Chapitre 25: sauvetage
Le hangar était éclairé par quatre spots qui ne laissaient aucune zone d'ombre, même au milieu de la nuit. Mélanie et Kazuhisa avaient dû se poster à bonne distance pour ne pas se faire remarquer par les sentinelles qui ne quittaient pas leur poste. Les deux jeunes se sentaient bien inutiles. Ils avaient aidé Mélia et Théo à s'équiper chacun d'une petite bouteille d'oxygène qui leur permettrait d'entrer par l'océan et de gagner les bassins. Après c'était la grande inconnue. Pas moyen d'avoir de nouvelles, de savoir ce qui se passait dans ce fichu hangar.
Chinchou s'agita au fond du sac à dos et ses couinements semblaient bien trop sonores dans le silence, avec la tension qui montait.
— Chut ! grogna Mélanie. Qu'est-ce que tu veux ? Tu vas nous faire repérer ! Tu peux te dégourdir les pattes. Mais tu reviens, hein ? Ta maîtresse va m'étriper si je te perds.
— Qu'est-ce que tu dis ? souffla Kazuhisa, sans quitter des yeux les six grands gaillards qui faisaient la ronde à une centaine de mètres de leur poste d'observation.
— Non, non rien ! J'ai libéré le chinchilla. Je crois qu'il a fait ses besoins dans mon sac.
Le petit japonais haussa les épaules et fit soudain un signe à Mélanie pour qu'elle se baisse. Il se passait quelque chose vers l'entrée. Le gros camion qui avait enlevé sa grand-mère et les Européens se présentait tambour battant devant le hangar. Un colosse à la barbe hirsute ouvrit le portail. Le véhicule se précipita dans la cour et son chauffeur en sauta lestement. Mélanie et Kazuhisa tendirent l'oreille pour essayer de capter la conversation qui s'engageait.
— Salut Teti ! se réjouit un grand brun mal rasé. Tout va bien ? Tu as l'air à fond !
— Salut les gars ! Ça boume ! Mais on vient de m'avertir qu'un petit Japonais avait visité la chambre de nos Ostendes à l'hôtel. Je ne sais pas ce qu'il a trouvé là-bas, mais il a réussi à neutraliser . Soyez sur vos gardes, il pourrait être dans les parages. Sinon, est-ce que mon chargement est prêt ? Je ne voudrais pas finir trop tard ce soir !
Kazuhisa et Mélanie, qui avaient entendu les paroles du Milvuit, se tassèrent sur eux-mêmes.
— Ça ne sent pas bon pour Mélia et Théo, ça ! chuchota Mélanie.
— Oui, eux vont être en danger et nous aussi, nous sommes trop près.
— Ne t'inquiète pas, j'ai tissé une protection, ils ne peuvent pas nous « sentir », mais ils risquent de nous voir, on doit rester cachés.
— Oui, mais je veux savoir ce qu'il est venu chercher, celui-là.
Kazuhisa n'eut pas à attendre longtemps. Deux hommes sortaient du hangar, un paquet dans les bras.
— Il n'y en a qu'un aujourd'hui ? s'enquit le chauffeur du camion en allumant une cigarette.
— Ouais, ils sont résistants les nouveaux, mais la vieille là, elle ne valait pas grand-chose.
Kazuhisa devint livide et son regard s'accrocha au ballot porté par les deux individus. Il avait la forme d'un corps saucissonné dans un drap blanc immaculé. Le souffle du petit japonais s'accéléra, il fixa Mélanie sans pouvoir déglutir.
— Non, pas Ghiza ! sanglota-t-il en silence.
Une main se posa délicatement sur son épaule, Mélanie ne pouvait pas le contredire. Elle aussi avait bien compris le sens de la conversation des Indésiratas. Et à l'instant, alors que Kazuhisa essuyait ses yeux, un pan de drap s'était déroulé laissant entrevoir le chignon défait de la chamane. Les hommes jetèrent le paquet dans le camion en riant.
