Chapitre 30
« Tu es mon obsession. L'amour du premier jour qui ne disparaitra jamais même après ta mort. »
Moi (paroles des Sorciers)
A son contact, j'avais pu apprendre plus de choses que jamais je ne l'aurai espéré auprès des tous les sorciers de ce monde. Jalil avait ses secrets qui ne se partageaient que parmi les Laga. S'il n'était jamais revenu, s'il n'avait jamais profité de ma puissance étrange qui en attirait plus d'un, ces connaissances auraient seulement disparu pour ne jamais revenir.
— Donc on a vraiment le Miroir d'Echo ?
Jalil fouillait dans la grande pièce, cherchant désespérément son fameux miroir.
— Oui, et la moitié des objets du Mani sont tout aussi précieux. Voire ensorcelés. Fais attention à ce que tu touches. Ah, le voici.
Et il sortit... un miroir de poche ? C'était ça le Miroir d'Echo ?
Jalil sembla comprendre ma pensée, ce qui l'amusa. Nous allâmes nous installer à une table sur laquelle il posa le miroir. Il retira son alliance qui devint une baguette magique. La pointe sur le miroir, ce dernier prit une forme bien différente. Celle d'un disque à la paroi réfléchissante.
— Ne me dis pas que tu es mort pour ça.
— En fait, si. J'ai exterminé un coven entier pour m'en emparer. Entre autres.
— Alors cette partie de toi tuant était vrai.
— Quel sorcier n'a jamais tué dans sa vie ? Tu n'en trouveras pas. Ou très peu. Même toi tu as tué.
— Comment peux-tu le savoir ?
— Parce que je te connais, Hella. Toi et ton passé. Je sais qui tu es.
— Et qui suis-je ?
— L'unique fille de Cassian Desondes.
J'avais déjà entendu ce nom. Hunter l'avait mentionné. Ou plutôt non, Oanelle l'avait présenté et en conséquence Hunter s'était mis à aboyer. Comme toujours.
— Si tu parles d'un homme que je ne connais pas et qui m'a abandonné alors...
— Il ne t'a pas abandonné. On t'a arraché à lui.
Aussi, il poussa le Miroir d'Echo vers moi.
— Hella, veux-tu connaitre ton passé ?
***
Frédéric avait fait ses recherches, comme demandé par le Chêne, le guide du druide. Mais le cas de Cassian Desondes était difficile. Et lorsque l'homme avait fini de monter son dossier sur Cassian, il avait compris la raison des obstacles rencontrés pour connaitre le passé de ce dernier.
— Frédéric, as-tu trouvé ?
Le druide n'était pas un idiot. Son travail, il savait le faire et l'exécutait toujours parfaitement.
— Cassian Desondes est mort il y a vingt-six ans dans des circonstances étranges. Mais en creusant un peu, j'ai pu conclure que les causes du décès étaient dues à de la magie noire.
Anthone ne semblait pas surpris, laissant Frédéric deviner que son Chêne avait déjà eu connaissance de ces détails. Peut-être même plus. Alors il ouvrit son dossier, montrant des photos de la scène de crime. Cassian, un homme assez élégant, gisait sur le sol au beau milieu d'une rue de pavé.
Frédéric attira l'attention sur un détail du bout du doigt, pointant l'un des pavés.
— Qu'est-ce donc ?
— Une marque. La magie noire laisse toujours des traces. Dans le cas présent, il s'agit d'une marque de sorcière.
— Je connais celle-ci.
— Moi aussi. Il s'agit de celle d'un mage décédé. Celui d'un convent décimé par un ancien 1er Siège du nom de Jalil Katz. Le coven était...
— Le coven de l'œil.
— C'est exact. Cassian Desondes appartenait à ce coven et a été exécuté par son Mage. Une procédure autorisée par le Convent. Un sorcier ne peut quitter son coven sans autorisation du Convent ou du Mage du coven.
— C'est tout ce que je souhaitais savoir. Tu peux disposer.
