A force de se retenir d'aimer, on peut en perdre la capacité. C'est peut-être ce qu'il y a de pire dans la vie: ne plus savoir tomber amoureux- Frédéric Beigbeder.

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Jason retourna à sa table dans une allure qui dégageait toute son assurance et sa fierté. Il sentait le regard de Rouquette sur lui, glissant comme de la lave sur sa silhouette et il s'empêcha de se retourner pour l'observer. Cette fille était....Intrigante.

Il l'avait su dès son entrée en classe, lorsque toute la gente féminine avait commenté son physique. Sauf elle. Elle avait continué ses gribouillis sans jamais lever les yeux. Il avait senti la tension dans son petit corps quand il s'était installé à côté d'elle, comme si elle incarnait une cocotte minute qui allait exploser d'une minute à l'autre.

Mais ensuite, elle avait ri. Il n'avait pas essayé d'être drôle, juste d'exprimer son mécontentement. Il se demanda si c'était son ton bourru plus que sa phrase qui l'avait fait se détendre. Cela n'avait duré qu'un millième de seconde avant qu'elle ne se renferme à nouveau comme une coquille d'huître mais cela avait suffi pour lui faire savoir qu'elle n'était pas aussi ennuyante qu'elle le laissait paraître.

Il se remit sur sa chaise et daigna enfin jeter un regard en arrière mais la rouquine avait disparu. Comment s'appelait-elle déjà? Elena ? Léonie ? Non, un nom plus vieux.... Eléonore? Eléonore.

Son regard se posa sur Vanessa qui était assise en face de lui et il leva les yeux au ciel.

La populaire débitait vingt mots par seconde et il en attrapait une horrible migraine! Autant dire que son cours de math, à côté de Rouquette lui donnait l'impression d'une pause sublime. Cette fille était si silencieuse....

Il aurait aimé qu'elle se défende des piques de Vanessa mais après tout, il ne pouvait rien attendre d'agressif de la part d'une fille comme elle. Timide.

Ce matin, il avait croisé son regard et il faut dire que la jeune-fille l'avait surpris. Des yeux vairons, comme le chat qu'il avait eu en étant enfant....

-Et donc, j'ai remis la Muette à place. Tu aurais dû voir, elle n'osait même plus croiser mon regard, avec ses yeux de sorcière !
-J'aime bien les yeux de la Rouquette, c'est.....original.
-Original ? Je dirais plutôt monstrueux !
-Hé, mec ! Ça va ? Dis-moi pas que tu en pinces pour le Frigo ?!

Jason tourna la tête vers le capitaine de Basket qui venait de parler : Brian.
Sa carrure assez fine et sa tête du même gabarit n'impressionnaient généralement pas les adversaires et pourtant, ce mec avait la force d'un bulldozer. L'équipe ennemi ne comprenait jamais ce qui les avait frappé avant qu'il ne marque le panier. La seule chose qui aurait pu mettre la puce à l'oreille était sa taille : il était gigantesque, presque deux mètres de haut. C'était son charisme et son poste plutôt que sa beauté qui lui valait sa place à cette table.

Vanessa lui toucha le pied en dessous de la table et Jason recula vivement. Ce n'était que cela le dérangeait ou était contraire à ses principes, loin de là. Jason aimait jouer, c'était comme un passe-temps. Alors, s'il était sûr que Vanessa ne lui lâche ensuite la grappe, il aurait rentré dans son jeu.

Mais bon Dieu ! Cette fille était bien trop arrogante, trop bavarde, trop vantarde ! Elle lui mangeait déjà dans la main après seulement deux jours!

Ce n'était pas cela que cherchait Jason. Lui, appréciait les défis. Il aimait bien devoir se battre et, une fois le trophée remporté, il l'abandonnait. Une fois conquise, le prix n'avait plus vraiment d'intérêt.

Est-ce utile de préciser que le prix était toujours une fille ? Enfin, non, pas toujours. Il y avait cette fois, où il avait perdu un pari et avait dû draguer un garçon..... Mais il préférait oublier cette histoire.

Il n'avait rien contre les homosexuel, vraiment. Mais il en était pas un. C'est vrai qu'il n'avait pas beaucoup de respect pour les filles, excepté sa mère. Du plus loin qu'il se rappelait, jamais il n'était tombé amoureux. Il savait que cela causerait sa perte et faisait en sorte de mettre les voiles avant de que véritables sentiments ne s'installent... Enfin, il y avait cette fois-là, où il avait bien faillit tomber dans le piège. Et il l'avait payé tellement cher que toutes les autres filles payeraient pour elle.

En rentrant chez lui, il essaya d'ouvrir la porte de l'appartement qu'il partageait avec sa mère lorsque celle-ci résista.

-Merde! Mes clés.....

Il tâta sans vraiment de conviction les poches avant et arrière de son jeans avant de se résigner et de se laisser glisser contre le mur.

Sa mère rigola en le voyant ainsi, la tête entre ses genoux, une demi-heure plus tard. Il avait fini par s'asseoir devant la porte.

Après avoir dîner et aider sa mère à faire la vaisselle, il se jeta dans son lit et saisit la photo qui trainait sur sa table de chevet. Elle représentait un homme en costume militaire, le visage grave qui contrastait avec ses lèves étirées dans un sourire.

Il avait six ans lorsque son père était parti à la guerre, sans jamais revenir. Il n'était pas triste, ne l'était plus. Son regard se reposa sur le plafond alors que l'image de la Rouquette se figeait dans son esprit.

Pourquoi pensait-il à elle? Pourquoi maintenant ?

Il avait déjà eu un nombre incalculable de fille. Des populaires, des pompom girl, des intellotes qui lui avaient fait ses devoirs.... Même une punk !

Mais celle-là, il s'était enfuie lorsqu'elle avait décidé de celler leur amour en échangeant leur sang.... Oui, une expérience dont il n'aimait pas parlé.
Bref, Il était sorti avec tout les genres de filles.

Il pourrait séduire Vanessa mais, si c'était pour devoir la supporter toute la journée et l'entendre geindre pendant des heures quand il la quitterait, cela ne lui servait pas à grand chose....

Puis, Vanessa n'était pas un défis, ce serait plutôt une conquête de plus à son palmarès. Mais une timide.... Non, il n'avait jamais eu de timide....

La Rouquette devait se préparer car le loup s'était lancé à sa poursuite....