« - Bonsoir à toutes et à tous, on est jeudi et il est vingt heures cinquante ici, à Londres. Ici Jeremy et je suis en direct sur Twitch avec le groupe Five Hearts, bienvenue à Ezechiel Lindley, William Taylor, Zoran Evans, Dean Erskine et Loam Davies ! »

Purée, il parlait vite. Sans respirer. Mais au moins, il avait dit son nom, parce que je l'avais oublié. Je savais que Jeremy était un animateur radio et qu'il faisait une émission musicale diffusée en direct sur Twitch une fois par semaine, mais me souvenir de son prénom ? Trop compliqué. Laura et moi, on partageait ça.

« - Bonjour !

- Bonsoir !

- Hey !

- Salut !

- Coucou ! »

Five Hearts dans toute sa splendeur. Jeremy rit et croisa les bras devant lui. Le micro posé sur la grande table ronde était vert, assorti à son casque - le même vert sapin.

« - Vous avez l'air en forme, les gars.

- On est contents d'être là, expliqua Zoran. On se connaît depuis quelques mois déjà. »

Ah bon ? Première nouvelle ?

Devant ma visible confusion - et celles d'Eze et de Loam - Dean répondit :

« - Oui, Zoran et Jeremy se parlent sur les réseaux sociaux assez régulièrement !

- On aurait aimé être au courant, taquina Eze.

- Pas assez de communication dans ce groupe, plaisanta Loam et je jurai avoir entendu « couple » mais comme personne ne releva, je passai à autre chose.

- Je sais pas à qui vous parlez, tous, » répondit Zoran en haussant les épaules, un soupçon d'espièglerie rayonnant dans ses grands yeux verts.

Ses boucles brunes étaient en partie aplaties par son casque azur et se mouvaient mollement alors qu'il bougeait doucement son micro de la même couleur. Il était assis en face de Loam, ce qui était une bonne chose, parce que ce dernier le regardait de façon... Il était clairement jaloux et Zoran en était parfaitement conscient. S'ils n'avaient pas été en face l'un de l'autre, le regard aurait été suspect d'un point de vue extérieur.

Jeremy avait chassé la remarque en haussant d'une épaule en faisant la moue. Il attaquait le programme de la soirée. En l'écoutant, je rajustai mon propre casque beige.

« - Okay, on va commencer par un petit jeu, fit Jeremy. Je vais vous poser des questions sur le groupe et vous allez pointer du doigt le membre concerné. Je veux que personne ne parle. »

Nous hochâmes collectivement et il reprit :

« - Parfait. Qui est le plus susceptible d'oublier les paroles pendant un concert ? »

Eze pointa immédiatement le doigt vers Loam. Ça nous était tous arrivé, en réalité, juste plus à Loam qu'à nous. Loam fit les gros yeux et me pointa à la place. Je hochai la tête et me désignai. Il se trouvait que Loam était le premier à réagir quand un autre oubliait ses paroles ou ratait son début. Il maitrisait nos parties à la perfection, il ne connaissait juste pas les siennes. Zoran se gratta le nez et me désigna aussi, alors que Dean pointa vers Loam qui protesta silencieusement.

« - La balance penche donc entre Loam et Will, à ce que je vois. Ensuite, qui est le plus susceptible d'avoir une chanson écrite sur lui ? »

Tous les garçons me pointèrent du doigts, à l'exception de Zoran qui avait choisi Eze. Cette question était plus facile, parce que j'avais déjà une chanson écrite sur moi - même si, techniquement, c'était un secret - et que mon ami mancunien était sorti avec plusieurs chanteuses plus ou moins connues. Mais les premiers à me venir à l'esprit avaient été le couple. La majorité de leurs chansons étaient destinées à l'autre.

« - Curieux, commenta Jeremy. Qui est le plus susceptible d'avoir un compte caché sur les réseaux sociaux ? »

Je désignai Zoran, qui pointa le doigt en face de lui, vers Loam, qui, pour sa part, indiqua Dean, qui désigna Eze, qui me montra du doigt. Tout le monde, c'était assez simple et commun. Jeremy approuva d'un hochement de tête.

« - Moi aussi. Ah, celle-là je sais ! Qui est le plus susceptible de pleurer devant une comédie romantique ? »

Avec un sourire narquois, je désignai Loam, en même temps que les autres. Loam, pour sa part, leva les yeux au ciel et désigna Dean.