Seulement Frédéric n'était pas prêt à laisser le Chêne. Pas après ce qui avait découvert sur Cassian Desondes.
— Il est bien le père de Linda Desondes, renchérit-il sans obéir à l'ordre du Chêne. Cassian, sous les ordres de son Mage, a épousé une sorcière de la descendance Muirgan. Lui était de la descendance Bruies, transformé par son Mage. Vous devez connaitre la femme Muirgan.
— Non.
— Nastia Smirnov. Elle est devenue Nastia Desondes. Lorsqu'elle est tombée enceinte, Nastia a disparu. Elle est devenue Malaurie Desondes, donnant quelques mois plus tard naissance à une petite fille. Linda Desondes. Ça, je vous l'ai appris par le biais de mon rapport d'hier.
— En effet, et maintenant je te propose de partir.
— Pas avant que vous ayez répondu à une petite question.
Il avait conscience que tenir ainsi tête à son guide pourrait se retourner contre lui, mais Frédéric avait fait des découvertes vraiment inédites.
— Quand exactement pensiez-vous m'informer qu'avant d'être un sorcier Cassian avait été un Vate ?
***
Mes doigts effleurèrent timidement la paroi réfléchissante du miroir. Jalil me poussait à poser ma question. Mais j'en avais tellement. Laquelle poser ?
Finalement, comprenant que je pourrais toujours poser mes autres interrogations plus tard, je décidais de m'occuper de ce qui m'importait le plus en cet instant. Alors mes doigts firent des cercles sur le miroir. À ce contact, des vaguelettes animèrent l'objet qui se brouilla pour former un tourbillon.
— Qui était mon père ?
Alors un visage apparut. Celui d'un homme qui m'apparaissait familier. Des yeux bleus, des cheveux longs, blonds, il était mon reflet en masculin. Si j'avais été un homme, j'aurai sans aucun doute ressemblé à ça. Certains de mes traits ressemblaient à ma mère, mais je comprenais que d'elle ou de cet homme, je tenais plus de lui. Cassian Desondes d'après le nom apparaissant sur le miroir.
Je me tournai vers Jalil qui semblait subjugué, attendri par l'image.
— Oh merde, devinai-je alors.
Il sortit de son hypnose, se tournant vers moi.
— Tu le connais. Et... Non, ne me dis pas que toi et lui...
— Je... C'est compliqué, avoua-t-il en détournant le regard dans un embarras perceptible.
— Non, non. Ce n'est pas compliqué, c'est même très simple. Tu aimais mon père ?
Il ne réfuta pas, mais n'acquiesça pas non plus.
— OK le miroir, quelle était la relation de mon père et de mon mage ?
Et lorsqu'une image à censurer pour les plus jeunes apparut, Jalil frappa sa main sur l'objet, faisant disparaitre la vérité.
— Alors si je comprends bien, Cassian et toi étiez ensemble. Bah je m'en fiche bien, mais s'il était gay, pourquoi lui et ma mère... ? D'ailleurs, quelle était leur relation ?
— Cassian et Nastia, enfin Malaurie, étaient mariés.
— Jolie, tu as couché avec un homme marié.
— Tu parles de ton père, tu en es consciente ?
— Pas vraiment. Le seul père que j'ai eu était Aurélien Doux. Pas ce Cassian que je ne connais ni d'Adam ni d'Eve. S'il tenait un peu à moi, il serait apparu dans ma vie.
— Il ne pouvait pas.
— Et pourquoi ? Il est mort ? ironisai-je avec un fond d'ironie et de mépris dans la voix.
— Oui.
Oh... Je venais de dire une connerie.
— Cassian était un Bruiès. Malaurie une Muirgan. Deux descendances puissantes que le Mage de Cassian voulait unir. Malaurie, en quête de puissance, n'était pas contre. Et lorsqu'elle est tombée enceinte, elle s'est enfuie.
Je me tournai vers le miroir.
