferai rouler par terre, sois-en sûre ! dit-il en triturant sa barbe.
- Et bien moi, je mise sur vous mon cher nain, dit Eomer, les elfes sont trop délicats pour ça, Madame.
Il prit encore mes épaules en rigolant pour se rasseoir à mes côtés.
- Voilà un homme raisonnable, Maliha prenez exemple ! dit Gimli d'un sourcil levé.
- Quels sont les enjeux ? demanda Legolas.
- Oh c'est vrai, voyons... dit doucement Eomer.
- Moi je sais ! hurla Gimli en se levant.
L'assemblé se tue, alors qu'il était debout sur le banc pour être "presque" à la hauteur de Legolas et le regarda droit dans les yeux, déterminés.
- Si tu perds, tu devras avouer la supériorité des nains ! Et ça, pour l'éternité ! lance-t-il.
Legolas le regarda un instant en fronçant les sourcils, puis soupira de résignation.
- Très bien, dit-il finalement.
- Que souhaites-tu en échange, ELFE ?! demanda le nain en s'asseyant de nouveau.
Il observa le nain semblant chercher un instant. Un long... Très long instant...
- N'y a-t-il rien que vous souhaiteriez ? demanda Eomer.
- Il n'y a qu'une seule chose que Legolas souhaite ! j'entendis alors crier Aragorn au loin en levant son verre.
- Ah ah ha, mais oui ! C'est ta chance, l'ami ! ria Gimli avec un mouvement de sourcils et un coup de coude.
Il leva les yeux au ciel avant de les détourner pour tomber dans les miens surpris. Après une réflexion plus longue que d'habitude, j'ai finalement compris ce que tous voulaient dire... Une chance de me tuer... Étais-je d'humeur joueuse ? Je me levais doucement en lui faisant face, un sourire en coin et posais mes mains sur la table en signe de défi.
- Très bien, si tu remportes la victoire, je t'offrais la possibilité de m'affronter, Legolas Thranduilion... dis-je avec des yeux déterminés.
- Ah ah ah ! rie encore Gimli en posant sa pinte violemment sur la table.
Il y eut des murmures autour de nous, mais Eomer coupa l'instant en voyant l'elfe sans voix.
- Seigneur Legolas ?
Je vis clairement le sourire passer sur ses lèvres et ses yeux prendre une expression... Brûlante ?
- Cela me convient parfaitement, en effet, dit-il en prenant le verre qu'Hama lui tendait.
Je prenais le risque de perdre ma tête... Qu'il essaye seulement pour voir... Mais j'avais envi d'être audacieuse sous ce regard si loin du désir de me tuer. Mais plutôt, de me dévorer... ?
- Les jeux sont faits ! lança Eomer.
Je pris une autre bière sur la table et l'avalais cul sec pour faire passer mon malaise en voyant l'elfe juste en face de moi me regarder d'une façon à la limite de la décence. Non, je ne le comprendrai jamais... Eomer prit soudain mes épaules pour me rapprocher de lui.
- Oh oh, mon ami, méfiez-vous cette femme pourrait bien vous blesser ! dit Gimli avec un clin d'œil.
- Je pense que la dame ici présente ne me fera aucun mal maître nain. Je me trompe ?
- Non non rassurez-vous... Gimli tu es déjà saoul.
- Ah ah ah, je n'ai rien bu du tout!
- Commençons dans ce cas, rétorqua Legolas
Nos regards se croisèrent de nouveau, il me dévisageait avec un air rempli de reproches, je ne savais même pas pourquoi.
- Allez-y ! crie Eomer.
Je ne savais pas combien ils en avaient bu. Hama réservait les verres et les hommes autour de nous encourageaient chacun leur champion. Je devais avouer qu'ils étaient impressionnant, je n'aurai pas fait long feu pour ma part... Legolas finissait son verre et tendait déjà la main pour en avoir un autre, alors que Gimli jetait la pinte vide derrière lui en grognant qu'on le servait encore.
Et là...
A cet instant où je regardais Legolas boire de nouveau. Il se passa une chose à laquelle je ne m'attendais pas...
Après tout ces regards impréhenssible... L'ancienne "moi" refit surface, je sentis la flamme de l'envie si longtemps éteinte exploser dans mon ventre. Juste à regarder cette goutte glisser sur sa joue.
Il déposa son verre en la sentant... Essuya du bout des doigts cette petite perle rouge rubis qui dégoulinait le long de son cou. J'avais ce regard là. L'alcool dans mes veines avait pris mes sens et j'étais incapable de détourner les yeux de sa peau. Si je m'étais arrêtée là, peut-être m'en serais-je sortie... Mes dents quittèrent ma lèvre et mon cœur accéléra en détaillant les siennes. Le dévorant des yeux pendant les longues secondes où le sentiment incontrôlable mélangé à l'alcool parcouru mes veines sans retenue. Je maudis ma clairvoyance... Je compris mon erreur en rencontrant ses yeux et ses sourcils froncés...