« - Merci pour cette précieuse information, Zoran. Qui fait le plus de nuits blanches ? »

Zoran et Loam se désignèrent mutuellement. Je ne doutais pas qu'ils passaient des heures à s'envoyer des messages durant la nuit, mais, curieusement, ils s'en sortaient toujours pour ne pas tomber de fatigue le lendemain. L'avantage de la jeunesse. J'étais trop vieux. Le fait que j'étais plus vieux que Loam de seulement neufs mois était passé sous silence. Je pointai Eze, il m'imita et Dean fit de même en haussant les épaules.

« - Donc les deux seuls qui dorment dans ce groupe sont Dean et Will... Okay. Vous avez déjà fait une tournée avec un bus dans lequel vous et votre groupe dormiez, alors je vous le demande : entre vous cinq - j'épargne vos musiciens - qui ronfle le plus ? »

Je croisai le regard de Loam et nous hochâmes la tête. Dean. Tout le monde était d'accord avec nous, y compris à distance. Notre bassiste faisait partie des spectateurs et je pu lire sa réponse « MERCI ENFIN QUELQU'UN BRISE LE SILENCE À CE SUJET, Dean ronfle beaucoup et TRÈS fort », ce à quoi Moïra répondit « C'était la seule réponse acceptable, désolée chéri », ce qui fit soupirer Dean, faussement attristé par la trahison de sa partenaire.

« - Merci pour ces réponses, messieurs. Vous pouvez reparler.

- Je tiens à dire que je me suis senti très agressé et persécuté, souligna Loam.

- Ma copine m'a mis un couteau dans le dos, rétorqua Dean.

- Mais ça reste vrai, fis-je valoir.

- C'est pas le sujet, répliqua-t-il.

- Alors... Si, sourit Zoran.

- Chut, riposta l'écossais avec beaucoup de répartie.

- Le fameux, » fit Eze avec un rictus.

Il me tapa dans la main - il était à côté de moi avec son ensemble casque-micro jaune et ses cheveux fraichement teints en gris, de nouveau - et Jeremy reconcentra notre attention sur l'interview.

« - Vous avez une tournée prévu dans quelques mois, notamment pour promouvoir votre album « The Room » sorti en décembre dernier et disponible sur toutes les plateformes de streaming ainsi que sur votre site Internet pour les formats physiques comme les cinq CD - un avec chacune de vos têtes, fit-il en montrant les cinq différentes éditions, ainsi que les deux vinyles que je n'ai malheureusement pas ici. Est-ce que vous avez hâte ?

- Oui, vraiment, répondis-je avec honnêteté. On aime faire ça. Performer, interagir, tout.

- La foule, l'ambiance. Totalement, approuva Dean.

- On voyage, aussi, commenta Loam.

- On a l'occasion de visiter plein de villes, expliqua Zoran. Mais oui, on adore les concerts. L'enregistrement à part, c'est ma partie préférée.

- Justement, vous avez annoncé la partie européenne de votre tournée, vous avez actuellement trente-deux dates annoncées. Vous avez pas peur de la fatigue ? Puisqu'en plus des trente-deux concerts, vous avez aussi les entraînements et tout.

- Oh, si, répondit Dean. C'est un rythme de vie totalement différent.

- Oui, oui, c'est sûr qu'on dort pas de la même façon, on mange pas pareil, on est loin de chez nous etc. Mais ça reste exceptionnel et franchement, l'adrénaline ça permet de mieux gérer la fatigue, ajouta Loam.

- Comment se passent vos journées en général, en tournée ?

- Alors, commençai-je. Si on est déjà sur place, on se réveille vers dix-onze heures, on s'entraîne avec le groupe puis on mange, on s'entraîne encore puis on performe le soir, et de temps en temps, on finit la journée par aller au studio puis on rentre et on dort.

- Parfois on va en soirée, après. Pas tous en même temps, précisa Dean. Bon, ils vont en soirée, eux, » ajouta-t-il en nous désignant, Eze, Loam et moi.

Notre écossais était majeur depuis quatre mois, donc non, il ne venait pas en soirée avec nous lorsque nous étions en tournée, un an et demi auparavant.

« - Et du coup, vous faites quoi juste avant de monter sur scène ? Genre, à partir d'une heure avant le début du concert.

- On chauffe la voix, principalement, répondit le plus jeune. On répète les chansons rapidement, on se repose.

