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4 : Que flottent les étendards

La terre tremblait. Godwin s'était figé.

— Qu'est-ce que... commença Eldrid.

Elle n'eut pas le temps d'achever sa phrase que le soldat saxon l'empoignait par le bras. Il leur fit quitter la route et se tapir dans les hautes herbes qui bordaient la piste.

— Que...

— Pour l'amour de Dieu, tais-toi !

Elle tressaillit, faillit répliquer, se figea. Elle comprenait enfin ce qui avait mis Godwin en alerte. Des sons se découpaient à présent avec netteté. Cavalcade de chevaux, cliquetis de métal, échos de conversations tonitruantes. C'était le chant de la guerre.

Elle eut le temps d'apercevoir les hautes silhouettes qui montaient les destriers avant que Godwin ne la plaque au sol. À mesure que l'armée se rapprochait, le tremblement résonnait de façon croissante dans la moindre parcelle de son corps. En réponse au chaos grondant, le regard du Saxon se chargeait d'une tension intense. Pourtant, la peur peinait à se frayer un chemin jusqu'à Eldrid. Tout au plus ressentait-elle de la surprise, mêlée d'une vague inquiétude.

— N'étions-nous pas supposés éviter l'armée danoise ? souffla-t-elle.

Godwin lui renvoya un regard noir et lui fit signe de garder le silence.

— Ils ne risquent pas de nous entendre, fit-elle observer.

Le vacarme était si assourdissant qu'elle-même ne s'entendait pas parler, mais le soldat ne daigna pas répondre. Les premiers destriers foulaient déjà le sol de la piste à leur hauteur, soulevant un nuage de poussière.

La procession des sabots qui s'écrasaient avec fracas sur la route semblait sans fin. Chaque seconde emplissait Eldrid d'un sentiment qu'elle ne parvenait pas à analyser, mélange confus de satisfaction et de crainte. Les Danois étaient nombreux. Très nombreux. Elle n'était pas soldat, mais elle savait ce que cela signifiait.

L'air âcre lui coupait la respiration. Les doigts de Godwin étaient crispés sur son épaule. Ils lui faisaient mal. Le vacarme résonnait, infernal, et le ciel gris d'orage les écrasait de toute sa masse enténébrée. L'univers entier paraissait trembler au rythme de la guerre.

Godwin, lui, se tenait immobile, dague dégainée de sa main libre, prêt à frapper si la nécessité se faisait sentir. Il attendit que le cortège s'éloignât. Enfin, plus aucun bruit ne leur parvint.

Les doigts de Godwin relâchèrent son épaule. Eldrid se redressa, tâchant de reprendre son souffle.

— Alors ? fit-elle.

— Alors ils ont débarqué plus à l'est que je ne le pensais. Qu'importe, ils se dirigent vers l'ouest, sans doute dans le but de prendre le contrôler des terres qui se trouvent face à l'île de Whight.

Eldrid haussa un sourcil.

— D'après un commerçant de Waltham, c'est là qu'ils ont stationné leurs troupes, expliqua-t-il. Je doute qu'ils s'arrêtent aux régions côtières cette fois-ci. Ils devront s'assurer une emprise sur les territoires qu'ils compteront traverser régulièrement.

La voix de Godwin était assurée, presque neutre. Cependant la tension encore nichée dans ses muscles était évidente.

Eldrid acquiesça à ses paroles, mais la rapidité avec laquelle il avait examiné la chose lui laissa un arrière-goût amer. Godwin avait été un meneur d'hommes, un guerrier. Dans le nord du royaume, lorsqu'il avait perpétré le massacre des Danois, Godwin avait été capable d'analyser ce qu'il voyait et de donner l'assaut en conséquence. Elle se demanda s'il avait observé longtemps les terres d'Erling Bjarnason avant d'ordonner le carnage, s'il avait dressé minutieusement un plan d'attaque, s'il avait décrit à ses hommes la situation comme il venait de le faire.

Elle prit une profonde inspiration pour chasser la pensée qui venait de surgir dans son esprit, tentant de revenir au moment présent.

— Donc ils s'enfonceront dans les terres ?

— Ça ne m'étonnerait pas.

— Alors il n'y a aucun endroit où nous pourrons échapper aux raids.

Godwin la contempla, un air grave dessiné sur ses traits.

— Ce ne sont plus des raids, Eldrid. C'est une invasion.

Eldrid tressaillit. Elle attendait ce moment depuis des années, pourtant elle ne parvenait qu'à ressentir la vertigineuse sensation du froid intense qui se mettait à courir dans ses veines.

— Que vas-tu... qu'allons-nous faire ?

Godwin se tut un moment, et Eldrid put contempler toute la concentration qui éclairait son regard.

— Nous irons vers le nord, le temps de voir comment la situation évolue. C'est là où nous aurons le moins de chance de croiser leur route.