Kazuhisa explosa. Il se redressa les poings serrés et se mit à courir en direction du véhicule. Il ne fit que deux pas et tomba comme une masse. Mélanie avait juste frotté ses index et effleuré ses pouces pour bloquer les pieds de son ami. Il gémissait doucement entre deux taillis, le genou et le coude égratignés quand elle le rejoignit en rampant.
— Ne fais pas ça, lui chuchota-t-elle. Ils vont te tuer. Et ils auront tout gagné. Ta grand-mère voudrait que tu vives et que tu te serves de ce qu'elle t'a appris sinon elle sera morte pour rien.
Kazuhisa considéra silencieusement la petite Donnador qui lui donnait de si sages conseils. Il était tellement en colère qu'il aurait fallu un régiment de soldats pour le détourner de son envie de se battre. Pourtant, cette fille, qui devait à peu près avoir son âge, avait réussi à l'apaiser avec une simple phrase.
— Quand ils ont tué ma maman, mon oncle Jonas m'a dit ça aussi, poursuivit-elle. Je garde toutes les recommandations de maman dans ma tête et je sais qu'elle est contente.
Les beaux yeux turquoise de Mélanie dégageaient une souffrance profonde, alors Kazuhisa choisit momentanément d'enfouir la sienne et de suivre les conseils de la jolie rouquine. Malheureusement, ce petit remue-ménage avait éveillé la vigilance des Indésiratas et trois des leurs commençaient à inspecter les alentours.
— Ils arrivent par-là ! s'inquiéta Mélanie. On doit partir. Tu viens, Kazuhisa ?
Sa voix était suppliante, elle lui tendit la main. Il obtempéra et se mit accroupi pour envisager une zone de repli.
— Là-bas, on longe la route et on prend le sentier qui mène à la forêt de Jinmen Iwa.
Ils rampèrent sur une dizaine de mètres, puis se redressèrent quand ils se jugèrent hors de vue et coururent sans s'arrêter pendant plus d'une dizaine de minutes. Ce fut Mélanie qui demanda grâce la première.
— Je ne crois pas qu'ils nous aient vus, fit-elle hors d'haleine, le corps plié, les mains posées sur les cuisses.
— Non, et ils ne nous trouveront pas là. Viens, on va se cacher dans le vieux cimetière.
— Oh ! Chinchou, j'ai oublié Chinchou ! réalisa Mélanie, horrifiée.
— Il y a pire ! fit remarquer Kazuhisa ! Théo et Mélia sont piégés et ma Ghiza est morte.
Bien loin de se douter de ce que vivaient les deux plus jeunes, Mélia et Théo poursuivaient leur mission, en mode plongée. Ils avaient laissé la barque de l'oncle de Kazuhiza à plus de cinq cent mètres de leur objectif et nagé jusqu'au aux abords du hangar. Ils étaient parvenus à gagner s'infiltrer avec facilité. Il y avait bien un passage qui reliait les bassins de l'océan à ceux d l'intérieur. Il était très étroit comme un goulet d'étranglement. Mais pour la fine corpulence de Mélia et l'agilité de Théo, ce ne fut qu'une formalité.
Les quatre bassins se succédaient en enfilade et communiquaient par un mince chenal. Ils contenaient de gros paniers dans lesquels se débattaient des crevettes. Le dernier réservoir était entièrement dans le hangar. Mélia et Théo prirent soin de nager bien au fond et de ne remonter à la surface que dans un angle sombre. Collés à la paroi, ils calmèrent les battements affolés de leur cœur et analysèrent l'environnement dans lequel ils se trouvaient.
Ce dernier bassin occupait les trois quarts d'une grande pièce. Contre les murs, des conteneurs gris s'alignaient sur des étagères métalliques et des dizaines de casiers cylindriques en fil d'acier s'entassaient au sol. Il n'y avait personne, mais un moteur ronronnait, sans doute celui d'un système de filtration d'eau. Théo et Mélia, conscients d'émerger en terrain hostile, ne se permirent pas un chuchotement. Ils devaient paraître invisibles. Mélia avait déjà réussi cette prouesse pendant quelques minutes lorsqu'elle s'était trouvée face aux Indésiratas dans la salle d'escrime, trois mois auparavant, mais elle savait qu'elle ne pourrait pas garder cet état permanent et encore moins le transmettre à Théo. Elle avait donc tissé une protection autour de leurs corps et elle comptait sur leur discrétion et l'effet de surprise.