- Loam ruine soigneusement la coiffure de Zoran, lança Dean.

- Pardon ? s'étrangla le blond en question.

- À chaque fois, les coiffeuses coiffent Zoran d'une certaine façon et à chaque fois Zoran finit décoiffé parce que Monsieur Davies préfère quand les boucles de Monsieur Evans sont ébouriffées, expliqua l'écossais.

- Ça colle mieux à son image, se justifia Loam.

- Certes, » abdiqua Dean, qui retint ensuite un petit gémissement.

Zoran venait de balancer son pied sous la table pour que Dean cesse d'argumenter. On était tous d'accord pour dire que les boucles décoiffées convenaient bien mieux à notre ami mais ce n'était certainement pas le but principal des manigances de Loam. Certainement pas. Je jetai un rapide regard vers le management. Ils n'avaient pas sourcillé aux différentes remarques même si la plupart des spectateurs dans le tchat diffusé en direct sur des tablettes devant nous avait clairement compris les sous-entendus de la révélation de Dean - sauf Dean lui-même, pour être honnête.

Jeremy n'avait pas parlé depuis sa question - à vrai dire, de façon générale, il ne parlait pas beaucoup - et s'était contenté de sourire. Je ne savais pas dans quelle mesure il connaissait la nature de la relation entre mes deux amis. Avec le recul, beaucoup de personnes étaient au courant, et elles étaient toutes sous contrat. Mais Jeremy ? Il parlait avec Zoran depuis des mois. Se connaissaient-ils à ce point ? Ne pas savoir, et donc ne pas savoir ce que je pouvais dire me frustrait et je voyais bien que Loam n'en menait pas large. Le blond était de nature jalouse, une histoire de sang chaud, encore une fois.

L'animateur radio posa son coude sur la table et cala son menton dans sa paume.

« - Rapidement, comme ça, un trait que vous cherchez chez une femme ?

- Rousse, répondit Dean en envoyant un baiser à la caméra.

- Blonde, fis-je à mon tour.

- Femme, dit Eze en haussant les épaules.

- Pas si important, lui répliqua nonchalamment Zoran.

- Vous assumez que je cherche quelques chose en particulier chez une femme, » ajouta Loam.

Jeremy haussa les sourcils en hochant la tête. Five Hearts ensemble, c'était un beau bazar, je devais bien l'admettre. Cinq jeunes hommes bruyants qui parlaient en même temps et riaient à ce que les autres disaient.

« - Racontez-moi votre meilleur souvenir de concert. Ezechiel ?

- Je pense... Celui qu'on a fait à Manchester, pour notre première tournée, répondit-il en passant une main dans ses cheveux gris - ses doigts furent bloqués par le casque.

- C'est chez toi, non ?

- Oui ! Y'avait toute ma famille, mes amis et mes connaissances. C'était tellement réchauffant de chanter et de performer devant mon monde. Et on sous-estime beaucoup ce qui se passe après les concerts, dans les coulisses. Franchement, c'est incroyable, » confia-t-il.

Zoran fit un bruit de gorge en guise d'approbation.

« - C'est-à-dire ? Que se passe-t-il dans les coulisses post-concerts ? À quoi n'avons-nous pas accès ? demanda Jeremy.

- Oh, mh, réfléchit le mancunien. Les câlins, déjà.

- Les câlins ? s'intéressa l'animateur.

- Oui ! s'exclama Eze. Je sais qu'on conclut nos concerts par une accolade collective et des checks avec les musiciens, mais sachez qu'on s'en refait, tous. On se change, et après, on reçoit les membres de la loge VIP, qui sont généralement nos amis et notre famille, ou des célébrités.

- Je suis très content d'apprendre ça, j'en ferai partie pour le premier concert de votre prochaine tournée.

- Vraiment ? demanda Zoran, et Jeremy acquiesça.

- Justement, Zoran, quel est ton meilleur souvenir de concert ?

- C'était un concert caritatif pour une association d'aide pour les orphelins du Kent, répondit le plus jeune en croisant les jambes sous la table. Ça m'a particulièrement touché. En tant qu'orphelin du Kent.

- Les sourires des jeunes étaient magiques, commenta Dean.

- J'imagine, oui. Toi, Dean ?

- Edinburgh, deuxième nuit. Pour les mêmes raisons qu'Eze, même si ma famille est à Glasgow. Tous mes amis de collège sont à Edinburgh.

