Chapitre 18 - 1/2
« Pour être une sorcière parfaite, rien de plus simple. Un chapeau, une baguette et un peu de paillettes. Gling gling, ensorcèlement ! »
Moi (paroles d'Hella Doux)
La période des examens allait bientôt commencer. Je n'en aurai pas beaucoup et pour une fois depuis longtemps, j'avais envie de quelque chose. Alors aujourd'hui, dans la grande bibliothèque de la ville, ce n'était pas mes cours que j'apprenais, mais une chose qui me serait plus utile et vitale. Mes cours d'Histoire, je les connaissais. Ce n'était pas le cas de la magie.
Les livres nombreux et surtout épais auraient pu être ceux de ma grand-mère. Tous regroupés en deux piles, il y avait ceux que j'avais lus et ceux qu'il me fallait encore étudier. Mais tous m'appartenaient.
Je terminai de feuilleter les quelques livres restant avant de lever la main. Les bouquins se rangèrent d'eux-mêmes tandis que d'autres arrivaient à moi. La magie était vraiment pratique. Du moins par moment.
Alors oui, faire de la magie dans une bibliothèque n'était pas des plus intelligent. Excepté que si je me trouvais bel et bien dans un lieu public, mon esprit était dans mon Mani. Donc en ce moment je me trouvais dans une bibliothèque de mon palace de sorcière.
— Oh, alors c'est comme ça qu'on obtient du sang de miroir.
À force de lire encore et encore, je tombais enfin sur ce que je voulais trouver. Le fameux sortilège. Posant une main contre le creux de ma poitrine, j'invoquai cette protection.
— Ego abscondo stigma caelestem.
Si parler en latin était le secret de la magie, j'en connaissais qui prendraient cette option sans hésitation.
Cependant, un soubresaut m'arracha à mon sommeil.
Je n'étais plus dans mon Mani, mais dans la bibliothèque de la ville, me réveillant doucement, entourée de livres ouverts. Une main s'était posée sur mon épaule alors qu'un jeune homme m'avait extirpée du domaine du rêve.
Des cheveux sombres et un sourire charmant, il y avait pourtant une chose pour me prévenir du danger. Il y avait une lueur étrange dans son regard bleu marin. Quelque chose de magnifique et d'impossible, trop irréel pour venir de ce monde. Un battement de cil pour changer ma vision du monde et il se révéla à moi.
Une aura d'écume à l'odeur des abysses, d'une mer salée, glaciale et capricieuse.
— Oh chérie, essaierais-tu de pénétrer les profondeurs de mon âme ?
Il s'installa à côté de moi, jambes croisées et un coude sur la table pour soutenir sa tête tandis que son autre bras était adossé à son siège.
— Dis-moi, sorcière au don oculaire. Décris-moi dans mon plus simple appareil.
À ces mots, de longs cheveux humides apparurent tandis que les traits de son visage s'affinaient. Peau pâle, translucide et presque bleutée, cette dernière paraissait briller par moment, reflétant la lumière sur des écailles jusqu'à présent invisibles.
Une image à la fois magnifique et effrayante alors qu'une rangée de dents pointues se révélait à travers son sourire. Et ses yeux...
— Tu n'as pas peur.
— J'ai vu un vampire et un loup-garou. Il m'en faut plus à présent.
Il se leva, s'éloignant de quelques pas avant de se tourner vers moi, me faisait signe de le suivre. Abandonnant les livres sur place qui appartenait à la bibliothèque, je sortis avec cet homme du lieu rempli d'étudiants désespérés à l'arrivée des examens.
Dans la rue, un groupe de la même espèce que le garçon nous attendait. Tous des hommes.
— Tu l'as trouvé ?
L'homme qui m'avait emmené avec lui se tourna vers moi, prenant mon menton pour soulever mon visage vers le sien.
— Tu essaies de me charmer ?
— Non, m'assura-t-il.
Pourtant, cela ne l'empêcha pas de poser ses lèvres sur les miennes. Ou plutôt de le tenter. Une main était venue faire obstacle. Celle de Loki qui venait d'apparaitre. Et habillée.
— Casse-toi, poiscaille. Si tu t'en prends à ma Maîtresse, inutile pour moi d'être un chat pour t'écailler.
Les hommes derrière se mirent à ricaner avant de s'approcher. Je me rendis alors compte que nous ne nous trouvions pas juste dans une rue, mais plutôt dans une ruelle totalement désertée. Comment avais-je pu me laisser entrainer là-dedans ?
Loki repoussa l'individu.
— Hella, il s'agit de sirènes.
— Mais les sirènes sont des femmes, non ?
— Les femelles sont assez rares. Ne te laisse plus avoir par leur charme. Leurs phéromones sont là pour te faire succomber.
L'air sembla changer autour de nous. Loki avait raison, les phéromones sortaient du corps des hommes pour aller sur nous. Loki se posta devant moi. Un genre de bouclier invisible nous protégeait, provenant de lui.
Mais soudain, tout cessa. Un autre homme entra sur scène. Un beau brun aux yeux aussi particuliers que ceux de ce groupe.