Communiquant par signes, en évitant le plus possible les remous d'eau, Théo désigna à sa partenaire quatre gros bidons en plastique qui pourraient servir de cachette pour leur matériel de plongée. Tels des ninjas, ils sortirent du bassin et atteignirent sans encombre les barils. Ceux-ci contenaient du sel. Tant pis, les jeunes gens se séparèrent bien vite de leurs bouteilles, palmes et masques qu'ils enfouirent sous une bonne couche de sel.
Les veilleuses des issues de secours éclairaient suffisamment la salle pour qu'ils puissent repérer la porte qui devait donner sur le reste du bâtiment. Sur la pointe des pieds, ils l'atteignirent, redoutant à chaque instant de voir surgir une sentinelle. Mélia la gorge sèche actionna la poignée. Malheureusement celle-ci était verrouillée.
— Mince, qu'est-ce que l'on fait ? chuchota Mélia.
— Tu ne peux rien faire avec tes doigts pour ça ?
— Ben ! Euh... Je ne sais pas !
Mélia avait beaucoup appris durant sa première année du premier cycle des transformations. Elle s'était entrainée sur la matière et parvenait parfois à la faire changer d'état, de forme aussi. Bien sûr, elle agissait toujours sur de petits composants et puis elle avait l'aide des autres Prudens et le tout se passait sous la tutelle de Maître Lux. Chaque fois, Téodor leur rappelait qu'il leur fallait des connaissances de physique ou de chimie, qu'on ne pouvait pas intervenir sur les éléments au hasard. On devait avoir des intentions précises avant d'agir.
— Euh ! En quoi elle est faite cette serrure ? Et ça fonctionne comment à l'intérieur ? demanda-t-elle à son ami sans cesser de surveiller ses arrières.
— Quoi ? Mais j'en sais rien moi !
— Chut ! Moins fort ! je vais... Oh ! J'entends des pas ! Cache-toi !
Théo courut se glisser entre les barils, mais Mélia n'eut pas le temps. Par réflexe, elle se plaquer derrière la porte qui s'ouvrait.
Une lampe torche balaya une ou deux fois la salle, puis une silhouette s'avança. C'était un homme tout habillé de noir, Mélia ne se risqua pas à essayer d'apercevoir ses traits. Si jamais l'individu décidait de refermer la porte derrière lui, il se retrouverait face à la jeune fille. Elle était totalement tétanisée, pourtant son cerveau calculait à toute vitesse ses possibilités d'échapper à la situation. Le nouvel arrivant avança de quelques mètres. Il se dirigea vers les barils.
Bon sang, il allait apercevoir Théo. Mélia était prête à faire diversion. Mais elle se ravisa quand elle le vit plonger sa main dans un baril. Ce n'était pas celui qui contenait leur équipement, mais il était si près qu'il était à deux doigts de le découvrir. Elle prit donc la décision d'attaquer, en priant pour être efficace et surtout pour que l'homme n'ait pas un compère tout proche. Son Ingéni palpita alors que ses mains s'auréolèrent. Elle était fébrile. Elle s'apprêtait à lézarder sa cible d'ondes électriques pour affoler le cœur, quand elle entendit l'individu pousser un petit cri jubilatoire.
Il venait de sortir une bouteille de rhum qu'il avait visiblement dissimulée auparavant dans le bidon rempli de sel. Il la contempla amoureusement, jeta un regard méfiant autour de lui. Puis rassuré, alla s'assoir au bord du bassin pour consommer en cachette sa boisson. Mélia profita de cet instant de relâchement pour franchir, avec souplesse, la porte toujours entrebâillée. Elle fut d'abord aveuglée par une lumière vive qui inondait le couloir dans lequel elle déboucha. Il mesurait à peine six mètres de long et était jalonné de cinq issues. Elle devait vite prendre une décision, le lieu était dangereux. À tout moment, un Indésirata pouvait débarquer par une de ces portes.