— Lorsque Cassian et moi nous sommes rencontrés, ça a été une obsession immédiate. Nous voulions fuir ensemble. Mais Cassian ne voulait pas t'abandonner alors même qu'il avait une idée de ce que Malaurie te réservait pour avenir. Et lorsqu'elle est partie avec toi avant même ta naissance, il a voulu te retrouver. Il savait pourtant ce que l'avenir lui réservait.
Mes sourcils se froncèrent. Jalil retira sa main, laissant un souvenir défiler sur le miroir. Celui de Cassian interrogeant le miroir.
— Le Miroir d'Echo appartenait au coven de l'œil, celui de Cassian. Il l'a interrogé pour savoir si partir était une bonne idée. Il y a vu sa mort.
— Aussi simplement ?
— Il faut savoir que Cassian n'était pas qu'un simple sorcier. Il était le plus puissant qui n'ait jamais existé. Il avait pour familier le règne animal, tous les éléments lui étaient liés et aucun dieu ne le possédait. La Lune était sa carte de tarot.
Et si je me souvenais bien, la Lune était le symbole de secret.
— C'est possible ça ?
— Non, mais Cassian était différent. Avant d'être sorcier, il n'était pas un humain. Il était un Vate.
— Un quoi ?
Jalil se mit à réfléchir avant de se tourner vers sa bibliothèque. Il fouilla dans les livres, cherchant et trouvant ce qu'il voulait. Il ouvrit le bouquin à une page précise sur laquelle apparaissaient des hommes, bras levés vers le ciel. L'un d'entre se tenait debout, entouré d'un autre individu sous une apparence proche de celle d'un fantôme.
— Les Vates sont un peu étranges. Les humains qui connaissent ce terme te diront surement qu'il s'agit de genre de prêtre celtique. Ils ne seront pas loin. Les Vates sont des créatures guerrières capables d'utiliser la magie. Chacun d'entre eux se lie à un dieu qui les protège et les utilise pour livrer leurs messages, souvent par le biais des rêves. Un peu à la manière d'un oracle.
— Autrement dit, ils sont des guerriers pouvant voir le futur.
— C'est très simple, mais oui. Ils sont assez sanguinaires, l'art du combat étant une connaissance innée pour eux.
— Tu as dit qu'ils connaissaient la magie.
— Mais différemment des druides ou des sorciers. Ils peuvent sentir la magie, la cueillir, user de ces fluides qu'ils peuvent voir. Ils ont ce que tu possèdes par le biais de ton don oculaire.
— Comment est-ce que tu sais pour... ?
— Bakoly m'a fait un résumé.
Si je comprenais bien, mon don oculaire n'était pas vraiment un don, mais possiblement une capacité me venant de mon père. Et surtout, même s'ils avaient un lien avec les ovates, prêtres gaulois, ils n'étaient que partiellement comme eux.
— Ils travaillaient avec les druides autrefois, puis avec les Soverains. Aujourd'hui, il n'en existe plus. Les quelques individus restants travaillent pour la Soveraineté ou vivent parmi les humains discrètement. Ils sont tellement... puissants, qu'ils ont été presque décimés.
— OK, ne nous éparpillons pas trop. En gros, mon père était un Vate qui est devenu un sorcier. Il a épousé ma mère dans un mariage arrangé. Lui et toi vous vous aimez. Ma mère m'a kidnappée avant ma naissance pour faire de moi une sorcière ultra cheat et il est possible que même sorcière je possède des capacités de Vate. C'est ça ?
— Oui.
— Maintenant, j'aurai une autre question. Est-ce parce que je suis la fille de Cassian que tu m'as choisie pour faire de moi une sorcière ?
Je trouvais cette question très intéressante. Mais Jalil non apparemment puisqu'il lâcha un soupir lourd et honnête de ses pensées. Si j'avais eu la capacité de lire dans l'esprit des gens, le sien aurait très certainement exprimé « En vrai, on s'en fout, non ? ». Seulement non, on ne s'en foutait pas.
— Que tu sois la fille de Cassian était un hasard appréciable que j'ai compris un peu avant de te donner ce bonbon.
— Ah oui, le bonbon. Un radix.
