Chapitre 24 - 2/2
Une sorcière pouvait exercer plusieurs genres de magie, mais tout ceci lui restait limiter.
— Avec le temps, une sorcière se spécialise naturellement, expliqua Thérésa tout en commandant un verre de sang au barman. Tout ceci au détriment de plusieurs autres types de magie. Pour te donner un exemple, lorsqu'une sorcière se spécialise en guérisseuse, il devient de plus en plus difficile pour elle de devenir une élémentaire. Mais bien sûr, cela ne l'empêche pas d'user de magie élémentaire. Seulement, entre elle et une sorcière élémentaire, je ne parierai pas sur la guérisseuse. Et bien sûr, pour compliquer tout ça, tu ne choisis pas ta spécialisation.
— C'est elle qui te choisit. Je connais la chanson, j'ai vu Harry Potter moi aussi.
— Ne désespère pas et profite plutôt de ta liberté pour faire ce que tu veux, tant que tu le peux encore. Sans coven et sans spécialisation. Et puis tu es une Laga. Tu es un top model, alors éclate-toi. Enfin après tu peux toujours essayer de forcer les choses en t'entrainant d'arrache-pied sur une spécialisation en particulier.
Elle se tourna, son verre à la main, à l'affut. Les clients du bar semblaient s'amuser en petit groupe, mais aucun ne se fermait aux autres. Certains montraient leurs véritables apparences, d'autres trichaient au billard avec leurs capacités surnaturelles. De la berceuse de sirène au sable d'un mangeur de rêve en passant par le « bouh » de fantôme ou les frayeurs de cauchemars, il y avait vraiment de tout.
— Je ne comprends pas. On m'a dit que plusieurs espèces différentes ensemble n'étaient pas vraiment une bonne chose.
— En théorie, c'est vrai. Mais tu verras qu'entre la théorie et la réalité, dans le monde des créatures cela fait une grande différence. Des lieux comme ce bar, accueillant exclusivement des non-humains, il en existe de nombreux.
— Je vois. Et pourquoi sommes-nous ici ?
— Pour t'entrainer. Je suppose que tes migraines ne partent pas très souvent et que tu as encore des difficultés à contrôler ton don.
— Exact.
La phrase « Je m'en doutais » se lisait sur son visage tandis qu'elle sirota sa boisson.
— OK, alors tout d'abord un petit cours.
Elle commença son explication par ce que je connaissais déjà. À savoir que je pouvais voir ce qui ne se voyait pas. La magie, les énergies, mais également les esprits et les formes véritables des créatures. Nouvelle information tout de même, d'après elle je pouvais également forcer mes visions.
— Pour le moment, tu te contentes de voir ce que nous voulons bien te montrer. Mais en vérité, si tu te concentres tu pourrais voir les véritables apparences de tous ceux se trouvant ici sans que cette dernière ne transparaisse.
— Comment je fais ça ?
— Tu visualises.
Ses conseils étant flous, elle attendait de moi que je dessine un genre d'aura autour d'une personne, tout ceci ne se passant que dans ma tête par le pouvoir de l'imagination.
— Cette aura prend une couleur, peut-être plusieurs.
— Ça ne marche pas.
— Tu ne fais pas d'effort.
— Ouais bah ce serait plus simple que tout apparaisse d'un claquement de doigts.
Et accompagnant mes paroles frustrées d'un claquement de doigts, je battis frénétiquement des cils.
— Ah bah, c'était aussi simple que ça.
— Vraiment ?
— Non, je me moque de toi. Je ne vois absolument rien. Enfin si, mais... Bon, tu m'as comprise. Et de toute manière, je n'ai pas le temps, je dois déménager.
— Recommence. Visualise.
— OK, comme tu veux.
La musique rock du lieu ne m'aidait pas. Elle était distrayante, me donnant envie de chanter ou de simplement l'écouter. Entre ça et les discussions qui s'entendaient de chacun... Et cette odeur. Mes paupières se fermèrent un instant. Accoudée au comptoir, mes mains en prière pour soutenir ma tête, ça allait passer.
