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Chapitre 15: Leçons en cascades

Les parents de Cid furent les premiers à arriver au commissariat. Ils regardèrent leur fils d'un air consterné et baissèrent les yeux devant le jeune adjudant de police qui leur fit la leçon sur leur rôle de parents. Anthony et Sylvie Ano arrivèrent accompagnés de Téodor Lux. Le Maître Arcan n'avait pas un faux pli ou une éraflure sur ses vêtements, mais on aurait dit qu'un cyclone avait soufflé sur son crâne. Ses cheveux horriblement emmêlés formaient une sorte de pyramide qui dégageait deux grosses oreilles rougeaudes. Il découvrit ses canines proéminentes quand l'adjudant s'approcha, si bien que le jeune homme recula de trois pas et préféra se placer derrière son bureau. De là, il fit des remontrances aux parents insouciants qui ne savent pas éduquer leurs enfants, mais garda tout le temps les yeux fixés sur Téodor comme pour le maintenir à distance. Anthony et Sylvie ne firent aucun commentaire, ils se contentèrent de signer les documents que leur remit le policier et promirent qu'ils seraient dorénavant plus vigilants.

— Et pour la voiture ? s'enquit Téodor d'une voix forte.

— Ah ! C'est la vôtre ! Je crois qu'elle est bien abîmée. La dépanneuse est venue la chercher, répondit l'officier en lissant sa moustache d'une main mal assurée.

— Qui conduisait ? claqua la voix du Maître.

— C'est lui ! dénonça rapidement l'adjudant en montrant Cid.

Le Grand Lux foudroya Cid du regard. Les Ethers entendirent un sifflement et comprirent que l'Ingéni du Maître manifestait sa colère. La famille Martin et les officiers présents cherchèrent la source de ce bruit aigu qui leur perçait les tympans. Puis le son cessa et Téodor sortit sans un mot. Cid était devenu rouge pivoine et il se massait le ventre.

Rue Trévallon, l'ambiance se réchauffa quand Mélia raconta leur aventure. Tantine et Charles Ano ne cessèrent de pousser des « Oh ! » et des « Ah ! » tantôt admiratifs, parfois épouvantés. Sylvie était blanche et Anthony rouge de fureur. Quant au Maître, il boudait sur le canapé qu'il occupait seul, mais restait attentif tout de même au récit des jeunes, car ses sourcils passaient du « M » interrogateur à la barre horizontale de la perplexité.

— Tu dis que tu es devenue invisible ? Comme l'homme invisible de la télé ? s'étonna Tantine. C'est possible ça ?

— Ben, je ne sais pas, répondit la jeune fille. Là, ça paraît complètement fou, mais ils ne m'ont pas vue. Je te jure, un vrai délire. Ils étaient face à moi et ils ne m'ont pas vue...

— Tu as réussi à dévier la lumière ! Toi, ma petite fille, tu as fait ça ? gronda la voix bourrue de Charles. C'est une prouesse. Peu d'entre nous y sont parvenus !

Charles passa avec affection sa main calleuse dans les cheveux soyeux de Mélia. Il la contempla avec admiration. La jeune fille vit son reflet dans les yeux bleu acier de son grand-père et elle se mit à rougir.

— J'ai entendu dire que seule une poignée de Maître Arcans avait réussi à se rendre invisible et seulement l'espace de quelques secondes, fit remarquer Sylvie en couvant sa fille d'un regard de fierté.

À ces mots, sans concertation, ils se tournèrent tous vers le Grand Lux. Celui-ci passa sa langue sur ses dents et ausculta ses ongles, l'air de ne pas s'intéresser à la conversation. Mais il en fallait plus pour déstabiliser Tantine qui demanda ingénument :

— Alors, Maître Lux, vous avez déjà réussi à disparaître, vous !

— Groupf ! Une fois ! grogna celui-ci.

— Oh ! Quand ?

— Ça n'est pas le propos ! Donc ma Prudens a réussi à se rendre invisible ! C'est bien ! On va travailler ça ensemble.