— Plus ou moins. Les radix ne se mangent pas. Mais il fallait que je te lie à moi. J'ai dû créer cette sucrerie pour qu'elle contienne un radix et un sort de lien. Tu n'as eu qu'à accepter et le tour était joué.
— Attends, comment ça tu as « créé » cette sucrerie ?
— Je suis spécialisé en alchimie. Suffisamment bon pour avoir conservé ma place de 1er Siège durant des années.
— Avant qu'on te tue pour avoir détruit un coven.
— Celui qui a tué ton père.
Le nombre de fois où un homme justifiait ses crimes par le mot « amour »...
« Tu es assez mal placée pour juger ma grande », se moquait sur un ton méprisant ce qui devait être ma bonne conscience.
— Dernière question.
Il prit une chaise, s'attendant surement à ce que ce ne soit pas vraiment ma dernière interrogation malgré ce que j'en disais.
— Tu es un criminel. Et je suis presque certaine que mourir n'expie pas les crimes.
— En effet.
— Alors qu'est-ce qu'on va faire ? Enfin non, qu'est-ce que tu vas faire ?
— Moi ? Absolument rien. Mais lui viendra appuyer ma défense et m'innocenter, pointa-t-il le miroir du doigt.
Si la Justice avait possédé un tel objet, il ne serait plus aucun crime resté impuni bien longtemps. Le Miroir d'Echo n'était que la vérité dans sa simpliste complexité.
***
Le 1er Siège possédait tous les pouvoirs. Parfois, les autres membres du Convent voire de toute la sorcellerie réunie l'oubliaient. Bakoly, elle, s'en souvenait parfaitement. Alors lorsque le 1er Siège convoquait le Convent, on ne posait pas de question. On venait.
Voilà pourquoi tous les Sièges se trouvaient là, devant une grande porte dont l'apparence de bois était trompeuse quant à sa qualité. Elle avait beau être vieille, rien n'aurait su la briser. Des enchantements la protégeaient de telle sorte que la pièce qu'elle gardait ait été sans aucun doute l'un des lieux les plus sûrs sur Terre. Pour l'ouvrir, il fallait une clé. Pour avoir la clé, il fallait être le 1er Siège. Il ne s'agissait pas seulement d'un titre après tout. Le Convent en lui-même baignait dans la magie.
Mais parmi les Sièges, certains n'hésitaient pas à montrer leur agacement. Arnaud, notamment, plissait le front sous la colère. Bakoly les convoquait et elle avait l'audace d'être en retard. Anis paraissait aussi calme qu'à son habitude. Silencieuse, mais observant ce qui l'entourait avec un regard bien trop affûté pour une aussi jeune personne. Hélios, installé sur un banc, lui tressait les cheveux. Il semblait si heureux de pouvoir coiffer la fille dont les papillons volaient autour d'elle sans jamais la fuir. Les deux étaient très proches, même si Hélios adorait embêter Anis et qu'Anis vouait son existence à pourrir la vie de l'homme en conséquence.
Non loin, avec un serpent vivant autour du cou pour collier, Thomas ne paraissait pas être sorti de sa phase dépressive. Des poches sous ses yeux, un teint pâle et un regard absent, il semblait dans son monde, regardant par moment dans le vide. Enfin, lorsque cette alcoolique d'enchanteresse ne venait pas l'ennuyer. Ezter, un bras autour des épaules de ce dernier, tentait de le forcer à boire dans sa bouteille. D'après elle, il s'agissait d'une bière qu'elle avait elle-même fabriquée. Un doute planait au-dessus de cette information. Et si jamais ceci était la vérité, raison de plus pour ne pas y goûter. Une femme particulièrement douée pour jeter des sorts et des malédictions ne méritait pas beaucoup de confiance.
Et puis il y avait Annette, installée sur un autre banc du couloir ouvert sur les jardins du Palais de Conseil, l'établissement de Convent et de tous les sorciers y travaillant. Un genre de lieu réunissant le gouvernement de la sorcellerie. La grand-mère devait être la seule à ne pas se plaindre, ni même s'amuser. Elle attendait, tout simplement.
