21. Eléonore
Jour de l'accident, 30 minutes plus tard.
Kyle était allongé dans le lit blanc, paisible. Il dormait, inconscient du drame qui s'écoulait lentement. Mon père était à côté de lui et caressait doucement son front. Deux médecins entrèrent dans la chambre à ce moment-là et je me surpris à les détester. Je les haïssais de nous annoncer des mauvaises nouvelles, encore et encore, avec leur visages froids et leurs voix dénuées d'émotion.
-Monsieur Coop, veuillez nous suivre à l'extérieur s'il vous plait.
-Non. Elle est peut-être jeune, mais elle a le droit de savoir, rétorqua-t-il.
Les trois regards se posèrent sur moi et, pour la première fois, cette attention me mît mal-à-l'aise. Peut-être parce que Tyler et Léo n'étaient pas à côté de moi. Peut-être Parce que j'étais seule pour me défendre, pour la première fois.
Peut-être parce que je sentis qu'ils me jugeaient comme quelque chose de faible, fragile, inutile, pour la première fois.
-Le patient 1045....
-Léo, il s'appelle Léo.
-....Le frein-à-main à transpercer plusieurs organes vitaux. Le foie, d'abord. On constate des lésions importantes à certains endroits, des hémorragies....
-Pouvez-vous le sauver?
L'espoir dans la voix de mon père fit grossir la boule dans ma gorge et je me tus le temps que les médecins prennent la paroles. Le silence se fit pendant quelque instants dans l'habitacle et je m'assis sur le lit du petit Kyle, fixant le mur gauche de la chambre. Derrière cette simple cloison de plâtre, Léo gisait dans un lit identique, seul. Inconscient de tout, de son sort.
-Nous avons essayé de l'emmener au bloc opératoire mais.... Mais il ne survivrait pas à l'intervention.
-Vous préférez donc le laisser mourir plutôt que d'essayer?!
-Calmez-vous, Monsieur.... Il ne supporterait pas l'anesthésie. Si, par pur miracle, nous arrivions à réparer les dommages, il ne saurait plus se réveiller.
Le visage de mon père prenait des années au fur et à mesure que la poisse s'accumulait. Des rides creusaient sa front, ses joues étaient creuses. C'était presque irréaliste de paraître aussi vieux en quelque heures à peine. Est-ce que je ressemblais à ça, moi aussi? Je n'avais jamais perdu de proche avant. Un chien, Doggy et mon grand-père en Toscane que je n'avais jamais vu. Et aujourd'hui, je venais de perdre ma mère. Et j'allais bientôt dire adieu à mon frère Jumeau.
-On lui a administré de la morphine, pour la douleur. Des antalgiques, aussi.
-Êtes-vous sûr que l'opération serait un échec?
-Quoi qu'on fasse, il va tomber dans le coma.
-Se réveillera-t-il un jour?
-Son corps respira avec les machines. Mais sa vie dépendra probablement des appareils médicaux.
J'entendais ces mots sans vraiment les comprendre. Je n'étais pas de ces gens qui s'apitoyait sur leur sort. J'essayais d'analyser le problème puis de le résoudre. C'était moi, qui gardait la tête froide dans le trio. Tyler calculait, Léo faisait des stratégies et moi, j'étais leur freins quand ils allaient trop loin. Je résolvais les problèmes, toujours.
Or, là, c'était une équation impossible. Je repensais inconsciemment à Tyler qui s'était vanté, un jour, de pouvoir résoudre n'importe quels exercices du moment qu'on lui donnait les bonnes données.
Qu'aurait-il fait, maintenant?
On m'avait enlevé ma maman. Et on allait m'enlever mon Léo.
-Je veux le voir.
Ces mots franchir mes lèvres sans même que je ne m'en rende compte. J'étais comme... Anesthésiée. Je ne ressentais rien. Je n'entendais rien.