Il parlait calmement comme si la réussite de Mélia n'avait rien d'exceptionnel, pourtant sa moustache tressaillait et ses mains tremblaient. Personne n'insista, même pas Nadine. D'ailleurs, Thys, qui était encore une fois vexé du succès de sa sœur, changea de sujet.

— Comment ça s'est passé pour vous et Marceline ?

— Bien ! On les tenait en respect. Et on aurait sans doute pu leur soutirer des informations sur la mission de Daniel si un niguedouille ou même trois niguedouilles n'avaient pas déclenché l'alarme. On est chacun parti de notre côté, on ne peut pas se permettre d'être surpris par des Inanimatas. Ils ne comprendraient pas et nous prendraient pour des fous.

— Vous croyez ? Peut-être que ce serait la solution de tout révéler. Comme ça, les Indésiratas ne pourraient plus tout contrôler en cachette, intervint Mélia.

— Mais non, réfléchis, grogna Téodor. Les Indésiratas sont aux postes clefs. Ils dirigent le monde politique, économique et même médiatique. Ils étoufferaient l'affaire ou nous feraient passer pour des monstres. On se retrouverait en cavale ou enfermés dans des laboratoires. Je vous l'ai déjà dit, on doit éveiller l'humanité en douceur. C'est votre rôle de repérer les « sensitifs » puis les Oboris les guideront. Quand on sera nombreux, on sera puissants et on inversera le rapport de force.

Mélia soupira. Le Maître se leva, salua Charles et partit sans un regard pour les autres.

— Il est bizarre quand même, commenta Nadine.

Personne ne la contredit.

Une semaine s'écoula sans nouvelle de Téodor. Par contre Térence Plomb fit une brève visite à la famille pour les informer que Rinata avait fini d'organiser le voyage à Yonaguni. Cette fois tout le groupe de Prudens de Téodor serait du voyage, c'était le Maître Arcan qui avait insisté. Ils n'avaient que quinze jours pour s'entrainer avant le départ.

— S'entrainer à quoi ? demanda Thys.

— À la plongée sous-marine, pardi ! s'exclama l'agenceur de l'Ethérie. Je sais, quinze jours c'est court, mais le temps nous est compté. Il faut retrouver ce cylindre. L'Ethérie est de plus en plus instable ! se plaignit-il en lissant sa barbichette sous le regard amouraché de Nadine.

— On va faire de la plongée sous-marine ! se réjouit Thys. Top cool !

— Oui, ça sera un stage intensif, tous les matins, au lac de la Creumière. L'après-midi, Téodor vous attendra en Ethérie pour continuer votre premier cycle d'apprentissage.

— Ah ! Ça, c'est moins cool, grogna Thys pour la forme, car intérieurement, il se réjouissait de retourner en Ethérie.

— Vous commencez demain, soyez prêts ! C'est Téodor qui viendra vous chercher.

Le régulateur de l'Oritis salua tout le monde d'un sourire et s'apprêta à quitter la famille, mais Nadine ne le laissa pas repartir comme ça. Avec un grand sourire enjôleur, elle le força à s'installer dans le fauteuil et lui posa une boite en carton piquée de trous sur les genoux.

— Restez deux minutes pour assister à la grande danse des mouches ! Je les exerce depuis deux semaines maintenant, je crois qu'elles sont prêtes.

— Je... Bien, d'accord !

Térence Plomb était complètement interloqué. Il semblait redouter le carton, mais il resta sagement assis et plaqua un sourire sur son doux visage. Satisfaite, Nadine entrouvrit le couvercle et promena une petite brindille de bois à l'intérieur de la boite. Aussitôt une dizaine de mouches groggy s'anima. Après avoir voulu dompter les animaux domestiques de la maison, Tantine avait jeté son dévolu sur les insectes. Cet été chaud était propice pour une riche récolte de mouches et Nadine avait exercé ses talents sur les pauvres insectes.

— Voilà, mes petites ! Allez, encore un tour de piste ! Toi, ma belle, vole, allez encore !