— Morgan, qu'est-ce que tu fous là ? s'énerva le chef de bande.
Morgan leva la main, ordonnant en silence que chacun cesse son offensive et les auras disparurent rapidement.
— Vous n'êtes pas sur votre territoire.
Détournant le regard, allant jusqu'à reculer d'un pas, chacun avait peur.
— Les sirènes vivent en banc, avec un Alpha qui s'avère souvent être « une » Alpha. Discrimination des genres qui place les femelles au-dessus des mâles, m'expliqua mon familier qui me prenait pour une idiote.
— Je m'en fous de ça. Ce que j'aimerai savoir en revanche c'est pourquoi on m'a entrainé dans une rue déserte pour m'embrasser.
— Tu es bien Hella Doux, la sorcière Laga ?
Morgan s'adressait à moi, une main dans les cheveux.
— Les rumeurs vont vite. Toi aussi tu vas tenter de m'embrasser ?
— Un sorcier, pourquoi pas, mais une sorcière... très peu pour moi.
Il se tourna vers les autres. Soudain, une aura étrange s'échappa de lui, faisant fuir les sirènes.
— Tu es...
— Morgan Lightman, une sirène. Ceux-là sont des jeunes, par conséquent ils sont un peu idiots. Un banc qui ne va pas survivre longtemps s'ils continuent comme ça. Enfin, si l'on peut appeler ça un « banc ». Je dirai plutôt qu'ils étaient un regroupement de sirènes solitaires. Ils viendront surement bientôt me voir pour supplier d'entrer dans notre banc.
— Votre banc ? Tu es un Alpha ?
— Non. Je pensais que tu connaissais mon Alpha pourtant.
— Le seul Alpha que je connaisse se trouve être un loup-garou.
— Ah, le groupe de lycan. Leur territoire se trouve en dehors de la ville, mais ils nous arrivent de les tolérer. Le campus est un territoire neutre.
— Bref, toi t'as l'air plutôt sympa. Alors peux-tu m'expliquer ce qu'il vient de se passer ? Qu'est-ce qu'ils me voulaient ?
— Un objet bien particulier.
Me tournant vers Loki à la recherche d'un soutien quelconque, ce dernier haussa des épaules, tout aussi perdu que moi.
— Le Miroir d'Echo, finit par lâcher Morgan.
Le quoi ?
— Je pensais que tu avais lu les bouquins, se moqua Loki en me voyant plongée dans l'incompréhension. Tu as passé tant de temps dans ton Mani et tout ça pour rien...
— Je sais ce qu'est ce miroir, Loki.
Ou tout du moins concernant la théorie. Le Miroir d'Echo était un miroir révélant la vérité. Il s'agissait d'un objet légendaire qui aurait été offert à une divinité. Son pouvoir aurait été accordé par le touché d'une déesse magnifique.
— Désolé de te décevoir, mais je n'ai pas un tel objet tiré de contes de fées. Mais je connais quelques sortilèges pour créer des miroirs de vérité.
Enfin, toujours dans la théorie parce que dans la pratique, à part faire apparaitre quelques paillettes je n'étais pas douée en grand-chose concernant la magie. Mon but étant de devenir une vraie sorcière à partir d'aujourd'hui, bien sûr j'avais lu quelques bouquins pour me renseigner sur ce qu'il existait. Mais comme pour tout, il fallait de l'entrainement. Regarder les films de Jackie Chan ne permettait pas de savoir se battre.
— Le Miroir d'Echo est bien différent, et je pense que tu le sais, devina Morgan sans difficulté. Les Laga possèdent de nombreux objets, et ce dernier en fait partie. Pourquoi penses-tu qu'autant de non humains apparaissent dans la ville ces derniers temps ?
Il en semblait visiblement frustré. Si ce qu'il disait était vrai et que la ville était leur territoire, ou bien une partie de la ville, je pouvais possiblement le comprendre. Et d'après Strix, que les créatures de différentes espèces se trouvent regroupées sur de mêmes territoires n'avait rien de rassurant.
Mais pour un miroir que je ne possédais pas ?
Interrogeant Loki du regard, ce dernier s'inclina légèrement en avant.
— Le Lacrimani possède bien un tel objet.
— Comment peux-tu le savoir ?
— Je suis ton familier. Il est de mon devoir de tout savoir.
— Non, ton devoir est de me protéger.
— Comment veux-tu remporter une guerre sans rien connaitre ni de tes armes ni de tes ennemis ?
Il n'avait pas totalement tort.
— Bon, mais je ne comprends pas pourquoi autant de personnes viendraient pour un tel objet. Il est inutile. À la rigueur pour des êtres mortels, je veux bien. Mais les autres créatures ? Un miroir de vérité suffirait.
Les miroirs de vérité ne pouvaient pas répondre à toutes les questions, contrairement au Miroir d'Echo. Alors à la question « Comment devenir immortel ? », là où un miroir de vérité aurait répondu « Démerde-toi, je pionce », le Miroir d'Echo aurait guidé de A à Z la personne ayant posé la question.
Et même sans magie on pouvait avoir ce genre de chose. Et ça s'appelait « Internet ».
