-Pourquoi cette cruche est venue, déjà?», demanda mon copain, pas très discret.
-La cruche t'a entendu!», s'indigna presque immédiatement Kinae, et je poussais un long soupir.

Je posais ma tempe contre la vitre de la voiture, sentant déjà venir la migraine.

-Elle était toute seule pour Halloween. J'ai pensé...
-Tu as pensé:"Tiens, pourquoi pas l'inviter à mon rancard avec mon petit-ami super sexy?», me taquina-t-il en m'adressant un petit sourire en coin, alors que Kinae gémissait derrière.
-S'il vous plait, le premier qui me fait tenir la chandelle, je le tue.
-Fallait pas t'incruster, rétorqua aussitôt Jason en lui lançant un regard noir depuis le rétroviseur.
-Mais je voulais faire la maison hantée aussi!

Je soupirais et Jason abandonna la partie. Pas parce qu'il était heureux que Kinae vienne avec nous, mais plutôt parce qu'il ne voulait pas me mettre de mauvaise humeur.

-Au pire, je ferais en sorte de te perdre avant le train fantôme, lança-t-il quand même au bout de quelques minutes.

Kinae émit un petit son indigné, avant de saisir son téléphone et de parler avec Thomas, son petit ami actuel.

***

Je déglutis lorsque Jason se gara le plus près possible de parc d'attraction. Tout était décoré expressément pour Halloween, et j'avais mal au ventre rien qu'en songeant à ce qui m'attendait à l'intérieur. Pour être tout à fait honnête, j'avais glissé l'idée à Kinae la veille, en espérant bien qu'elle me supplierait de venir. Je ne voulais pas être la seule fille qui crierait dans tous les sens dès qu'un masque surgirait de nulle part.

J'avais horreur de ce genre d'endroit. Je les plaçais généralement au même niveau que les fêtes: je les évitais comme la peste. Puis, Jason était parvenu à me faire culpabiliser. Il avait dit que tous les couples fêtaient Halloween, qu'il me protégerait et que je ne risquais rien.

Voilà pourquoi je me retrouvais à l'entrée du parc, les bras serrés autour de moi, tandis que Jason avait les siens autour de ma taille. Kinae avançait fièrement devant, totalement dans l'ambiance. Elle avait fait l'effort de porter une robe noir, et de glisser un élastique avec un petit os dans ses cheveux. Très personnellement, j'avais essayé de mettre un peu de crayon sous les yeux, et cela avait suffi pour jouer à la parfaite Zombie.

Jason était venu avec une chemise un peu arraché dans le bas, et j'avais fait la moue en remarquant qu'on pouvait voir quelques uns de ses abdos. Et vu le regard de la fille derrière nous, elle en profitait à fond.

-On est jalouse, Rouquette?», s'exclama-t-il alors que je tirais un peu sur le tissu.
-Pas du tout, répliquais-je plein de mauvaise foi et les joues un peu rouges.

Il rigola d'autant plus et déposa un baiser sur mon nez.

-Reste-là avec Kinae, je vais aller chercher les tickets pour la maison hantée. À moins que tu ne veuilles commencer avec le train fantôme?
-La maison hantée sera très bien, le rassurais-je en entendant déjà les cris provenant du train.

Il me lança un sourire espiègle, comme s'il savait exactement ce à quoi je pensais, puis il se dirigea vers la billetterie.
Cela me rappela pendant un bref moment la même scène, deux années plus tôt, lorsqu'il m'avait emmené à la fête foraine. Je souris en me remémorant notre tour sur la grande rue, alors qu'il m'avait avoué aimer une fille.

Savais-je, à l'époque, que je finirais accrochée à ce garçon?

-Ah, Thomas vient de me dire qu'il fait la queue pour la maison! Je vais voir si je peux le voir vite fait, d'accord, Elinou?», lâcha-t-elle en s'éloignant déjà.

Une brusque panique me serra le cœur lorsque je compris que j'étais seule dans un parc d'attraction, la nuit d'Halloween. Je regardais rapidement autour de moi, et j'étais presque sûre que le clown là-bas, avec sa manchette plantée dans le crâne, me regardait bizarrement.

Pour me distraire, je sortis mon vieux téléphone pour vérifier que Jason ne m'ait envoyé aucun message. Je fus tentée de lui marquer quelque chose, n'importe quoi, qui l'aurait fait revenir plus vite. Sauf que je n'avais pas envie de passer pour une trouillarde...

Je soupirais et replaçais mon téléphone dans mon jean, et frottais le bout de mes Converses contre le sol pour éviter de regarder tous les gens drôlement bien déguiser autour de moi.