Térence semblait sidéré, ses yeux passaient de Nadine à la petite boite sur ses genoux. Sa main lissait compulsivement sa barbichette.

— Je ne crois pas que c'est comme ça qu'elle va le séduire, chuchota Mélia à l'oreille de son frère. Regarde la tête qu'il fait !

— Ah ! Parce qu'elle veut le séduire ? s'étonna Thys.

— Les hommes, soupira la jeune fille en haussant les épaules, ils ne voient jamais rien !

Tantine agita un peu trop sa brindille et le couvercle tomba. Les mouches en profitèrent pour prendre la poudre d'escampette.

— Heu ! Voilà ! C'est le... feu d'artifice final ! clama-t-elle sans se démonter.

— Bien, merci Nadine ! C'était très... instructif ! Merci !

Et Térence vola jusqu'à la porte, en criant un « au revoir ! » de loin à toute la famille.

Dès sept heures, le lendemain Téodor vint chercher les jumeaux. Tout ensommeillés, ceux-ci sautèrent dans leur maillot de bain et suivirent le Maître Arcan. Ils restèrent muets de saisissement quand ils aperçurent « Toudouce » qui les attendait au bord de la route. La vieille R5 avait maintenant la croupe bleue rutilante, alors que l'avant affichait toujours un blanc pitoyable.

— Pas de commentaire, marmonna Téodor entre ses crocs.

— Ça, c'est du relooking ! se moqua quand même Thys.

— Toi, tu vas te noyer dans le Creumière, crut entendre le garçon alors que le Maître ne desserrait pas les dents.

Ils arrivèrent poussivement au bord du lac. La R5 déposa ses passagers dans un soupir fumeux. Rinata les attendait déjà au bras d'un jeune homme en combinaison de plongée.

— Ah ! Mes tendres gaufrettes ! Comment allez-vous ? J'ai appris vos exploits. Mais on en parlera ailleurs, dit-elle très vite en jetant un regard en coin à l'homme qui l'accompagnait. Je vous présente Hugues Valence, notre instructeur !

— Mamina, tu vas plonger aussi ? demanda Mélia en saluant Hugues d'un signe de tête.

— Bien sûr, c'est moi l'archéologue ici, je dois absolument voir les vestiges de Yonaguni de mes propres yeux ? Et cette vieille baudruche aussi va faire trempette avec nous, dit-elle en désignant Téodor qui grimaça et rugit presque.

Blandine, Damien et Mélanie arrivèrent quelques minutes plus tard. Ils étreignirent tendrement les jumeaux et Rinata, puis saluèrent plus sobrement Téodor.

Hugues Valence leur donna leur équipement et les conseilla pour enfiler leur combinaison. Les jeunes ne purent retenir un fou rire en voyant le Maître Arcan se contorsionner pour rentrer dedans. Ils eurent droit à l'apparition des célèbres canines et à un regard si sombre qu'ils ravalèrent instantanément leurs gloussements.

Cette première séance permit aux Ostendes d'apprendre les règles de sécurité de la plongée sous-marine et de se familiariser avec le matériel. D'ailleurs certains furent beaucoup plus à l'aise que d'autres. Mélia, Thys, Damien et Rinata évoluèrent très vite dans l'eau tandis que Blandine, Mélanie et Téodor eurent beaucoup plus de mal à dompter leur masque et leur bouteille d'oxygène.

— Allez, lancez-vous, se moqua Thys. Vous avez peur des truites ?

Le Maître se vengea copieusement l'après-midi, en Ethérie, en mettant ses Prudens en difficulté face à l'eau. Il les emmena sur le plateau des Vachers. Ils prirent un sentier tout cotonneux qu'aucun ne connaissait. Ils longèrent une rivière qui serpentait dans des gorges et débouchèrent au pied d'une cascade. L'endroit était féérique, le souffle de l'écume blanche faisait tournoyer la brume mauve et une mousse vert fluo tapissait les rochers qui faisaient dos rond sous la douche puissante de la chute d'eau.

