Chapitre 3 - 1/2
« La drogue, c'est mal, et les bonbons, ça donne des caries. Alors, pour votre santé n'acceptez jamais de bonbons venant d'un inconnu. »
Moi (paroles de Hella Doux)
« Il y a une maison au loin où vit une vieille femme », avait l'habitude de me conter ma grand-mère. « Cette vieille femme vivait seule. Sans ami, sans famille. Pas même un passant perdu ne venait jusque chez elle. Il n'y avait qu'elle. Elle et les oiseaux chantant dans les arbres, le vent sifflant dans les sylves, les animaux s'approchant sans méfiance. »
Je lui demandais alors si elle serait toujours seule et elle continuait son conte avec le sourire.
« Mais pour ne plus être seule, la vieille femme décida de transformer sa maison de bois en maison de sucreries. Et il ne fallut pas quelques heures avant que deux enfants apparaissent. Ils étaient affamés. La vieille femme leur offrit un lit et la chaleur d'une cheminée ainsi que de la nourriture à volonté. Mais en voyant ces deux enfants, abandonnés de leurs parents, la vieille femme leur offrit deux bonbons très spéciaux. Et lorsqu'ils l'eurent mangé, les enfants devinrent des sorciers. »
La revisite d'Hansel et Gretel de ma grand-mère m'avait toujours fascinée, alors même qu'elle me le contait lorsque je me rapprochais déjà de l'âge adulte. Mais aujourd'hui, j'avais grandi. Et même si j'aimais toujours l'histoire de ma grand-mère, je savais que le conte original était bien plus tragique.
Pourtant, en voyant la chaumière au loin, sur une colline, je ne pus m'empêcher de croire que les sorcières existaient. L'arbre courbé qui était son voisin semblait à la fois très vieux et très résistant. Et, arrivant à la porte d'entrée, un corbeau m'accueillit, perché sur son arbre. Je frappai, la porte s'ouvrit d'elle-même.
Au milieu du salon se trouvait un gros chaudron en ébullition. La potion n'avait pas l'air appétissante, au contraire de son odeur.
— Tu es enfin venue, s'exprima une voix.
Il s'agissait de l'homme au bonbon. Celui qui m'avait bousculée dans le parc.
— Qu'est-ce que je fais ici ?
— Il s'agit du moment du transfert. Donne-moi ta main.
Stupidement, je l'écoutai et lui offris ma main. Il s'en saisit.
Alors, une étrange lumière passa de lui jusqu'à moi, m'enveloppant dans une puissance à la chaleur intense, presque orgasmique.
Son bras me saisit pour m'empêcher de tomber. Mes jambes tremblaient.
— C'était peut-être trop...
— Non, j'en veux encore ! suppliai-je en le saisissant par les manches.
Sa chemise propre, élégante et bien repassée se froissa dans mes doigts accrochés à leur prise. Il semblait satisfait de ma réponse. Et tandis qu'il me tenait ainsi dans ses bras, une autre vague de chaleur m'envahit, me laissant échapper un gémissement bienheureux.
— Hella Doux, reçois la vie de Jalil Katz et accepte-la comme un cadeau. Deviens la descendante du pouvoir des Laga.
Et comme un sortilège, les mots m'échappèrent sans que je prenne conscience des paroles que je livrais en un pacte sacré.
— Moi, Hella Doux, j'entends et j'accepte de recevoir la vie de Jalil Katz et de poursuivre la descendance des Laga.
Et alors que les mots étaient signés, une lumière envahit la pièce, allant jusqu'à m'aveugler. Une explosion vint tout anéantir, m'éloignant de Jalil et de ce monde. La dernière image que je pus voir fut celle de cet homme qui se mit à vieillir avec une vitesse impossible. Et dans cette flétrissure anormale, il disparut.
Mes yeux s'ouvrirent soudainement, me poussant à me redresser de façon bien trop brusque.
— Oh, doucement Hella, m'ordonna Oanelle.
Elle posa ses mains sur mes épaules, me poussant à me rallonger. Je me trouvais sur un canapé.
— Où est-ce que je suis ?
— Vous avez perdu connaissance dans la cour il y a quelques heures, expliqua un homme. Je vous ai placé dans ce canapé et mon médecin vous a apporté les soins nécessaires.