Il lui jeta un coup d'œil.

— Si cela te convient, du moins.

— Je n'ai pas l'habitude que tu me demandes mon avis, rétorqua-t-elle.

— Certes. Mais les choses ont changé.

— Vraiment ? Je suis toujours Danoise.

Ils se défièrent un instant du regard, jusqu'à ce que Godwin secoue doucement la tête en signe de reddition.

— N'en as-tu pas assez d'être autant bornée ?

Un souffle de rage transparaissait dans sa voix, et Eldrid poussa un soupir.

— Allons au nord. Je n'ai rien de mieux à faire que de te suivre, que je sache.

— Pas même rejoindre tes chers barbares ? persifla-t-il.

— Tu es ridicule, marmonna-t-elle en se levant pour couper court à la conversation. Si j'avais voulu me rendre au Danemark, je l'aurais fait.

Il attrapa son poignet pour la forcer à s'arrêter.

— Tu ne regrettes pas ?

— Je n'en sais rien, et je ne tiens pas à discuter de cela avec toi.

Eldrid chassa la pointe de regret qui venait de se ficher dans son ventre. Elle ne pouvait pas pardonner à Godwin ses actions passées — du moins pas dans leur entièreté. Pourtant, parfois elle se retrouvait à déplorer cette tension permanente qui régnait entre eux, qui s'insinuait dans leurs silences aussi bien que dans leurs mots.

Ils repartirent, et chacun de leurs pas rendait l'air plus lourd et plus chargé.

~*~

À présent qu'ils ne pouvaient plus se dissimuler et qu'ils avaient aperçu l'armée danoise de leurs yeux, la guerre reprenait sa tangibilité. Le temps, qui avait paru suspendu, s'égrenait à nouveau dans une course folle. Combien de temps restait-il avant que la fin du conflit ne soit sonnée, avant qu'Eldrid ne soit plus rien ? Des mois, des années ?

Des semaines étaient déjà passées.

Les jours s'écoulaient, dans un violent sentiment d'urgence qui étreignait leurs âmes, mais Eldrid et Godwin étaient aveugles au temps. Coupés du monde dans leur errance solitaire, aucune nouvelle ne leur parvenait. Où étaient les Danois ? Que se passait-il ?

Des vallons, des bois, des routes, des champs, des hameaux, des monastères, des bourgs se succédaient.

Des ciels gris, des nuages gonflés de pluie et d'orage, de pâles rayons de soleil qui tentaient de mettre en valeur les couleurs de l'automne. Les braises des feux de camp se changeaient en flammes, et les flammes se changeaient en braises. La lune décroissait dans le ciel, et le froid s'insinuait, de plus en plus mordant, dans les aubes brumeuses.

Godwin se renfermait sur lui-même. Eldrid également.

— Ça n'a aucun sens, laissa-t-elle tomber un soir.

Godwin la contempla un instant.

— Quoi donc ?

— Ce que nous faisons. Où allons-nous ? Vers le nord, mais où ?

Il ne répondit pas.

— Nulle part, fit-elle avec hargne. Nous n'allons nulle part. Et pendant ce temps, la guerre se joue quelque part dans ce maudit royaume.

— Crois-tu que je ne le sais pas ? J'ai l'impression de fuir comme un lâche !

— Tu devrais aller combattre.

— Je dois rester avec toi. Pour assurer ta sécurité.

— Quelle sécurité ? Tu ne seras pas capable de me protéger face à une horde de Danois ou de Saxons !

— Je te protège de toi-même.

— Je n'ai pas à être protégée de moi-même.

Il lui lança un regard noir.

— Godwin, tu devrais rejoindre les rangs saxons.

— Je suis un traître! Je ne sais même pas si l'on m'accepterait dans les rangs saxons.

Elle tenta de chasser les remords qui s'insinuaient dans son esprit. Godwin ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Elle n'en était en rien responsable.

— Alors quoi ? Nous allons errer en Angleterre jusqu'à la fin de l'invasion ? Ce n'est pas qu'une impression : tu fuis comme un lâche. Et tu fuis simplement parce que tu as peur de ce que l'on pourrait penser de toi, alors qu'ils ne refuseront pas quelqu'un prêt à se battre. Je t'accompagnerais. Je prêterai allégeance au roi, à l'Angleterre, à tout ce que les Saxons voudront.

— Je ne suis pas dupe, Eldrid.

Il eut un rictus.

— Tu voudrais que je trahisse les miens, que je te donne des informations à livrer aux Danois, pour que tu puisses reprendre ton rôle. Parce que tu es incapable d'exister pour autre chose que cette maudite guerre !

— Parce que c'est différent te concernant, peut-être ? Tu as tué des hommes, des femmes, des enfants, et tu voudrais me faire croire que c'est moi qui ne...