— Voici la cascade des Chocards. Elle mesure 110 mètres et a un puissant débit comme vous pouvez en juger par son bruit, annonça Téodor. Aujourd'hui, nous allons encore agir sur la matière. Je vous demande de réussir à vous tenir sous cette chute, sans vous faire assommer et sans dévier les molécules d'eau.

— Sans dévier les molécules d'eau ! s'exclamèrent tour à tour Mélia et Mélanie tandis que les autres restèrent muets.

— C'est ça ! répondit le Maître avec un petit sourire narquois.

— Mais vous ne nous donnez pas une explication, la marche à suivre quoi ? s'alarma Thys.

— Non, c'est par l'expérimentation que l'on apprend, non ?

Téodor Lux s'installa sur la ravine mousseuse qui bordait la cuvette d'eau au pied de la cascade et fit signe à ses Prudens de tenter l'aventure. Les cinq jeunes décidèrent d'abord d'entrer en méditation pour ressentir chaque atome de l'élément liquide.

Tous y parvenaient assez facilement maintenant. En quelques minutes, ils visualisèrent les milliards de particules frétillantes qui composaient la cascade. Par quelques gestes doux, Blandine s'amusa à en chatouiller quelques-unes et Mélanie les frôla d'un souffle chaud.

La matière réagissait bien, alors Damien commença à séparer les atomes d'oxygène des atomes d'hydrogène qui composaient chaque molécule d'eau. Il espérait transformer l'eau liquide en gaz et ainsi se placer sans danger sous le flot vertical. L'énergie demandée pour traiter une telle masse d'eau était considérable et le jeune homme perdit vite pied. Ses gestes devinrent moins sûrs, son Ingéni gronda par à-coups et il ne put faire face à la matière liquide qui à son tour tenta de lui voler son oxygène. Il lutta puis s'effondra.

— Sortez-le de là, réagit Blandine.

— Il est tout bleu, constata Mélanie d'une voix sidérée.

Les quatre Prudens entourèrent Damien. Blandine, affolée, se mit à battre des poings sur le torse de son ami qui hoqueta avant d'inspirer bruyamment.

— Han ! Argl ! La saleté, elle s'est rebellée ! hoqueta Damien.

— Qui ? pleura de soulagement la jeune fille encore penchée sur lui.

— L'eau, là ! Je tenais le bon bout, j'ai compris ce qu'il faut faire, mais elle ne m'a pas laissé finir. Elle m'a étouffé.

L'étudiant en médecine accompagna ses paroles d'une petite quinte de toux pour expulser les dernières gouttelettes qui s'étaient faufilées dans ses poumons.

— Il faut tous s'y mettre en même temps, suggéra Blandine qui rougit aussitôt d'avoir osé émettre une proposition.

— D'accord ! déclara Mélia au nom de tous les autres.

Ils se placèrent face à la cascade et ignorèrent délibérément Maître Lux qui émettait un rire sardonique dans leur dos. Le petit homme semblait s'amuser comme un fou. Il balançait ses jambes gaiement en mâchonnant un brin d'herbe tout en observant bien sûr le spectacle que lui réservaient ses Prudens. Il finit par éclater de rire quand les cinq jeunes se mirent à suffoquer, tousser et cracher après leur essai collectif.

— Bande de cervelles vides, vous espérez évaporer toute l'eau de la montagne à vous seuls. On voit que vous ne connaissez pas la force de la nature. Non, il va falloir trouver autre chose. Dépêchez-vous, l'heure tourne et je m'ankylose !

— Ça va, c'est facile de se moquer quand on sait faire, grommela Thys.

Le garçon furieux décida d'affronter la cascade de plus près. Il prit son élan et s'élança sous l'épais rideau d'eau qui s'abattait avec violence devant lui. Il voulait s'entourer d'un airbag d'air pour se protéger, mais il n'eut pas le temps d'esquisser un geste, que déjà l'eau le frappa sur le sommet du crâne et l'écrasa sous son poids. Il était en train de se noyer, quand les bras vigoureux de Damien le sortirent de cette massue liquide. La moustache de Téodor frétillait de joie et ses yeux larmoyaient, mais il ne dit rien. Il attendait la prochaine initiative.