Mes pas franchir la porte mais ma main sur la poignée marqua une hésitation avant d'ouvrir la porte. Je tendis l'oreille et la suite ne me plu pas du tout. Mon père était au téléphone.
-Pourquoi n'est-ce pas valables? Comment je vais faire pour payer les frais médicaux?! Vous êtes mon assureur, merde! Vous servez à parer ce genre d'imprévu!
Mes yeux se voilèrent un peu plus avant d'ouvrir la porte. J'avais cru toucher le fond et pourtant, j'allais bientôt apprendre qu'on pouvait encore tomber plus bas....
****
Retour Présent, décembre 2014
Jason m'avait laissé seul dans sa chambre et je n'avais pas osé bouger. Mon regard s'était posé sur le décor.J'étais surprise parce que, si je m'attendais à des posters rock et un bordel phénoménal, j'aurais été déçue.
Bien sûr, quelque habits et cahiers trainaient au sol et je rougis lorsque mon regard entraperçut un caleçon. Mais il n'y avait aucun posters. Une photo était posé sur la table de nuit mais je n'arrivais pas à la voir. Des jeux vidéos traînaient un peu dans chaque coin de la pièce, PSP, DS... Son lit était bien fait et je me suis demandée si ce n'était pas sa mère qui le faisait dans la journée.
Les murs étaient gris pierre et je remarquais même une étagère avec quelque bouquins.
En deux minutes trente, Jason venait de briser toute mes illusions du parfait rebelle qui fume des cigarettes dans le dos de ses parents.
J'entendis un juron tout près et arrêtait mon inspection.
Jason arriva, un large plateau dans les mains. L'un des chocolats chauds avaient légèrement débordé et avait imbibé quelque gâteaux.
-Désolé.
J'haussais les épaules pour lui signifier que ce n'était rien et resserrais un peu plus mes genoux. J'avais l'impression qu'au premier mot que je prononcerais, ma voix sortirait grave et rocailleuse.
Il leva les yeux au ciel et s'assit à côté de moi. J'aurais bien reculé, mais il aurait vraiment trouvé cela trop bizarre.
-Bon, maintenant explique-moi pourquoi tu t'es retrouvée dans un parc!
-Je me suis disputée avec mon père, lâchais-je, le cœur lourd.
Il hocha brièvement de la tête et saisit un gâteau. Je savais qu'il attendait simplement que je me décide à parler. Comme je savais qu'il ne me forcerait pas si je n'avais pas envie de lui dire.
Brusquement, l'image de Tyler m'apparut et je sus que, si jamais il savait que j'avais préféré me confier à un autre, il serait déçu. Je venais à peine de le récupérer et j'allais déjà le blesser. Jason agita un biscuit devant mes yeux pour me sortir de mes pensées.
-Sers-toi.
-Non merci.
-Il est tard et je suppose que tu n'as pris le temps de manger avant de partir de chez toi, je me trompe?
J'ouvrirai la bouche pour la refermer sans avoir dit un mot. Qu'aurais-je pu dire d'autre de toute façon? Il sourit, fier de lui, et me tendit un gâteau.
-Mon père couchait avec la nounou.
-Celle qui te pique tes briques de lait?
Jason mâchouilla le biscuit pendant quelque secondes en réfléchissant.
-Tu lui as fait une crise de jalousie et il t'a rembarré en disant que tu n'étais pas ta mère.
Ce n'était pas une question. La justesse et la dureté de ses mots me firent monter les larmes aux yeux.
-Comment le sais-tu?
Il posa ses prunelles océans sur les miennes et se crispa en voyant que j'étais au bord des larmes. De toute évidence, il ne pensait pas que j'allais pleurer. Il regarda autour de lui, comme pour chercher un échappatoire et finit par me prendre dans ses bras. Il semblait si... Stoïque. Je devais l'avoir dérangé. Il avait sûrement autre chose à faire de s'occuper de mes problèmes. Peut-être même trouvait-il que j'étais ridicule. Il n'aurait pas tort, je venais chez lui, à l'improviste, pour pleurer sur mon père qui avait une copine.