Le bruit de talons frappant le sol s'éleva au loin. Dans une démarche élégante, maîtrisée, digne d'un mannequin, Bakoly arrivait enfin jusqu'à eux. Elle aimait soigner ses entrées. En toutes situations, la femme ne pouvait s'empêcher de porter des tenues de mode. Il y avait ça et ses grands chapeaux, sans oublier sa canne ornée d'une tête de mort. Si elle avait été une fumeuse, elle aurait sans aucun doute opté pour un cigare à l'image de ses Guédés.
— Bonjour à tous, salua-t-elle une fois arrivée à leur hauteur.
Elle posa ses deux mains sur les grandes portes. À son contact, celles-ci s'ouvrirent sur une pièce immense. Des sièges s'y trouvaient disposés en demi-cercle. Ça et un chaudron dans lequel l'eau ne s'épuisait jamais.
Le Tribunal.
Bakoly prenait place sur son siège tandis que chacun s'installait à sa place.
— Pourquoi nous avoir fait convoquer ? s'impatienta Arnaud.
— Pour deux jugements.
— Hella ? devina Ezter.
Elle confirma de la tête.
— Après les récents évènements, nous serons d'accord sur le fait qu'Hella Doux n'est qu'une sorcière parmi tant d'autres et qu'elle ne présente aucun danger.
— Je ne suis pas d'accord, rétorqua Arnaud toujours prêt à contredire le 1er Siège. Et le sort de lien ? Sa mère est revenue, elle est ensuite morte à nouveau, mais un autre sort la lie à une autre personne. Par son biais, elle pourrait avoir empêché la mort d'un dangereux criminel. Plus tôt nous la tuerons et plus les chances de détruire une potentielle menace seront élevées.
— Le sort de lien a déjà eu son effet. Hella n'est plus ensorcelée à présent et la personne s'étant liée à elle est revenue.
— Qui ?
L'interrogation sur tous les visages, on se posait des questions. Jusqu'à ce qu'un homme entre. Un grand sourire sur les lèvres et vêtu de son fameux imper, il n'était aucun doute sur son identité.
— Moi.
Jalil Katz.
Les baguettes magiques apparurent vites dans les mains de chacun. Pourtant on le savait. Dans cette pièce, la magie devait être autorisée par le 1er Siège. Et Bakoly n'avait pas donné son accord. Alors lorsque Arnaud tenta de lancer son sort, rien ne sortit.
— Que chacun se rassied, ordonna d'un ton ferme la Malgache.
Et chacun obéit.
Derrière Jalil, la tête d'Hella sortit.
— Salut grand-mère.
Annette secoua la tête, un peu désespérée par la quiétude de sa petite-fille. Jalil, un criminel, qui revenait et se présentait au Tribunal... Rien que ça pouvait donner lieu à une exécution sans procès. Alors accompagnée d'Hella, une sorcière ayant réchappé à sa condamnation à mort...
C'était du jamais vu.
Les portes se refermèrent derrière les deux derniers représentants de la descendance Laga.
— Je suis venu aujourd'hui pour prouver mon innocence.
Et ceux qui n'avaient pas compris eurent une illumination soudaine. Bakoly avait tout prévu.
Lorsqu'il était encore le 1er Siège, Jalil n'aurait jamais pu se défendre. On l'aurait tué avant. Mais maintenant que Bakoly était le 1er Siège, l'homme revenu avait le droit à son procès en toute sécurité. Personne ne pourrait l'empêcher de se défendre.
On avait voté pour que Bakoly prenne ce pouvoir.
Pourtant cela leur pendait sous le nez depuis le début. Elle et Jalil avaient toujours été très proches, ayant partagé un passé connu seulement d'eux deux. Il était certain qu'elle ne l'abandonnerait pas. Il était certain qu'un Laga ne se laisserait pas mourir aussi facilement.
Et Jalil sortit un miroir de poche. Sa baguette dans les mains, Bakoly fit grandir l'objet pour que celui-ci, allongé sur le sol, soit immense.
