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À mesure qu'elle s'approchait du manoir, Rosalie ne cessait de se demander si elle ne commettait là pas une erreur. Y retourner n'était peut-être pas une si bonne idée. Mais d'un autre côté, elle ne souhaitait pas être vue comme une froussarde. Elle voulait réussir le défi que lui avait lancé Lane ; c'est-à-dire de rentrer à nouveau dans le manoir et prendre plusieurs clichés – ce qu'elle ferait à la fois pour Lane et pour elle-même. Pour Lane, ce n'était que pour lui prouver qu'elle en avait dans le ventre, qu'elle pouvait être aussi aventurière que lui. Pour Rosalie, c'était plutôt pour donner du sens à ce qu'elle avait vécu la veille. De plus, il fallait avouer que fondamentalement, prendre des photos du manoir ne semblait pas si compliqué. Elle n'avait qu'à faire comme la veille tout en gardant son téléphone à portée de main. Ainsi, elle continua de marcher en suivant le chemin qui contournait le lac et qui la mènerait vers le grand portail souillé par le temps.
Peu de temps après, le manoir se dessina derrière les arbres et Rosalie put apercevoir sa devanture. Elle sortit son téléphone portable pour prendre une photo, mais lorsqu'elle tenta de zoomer de là où elle se trouvait, elle aperçut comme une sorte de silhouette. Son souffle se coupa aussitôt, son cœur sembla s'arrêter au même instant, et lentement, elle releva la tête. Il y avait quelqu'un. Vraiment.
Toutefois, il ne s'agissait que d'un homme. Un homme sûrement plus âgé que ses parents, habillé simplement d'un jean et d'une veste, les cheveux gris, tenant une sorte de pochette à la main. Après qu'il eût refermé la grille du manoir, il se tourna vers Rosalie et finit par remarquer sa présence. Et alors qu'il semblait ne pas y avoir de danger, le cœur de l'adolescente continuait de battre à toute allure, semblant vouloir s'émanciper et s'arracher de sa cage thoracique.
Il avait l'air normal pourtant ; humain, vivant... Il n'avait rien d'un mort ou d'un fantôme. Respire, Rosalie. Il ne va pas te manger ou te tuer.
— Bonjour, la salua-t-il tout en lui lançant un sourire cordial.
Rosalie en fit de même tandis que son interlocuteur marchait jusqu'à arriver à sa hauteur. Puis il lui demanda :
— Qu'est-ce qu'une jeune fille, seule qui plus-est, peut bien faire dans le coin ?
Elle imagina alors milles excuses, toutes plus loufoques les unes que les autres. Elle avait bien raison, s'il s'agissait là d'un psychopathe, d'un pédophile ou de tout autre spécimen dangereux, il lui fallait trouver une raison valable pour s'en aller aussi vite qu'elle était arrivée.
Toutefois, elle choisit sûrement une des moins crédibles.
— Je promène mon chien.
L'homme balaya l'endroit du regard, s'attendant à voir bientôt un canidé courir vers l'adolescente à toute allure, mais il n'en fut rien. En réalité, Rosalie n'avait pas de chien, mais ça, il ne le savait pas et il n'avait pas non plus besoin de le savoir. Il haussa finalement les épaules, se fichant probablement des raisons pour lesquelles elle se trouvait ici.
— Tu ne devrais pas traîner dans le coin trop longtemps par contre.
Il jeta un coup d'œil au manoir. Pourquoi ? avait-elle envie de demander sans toutefois le faire.
— Tâche de rester loin de cet endroit de malheur surtout.
Puis, dans un murmure, il conclut :
— Ce truc me fait flipper.
Rosalie hocha la tête avec lenteur, essayant d'accuser le coup. En effet, le manoir avait l'air d'effrayer tout le monde. Pourquoi ?
Enfin, il la salua de nouveau avant de tourner les talons.
OK, Rosalie, maintenant, tu entres dans la propriété.
Arrivée devant le portail, elle attrapa la poignée de gauche et à son contact, elle frissonna avant de reculer vivement, lâchant un petit « Outch » à peine audible. Elle avait été électrisée. Elle observa sa main durant un petit instant, s'assurant qu'il n'y avait rien. Et à juste titre, il n'y avait rien. Aucune trace. Rien. Pourtant, l'adolescente avait bel et bien senti quelque chose. C'était sûrement le froid du fer, lui suggéra sa conscience pour se rassurer. En fait, ça pouvait être n'importe quoi. C'était à elle de croire ce que bon lui semblait.