« Lorsque tes sens te donnent trop d'informations, ferme-les à tout mon chaton. »
Tout disparaissait. Seules une inspiration lente et une expiration bruyante. Tous les autres bruits parasites s'étaient éteints, me laissant dans ma bulle de contrôle. Oui, j'avais le contrôle. Ce qui m'intéressait était une vision. Celle de la vérité.
Mes paupières se rouvrirent. Un vieillard me faisait face. L'image de Gandalf dans une robe blanche. Puis son apparence redevint celle du beau barman dont le sourire tentait de charmer sa clientèle.
— Druide.
Je me tournai ensuite vers d'autres personnes. Une femme apparue avec des cornes et une image aussi laide que magnifique avant de redevenir une jolie jeune femme dragueuse.
— Démone. Et lui... Un genre de démon.
— Dive, des créatures à l'apparence effrayante qui sont incapables de lire, m'expliqua-t-elle alors que je désignais un homme seul avec un visage assez terrifiant. Ils ne sont pas méchants, ils soulagent de la souffrance en s'en nourrissant.
Puis mon regard se posa sur Thérésa.
— Je crois que j'y arrive.
— Lui, me pointa-t-elle.
Je me tournai vers un homme. Entouré de ses amis, je n'avais pas besoin de mon don pour le reconnaitre. Le groupe venait d'entrer. Des sourires mauvais et une démarche menaçante, ils arrivaient vers moi. Le silence tomba, les regards se posaient sur nous. Le banc de sirène venait de s'arrêter à quelques pas de moi.
— Le Miroir.
— Allez vous faire foutre pour voir ?
— Tu es seule, Laga.
En effet, Thérésa ne semblait pas prête à venir m'aider.
— C'est suffisant pour vous sept.
Des claquements de mains retentirent dans la radio tandis que le rythme de I love rock n roll commençait. Sortant mon portable de mes mains, je lançai mon chronomètre, m'emparant d'une queue de billard des mains de l'un des joueurs interrompus.
— Merci mon choux à la crème.
La faisant tourner à la manière d'une nana super badass de série TV, je la dressai.
— Les Gaulois n'ont peur que d'une chose.
— Que le ciel leur tombe sur la tête ?
Seule intervention de Thérésa, et c'était pour me couper dans mon moment « Girls power ». Les sirènes ne firent pas attention et s'approchèrent de moi. Et lorsqu'un coup partit de leur part, m'obligeant à reculer, je levais mon genou pour briser violemment la queue en deux.
— Bande d'avortons, maman va vous donner la fessée, m'encouragea Thérésa.
Ils décidèrent de vraiment m'attaquer et mes coups n'attendirent pas pour être violents. Fouettant le visage du premier, on put voir un filet de sang accompagner des dents perdues tandis que le deuxième coup dans l'estomac de l'autre le fit plier en deux. Genou dans les sacs à bébé et talon pour les jambes, certains membres furent brisés.
Lorsque tout le petit monde fut à terre, gémissant de douleur, je jetai le reste de la queue de billard, récupérant mon portable. La musique était sur sa fin à la radio, mais n'était pas terminée.
— Deux minutes quinze, je me ramollis. Mais au moins, je ne serai pas en retard.
Mes pas enjambèrent les sirènes salement amochées. Je sortis du bar, satisfaite d'avoir pu profiter d'un lieu où les ragots devaient facilement circuler. À présent, le message allait être très clair : faire chier une Laga solitaire était fortement déconseillé pour la santé.
***
À forcer de connaitre la merde, on en reconnaissait l'odeur avant même son arrivée. Et en ce moment, ça sentait vraiment la merde. Ruth toujours absente, ma grand-mère toujours à sa réunion après trois jours sans donner de nouvelle et maintenant ça.
Des cartons. Mes cartons.
Je libérai ma chambre de dortoir, aujourd'hui. Ma grand-mère aurait dû être là, avec sa voiture. Elle aurait ramené mes affaires chez elle en attendant que je trouve un appartement ou autre. Elle n'était pas là. Ruth absente, qui restait-il ?
— Tu sais, j'ai des chambres de libres chez moi, proposa avec insistance Hunter, un carton dans les bras.
Je n'avais pas eu le choix. Ne possédant pas de voiture et mes amis étant soit absent soit sans véhicule différent de vélos ou skateboards, il ne restait plus que l'option loup-garou.