Ce fut Mélia qui tenta sa chance. Elle se concentra, puis lentement elle rassembla les particules d'eau pour les serrer les unes contre les autres. Elle put ainsi former une fine croûte de glace sous laquelle elle s'abrita du reste de l'eau qui se déversait toujours énergiquement. Elle esquissa le sourire de la victoire, mais n'eut pas le temps de la savourer. La glace craquela sous la force liquide et se brisa en une multitude de petits éclats acérés qui s'enfoncèrent dans sa chair. La jeune Ether cria et avala quelques litres avant d'être secourue par ses compagnons.

Cette fois les Prudens fusillèrent du regard le Maître Arcan qui se tenait les côtes en émettant des sons rauques et des grognements d'homme des cavernes.

— Ce n'est pas drôle, fit remarquer la petite Mélanie.

— Vous ne nous apprenez rien, se plaignit Blandine.

— Oh ! Si je crois que vous avez beaucoup appris. Vous retiendrez sans doute qu'il ne faut jamais sous-estimer les éléments qui nous entourent et que l'on ne peut pas modeler à notre envie le monde. Vous retiendrez aussi qu'il ne faut pas se moquer de celui qui est en difficulté, car chacun rencontre ses limites.

— Oh ! ça va, rouspéta Thys, on a compris. Il savait que Téodor faisait allusion à la plongée sous-marine du matin.

— Ce n'était pas la peine de nous secouer comme ça, gémit Mélia mal remise de son expérience.

— Oh ! Mais moi, je n'ai rien fait ! C'est vous qui avez eu des drôles d'idées !

— Quelle était la bonne méthode ? demanda alors judicieusement Mélanie.

— Il faut penser à faire corps avec l'élément, annonça le Maître comme une évidence.

— C'est-à-dire ? s'enquit Thys

— Réfléchissez, bougres d'âmes blanches !

Devant l'air égaré et désabusé de ses Prudens, Téodor se prit la tête entre les mains et soupira.

— Et bien, je crois que vous n'êtes pas prêts d'obtenir votre premier cycle. Bon, regardez et prenez-en de la graine.

Il s'approcha d'un jeune saule qui léchait les bords de la rivière, il apposa ses mains sur le tronc et son Ingéni soupira d'aise en livrant quelques flammèches bleutées entre ses mèches de cheveux.

— C'est encore mieux si vous avez un Cid sous la main, dit-il avec un clin d'œil.

Seuls Thys et Mélia comprirent l'allusion.

Chargée en énergie, la pierre de lune affleurait la masse de cheveux au sommet du crâne du Maître Arcan. Il se tint droit et commença une série de gestes précis et souples.

Les Prudens qui avaient les yeux rivés sur la cascade ne virent aucun changement dans le flot continu de l'eau. Pourtant la silhouette éthérée du Grand Lux se dirigea sans hésitation vers la chute. Il pénétra sous la douche écrasante sans ciller. Les molécules d'eau continuèrent leur course à travers le corps du Maître Arcan sans être déviées. C'était comme si l'élément liquide s'infiltrait dans l'être même de Téodor et ressortait à ses pieds.

— Incroyable ! s'extasia Damien qui était le seul à pouvoir encore parler.

Le prodige ne dura que quelques secondes. Téodor ressortit rapidement du flot tumultueux. Il était livide, mais affichait un sourire. Il s'assit rapidement sur un rocher et chercha son souffle. L'Ingéni semblait avoir livré toutes ses réserves et même puisé l'énergie vitale du vieil homme.

— Comment faites-vous ? Quel est le truc ? demanda Thys quand il put de nouveau articuler.

— Pas de truc, répondit son Maître en cherchant de l'air, pas de truc, de la pratique, beaucoup de pratique et une connaissance pointue du corps humain.