Et lorsque je relevais les yeux, j'étais presque sûre que le clown avait avancé de deux mètres.

Je reculais de trois bons mètres, juste au cas où, et me raclait la gorge. Qu'est-ce qu'il faisait, hein, Jason? Il allait juste chercher des billets, non?

Je reculais encore, juste un petit peu. Parce que ce clown faisait vraiment, vraiment, peur.

~*~*~*~*JASON*~*~*~*~

Jason sourit lorsqu'il fut enfin devant le guichet. S'il avait su qu'il y aurait autant de monde qui faisait la queue, il aurait pris sa Rouquette avec lui. Pour se faire pardonner, il passa chercher un peu de popcorn dans un stand.

Il se dirigea ensuite rapidement vers la place où il l'avait laissé, et n'y trouva personne. Il regarda autour de lui, et vit deux clown discuter en ramassant les déchets qui trainaient sur le sol.

C'est vrai que le thème de cette année était les clowns. Cela devait être le déguisement de la plupart des employés du parc. Il aurait dû prévenir Eleonore avant de partir.

-Et Jason, elle est où Elie?
-Je ne sais pas, je te laisse avec elle deux minutes et tu trouves le moyen de me la perdre!», s'agaça-t-il.
-N'importe quoi! Je suis pas son mec, moi, rétorqua-t-elle en croisant les bras contre sa poitrine.
-Je vais essayer de lui envoyer un message...

Il saisit son téléphone et préféra finalement composer le numéro. Stupidement, il avait besoin d'entendre sa voix. Et c'était grave, parce qu'il était quasiment sûr qu'il ne pourrait rien lui arriver dans un parc d'attraction.

-Allô, Rouquette?
-S'il te plait, Jason, viens me chercher!», pleura la jeune-fille, et Jason sentit son cœur faire un raté.
-Où es-tu?
-Dans.... Dans... AAAAAAAAAH!

Jason serra son téléphone au creux de sa main, et commença à faire les cent pas sous les yeux amusés de l'autre folle.

-Rouquette? Eleonore? Eleonore, réponds ou je te jure que...», commença-t-il alors que la communication se coupaient brutalement.
-Alors?
-Je ne sais pas, ça a coupé... Merde, si elle a un problème....
-Relax, ta copine va bien, se moqua la jeune-fille en levant les yeux au ciel.
-Comment tu sais ça, hein? T'as le don de télépathie, en plus d'avoir celui de faire chier les gens?
-Non. Mais je trouve que les cries qui proviennent du train fantôme ressemble quand même vachement à Elie, répondit-elle en pointant du doigt le premier train fantôme, juste à l'entrée du parc.

Aie.

Jason se demanda un court instant pourquoi sa copine, qui avait horreur de tous les manèges, avait choisi le train fantôme le plus terrifiant du parc. Et il n'était même pas avec elle pour qu'elle puisse se blottir dans ses bras, en plus.

-Je crois qu'on va l'attendre à la sortie, hein?
-Je ne vais plus jamais savoir la traîner jusqu'ici, hein?», demanda-t-il en passant une main sur son front.
-Je crois que tu peux encore crever pour l'année prochaine, ouais, se moqua la jeune-fille en volant une poignée de popcorn.

Un petit quart d'heure plus tard, une Eleonore toute rouge et les yeux embués sorti en tremblant du train. Jason passa un bras autour de sa taille, machinalement, tandis qu'elle nichait sa tête contre son épaule.

-C'était horrible, se lamenta-t-elle alors que Kinae posait une main rassurante sur son crâne.
-Mais pourquoi ne pas nous avoir attendu, aussi?
-Mais j'ai pas eu le choix! Il y avait ce clown bizarre qui me fixait! Alors j'ai reculé, reculé, reculé....», commença-t-elle en déglutissant.

Jason lui tendit le paquet de popcorn et elle en saisit quelques uns avant de poursuivre son récit.

-Je reculais et je me suis rendue compte que j'étais dans la file du train fantôme! Alors j'allais partir, mais le vampire m'a saisi les épaules et m'a entraîné vers mon siège!
-Et tu n'as pas osé dire que tu ne voulais pas le faire?», devina Jason en essayant de camoufler son sourire.

Il leva les yeux au ciel lorsque sa copine rougit en hochant de la tête.

-Ça veut dire qu'on ne fait pas la maison hantée, alors?», la taquina-t-il tout de même alors qu'elle lui lançait un regard furibond.

Et ce n'était pas bien grave que les autres n'aient pas le droit aux colères flamboyantes d'Eleonore, ou à son côté buté. Il aimait bien les avoir pour lui tout seul, en fait .