- Loam ?

- Aucun souvenir du pays, mais c'était mi-septembre 2021, le quatorze, je crois. Je sais pas, un croisement entre l'ambiance de la foule, la coordination avec les musiciens, l'alchimie entre nous tous...

- L'alchimie entre nous, répéta le brun avec un sourire narquois - personne ne releva, Jeremy prenant sa remarque comme une confirmation.

- William ?

- Will, le corrigeai-je. Et, oh, Paris. De notre première tournée, aussi.

- Pourquoi ? questionna l'animateur.

- Pour rencontrer la famille de sa copine, » répondit rapidement Loam entre deux toussotements.

Il se mordit la lèvre pour étouffer le son qui aurait dû s'échapper quand son copain lui frappa la jambe avec son pied en dessous de la table.

Certes, Zoran et Laura avaient annoncé leur rupture quelques jours plus tôt, mais nous n'avions rien communiqué de notre côté.

Ces dix derniers jours avaient été un mélange flou d'horaires décalés, de rencontres avec des fans, de séances photo, de réunions et de passages au studio. Laura m'envoyait des messages régulièrement, elle travaillait autant que nous. Nos comptes sur les réseaux sociaux étaient inactifs, les seules nouvelles de nous sur le compte du groupe étaient des photos de nous en route pour un énième rendez-vous avec nos producteurs. Moïra s'était improvisée porte-parole puisque nous n'avions plus le temps de le faire nous-même.

Ah, et, en plus, Loam et Eze trouvaient le temps de sortir dans Londres régulièrement pour être pris en photo dans des clubs. Depuis que Zoran était de nouveau « célibataire », Loam accompagnait Eze à ses soirées et il ne rentraient que le lendemain. Et autant dire que je ne comprenais pas où ils trouvaient le temps de faire la fête.

« - De sa... De... De Laura ? m'interrogea Jeremy avec un brin d'incrédulité.

- Oui, de Laura, confirmai-je calmement.

- Mh, fit-il en réponse sans que je sache vraiment comment interpréter cette réponse. Est-ce que vous avez un futur projet d'album sur le feu ? Je sais que votre dernier est récent et que votre tournée commence dans cinq mois, mais on ne sait jamais, » fit-il en changeant radicalement de sujet.

Le blond du groupe me jeta un regard rapide, sourcils haussés, auquel je répondis par un mouvement désintéressé des épaules.

« - Bah, il faut bien se dire qu'on aura toujours un projet d'album, expliqua Dean en rangeant une mèche rebelle derrière son oreille. On écrit toujours, on enregistre.

- Surtout en ce moment, précisa Zoran et Loam hocha vigoureusement la tête.

- Oui, on enregistre plutôt tard, d'où nos têtes potentiellement fatiguées, s'excusa Eze.

- Vers quelle heure environ ? demanda Jeremy en se reculant sur sa chaise.

- Ça dépend du point de vue. Tard le soir ou tôt le matin, racontai-je. Les deux. Entre... Oui, entre vingt heures et deux, trois heures du matin. »

L'animateur hocha la tête. Il consulta rapidement les avis des spectateurs avant de se retourner vers nous.

« - Parlez-nous un peu de vous. À quel âge avez-vous commencé à chanter ou à jouer de vos instruments ?

- Personnellement, très jeune, commença Zoran. En fait, je faisais partie de la chorale de l'église de mon village quand j'étais petit. Jusqu'à ce que je vienne à Londres, j'en faisais partie. Ça doit faire treize ou quatorze ans que j'ai commencé.

- Un bon bout de temps, finalement, acquiesça Jeremy.

- On peut dire ça, approuva Zoran. Mais de façon générale, on pratique tous depuis aussi longtemps, je pense. Par exemple, Will... Je peux ? Pour tous.

- Oui, oui, vas-y, l'autorisai-je, n'y voyant aucun inconvénient, alors que les autres consentaient.

- Merci. Will, ça fait quinze ans aussi, il a commencé le piano quand il avait six ans, à peu près, et le chant c'est venu pas si longtemps après. Loam, de mémoire, faisait du théâtre et de la comédie musicale en primaire, Dean adorait chanter depuis tout petit et Eze pareil. Pour nous tous, c'est venu quand on était vraiment tout petits.

