Vieille. Je suis tellement, tellement vieille. Combien de temps? Je ne saurais le dire. Tout a changé. Le sol, les arbres, les espèces animales, tout. Tout sauf la rivière. Awash. Des milliers d'années. Je me rapproche de plus en plus. Je le sens. Bientôt. Bientôt, Tinsea va naître, plus que quelques centaines d'années, et je viendrai eu monde. Moi, Tinsea. Malgré tout ce temps, ce nom m'obsède encore. Mon nom, Tinsea. C'est moi. C'est bel et bien moi. Après tant de temps, je suis toujours moi. Et le crâne accueille encore mon esprit. De temps en temps seulement, lorsque je me sens trop lasse. Car j'ai tout vu. J'ai tout acquis, tout appris. Je sais tout. Je sais tout car je peux voyager. Je peux me mouvoir. Sans corps. Je peux me déplacer où bon me semble. Rien ne m'est impossible, rien ne m'est inaccessible. Bien sûr, voyager nécessite de l'énergie. Mais j'ai le crâne, enfoui sous la terre depuis des millénaires, il m'accueille lorsque je suis épuisé. Il est ma demeure. J'ai exploré le monde entier, les moindres recoins de ma planète. Mais tout ceci n'est pas sans danger. «Ceci», c'est ce que j'appelle voyager. Personne, en réalité ne peut voyager. Personne, exceptée moi. Personne ne le peut car personne n'est libre. Exceptée moi. Les humains ont crée des choses formidables. Ils ont crée des choses abominables. Mais malgré tout leur talent, toute leur folie, ils ne seront jamais libre. Leurs corps les en empêchent, la mort les en empêche, ce monde les en empêche. Sont-ils malheureux pour autant? Non. Oui. Cela dépend d'eux. Mais pas que. Je ne les méprise pas. Je ne les respecte pas. J'étais l'un d'eux. Il y a si longtemps. Bien sûr, je ne me souviens de rien. Impossible de me rappeler de ma famille, si j'en avais une, de mon apparence, de ma terre natale, rien. Je ne me souviens que de ce nom. Tinsea. Car il y deux choses dont je suis sûre. Je suis Tinsea, et je suis libre.