Une journée était passée et pourtant, Rosalie ne cessait de repenser au manoir. Les événements de la veille persistaient encore dans son esprit, semblant vouloir la hanter sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Elle avait beau essayer de lire pour s'évader, mais c'était inefficace. Même le Capitaine Eo ne pouvait l'aider et c'était bien la première fois que ça arrivait. Le fait est qu'elle n'arrivait pas à expliquer qu'elle eût entendu quelqu'un jouer du piano. Pourtant, la logique était présente : les grilles entrouvertes, la porte non verrouillée... Ces éléments étaient la preuve matérielle que quelqu'un était entré dans le manoir avant l'adolescente. Toutefois, ça semblait encore si dur à croire. Parce que d'ordinaire, on ne mettait jamais les pieds dans une demeure abandonnée depuis longtemps - même si Rosalie, elle, l'avait fait. À moins que ce fussent des sans-abris ? Ou bien des toxicos... mais un toxico pianiste ? C'était presque insensé. Trop étrange. Trop invraisemblable. C'était possible, mais trop peu probable aux yeux de Rosalie.

Lane, Miles et Mia venaient de repartir et l'adolescente se trouvait toute seule avec Danny. Celui-ci dormait paisiblement dans le grand canapé et pour une fois qu'il ne l'embêtait pas, l'adolescente n'avait aucune envie de le réveiller. Alors elle resta là, assise, à se demander si elle n'allumerait pas la télé pour éradiquer son ennui et ses pensées parasites. C'est alors que son téléphone portable vibra sur la table. Elle l'attrapa rapidement, pria pour que le sommeil de Danny n'en fut pas perturbé, et vit que Lane venait de lui envoyer un message :

« Miles vient de me dire que tu as été dans le manoir. C'est vrai ??? »

Bon sang, j'avais dit à Miles de ne rien dire à personne, pensa l'adolescente en fronçant les sourcils. Je lui ai même donné tous mes bonbons...

Rosalie s'assit à nouveau sur le canapé avant de se mettre à écrire une réponse, mais elle fut vite coupée dans sa lancée. Lane était en train de l'appeler. L'adolescente se leva une nouvelle fois et se dirigea vers son jardin afin de ne pas être dérangée par Danny s'il venait à se réveiller. Une fois là-bas, elle décrocha, sachant pertinemment qu'il allait lui poser un tas de questions. Il était toujours comme ça, curieux de tout. Une fois qu'il avait vent de quelque chose, il insistait pour avoir l'intégralité de l'histoire sans oublier tous les détails possibles et inimaginables - même ceux qui n'avaient aucune importance finalement. Rosalie songea ensuite qu'au-delà de sa curiosité maladive, Lane était intrigué surtout parce que le manoir était mystérieux et qu'il paraissait inaccessible. Finalement, il ne l'était pas tant que ça ! Néanmoins, quand ils étaient beaucoup plus jeunes, ils avaient essayé de s'en approcher, mais avaient été tellement effrayés qu'ils avaient dû faire demi-tour. Sur l'instant, elle se dit qu'elle n'aurait jamais dû tenter d'y retourner.

- Tu es vraiment allée là-bas ? C'est comment ? Ça fait peur ? C'est vraiment hanté ? lui demanda Lane dans un seul souffle, sans prendre le temps de faire de pause entre les questions.

Rosalie gloussa doucement, amusée.

- C'était assez bizarre en fait.

Plutôt vraiment angoissant qu'« assez bizarre », mais Rosalie ne voulut pas lui avouer tout de suite.

- Raconte !

- Il y avait des draps blancs partout... c'était poussiéreux... il faisait sombre... ça faisait vachement laissé à l'abandon. Hanté par contre... je sais pas.

- J'arrive pas à croire que tu sois vraiment allée là-bas...

Pourtant c'était le cas. Comment ? Rosalie n'en avait encore aucune idée. Elle-même ne savait pas ce qui lui avait pris de s'y aventurer. À vrai dire, il fallait faire preuve de courage pour mettre les pieds dans le manoir tout seul ; et ce courage-là, Rosalie n'avait aucune idée d'où il venait.