- C'est super intéressant. Donc, en fait, la musique c'est ce que vous voulez faire depuis que vous êtes enfants, c'était un peu votre métier de rêve, il fit une pause le temps de nous laisser exprimer notre confirmation. Que feriez-vous, et où, si vous n'étiez pas dans la musique ?

- Ma dernière année de lycée, répondit Zoran avec un rire. Pas dans mon village, parce qu'on a pas de lycée, mais dans le village d'à côté.

- Du droit à Glasgow, comme ma copine.

- J'y ai jamais réfléchi. Du commerce, je pense, répondit Ezechiel. Manchester, j'imagine.

- Non, mec, t'aurais pu avoir un avenir dans la cuisine, avança Loam. Moi, je sais pas, peut-être une carrière d'acteur. Et toi, Will ?

- Prof de piano et à Londres, sans aucun doute.

- T'es déjà prof de piano, souligna Dean.

- Avec le pire élève, ajouta le brun, un sourire narquois peint sur les lèvres.

- Mais va te faire fou- j'ai le droit de dire ça sur Twitch ? s'inquiéta son copain.

- Vous avez le droit, lui assura Jeremy avant de continuer. Mais c'est pas moi qui gère l'image publique de votre groupe. »

Loam regarda comiquement vers le management et Andrew acquiesça en souriant.

« - Va te faire foutre avec tout mon respect et mon amitié, Zoran.

- Je suis indigné, très cher, signala Zoran.

- J'étais indigné avant vous, mon ami, répliqua le blond.

- Eh bien soyons indignés ensemble. »

Je ris à leur audace de flirter - oui, c'était du flirt - devant des centaines de milliers de personnes. Je jetai un regard vers l'écran devant moi. Effectivement, un petit « 19,3 k » apparaissait fièrement à côté d'un petit point rouge. En relevant le regard, je constatai que la plupart des spectateurs partageaient mon hilarité. Menant mon regard encore plus haut, je vis que mes partenaires étaient dans le même état que moi, qu'une douce teinte rosée avait pris place sur les joues de Loam et qu'un sourire fier trônait sur les lèvres de Zoran. Jeremy souriait doucement mais en revanche, le sourire d'Andrew avait disparu.

« - Reprenez votre sérieux, messieurs, fit l'animateur. Vous pouvez rester indignés, vous deux, ajouta-t-il en direction du couple. On me demande juste ici... Un dimanche parfait, pour vous, c'est quoi ?

- Commence, l'indigné, fit Zoran.

- Je peux réitérer mes actions, menaça celui-ci et je sus qu'on les avait perdus. Mais soit, je vais répondre. Un bon dimanche pour moi c'est... Regarder...

- Regarder Friends, l'interrompit son copain. Il fait ça en boucle. Vraiment, je vous promets.

- Donc, je disais que pour moi, un bon dimanche c'est regarder Friends avec un bon thé chaud dans ma chambre. Je t'en prie, à toi, l'indigné.

- Un bon dimanche est pour moi un dimanche où j'ai pas de travail à faire et où je peux lire toute la journée.

- C'est vrai que tu es encore au lycée, taquina Loam.

- Je ne répondrai qu'en présence de mon avocat. »

Loam soupira bruyamment et Dean essuya ses yeux avant de répondre à son tour - les larmes lui étaient montées à force de se retenir de rire.

« - Pour moi, c'est plus... Être en famille, ce genre de trucs. Me retrouver avec mes parents et ma sœur. C'est simple. Mais ça arrive pas souvent.

- C'est ça, approuva Jeremy.

- Et c'est pour ça que c'est toujours parfait. Eze, c'est à toi.

- Okay, bah... Pour moi un dimanche parfait, c'est un dimanche dont je me souviens pas. Voilà, Will à toi ! »

Je soufflai par le nez à sa phrase, amusé. Je repris rapidement pour que personne n'ait le temps de lui poser de question par rapport à sa réponse.

« - Un lit et de la bonne musique, ça me paraît pas mal comme dimanche.

- Et une blonde ? » demanda Dean en replaçant de nouveau une mèche qui s'était échappée de sa coiffure.

Je plaçai mon index sur mes lèvres dans un « chut » silencieux et fis un clin d'œil parfaitement capturé par la caméra. Le garçon le plus proche de moi étira le bras et me frappa à l'arrière de la tête - probablement sans raison - et les autres rirent. De ma réponse ou de la violence gratuite ? Nul ne le savait.