Mon regard se posa sur celui qui venait de me parler. Un homme adulte qui devait se rapprocher de la trentaine plutôt que des débuts de la vingtaine d'années. Des cheveux sombres et un regard d'argent, il ressemblait un peu à Michael et Oanelle dans les traits du visage.
— Il s'agit de mon frère ainé, Hunter Macadal. Et ici c'est un peu chez lui.
M'accordant un sourire qui se voulait sympathique, un sentiment étrange vint emballer mon cœur et je m'assis sur le canapé. Il y avait quelque chose avec cet homme... Avec Oanelle aussi. En fait, avec toutes ces personnes qui se trouvaient dans la pièce.
Je pouvais voir... Clignant plusieurs fois des yeux, l'étrange vision disparut avant même d'avoir pu être décrite par des mots.
Qui étaient-ils d'ailleurs ? Une dizaine dans ce salon bien trop grand pour être normal, des théories fusèrent dans mon esprit. Allant du « C'est une secte satanique secrète » à la théorie du « Serais-je face à un genre de mafia des États-Unis ? », l'une d'entre elles tomba à l'eau alors que je reconnaissais des origines irlandaises dans l'accent discret de Hunter. La mafia irlandaise ? Est-ce que ça existait au moins ?
« Surement, et ils sont devant moi. »
Lorsque j'imaginais à ce que cela pouvait ressembler, j'avais plutôt comme image celle de petits lutins barbus habillés de salopettes vertes et de chapeaux de la même couleur, un trèfle à quatre feuilles dans la bouche.
Inspirant un bon coup, je préférai me lever. Mais mes jambes ne furent pas d'accord. Un bras m'enveloppa de justesse tandis que j'allais tomber. Hunter était un homme rapide, c'était certain. Il m'aida à me rasseoir.
— Oanelle, va chercher de l'eau. Quant aux autres, dispersez-vous.
Elle partit immédiatement, tout comme les autres personnes qui nous entouraient, ne laissant que moi et cet homme dans ce salon hors-norme. Des vieilleries se mêlaient à la modernité, bien que le victorien semblait être le style premier de la pièce.
— Oanelle m'a expliqué que tu étais son amie.
— Un truc dans le genre.
— Je vois. Quand vous êtes-vous rencontrées ?
— Il y a quelques jours.
Un air soucieux sur le visage, ses pensées se dévoilaient d'elles-mêmes. J'aurai pu parier sur la suite de ce qu'il allait sortir. Quelque chose comme « Arrête de tourner autour d'elle ».
— Je sais que cela va te paraitre étrange, mais je te conseille de ne pas t'approcher d'elle.
— C'est étrange, votre frère m'a donné exactement le même conseil. C'est de famille les sisters complex ?
— Michael t'a également mis en garde ?
— Écoutez, je ne veux pas de problèmes. Je traine avec Oanelle, mais si cela pose un problème, vous n'avez qu'à m'expliquer la raison. Ensuite, je vous dirai d'aller vous faire foutre et chacun partira de son côté, satisfait d'avoir pu dire ce qu'il a sur le cœur. D'accord ?
Mais quelle cruche je faisais. En principe, c'était dans ces moments-là que je devais dire « OK, no problemo man. Peace and love », et non « Tu vois ta statuette de loup là-bas ? Tu la prends et tu te l'enfonces profond, d'accord ? ».
Je secouai de la tête, encore un peu sonnée. Ce devait être la raison pour laquelle je ne prenais même pas le temps de me concentrer sur mon image. Je devais être encore un peu malade. Par moment, il m'arrivait de voir quelques lumières étranges alors que la fatigue venait un peu en vague.
— Tu es Hella Doux, n'est-ce pas ?
— Et alors ?
Un sourire amusé s'étira sur ses lèvres. Doucement, il posa sa main sur ma tête, comme un encouragement.
— Elle m'a beaucoup parlé de toi par le passé. Alors, fais attention, parce qu'elle est une chienne très fidèle, mais également très sauvage.
— Elle vous a parlé de moi ?
Sa façon de parler me faisait croire que cela faisait depuis des mois, voire des années, qu'Oanelle me connaissait. Et c'était un peu flippant.
D'ailleurs, cette dernière revenait.
— Je t'aurai prévenu.
Et il s'éloigna de moi pour laisser Oanelle m'apporter un verre d'eau.