Valars... Je me fis violence, mais c'était trop tard.
Même si je détournais mon visage en un instant, je savais très bien qu'il l'avait vu... Il avait vu mon regard d'envi... Merde... ses yeux brûlaient ma joue alors que je regardais maintenant le nain prendre une énième chope. Je risquais un œil vers lui, mais il me fixait toujours et un air malicieux passa sur son visage. Les pliures fines aux coins de ses yeux se formèrent et j'ai su que j'avais perdu ce combat qui habituellement était mon terrain de jeu...
- Ne traîne pas elfe, je prends de l'avance ! dit le nain avec un nouveau coup de coude dans ses côtes.
Il se retourna précipitamment vers le nain.
- Je dois en avoir un d'avance sur toi l'ami, lança Gimli en amenant sa chope à ses lèvres..
- Voyez-vous ça... Je crois plutôt que c'est l'inverse.
- Et vous vous sentez bien ? demande Eomer dubitatif. J'ai goûté ce vin, je serais déjà sous la table depuis longtemps... Vous êtes impressionnant.
- Je sens quelque chose, en effet, dit-il levant la main.
- Oh ? lança Eomer.
- Un picotement dans les doigts.
- Qu'est-ce que je disais... increvable... je murmurais, levant un sourcil avant de prendre une gorgée, pour noyer mon mal-être personnel.
- Ah ! Ah ! Je vous l'avais dit ! crie Gimli en tapant sur la table. Il ne tient pas l'alcool...
Les yeux de Gimli partirent vers l'Ouest, puis vers son nez, le doigt en l'air, désignant sans doute les étoiles qui passaient au-dessus de sa tête... Il partit en arrière pour finir les quatre fers en l'air, sous la table...
Legolas rit amusé en le regardant... Jamais je ne l'avais entendue si rire ouvertement... C'est là que je vis qu'il n'était pas dans son état normal et que l'alcool l'avait finalement atteint... Et dire que c'était beau serait un euphémisme, c'était éblouissant.
- La partie est finie, dit-il en posant son verre avec triomphe.
Les hommes autour de nous hurlaient à la fois pour protester et ranimer le nain et d'autres pour acclamer Legolas, le grand vainqueur.
- Et j'ai gagné mon pari, Legolas vous êtes mon champion... je terminais complètement blasée en dandinant le verre dans ma main.
Et j'allais devoir me battre contre lui... Lui laisser une chance de pouvoir me tuer. Au moins comme ça j'aurai de quoi l'accabler quand il réalisera qu'il n'en a pas le pouvoir.
- Je crois qu'il faut s'occuper de ce nain... lance Eomer en se levant pour regarder sous la table.
Je le suivais du regard avant de voir une main devant mes yeux, posée sur la table. Je lèvais de nouveau mes prunelles saouls, pour tomber dans le bleu profond de l'elfe maintenant penché vers moi. Sa tunique entrouverte, son cou et ses yeux bleus malicieux totalement inconnus... Oui, ça, c'était un bleu que je ne connaissais absolument pas...
- J'espère bien l'être en effet, il murmura. N'oublie pas l'enjeu de ce pari, Maliha.
Je lèvais un sourcil. Il me cherche ? Mauvaise idée l'ami...
- Je ne l'oublie pas, dis-je en lui rendant son ton suave, posant ma bière, soudain prise au jeu. Mais crois-tu seulement pouvoir effleurer mon cou, Legolas ?
Je le vis se tendre, plisser des yeux et sa main se serrer. Il se redressa sans un mot, contourna la table et partit. J'avais finalement gagné... J'affichais un sourire triomphant, mais c'était avant de revoir sa main à côté de la mienne sur le bois et de sentir son souffle au creux de mon oreille...
- Pas que ton cou, il chuchota.
La phrase me retourna. Dans quel sens, je n'en savais rien... L'alcool brouillait ma perception de la réalité et cela m'a fait peur. J'avais peur de moi-même. Peur de comprendre autre chose, quelque chose qui n'avait pas lieu d'être en me rendant bien compte que c'était Legolas qui venait de prononcer ces mots. Je détournais les yeux pour me lever et prendre l'air... En même temps après quatre-vingt années...
Mais ce n'est certainement pas ça qui m'empêchera de me la coller ce soir, me dis-je en terminant mon verre d'un trait.
oOo
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