— Oui. Parce que, vois-tu, j'ai peut-être commis des crimes, mais j'ai une raison de vivre, moi.

Eldrid haussa un sourcil.

— J'en ai une aussi.

— Non, Eldrid. Toi, tu as une raison de mourir.

L'air lui manqua.

Elle contempla le feu, un long moment. Il y avait quelque chose de sublime et d'absurde à la fois, dans la façon dont les flammes s'élançaient inlassablement vers les étoiles.

— J'en ai assez, souffla-t-elle. J'ai besoin d'accomplir quelque chose. De me rendre utile.

— Moi aussi. Mais je ne te laisserai pas faire. Je ne te laisserai pas risquer ta vie.

— Toi et moi, nous n'avons qu'existé pour la guerre qui se prépare. Et maintenant qu'elle est là, tu voudrais tout abandonner ?

— Je ne supporte pas l'idée de savoir mon royaume en proie à la dévastation. Mais je ne...

— Je pourrais jouer un double jeu. Tu pourrais combattre, et moi aussi. Je... je n'aurais pas à choisir de camp.

Eldrid pouvait sentir le poids qu'il exerçait sur son âme, tandis qu'il sondait son regard. Elle avait eu le temps de réfléchir ces derniers mois. Godwin et elle étaient voués à suivre des destins opposés. À se battre sous deux étendards différents. À vivre et à périr pour deux causes ennemies. C'était la seule possibilité. La seule réponse à l'appel qui courait dans leurs veines.

— Tu voudrais faire croire à Æthelred que tu es de son côté ? Qu'il t'envoie t'immiscer chez les Danois pendant que tu le trahirais en même temps ? Il n'est pas stupide à ce point.

— Je trahirais aussi les Danois de temps à autre. Qu'en penses-tu ?

— J'en pense, fit lentement Godwin, que c'est une très mauvaise idée.

Eldrid ravala la réplique acerbe qu'elle brûlait de prononcer.

— C'est pourtant la meilleure solution que nous ayons.

— Elle est loin d'être la meilleure, et ce n'est de toute façon pas une solution.

— Mais...

— Espionner pour le compte des Danois comme tu l'as déjà fait était délicat. Le faire pour deux camps en même temps est impossible. Comment saurais-tu quand trahir ou non ?

— Je... j'improviserais.

— Tu courrais droit à ta perte. Et à la mienne.

Eldrid poussa un soupir. Il avait raison. Il avait toujours raison. Mais son argument n'enlevait rien au fait qu'ils ne pouvaient pas continuer ainsi.

— Nos chemins n'ont jamais été destinés à se croiser, fit-elle d'une voix égale.

Godwin eut un mouvement d'humeur.

— Alors pars. Redeviens une esclave. Parce que je ne te laisserai pas mener mon royaume à sa perte en espionnant pour les Danois. Tu entends ? Si tu ne veux pas renoncer à la guerre pour vivre à mes côtés, la servitude est la seule option qui s'ouvre à toi.

Eldrid sentit sa gorge se nouer. Redevenir esclave. Cette idée la rebutait. Mais peut-être était-ce là son destin. Elle n'aurait jamais dû se tenir là où elle se tenait. Elle n'aurait jamais dû voir son clan se faire anéantir. Elle n'aurait jamais dû se trouver loin d'Erling Bjarnason et méprisé par lui.

— Il y a une autre solution.

Elle frémit.

— Vraiment ?

— Oui. Tu pourrais rallier la cause saxonne.

— Il n'en est pas...

— Erling Bjarnason ne t'utilisera plus, et tu m'as dit toi-même que tu ne voulais plus qu'il se serve encore de toi. Tu n'as plus aucune raison d'espionner pour les Danois. Alors pourquoi...

— Tu sais pourquoi. Ce n'est pas parce qu'Erling Bjarnason a été cruel que je ne peux plus considérer les Danois comme les miens. Ton roi a voulu me tuer, et pourtant tu es toujours du côté des Saxons, non ?

Godwin se tut une poignée de secondes et acquiesça lentement.

Ses traits reflétaient une intense concentration. Il se leva, s'approchant avec douceur, pour s'accroupir face à elle. Les ombres mangeaient son visage, mais elle pouvait voir la lueur qui brillait dans ses yeux.

— Si tu jouais un double jeu... Si cela venait à se savoir, dans n'importe lequel des camps...

— Personne ne l'apprendra.

— Tu ne pourras pas être sauvée une seconde fois de la pendaison. Ils ne t'épargneront pas.

— Je le sais.

— Ils te feront subir bien pire.

— Peu importe.

Il eut un triste sourire.

— Tu es encore prête à mourir pour Erling Bjarnason ?

— Ce n'est pas pour lui. C'est pour moi.

— J'en mourrais moi aussi, fit-il d'une voix tremblante.

Elle soutint son regard, secouant doucement la tête.

— Personne ne mourra.

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