— On essaie la première à droite, souffla Théo dans son oreille.
Elle faillit hurler. Elle n'avait pas perçu sa présence. Il avait tiré avantage, lui aussi, de l'oisiveté du garde pour se faufiler jusqu'à la sortie.
La première porte était verrouillée, ainsi que la deuxième. Les deux jeunes gens sentirent la panique les gagner. Ils eurent plus de chance avec les deux suivantes. Elles étaient toutes les deux ouvertes, mais donnaient sur des cagibis où s'empilaient barils, bâches, pompes et produits divers. Il ne restait plus que la porte au fond du couloir. Cette dernière n'était pas verrouillée et débouchait sur une sorte de salle de contrôle. Il y avait plusieurs bureaux, tous équipés d'ordinateurs allumés. Personne n'était devant les écrans, pourtant le local avait été occupé peu de temps avant leur arrivée, une cigarette s'éteignait doucement dans un cendrier.
— Il y a des caméras partout, elles filment tous les angles du bâtiment, chuchota Théo.
— C'est toi, Bastien ? demanda une voix endormie. T'es déjà revenu de ta pause ?
Dans le coin de la pièce, juste derrière un écran, un grand échalas se déplia d'un fauteuil. Il hoqueta de surprise quand il vit les deux jeunes gens. Mélia sut qu'il s'agissait d'un Niemens, il se dégageait de lui une fade odeur de crevette, presque impalpable, mais vivace dans son souvenir. L'homme agita ses bras, Mélia prépara la parade. Elle percevait déjà l'aigreur cuisante au fond de sa gorge et des contractions naissaient dans son estomac. Ses doigts façonnaient posément des liens pour entraver les gestes de son adversaire. Il paraissait agacé et s'activa plus férocement. Il se dégagea sans grand effort et projeta une sorte de pluie d'acide en direction du visage de la jeune fille. Théo s'interposa en se jetant devant son amie. Les particules destructrices atteignirent ses yeux, mais n'eurent aucun effet sur lui. Une fois encore, il semblait comme immunisé face aux agressions des Indésiratas. Il profita de la surprise de son adversaire pour lui asséner un violent coup de poing dans la mâchoire. Ce qui le mit aussitôt KO.
— Tu n'as rien ? s'enquit immédiatement Mélia, inquiète.
— Si, sans doute une nouvelle mèche blanche. Je la sens quand elle apparaît, ça me chatouille le cuir chevelu.
— Tu devrais te méfier. Tu n'es peut-être pas insensible à toutes leurs attaques. Tu prends trop de risques.
— Euh ! ! Un « merci, tu m'as sauvé la vie » suffirait.
Mélia l'embrassa sur la joue en soufflant un « merci » reconnaissant. Théo afficha un air satisfait puis jeta un regard sur un écran d'ordinateur éteint pour essayer d'apercevoir les dégâts sur sa chevelure.
— Elle est derrière, la nouvelle ! l'avertit Mélia. Plus qu'une mèche blanche pour égaler Téodor.
— Je te dis pas la tête de ma mère à mon retour.
Un gémissement les fit sursauter. Le long Niemens reprenait ses esprits. Il tentait de se redresser. Mélia, très réactive, parvint à le ventouser au sol en créant à la fois une pression exagérée sur ses membres et un vide d'air sous son corps. Le Niemens immobilisé n'en pouvait pas moins donner l'alerte, il se mit à crier. Théo lui enfourna dans la bouche un sac plastique qui trainait sur l'un des bureaux.
— Le voilà calmé ! déclara-t-il satisfait.
— Oui, mais celui qui est dans la salle du bassin a peut-être entendu du bruit. Il peut arriver d'une minute à l'autre. Qu'est-ce qu'on fait ? s'inquiéta Mélia.
— Je ne vois pas d'autres sorties. S'il s'amène, on est cuit. Il y a peut-être des clefs ici pour ouvrir les portes du couloir.