— Mais ce genre d'objet a beaucoup de valeur, comme de nombreux autres trésors possédés par les Laga. Sur le marché, ils peuvent rapporter gros. Et puisque toi, un bébé sorcière inoffensif, est la dernière des Laga, te manipuler et te forcer la main est vraiment facile.
Loki se plia en deux, se retenant de rire. Un comportement contagieux alors que j'en avais les larmes aux yeux à force de restreindre mon désir de me moquer aussi.
— Hella Doux, inoffensive...
— La magie n'est pas la seule arme d'une personne. En tant qu'humaine, j'ai aussi mes défenses.
Ne répliquant rien de plus, mon portable se mit à vibrer. On m'appelait.
— Bon les gars, je ne connais pas ce miroir et j'ai la flemme d'aller le chercher pour vos beaux yeux. Du coup, je vous laisse, j'ai une bataille à remporter.
— Ils sont déjà tous partis, me rappela Morgan.
— Ah oui, c'est vrai.
M'éloignant, je décrochai.
— Salut tantine. Je suis en route.
***
La forêt était grande, certes, mais à la lisière, à moins d'un kilomètre de la maison, impossible de se perdre.
Ruth m'avait appelée quelques heures avant le début de la fête pour une bonne raison. Pour me préparer.
Cette année, le 1er Mai, ou plutôt la nuit du 30 Avril au 1er Mai, se déroulerait plus au nord des États-Unis, dans l'une des résidences d'un membre du Convent. Au programme, rien de bien extraordinaire. Juste de nombreuses sorcières, surement quelque deux cents. Au moins, un membre de chaque coven s'y rendait chaque année. La fête était sacrée, mais nombreux étaient les individus croyant que la grande fête à laquelle se réunissaient tous les Sièges avait un prestige que seuls les plus méritants, et donc les plus puissants, pouvaient prétendre avoir la chance de participer. D'autres s'empêchaient volontairement de venir, ne s'en sentant pas forcément dignes. Pourtant, il s'agissait de l'un des seuls moments auquel même les sorciers solitaires et les bannis pouvaient participer.
— Rappelle-moi ce qu'il va se passer, Tantine ?
— Bain de cendres, chasse prospère et bad trip assuré.
— Mmh, c'est bien ce qu'il me semblait.
Nous étions en train de regarder tout autour de nous, cherchant astucieusement. Ou plutôt non, moi je cherchais et Ruth s'était installée sur une branche en haut d'un arbre. Elle jouait avec des abeilles.
— Pourquoi « bad trip assuré » ?
Je me redressai, posant les mains sur mes hanches alors que mon dos m'élançait légèrement. Passer du temps à fouiller le sol avec le dos rond n'était pas conseillé pour la santé. Parole de scout-sorcière-Laga.
— Pour la simple et bonne raison que la nuit du 30 avril au 1er mai a des effets déplaisants. Nous sommes plus puissantes, certaines, mais cette dernière passée c'est la chute assurée. Fatigue, nausée, et je ne te parle même pas des migraines. Et pour couronner le tout, les batteries sont déchargées. Sans oublier les possibles hallucinations. Enfin, ce genre d'expérience n'arrive que rarement et les plus touchés sont ceux avec des dons oculaires ou oraculaires.
— Donc moi. Et par « batteries déchargées », tu entends quoi exactement ?
— Fini la magie. Tu as été dopée donc il y a forcément des effets négatifs.
— Un bad trip. Ça se tient. Mais je me demande qui a trouvé ce nom.
— Surement une sorcière avec une logique comme la tienne.
— C'est vrai qu'il y a une certaine poésie dans ce nom.
— Assez de blabla, cherche.
Elle avait raison. Mais après quelques minutes, je levai de nouveau la tête.
— Mais comment c'est possible qu'on puisse avoir une remontée aussi forte de puissance ? Scientifiquement, je veux dire. Et pourquoi nous ne pouvons plus utiliser la magie après ?
— Aucune idée, la science n'est pas la vérité de toute manière. Elle est juste une méthode pour y parvenir.
— Plus je te parle, moins je comprends tes mots. Fais attention Tantine, tu vas finir comme Dumbledore.
— Mais en plus sexy.
Ouvrant sa paume, elle se mit à jouer avec un courant d'air, y faisant apparaitre des fleurs dont les pétales dessinaient le chemin du vent. Elle s'amusait, et moi je galérais.
— Tantine, au pire on dit qu'on s'en fout ?
— Non Hella, tu dois créer ta baguette.
— Mais pourquoi un bout de bois ?
— Aucune idée, c'est toi qui as dit que quitte à avoir une baguette magique, il fallait un bout de bois tordu. Je t'avais pourtant proposé d'en prendre une toute faite et d'y ajouter seulement ton énergie.
— Je n'ai jamais prétendu ne pas être stupide. Enfin pas à ma connaissance.
Prenant un bout de bois, je le jetai derrière moi pour m'en emparer d'un autre qui connut le même sort immédiatement après. Finalement, une idée merveilleuse traversa mon esprit. Aussitôt, je m'emparai d'une grande branche par terre, la dressant à deux mains.
— Tantine, j'ai fait mon choix.
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