Jeremy ne commenta pas, à la place, il fixa sa propre tablette avant de nous demander :

« - Est-ce que vous écoutez tous le même type de musique ?

- Non, répondit Eze. On écoute tous Taylor Swift par défaut, à cause du p'tit brun, là, mais personnellement, j'aime bien le rap et l'électro. D'ailleurs ça se ressent dans ce que j'écris ou que je compose, en général.

- Oui, confirma Loam. On écoute tous des trucs différents et du coup, nos albums solos sont tous assez différents. Moi... Bon, j'ai grandi avec deux filles un peu plus âgées que moi. Deux filles. On écoutait leur musique, du coup. Je peux vous dire que je connais toujours les chansons des One Direction par cœur. Mais, du coup, j'ai grandi avec ça et j'écoute toujours un peu, j'aime la pop, aussi. Y'a un peu... Plein d'artistes dans mes playlists. Et Taylor Swift. Qui est une femme absolument charmante, d'ailleurs.

- Vous l'avez rencontrée ?

- Y'a une vidéo de nous qui traîne sur Internet. Vous ne verrez jamais Zoran fangirler à ce point... Aïe ! Mec, t'as de la force dans les pieds. Will, qu'écoutes-tu comme type de musique ?

- Taylor Swift, à cause de Zoran et de Laura, et du rock. Et notre Écossais ?

- Du métal. Voilà, et c'est absolument pas ce que je chante ! J'aime bien la pop. J'aime beaucoup faire de la pop, mais je préfère écouter du métal, expliqua Dean.

- Et Zoran ? Hormis Taylor Swift ?

- Alors, majoritairement Taylor mais j'ai d'autres artistes, aussi. Toujours pop. Un peu comme Lo, finalement. On a tous les deux grandi avec des filles un peu plus âgées. D'ailleurs une de mes sœurs de l'orphelinat ne m'a jamais autant envoyé de messages que depuis qu'elle sait que techniquement j'ai le contact d'Harry Styles. Mais je t'aime, hein, Elena. »

Il se tourna bien face à la caméra et fit un cœur avec ses doigts, puis il embrassa sa main et envoya le baiser vers « Elena ». Jeremy lui sourit avant de dire dramatiquement :

« - Ah, il ne me reste qu'une question, mes amis. Est-ce que vous avez déjà lu ou vu des fanfictions ou des fanarts, ou des vidéos éditées - bref, du contenu fait par les fans et pour les fans - de vous ?

- Oui, oui. Bah, quelque part, je pense qu'on est un peu obligés d'y être confrontés. On a fait l'expérience des trois choses que tu as citées, répondit Eze.

- Et vous en pensez quoi ?

- Les fans sont très créatifs, fit Dean. Qu'est-ce que j'en pense ? Bah... Les vidéos sont des choses qu'on a dites et faites souvent prises hors de leur contexte donc je dirais que parfois c'est drôle; pour les fanarts, on a des talents dans notre communauté mais, pitié, arrêtez de nous dessiner de façon inappropriée. Pour les fanfictions, c'est un sujet entier.

- Sautons dedans, proposa Zoran. Il y en a qui sont bien, rien à dire. On en a lues qui sont super. Ceci dit, ce que je n'aime pas personnellement, c'est le fait que nos caractères ne soient pas toujours respectés. Parfois nos proches n'existent pas, surtout nos frères et sœurs. Parfois la mère de Loam est vivante, parfois sa belle-mère est horrible avec lui. Sachez que nos frères, sœurs et parents sont tous des êtres humains d'une bonté extrême. Et surtout, surtout... Dean, Will, je vous laisse finir ma phrase ?

- La plupart des fanfictions sont à propos de nous en tant que couples, moi et Will, Will et Loam, Loam et Zoran, Zoran et Eze, Eze et moi, vous voyez le truc. Mais, mh... On a des copines ? Éventuellement ? Et j'aime Moïra, donc. Juste pensez à ça. Moïra, Laura et tout.

- C'est un message important, acquiesça Jeremy. Ceci dit... Will, tu sors avec Laura ? De nouveau ?

- Ouep, confirmai-je.

- Mais attendez, du coup, elle est sortie avec toi, puis Zoran, puis toi de nouveau. Vous pensez pas que c'est un peu étrange... Qu'elle sorte avec deux beaux jeunes hommes... Riches ?

- J'aime pas beaucoup ce que tu insinues, là, Jeremy, avertit Zoran.