Lorsque Rosalie tenta une nouvelle fois d'ouvrir la grille, elle n'y parvint pas. Elle avait beau faire, elle semblait verrouillée à l'aide d'une clé. C'est alors qu'elle revit l'homme, celui qui l'avait accostée. Elle avait remarqué un trousseau de clés accroché à sa ceinture... Il avait très certainement fermé derrière lui. Génial, songea Rosalie. Comment vais-je faire maintenant ?
Dorénavant, elle avait deux options : faire marche arrière et oublier toute cette histoire ou bien tenter le tout pour le tout et escalader les grilles. Cependant, parce qu'elle était plutôt audacieuse, elle ne douta pas une seule seconde. Elle choisit bien évidemment la deuxième option, dans l'espoir de vivre des aventures comparables à celles de son héro favori. Par conséquent, elle analysa rapidement la situation et entreprit de passer au-dessus du portail avec prudence.
Elle pénétra enfin sur le terrain abandonné en prenant le temps cette fois de prendre des photos et d'observer les lieux. Sur la droite du manoir se trouvait une vieille balançoire sûrement encore plus rouillée que les grilles. Derrière se trouvait un grand arbre, immense, qui était en train de perdre toutes ses fleurs. Rosalie prit quelques clichés supplémentaires avant de se diriger vers la porte d'entrée.
Ah... je déteste les lierres, pensa-t-elle. Toute la façade en était infestée. À cause de cela, le manoir ressemblait à un décor de film d'épouvante. Heureusement – et bizarrement –, la porte d'entrée n'était pas verrouillée. Elle entra alors en refermant directement la porte derrière elle. Aussitôt à l'intérieur, elle fut heureuse de constater qu'il faisait moins sombre que la veille ; surtout parce qu'il était plus tôt. En effet, l'après-midi était tout juste entamé : il n'était pas encore deux heures et demi.
L'adolescente fit le tour des pièces du rez-de-chaussée, prenant des photos dans chacune d'entre-elles. La cuisine donnait sur la salle à manger, avec un énorme lustre au-dessus de la table qu'elle pouvait deviner sous l'immense drap blanc. C'était impressionnant parce que le manoir semblait ainsi totalement laissé à l'abandon, comme si ses derniers occupants étaient partis précipitamment. Comme si, d'un seul coup, ils n'avaient plus existé. Tout semblait intact, les meubles en dessous des draps, les murs... même si tout était rempli de poussière et qu'elle en respirait sûrement énormément. Sûrement trop, d'ailleurs.
Ensuite, Rosalie finit par retrouver le cadre qu'elle avait fait tomber la veille. Elle le ramassa lentement, faisant attention à ne pas se couper à cause du verre brisé, et l'observa quelques instants. Son regard s'attarda sur le jeune garçon assis à même le sol, dans un jardin – probablement celui du manoir – et qui tenait dans ses bras un petit chat noir. Le garçon devait probablement avoir dix ans et souriait à la caméra. Ses grands yeux bruns semblaient même étinceler, traduisant peut-être une certaine joie. Peut-être venait-il d'adopter ce chat ? Peut-être jouait-il simplement avec ? L'adolescente se sentit soudain triste en songeant que toute l'enfance du garçon se trouvait ici et qu'il n'avait rien pour lui remémorer ces beaux instants. Pas même cette photo.
De retour dans le hall, Rosalie aperçut une porte. Sûrement menait-elle vers la cave. Cependant, elle ne put se résigner à y descendre. Elle n'avait même pas pris de lampe torche. Et même si elle avait en sa possession son téléphone, elle préférait préserver sa batterie, au cas où. C'est pourquoi elle décida plutôt de monter à l'étage.
Néanmoins, l'escalier était en marbre blanc et l'humidité semblait l'avoir rendu extrêmement glissant. L'adolescente n'en était pas plus rassurée : et si elle se tuait en glissant en arrière ? En effet, elle avait la terrible impression qu'elle pouvait trébucher à tout moment et dut même s'aider de la rampe. Fort heureusement, elle arriva assez vite en haut.
Sur le palier, il y avait quelques portes. L'une d'entre elles était entrouverte. Ce fut par-là qu'elle se rendit en premier. Elle poussa doucement la porte pour découvrir ce qu'il y avait derrière et finit par apercevoir quelque chose qui accéléra les battements déjà frénétiques de son cœur. Un piano.
*
Heeeey !
J'espère que ça vous plaît toujours !
Selon vous, que va-t-il se passer ensuite ?
Et quels secrets renferment le manoir ? Que s'est-il passé là-bas ?
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