— Vous avez utilisé l'eau de votre corps, s'écria Damien, le futur médecin, qui semblait commencer à comprendre l'extraordinaire performance de Téodor.

— C'est ça, notre corps est composé à soixante-dix pour cent d'eau, j'ai juste accepté que le flux d'eau passe à travers chacune de mes cellules et renouvelle en continu mon eau corporelle.

— On est censé faire ça en premier cycle d'apprentissage, demanda Mélanie complètement bluffée.

— Non, c'est impossible ! Tu y parviendras peut-être si tu deviens Maître dans une quinzaine d'années, répliqua le Maître Arcan sur un ton paradeur.

Une fois encore, Téodor les avait menés en bateau, mais personne ne lui en voulut, ils étaient tous tellement admiratifs de la performance. Ils ne se doutaient pas que Téodor s'était surpassé et avait affreusement souffert lors de cette épreuve.

Dans la soirée, alors que chacun regagnait son alcôve, le Maître Arcan demanda à Mélia de le rejoindre dans le cercle des Pins Eternels.

Une vingtaine d'arbres étiraient leur long tronc autour de huit blocs de grès disposés en cercle. Le sol était couvert d'une bonne épaisseur d'aiguilles jaunies sur laquelle avaient roulé quelques pommes de pin joufflues. Téodor s'assit en tailleur au centre et fit signe à Mélia de lui faire face.

— C'est un lieu chargé en énergies. À cette heure nous serons tranquilles ici. Il est temps de parler de ta rencontre avec les Indésiratas.

— Vous voulez dire de mon invisibilité !

— C'est ça ! répliqua Téodor, un brin agacé.

— Je n'y arrive plus ! J'ai réessayé, mais je n'y arrive plus ! s'empressa de dévoiler la jeune fille.

— Ça ne m'étonne pas ! Mais nous sommes là pour ça ! On va chercher ensemble à renouveler cette prouesse.

— Vous pourriez me montrer les gestes, me rappeler l'instant d'action. Vous savez vous rendre invisible vous aussi !

Téodor gratta son Ingéni au sommet de son crâne et fronça le nez comme si sa moustache le chatouillait.

« Là, il ressemble à un singe. Oui, à un tamarin à moustaches blanches ! » se surprit à penser Mélia tandis que le Maître restait silencieux.

— J'ai réussi une fois, mais je n'y arrive plus, moi non plus ! finit par avouer Téodor.

— Oh ! Mince, s'exclama Mélia. Mais vous êtes pourtant si fort ! Vous...

— Je suis parvenu à dévier les photons, il y a plus de quarante ans. Depuis, je m'exerce sans succès.

— Ah !

L'aveu de Téodor laissa la jeune fille sans voix. Elle accepta pourtant de s'entrainer avec le Maître et garda pour elle, les révélations qu'il lui avait faites. Et tous les soirs, après une journée bien remplie, le Maître et la Prudens s'acharnèrent ensemble à percer le mystère de l'invisibilité.

Quant aux cours de plongée, les Maîtres Arcans et les Prudens avançaient chacun à leur rythme et Thys se gardait bien maintenant de se moquer de Téodor. Il connaissait les représailles. Le cours finissait à midi. Ils pique-niquaient généralement tous ensemble au bord du lac puis gagnaient l'Ethérie grâce à un nœud tellurique que Rinata avait déniché à un kilomètre des berges de la Creumière.

Le samedi de la première semaine d'entrainement, les Prudens étaient pressés de rejoindre l'Ethérie. Téodor leur avait promis de leur faire une démonstration d'explosion par simple claquement de doigts. À peine leur sandwich engouffré, ils cavalèrent le long du petit chemin de terre bordé d'arbustes pour rejoindre l'ouverture sur l'autre plan. Mais en route, Mélia cassa la sangle de sa sandale.

— Allez, traine pas. Tu le connais, le Grand Lux, il va commencer sans nous. Et après il nous dira qu'on avait qu'à être là. Il ne le fera pas deux fois, je te le dis ! l'avertit son frère.