— Je vais me contenter de t'utiliser comme coursier. Et aussi, si tu pouvais prendre soin de mes affaires en attendant le retour de ma grand-mère ça me rendrait bien service.
Le territoire de ma grand-mère lui étant interdit, impossible pour Hunter de me conduire chez elle. En attendant, je devrais me contenter de la cave de l'Alpha pour mes affaires. Mais vraiment, l'absence de ma grand-mère commençait à m'inquiéter. Concernant Ruth, je ne me faisais pas de soucis, elle était en vacances.
Lancelot arriva, me sortant de ma réflexion. Hunter rentrait mes cartons dans sa voiture tandis que Lancelot me tendit un document sur sa tablette de bois.
— Un état des lieux a été réalisé, aucun problème.
— Encore heureux.
— Tu vas nous manquer Hella.
Et tandis qu'il récupérait son document signé par mes soins, nos mains se frôlèrent. Un geste anodin qui me pétrifia. Une esquisse plus sincère lui échappa.
— Je suppose que rien ne peut échapper à une oculaire.
Son contact, froid, glacial, m'avait poussée à le regarder. Et dans un moment entre le soupçon et la paranoïa, j'avais observé avec mon autre vision.
Je l'avais vu.
Lancelot, avec de longs cheveux d'or, humide.
— Ton apparence est plus belle que ceux que j'ai rencontrés.
— Toutes les sirènes ne se ressemblent pas toutes. Je suis un croisé.
— Un croisé ?
— Disons que je ne suis pas de sang pur. Je suis né de l'union d'une sirène et d'un lamina.
— Tu savais que j'étais...
— Une sorcière ? Toutes les créatures de la fac sont au courant.
Il me tendit la main.
— Laisse-moi de nouveau me présenter. Je suis Lance Dubois, sirène Alpha. Tu as rencontré Morgan, il me semble.
— Oh, la sirène qui m'a aidée. Alors tu es le fameux Alpha que je connaissais malgré moi.
Je serrai sa main, amusée.
— Et je suis Hella Doux, une sorcière solitaire.
— Tu devrais te trouver un coven, Hella. Même les amis peuvent se retourner contre toi pour posséder ce qu'une Laga pourrait offrir.
— On me l'a souvent dit. Notamment cet autre Alpha que tu vois en train de travailler pour moi.
— Tu as changé. Avant tu ne voudrais pas être vu en compagnie de personnes avec une mauvaise image.
— Mais j'en ai fini avec la fac. Alors aujourd'hui, je m'en fiche pas mal. Plus aucune chance pour qu'on me harcèle à cause de mon entourage.
— J'espère.
Hunter m'appela au loin, non sans lancer un regard étrange à Lancelot qui s'apprêtait à partir. Seulement, quelque chose n'allait pas. Dehors, devant la fontaine, je pouvais le sentir sous le soleil étincelant. L'air avait changé. Les gens partaient, ressentant aussi cet état d'alerte alentour sans même en avoir conscience. Je n'eus que le temps d'entendre un vague cri venant d'Hunter.
Le temps de me retourner, alors même que les oiseaux avaient cessé de chanter, un feu se déclencha non loin, attirant l'attention de tous. L'explosion détourna même Hunter. Mais pas moi qui avais braqué mes yeux dans les siens.
— Hélios.
— Hella, ça n'a rien de personnel.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
Un son. Bref, furtif. Et une sensation devenant douleur. Mon regard se baissa pour voir.
— Tu viens de me poignarder ?
— Je suis le bourreau.
Mes jambes se dérobèrent sous moi et Hélios me rattrapa dans ses bras, ses mains caressant mes cheveux.
— Tout va bien Hella.
La lame était empoisonnée, j'en aurai mis ma main au feu. Et tandis que mes paupières se fermaient, il n'y eut que son murmure.
— Je vois qui tu es. Et tu n'es ni mon amie ni mon ennemie. Tu es moi, comme un reflet, comme un écho renvoyé par le miroir aquatique d'une eau pure.
Je perdis connaissance, bercée et droguée.
— Dors, Hella. Demain, il n'y aura plus de danger pour toi.
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