- Tu crois qu'il y a moyen que je vois à quoi ça ressemble ?

Est-ce qu'elle aurait l'audace nécessaire afin d'y retourner avec lui ? Peut-être. Accompagnée, c'était toujours moins terrifiant.

- Quand tu reviendras...

Mais il la coupa :

- Non, je veux dire, aujourd'hui...

- Aujourd'hui ? Mais t'es sur la route...

Puis Rosalie comprit ce que Lane insinuait. Et au plus profond de son être, elle pria les dieux pour que le plan de son cousin fut totalement différent et non pas tel qu'elle l'imaginait... Il fallait dire que Lane avait toujours de mauvaises idées.

- J'suis sûr que tu n'es même pas capable d'y retourner et de prendre une photo pour me l'envoyer.

L'adolescente soupira parce qu'il s'agissait bien d'une mauvaise idée. Et en même temps, il la mettait face à un challenge. Un véritable challenge. Et il fallait avouer qu'elle n'aimait pas se sentir incapable de réaliser n'importe quel défi. Mais le fait était qu'elle n'était même pas sûre de vouloir le faire.

- Euh...

- Rosalie Moore aurait-elle peur ? murmura-t-il à travers le téléphone comme pour se moquer.

- Non ! rétorqua-t-elle précipitamment. Je n'ai pas peur ! Et arrête d'ajouter mon nom de famille à tout va, ajouta-t-elle avec un autre soupir. Tu sais très bien que ça m'embête.

- Tu sais très bien que j'aime bien te taquiner, Rosalie Moore...

Il rit doucement à travers le téléphone, sûrement content de lui.

- Enfin bref, reprit-elle, tu ne me croirais pas si je te racontais ce qui s'est passé hier.

C'est vrai, Rosalie était persuadée que jamais Lane ne pourrait croire une telle histoire. Cependant, l'adolescente voulait lui en parler. Elle ne pouvait décemment pas garder une telle chose pour elle.

- Miles m'a dit que tu flippais et que tu ne t'étais même pas cachée.

Est-ce l'impression qu'elle lui avait donnée ? Elle passa une main dans ses cheveux bruns tout en soupirant. Miles ne pouvait pas comprendre, mais Lane si. Pas vrai ?

- Je m'étais cachée pourtant. Dans le manoir.

- Pendant le cache-cache ? Dans le manoir ? répéta Lane. Rosalie Moore a perdu la tête...

L'adolescente gloussa puis s'empressa de raconter tout ce qui s'était passé ; les grilles entrouvertes, les bruits de pas et le piano. Elle n'omit rien. Lane resta silencieux un instant, mais quand il reprit la parole ensuite, il ne semblait pas tellement la croire quand elle s'efforçait de laisser entendre qu'il y avait eu quelqu'un d'autre qu'elle à l'intérieur de la grande bâtisse.

- Rosalie, je sais que tu n'aimes pas tout ce qui est paranormal et tout mais...

- Écoute, Lane, soit j'ai inventé ce piano, soit quelqu'un est entré avant moi. Il n'y pas de paranormal, dit-elle la voix tremblotante, comme si elle essayait de s'en convaincre elle-même.

Ce n'était pas tant qu'elle n'y croyait pas, au contraire, elle voulait se persuader que ça n'existait pas. Les fantômes, les maisons hantées, tout ça, ce n'étaient que des créations de notre imagination. Ça ne pouvait pas exister. Ça ne devait pas exister.

- Il n'y a qu'un seul moyen de vérifier, lâcha alors son cousin.

Il fallait y retourner.

*

Heeeey ! J'espère que vous allez bien !

Voilà donc le troisième chapitre de Timeless, j'espère que vous l'aurez apprécié ! C'est encore le tout début de l'histoire, donc les choses se mettent doucement en place... Du coup, j'espère que la suite saura vous charmer ! ^-^