— Oui, je fais ce que je peux ! Je voudrais t'y voir toi avec une seule chaussure. File, j'arrive ! grogna Mélia exaspérée par l'attitude de son jumeau.

Thys ne se le fit pas dire deux fois et rejoignit les autres Prudens qui se faufilaient discrètement par l'ouverture. Il jeta néanmoins un regard derrière lui pour s'assurer que sa sœur était sur ses talons.

Tout en clopinant et pestant contre sa sandale, Mélia atteignit le talus où se trouvait le nœud tellurique. Elle tâta l'air au-dessus d'un roncier à la recherche de la zone plus dense par laquelle elle pourrait se glisser pour rejoindre ses compagnons en Ethérie. Ses paumes fourmillèrent et elle se délecta d'avance des sensations étranges que lui procurait à chaque fois le changement de plan. Mais au moment où l'aspiration commença, une main lui saisit le bras et l'attira fortement en arrière. Mélia trébucha et tomba sur les fesses aux pieds de... Briac.

— Heu¨ ! Désolé, mais je ne voulais pas que tu me fausses compagnie, décréta le Péragore goguenard.

— Quelle brute, ronchonna la jeune fille pour cacher sa surprise. Que fais-tu là ?

Elle s'était relevée et inspectait rapidement les alentours à la recherche du reste de la famille de Briac ou de ses amis Indésiratas.

— Ne t'affole pas, je suis seul. Je te cherche depuis le soir de l'escrime. Ça fait deux jours que je vous ai repérés en train de faire de la plongée, mais t'es toujours entourée de plein de monde. Alors, là j'ai saisi ma chance.

— Et qu'est-ce que tu veux ? demanda sèchement Mélia toujours sur la défensive.

— Ben, je pensais que c'était toi qui me voulais quelque chose ! s'étonna Briac. Pourquoi t'es venue à mon entrainement d'escrime ?

— Ben, pour me mesurer à Laëtitia Yessel, pardi.

— Vraiment ? demanda le Péragore en faisant la moue.

— Mais non, idiot ! Oui, je venais te parler, mais bon sang, toi aussi t'es toujours entouré de tes gardes du corps. Qu'est-ce qu'ils faisaient tous dans la salle ?

— T'as pas eu de bol ! D'habitude Alan ne vient pas à ce cours, mais il avait loupé celui de la veille, alors il m'a accompagné. Quant aux Milvuits, ils s'entrainent tous les jours, avant mon cours. Alan a trop fanfaronné en arrivant et ils ont décidé de rester pour nous montrer leurs talents.

— J'ai vraiment bien choisi mon jour en effet, grimaça Mélia.

— Dis, t'es fortiche. T'étais invisible ou quoi ? Je n'ai pas compris d'où tu es sortie.

Les yeux de Briac sondaient Mélia qui rougit sous leur intensité.

— Je... Non, je me cachais, répondit-elle vivement.

— Ah ? dit-il visiblement pas très convaincu. Que voulais-tu, alors ?

— Je sais où est l'Ingéni de ta mère.

— Tu l'as trouvé ! Où est-il ? demanda le jeune homme avec avidité.

— Doucement. Je vais te le dire, mais je pose mes conditions, annonça Mélia.

D'un geste de la main, elle signifiait à son interlocuteur de l'écouter.

— Que veux-tu ? demanda le garçon méfiant.

Son regard s'était assombri et Mélia ressentit le souffle glacial et la migraine naissante, signes caractéristiques de la présence d'un Péragore. Son Ingéni siffla et elle dut faire appel à toute sa concentration pour chasser le voile de glace qui l'enveloppait. Elle regarda Briac droit dans les yeux.

— Arrête ça tout de suite !

— Que veux-tu ? répéta Briac sans s'excuser, mais en relâchant la pression qu'il exerçait sur elle.

— Je voudrais que tu m'apportes les Ingénis quand tu les auras trouvés. On va les étudier en Ethérie et les Maîtres Arcan vont chercher comment faire pour réinsérer le rubis dans le dos de Fanny.