Mais je le savais, je me doutais que cela arriverait un jour ou l'autre. Mais pas maintenant, pas là. C'était trop tôt.
Jason ne comprendrait pas. J'avais toujours tendance à le comparer à Tyler, à attendre de lui qu'il sache exactement comment me rassurer. Seulement, il n'avait pas vécu avec moi comme Tyler. Il me connaissait à peine. Il était venu chez moi une seul fois pour un cours particulier. Il ne comprendrait pas.
C'est pourquoi, lorsque sa voix interrompit mes pensées, je fus surprise de la trouver si douce.
-Ce n'était pas difficile à deviner, vu la liste de recommandation que tu lui as laissé avant de partir à la fête.
-Mais je ne voulais pas prendre sa place, moi, c'est eux qui m'ont obligé!
Sa main hésita quelque instants avant de se poser sur mes cheveux et de les caresser lentement. Je ne comprenais pas pourquoi Jason, le grand Séducteur, osait à peine me prendre dans ses bras dans ces moments-là. J'avais l'impression qu'il m'étreignait comme s'il avait peur que je me brise entre ses bras.
-Je suis nul pour consoler une fille. Tu veux pas plutôt redevenir joyeuse? Je suis sûre que tu as remarqué le caleçon là-bas.
Un rire s'échappa de ma gorge en comprenant ses mots. J'avais déjà vu le Jason-Seducteur, ainsi que le Jason-Drôle. J'avais rencontré le Jason-Sérieux lors du cours particulier mais le Jason-Maladroit ne m'apparaissait que très rarement. Bien souvent par téléphone. C'était presque surprenant de voir cet homme si confiant perdre toute l'assurance qu'il avait. C'était déstabilisant.
-Je l'avais remarqué.
Une minute s'écoula et aucun de nous ne bougeait. C'était tellement maladroit et je savais que nous n'en parlerions plus ensuite. C'était comme ça dès que quelque chose de bizarre se produisait entre nous: on l'enterrait bien profondément pour ne plus jamais en reparler.
Tyler aurait trouvé les mots justes. Il m'aurait pris dans ses bras, fait une petite pichenette sur le nez et m'aurait expliqué que c'était normal que mon père se sente seul. Que trois ans était long, qu'il l'avait expérimenté. Que mon père avait dit tout cela sur le coup de la colère et qu'il savait probablement que j'avais fait pareil. Qu'il ne m'en voulait pas.
Mais Jason m'avait fait rire et cela avait posé un pansement sur la douleur.
-Je vais rentrer.
-Tu n'es pas obligée de partir tout de suite. On peut regarder un film ou bavarder avant?
J'hésitais quelque minutes, mon manteau dans les mains.
-S'il te plait. Tu me dois plusieurs conversation SMS.
Je me rassis en tailleur sur le lit en soupirant d'amusement. C'est vrai que je lui devais bien quelques discussions.
-C'est bizarre. Tu as déjà eu l'impression de connaître un personne mais qu'elle reste tout de même un mystère pour toi? Je sais tout un tas de trucs débiles sur toi, mais rien d'important.
-Cela dépend du point de vue. Personnellement, je trouve que je te connais plus que bien. Je ne sais peut-être pas prévoir tes réactions à l'avance ou même savoir exactement ce que tu penses. Mais je connais tout ce dont j'ai besoin de savoir.
-Mon numéro de téléphone, dis-je en plaisantant.
- Tes goûts musicaux, ton plat favori. Je sais, par exemple, que tu as peur des insectes et que tu n'as pas confiance aux plats chinois, de peur de manger un petit caniche tout mignon. Tu es timide, drôle, souriante lorsqu'on te connaît bien. Tu adores ta famille et tu es prêtes à tout pardonner pour tes amis. Tu écris une histoire, que je lis tout les week-end, et tu ne refuses aucun cadeau, même quand c'est un cactus tordu.