— Oanelle, depuis quand me connais-tu ?
Elle se tourna vers Hunter, la peur dans les yeux.
— Tu lui as dit. Tu lui as vraiment dit...
— Je n'ai fait qu'aborder le sujet.
Elle me regarda de nouveau.
— Je ne suis pas une harceleuse, Hella. C'est simplement que depuis ce jour où tu m'as donné une sucette à la violette, j'ai toujours eu envie d'être ton amie.
Un silence se posa dans la salle alors que je battais des cils d'incompréhension. Je me souvenais bien de lui avoir offert une sucette, mais c'était il y a deux ans, un moment que j'avais regretté alors que je m'étais rendu compte qu'il avait s'agit de ma dernière. Et les sucettes à la violette, j'adorais ça, principalement parce qu'elles avaient une couleur violette.
— Et il est possible que je t'aie suivi pour connaitre ton adresse. Enfin, tes adresses.
— Quoi !?
Elle baissa la tête alors que Michael faisait également son entrée. En nous voyant tous silencieux, il devina aisément la situation.
— Elle t'a enfin avoué qu'elle te stalkait depuis presque trois ans ?
— Je ne suis pas une harceleuse ! s'emporta Oanelle.
— Alors, la suivre presque tous les jours, emprunter tous les livres qu'elle a pris à la bibliothèque, n'acheter que des bonbons à la violette et refaire ta chambre pour qu'elle ressemble à la sienne, c'est un comportement normal peut-être ?
Et voilà, là j'avais peur. Je me levai du canapé, les jambes suffisamment en forme pour pouvoir m'enfuir en cas de problème. Enfin, si j'oubliais mon désir de retrouver mon lit. Mais Hunter, dans mon dos, se saisit de mes épaules.
— Ne t'en fais pas, Hella, nous ferons en sorte qu'elle ne vienne plus si tu promets de ne plus t'approcher d'elle.
— Mais allez vous faire foutre !
Une fois prononcé, je regrettai immédiatement ces mots. Oanelle paraissait heureuse, Michael désespéré et Hunter amusé, tandis que moi je rejoignais le désespoir de Michael. En entendant Hunter me proposer un deal qui me donnait l'impression d'avoir été prise pour une pauvre fille incapable de se défendre toute seule, ça avait été plus fort que moi. Je l'avais simplement rembarré.
« Rah, et puis ce mal de tête qui ne veut pas partir ! »
Oanelle s'approcha de moi et je me cachai immédiatement derrière Hunter. C'était bien la peine d'avoir prononcé de tels mots pour ensuite me servir de lui comme d'un bouclier.
— Je vais rentrer.
— Attends Hella. Le médecin a dit que tu as peut-être pris de la drogue. Tu faisais une sorte d'overdose, enfin je crois, expliqua Oanelle tout en ayant l'air de chercher des excuses pour me faire rester un peu plus longtemps.
De la drogue ? En sachant que j'avais tendance à manger tout ce que l'on me proposait ou bien même des bonbons que je trouvais par terre dans leur emballage, ce n'était pas impossible. Mais aujourd'hui, à l'exception du bonbon de ce vieillard... Le bonbon du vieillard !
« Bon, normalement les effets d'une drogue s'estompent. Et puis Strix en a déjà pris plusieurs fois et elle n'est pas morte. Et c'est toujours moi qui la gère après donc c'est cool, je sais comment me prendre en charge. Enfin, je crois », du moins je l'espérais vraiment.
— Je n'ai pris aucune drogue, mais j'ai mangé beaucoup de gâteaux alors j'ai dû faire un genre d'indigestion. Du coup, je vais tout de même rentrer, mon amie doit m'attendre.
Cette explication n'était pas impossible non plus à vrai dire. Et je parvenais même à m'en convaincre. Après tout, un vieillard ne droguerait jamais une innocente étudiante, non ?
Oanelle eut un regard triste, décorant son visage empreint dans la culpabilité. Certains auraient trouvé ça mignon, pas moi. Qu'avait-elle vu dans ma vie depuis ces trois dernières années ?
« Ne t'en fais pas, Hella, tous tes secrets sont bien gardés. Enfin, j'espère... »
— Très bien. Michael, ramène-la, ordonna Hunter.
Et Michael, non sans un grognement énervé, accepta de me raccompagner en voiture.
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