— Attends, regarde, les écrans ! Il y a au moins une dizaine de pièces sous surveillance vidéo. Elles se trouvent où ? demanda la jeune fille.
— Aucune idée. Heureusement qu'ils n'ont pas mis de caméra dans la salle du bassin. Notre mission de sauvetage aurait tourné court. Ça doit être pour ça que l'autre va se saouler là-bas, personne ne peut l'espionner, constata Théo.
Mais Mélia ne l'écoutait pas. Ses prunelles s'étaient figées sur l'un des écrans.
— Par les Éthers Originels ! Regarde ! C'est Thys ! J'en suis sûr, c'est Thys !
Elle désignait une silhouette recroquevillée sur un lit dans le coin d'une toute petite salle. La qualité de la vidéo était médiocre, on distinguait à peine les couleurs et il était impossible de voir les traits du visage. Théo se pencha par-dessus son épaule et plissa les yeux.
— Tu crois ? C'est peut-être juste un veilleur de nuit qui fait une pause.
— C'est lui, je te dis ! C'est Thys !
— C'est encore un truc de jumeau, hein ?
Mélia ne se donna même pas la peine de répondre. Elle scrutait l'écran à la recherche d'indices.
— Il est où ? Comment on va le trouver ? Et les autres ? Tu les vois ? Ils sont où ? s'affolait-elle.
— Ils sont au sous-sol, ma belle ! grogna une voix. Et vous allez bientôt les retrouver !
Ils ne l'avaient pas entendu arriver. La discrétion c'était un atout des Milvuits. L'homme en noir, qui avait été boire en cachette dans la pièce des bassins, était maintenant face à eux. Ses yeux injectés de sang étaient soulignés par des cernes violacés, alors que des taches rouges coloraient son nez et son cou. Son visage se fendait d'un sourire fatigué. Ses mains se mirent en mouvement et l'attaque partit avant même que Mélia ne le réalise. Il y eut un claquement sec, suivi d'une vibration et la jeune fille se retrouva plaquée au mur. L'homme fit alors un geste en direction de Théo et fut stupéfait de ne pas le voir ébranlé.
Il renouvela son offensive sans plus de succès. Théo grimaça un sourire stressé, souleva une chaise de bureau et l'abattit sur l'individu en noir qui émit un gargouillis avant de s'écrouler.
Dès que l'homme fut inconscient, Mélia fut libérée de la pression qui la collait au mur. Elle toussota un moment pour retrouver l'usage de ses poumons.
— Chut ! lui intima Théo. Tu vas alerter tous les Indésiratas du coin.
— J'aimerais t'y voir toi ! Je viens d'être complètement aplatie contre la cloison. Je pouvais plus respirer. Toi, tu résistes à tout. T'es incroyable !
— Non ! Je ne résiste pas à la poussée de cheveux blancs, j'ai récupéré ma quatrième mèche, soupira le garçon.
Mélia pinça les lèvres et souleva les sourcils en signe de connivence. Puis son regard se reporta sur l'écran. La silhouette qu'elle prenait pour Thys était toujours avachie sur le lit.
— Il a parlé de sous-sol. Elle est où la porte qui va au sous-sol ? demanda-t-elle un brin hystérique.
Théo enjamba le corps de l'Indésirata pour atteindre la sortie. Il risqua un coup d'œil dans le couloir.
— Une de ces portes doit mener aux pièces que l'on voit sur les écrans. Il faut trouver les clefs.
Mélia était déjà en train de palper les poches de son adversaire inerte, mais à part un paquet de chewing-gums et un ticket de bus, elle ne repéra rien qui aurait pu les aider.
— Tu ne pourrais pas essayer d'ouvrir avec les énergies, suggéra Théo.
— Et toi, tu ne pourrais pas donner un bon coup d'épaule, bougonna la jeune fille.
Ils fixaient tous les deux les portes et se déterminèrent d'un coup. Mélia se plaça devant la porte de droite alors que Théo prit son essor devant celle de gauche.
Le garçon asséna de violents coups d'épaules qui ébranlèrent la structure, mais la porte ne céda pas. Le bras trop endolori pour tenter une nouvelle fois, il se décida à flanquer des coups de pied dans le chambranle.