Je relevais la tête en souriant. J'avais vaguement parlé de ma passion sans jamais pensé qu'il aurait pris la peine de le lire.
-Je ne savais pas que tu la lisais. Mon histoire.
-Je t'avoue que j'étais sceptique au début.... Nan mais c'est vrai, peu de gens sont encore écrivain purement pour le plaisir! Et puis, j'avais peur que ce soit un récit de fille en chaleurs qui s'imaginent le prince charmant.
-Contente qu'elle te plaise.
-C'est donc ça, ton hobby?
-Non, tu ne comprends pas. Tu ne pourras probablement pas comprendre.
-Explique-moi.
Il me lança un regard implorant, presque dramatique et je levais les yeux au ciel. Peu de personne connaissaient cette passion. Ce n'était pas un secret mais je n'avais juste pas assez d'amis pour en parler. Je ne savais même plus pourquoi je l'avais publié, par envie, curiosité.... Je ne savais pas que cela prendrait cette ampleur. Je me triturais les doigts en essayant de formuler correctement mes pensées.
-Tu écris.... Lorsque j'écris, il n'y a aucune barrière, tu comprends? Tu ne dois pas rester rangé dans un rôle qu'on t'a donné. Un rôle que tu dois assumer. Tu pose les doigts sur ton clavier et tu te sens...voler. Tu n'es plus vraiment toi, tu n'es pas vraiment tes personnages. Tu es toute l'histoire, son intrigue, ses lecteurs, ses défauts, aussi.
-Tu as déjà pleurer en écrivant quelque chose?
-C'est ridicule, n'est-ce pas? Sauf que je ne peux pas m'empêcher. Un grand homme a dit un jour que l'écriture, c'était le cœur qui éclatait en silence. Je trouvais ça niais, avant d'essayer. Et puis, j'ai compris ce qu'il voulait dire. Tu as ce papier, ce bout de page blanche et toi. Tu sais que, quoique qu'il se passe, ce papier ne te jugera jamais. Peu importe ce que tu écris, peu importe que tu sois douée ou mauvaise, populaire ou looser, intelligente ou bête. Tu laisses toutes tes émotions t'échappaient en même temps et c'est merveilleux, ce sentiment de libération et de bonheur qui en découle.
-Tu as beaucoup de lecteurs...
-Honnêtement, je n'ai jamais pensé que je pourrais en avoir autant. Et ça me fait peur, dans un sens. Imagine que je les déçois?
Je daignais enfin lever les yeux et il me regardait avec son petit sourire en coin.
-Qu'est-ce qu'il y a?
-Rien, rien du tout...
-Non vas-y, dis!
-C'est vraiment beau, de te voir si enthousiaste. Vraiment, vraiment beau. Tu es vraiment belle.
Je lui fis un sourire gênée et saisis mon manteau.
-Il est tard et je vais... Je vais rentrer.
-Je te raccompagne chez toi.
-Non, ce n'est pas la peine.
-J'y tiens.
Il sourit et me raccompagna. Le trajet se fit en silence jusqu'à chez moi. Jason ne parlait pas et je savais que c'était parce qu'il comprenait l'angoisse qui m'habitait. En réalité, je ne savais pas si c'était pour ma dispute avec mon paternel ou les derniers mots de Jason qui me troublait le plus.
Les garçons me trouvaient parfois mignonne, chiante, ennuyeuse.... Mais jamais, je n'avais été belle.
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Petite photo de Jason dans les multimédias, pour celle qui veulent avoir un idée plus précise de notre Parker! Toutefois, je n'ai pas trouvé l'image totalement parfaite.... Vous me pardonnerez?
Chères Tyler'Addict , je vous promet que des moments Tylonores arrivent! Je voulais juste que, après plusieurs chapitres sans Jason, il puisse ravoir un peu d'intrigue aussi xD!
Gros bisous ❤️❤️❤️!
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