Le jeune homme déglutit et pinça les lèvres, ses yeux ne lâchaient pas Mélia.

— OK, ça me va ! finit-il par concéder. Mais j'ai ta parole que vous ferez tout pour aider ma mère, vous n'allez pas garder le rubis pour vous, hein !

— Fanny est une Ostende, Briac ! On veut l'aider ! répondit doucement la jeune Ether.

— D'accord ! Alors où est ce fichu rubis ? demanda Briac.

— Heu ! Ce n'est pas tout ! ajouta Mélia. On voudrait savoir ce que manigance Daniel. On sait qu'il a une mission à accomplir contre nous.

— Daniel ? Je n'en sais rien ! répliqua rudement le garçon.

Il était une nouvelle fois tendu et sur le qui-vive. Le front plissé, les poings serrés, il fixait sa rivale sans rien dire.

Mélia ne se laissa pas impressionner et tenta un coup de bluff. Elle se colla à l'ouverture et fit mine de partir.

— Tant pis, Briac, tu as laissé passer ta chance de sauver ta mère !

— Non, attends ! concéda-t-il. Laisse-moi réfléchir. Daniel... Je ne sais pas trop, mon frère est tout sourire ces jours-ci. Il a reçu un colis de notre grand-oncle et il le garde jalousement dans sa chambre. Je ne sais pas ce que c'est. Ça t'aide ?

— Non ! Rien d'autre ? Réfléchis bien !

Briac poussa un soupir, leva les yeux au ciel et fit mine de réfléchir.

— Hum ! Je ne vois rien. Il a toujours été assez secret et très proche de papa. Ils partent souvent tous les deux aux champignons, mais ils reviennent avec des paniers vides et l'air fatigué. Je ne sais pas ce qu'ils préparent.

— Ça serait bien que tu t'informes un peu ! Ton frère a l'intention de nous faire du mal.

Briac secoua la tête, visiblement pas convaincu par ce que lui rapportait la jeune fille.

— C'est plutôt de mon père que tu devrais te méfier, finit-il par dévoiler. Il traine en ce moment avec une équipe vraiment bizarre !

— Bizarre comment ? s'enquit Mélia intéressée.

— Ben, genres savants fous. Ils trimballent toujours tout un tas de fioles avec des liquides colorés et ils jouent aux chimistes dans les sous-sols. On dirait un peu les alchimistes du Moyen Âge. Tu sais, ceux qui cherchaient la pierre philosophale.

— Qu'est-ce qu'ils essaient de faire ?

— Aucune idée ! C'est top secret, à priori. On n'a pas le droit de fouiner par là-bas.

— Ça me fait peur. Il faut que tu en apprennes plus.

— Tu vas m'aider pour ma mère ? demanda-t-il d'une voix mal assurée. Je t'ai dit tout ce que je savais. Je trahis un peu les miens là et je n'aime pas ça.

— Tu aides aussi les tiens ! Je te rappelle qu'une partie de toi est Ostende, répliqua Mélia.

— Ouais, j'ai l'impression d'être Dr Jekyll et Mr Hyde à tes yeux, se plaignit Briac.

— C'est un peu l'avis de Thys, mais moi je veux avoir confiance en toi. Alors je vais te dire où se trouve l'Ingéni de ta mère, proposa la jeune fille.

Et Mélia expliqua à Briac qu'elle avait fait un bond spatio-temporel dans sa villa et qu'elle avait découvert où Jason Le Tallec avait caché la gemme rougeoyante de Fanny. Briac hocha plusieurs fois la tête, attentif aux petits détails que lui communiquait la jeune fille.

— Tu crois que c'est ma mère qui t'a guidée, n'est-ce pas ? demanda le Péragore qui cachait mal l'émotion qui le submergeait.

Mélia acquiesça et lui tapota gentiment l'épaule pour l'apaiser. Puis, elle profita de son trouble pour gagner discrètement l'ouverture sur l'Ethérie. Son Ingéni se mit à crépiter gaiement et elle disparut avec un « flop » discret.

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