Pendant ce temps, Mélia inquiète du bruit provoqué par son compagnon essayait de se concentrer sur son loquet. Elle se servit tout bonnement de la pression de l'air pour modeler la forme de la clef qui pousserait les goupilles. Lorsque celles-ci furent alignées, la jeune Ostende frotta insensiblement le bout de ses doigts dans l'intention de créer un mouvement vibratoire circulaire qui permit au cylindre de tourner tout en douceur et de déverrouiller la serrure. Un simple « clic » informa la jeune Ether de son succès, tandis qu'un craquement disgracieux et un « aïe ! » étouffé confirmèrent que Théo, à son tour, avait réussi.
Ils eurent devant eux la même vue, une petite chambre blanche inoccupée abritant un lit et des perfusions. Pas d'autre sortie. Pas d'accès au sous-sol. Ils firent volte-face et n'eurent que le temps de s'échanger un regard désespéré quand surgit une armée d'Indésiratas survoltés. Ils jaillissaient de la salle de contrôle. Comment était-ce possible ?
— Et bien, voilà celle qui me manquait ! jubila Luc Porrexi en tête de la cohorte. Tu viens de te jeter dans la gueule du loup, ma belle. Je te remercie. Et celui-ci, qui est-ce ? Il m'intrigue. Sa protection est puissante, je n'arrive pas à le sentir, même en face à face.
Les deux jeunes gens voyaient se resserrer l'étau d'Indésiratas autour d'eux. Plus aucune alternative en échappatoire. Les hommes étaient trop nombreux, les issues toutes surveillées. Complètement désespéré, Théo se jeta dans la mêlée, en hurlant.
— Sauve-toi Mélia, sauve-toi !
— Déchiquetez-moi ce comique ! vociféra Luc Porrexi. Non, non, attendez ! Je veux l'étudier en entier. Cassez-lui juste le nez et deux ou trois côtes, ça réduira ses prétentions.
Mélia n'avait pas pu profiter de l'héroïsme de son ami. Où aurait-elle pu fuir ? En plus, contrairement à Théo, elle ne pouvait pas bouger, elle était statufiée par la dizaine d'Indésiratas sous les ordres du longiligne Milvuit. Elle assista, impuissante, à la mise à tabac de Théo qui se défendit néanmoins en éborgnant Daniel avant de s'effondrer sous les coups. Puis deux colosses, l'un roux et barbu, l'autre chauve et imberbe soulevèrent les deux jeunes gens et les emmenèrent dans la salle de contrôle.
Mélia fit tout pour retenir ses larmes. Mais même si la colère la submergeait, elle ne renonçait pas, elle devait rester consciente et vigilante. Ça ne pouvait pas se finir comme ça. Les Indésiratas ne pouvaient pas gagner ce combat. La survie des Ostendes et des Inanimatas en dépendait.
Elle ne lâcha donc pas des yeux Luc Porrexi lorsqu'il pianota des chiffres sur un petit clavier collé la paroi. Le sol vibra doucement et une trappe s'ouvrit juste devant le colosse chauve qui portait Théo. Il s'engagea prestement dans l'escalier en colimaçon qui s'offrait à lui sans aucune considération pour son captif dont les membres percutèrent un bon nombre de fois le mur. À son tour, le grand barbu roux descendit les marches avec Mélia sur son épaule.
Ça y est, ils y étaient dans ce sous-sol qu'elle avait vu sur les écrans de la salle de contrôle. Son frère et ses amis devaient être ici ! À l'espoir de les retrouver, se mêlait l'horrible constat de l'échec de son entreprise. Elle s'était jetée dans la gueule du loup comme l'avait fait remarquer Luc Porrexi. Elle aussi était prisonnière maintenant, elle ne pouvait plus rien pour eux. Seuls Mélanie et Kazuhisa étaient encore libres. Mais que pouvaient les deux petits face à cette horde ! Et Cid ? Dormait-il toujours, vidé de l'énergie qu'elle lui avait soutirée pour prolonger son voyage spatio-temporel ?
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