Jalil posa ses mains sur la surface du Miroir d'Echo.
— Où as-tu eu cet objet ? cracha Arnaud dans une jalousie qui lui était indissociable.
— Vous souvenez-vous du Coven de l'œil ?
— Le garçon, murmura Ezter qui semblait avoir soudain décuvé.
— J'avais fait voter un droit d'extraire un sorcier d'un coven duquel il était un prisonnier. Le temps que je revienne avec cette autorisation, il a été tué.
Alors des images animèrent le miroir. On y voyait un homme se faire tuer par la magie noire. Celle d'un homme. Le Mage du défunt Coven de l'œil. Un convent qui été parmi les plus puissants du monde de la sorcellerie.
Jalil avait fait exécuter un coven entier pour lui ? Pour ce bel homme blond aux yeux célestes ?
On se tourna vers Hella, y trouvant là le reflet masculin de la jeune sorcière. Son père ?
— Comme vous pourrez le voir, les sorciers du coven se sont dressés sur ma route alors que j'accomplissais mon devoir.
— De la magie noire...
Thomas blêmit. La magie noire était interdite, non sans raison. Elle avait toujours conduit à des catastrophes. Pour l'utiliser, il fallait l'autorisation du 1er Siège et de nul autre, ce sorcier étant le seul à avoir le droit d'user de cette magie dangereuse.
Si un Mage avait pratiqué une telle magie, il n'était nul besoin de procès pour qu'une exécution soit faite.
Ce que le miroir montrait en cet instant était l'innocence de Jalil et l'erreur des membres du Convent pour l'avoir torturé de sortilèges au point qu'il en soit mourant.
— Innocent, vota Bakoly.
Un à un, chacun leva la main. Même Arnaud. S'il y avait bien un sujet qui le mettrait toujours d'accord avec le 1er Siège, ce serait celui de la magie noire.
Les portes du Tribunal s'ouvrirent, laissant Jalil repartir en homme libre avec son miroir et son apprentie sorcière. Bakoly eut un sourire soulagé. C'était enfin fini.
***
Il inspira profondément, le miroir dans ses mains.
Sous les arbres d'un parc, Jalil et Hella avaient trouvé un banc plus ou moins confortable. Ils avaient gagné. Ni lui ni la fille de Cassian ne seraient condamnés. Si la situation avait mal tourné, Jalil n'aurait rien laissé les détruire. Il n'était pas revenu pour rien.
— Mais si tu étais aussi amoureux de mon père, pourquoi tu ne t'es pas lié avec lui comme tu l'as fait avec moi ? Comme ma mère l'a fait avec moi ?
— Un sort de lien n'empêche pas une mort lorsque de la magie noire est invoquée pour provoquer la mort.
Il s'était lié à Cassian, chacun voulant vivre, vieillir et mourir ensemble. Cela aurait été difficile, Jalil cachant quelques secrets. Mais tous les sorciers en possédaient. Il avait projeté de d'abord libérer Cassian avant de lui livrer ses mystères. Il n'en avait jamais eu l'occasion.
— Qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
Hella ressemblait vraiment à son père. Belle, voyant des choses que personne ne percevait. Et une adoration pour les sucreries. Même sans sort de lien à nourrir, la jeune femme mangeait vraiment beaucoup de pâtisseries. Ils avaient acheté de quoi se rassasier sur le chemin du retour. Elle ne lui avait rien laissé.
Cassian aussi avait cette mauvaise habitude, allant jusqu'à se lécher les doigts pour ne rien perdre. Un rencard se finissait toujours dans une boulangerie. Où dans un zoo. Sortir avec le seul sorcier ayant le règne animal au complet pour familier n'avait pas que ses avantages. Cassian était parfois si absorbé dans ses discussions avec les animaux qu'il en oubliait la présence de Jalil. Cela permettait à l'ancien Siège d'observer cet homme dont les sourires étaient éblouissants. Un phare dans la nuit.
Jalil frotta ses doigts sur le miroir.
— Comment ressusciter Cassian ?
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