- Je rapporte des faits, et je pense juste que...

- Arrête ? De penser comme ça, en tout cas, »  fit Loam en haussant les épaules.

Dean avait croisé les bras devant lui, les sourcils froncés, et Eze avait un sourcil haussé. D'un rapide regard, la discussion des spectateurs était partagée entre les points d'interrogation... Et les doutes.

Je détestais ça.

Je détestais tout ce qu'il disait et sous-entendait. Je détestais le fait qu'il pense juste d'avoir le droit de s'exprimer alors qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait réellement de notre côté. Il ne connaissait pas Laura, ou moi, ou la situation dans laquelle nous avions été. La situation aurait pu être tellement différente si...

« - Vous savez ce qui est terriblement injuste ? commençai-je, les mots s'échappant de ma bouche et se dirigeant droit vers les spectateurs en direct. Tu dis tout ça pour la simple et bonne raison que Laura... Est une femme. Si elle était un homme et que nous étions, Zoran et moi, des filles, tu le féliciterais, sincèrement. Et tu ne le fais pas, parce que Laura est une femme. Laura est la plus belle femme que j'aie jamais vue. Elle est si gentille. C'est un putain d'ange descendu sur Terre. Elle traite les gens avec tant de gentillesse, même quand ils sont méchants et malveillants avec elle. Est-ce que vous avez vu comment elle traite les paparazzi ? Je me souviens, un soir, on voulait aller au restaurant. Ils attendaient devant chez nous, dans des voitures et elle les a salué gentiment, leur a demandé comment ils allaient. Elle n'a pas besoin d'être si gentille. Surtout quand vous voyez tous les messages qu'elle reçoit sur Twitter. Quand elle y répond, elle y répond avec amour. Quand on a rompu, en novembre dernier, elle m'a envoyé des chocolats. Elle n'avait bien entendu pas à le faire, mais elle l'a fait. Parce qu'elle est adorable et unique. T'as pas le droit de dire toute cette merde sur elle. Elle a gagné sa propre célébrité avec ses livres. Elle a tout construit elle-même. Elle était connue avant qu'on se rencontre et avant que tout le monde ne réalise qu'elle était la sœur d'Adeline Merryl. Donc personne n'a le droit de l'insulter, absolument personne. »

Et le plus merveilleux de tout ça ? Tout était vrai. J'avais enfoui cette histoire de chocolats au plus profond de moi-même précisément parce que le geste était si généreux et m'avait tellement touché que les chocolats étaient restés dans leur boîte. Je n'en avais pas mangé un seul. J'ignorais où se trouvait cette boîte, aujourd'hui. Je soupirai et clignai des yeux.

Bien vite, je me retrouvais dans ma chambre.

Je faisais défiler tous les extraits que je pouvais trouver de l'interview de ce soir. Je n'étais toujours pas descendu de ma brume de colère, le sentiment d'injustice toujours solidement ancré dans ma poitrine.

J'étais à peu près sûr que Laura n'avait pas encore vu tout ce bordel. Elle m'aurait appelé.

Mon téléphone vibra dans mes mains. J'avais reçu un message.

« Je suis très ému d'avoir vu tout ça, mon garçon. »

Je regardais brièvement le nom du contact et...

Oh.

Le père de Laura. Je n'avais pas reparlé à la famille Merryl depuis novembre, depuis notre rupture. Je ne savais même pas vraiment si Laura les avait prévenus que nous étions de nouveau ensemble, et, au vu de ma petite démonstration de ce soir... Maintenant, ils étaient au courant.

***

4580 mots, et oui je me suis lâché.

Y'a une question qui vient du "four play" fait par Harry Styles et Liam Payne parce que juste... Oui. Je devais. J'ai aussi regardé bien trop d'interviews pour trouver des questions potables.

Ce chapitre (et la tirade de Will) existe depuis plus longtemps que le chapitre 1, d'ailleurs, je l'ai décrit oralement en me faisant les ongles dans ma salle de bain en octobre. L'info est cadeau.

Le passage que je suis en train d'écrire est angsty donc j'aime !! Vous allez adorer, vous verrez. Aussi, je corrige un chapitre full angst qui arrive plus tard parce que j'ai décidé d'être cohérent dans mon usage des past tenses en anglais. 

On se retrouve a priori la semaine prochaine, j'espère que vous avez aimé ce chapitre !

Bonne soirée,

- Alex.