
XXXI : Memories
-Ha ha ha ! Sérieusement ?
-Oui ! C'était à mourir de rire !
Thésée ne savait pas si c'était le stress de ces derniers jours qui retombait ou l'altitude qui le mettait dans cet état.
Anton avait roulé six cent kilomètres à une allure incroyable, tellement vite que Thésée n'avait pas vu le temps passer ni les monstres qui avaient essayé de les attaquer en chemin.
C'est seulement quand son ventre s'est mis à rugir tel une baleine qui hurle qu'il se rendit compte à quel point ils avaient roulé longtemps.
Perchés sur des barres métalliques (qui avaient dû être à un moment de cette vie des sièges dignes de ce nom), les pieds dans le vide, Thésée et Anton dégustaient leurs sausage burrito en se racontant leurs épreuves passées.
Anton lui racontait comment il s'était débrouillé pour retrouver la trace de Thésée, dont il avait eu l'intuition de suivre car cette histoire de ressources magiques disparues ne lui disait rien qui vaille.
Lui aussi, apparemment, il avait eu quelques problèmes sur le chemin. Un souci de nourriture, d'argent, de transport, et même de vêtement, parce que l'idée de suivre son meilleur pote à travers le pays lui était venue sur un coup de tête, et Mina n'avait même pas eu le temps de lui donner des affaires convenables qu'il était déjà parti.
Anton lui racontait alors le moment où il avait "emprunté" le pantalon d'un joueur de basketball entre deux mi-temps (parce que oui, Anton s'était offert le luxe de regarder un match de basketball sur le chemin), qui était sorti des vestiaires furieux, en caleçon devant toutes les tribunes, et qui avait poursuivi Anton jusque dans la rue parce que, tu vois, "c'était son froc préféré".
-Ha ha, mais tu lui as rendu, à la fin ?
-Ben j'étais obligé, j'allais pas le laisser à moitié à poils quand même ! Et puis je rends ce que j'emprunte, moi ! s'exclama Anton en se penchant sur Thésée, qui feint de ne pas comprendre son sous-entendu. Du coup on a fait un échange, je rendu son froc et il m'a donné ce jogging tout flingué.
Anton leva sa jambe pour montrer le jogging, qui avait en effet un trou au niveau du genou, et le bas était noirci par l'usure.
-Quel malheur, ironisa Thésée. Je suis dé-so-lé pour toi. (Il arracha un sourire narquois, et Anton le fusilla du regard en engouffrant la fin de son burrito. Thésée reprit son sérieux.) Et donc tu as réussi à me retrouver. C'est fort quand même.
-Ben ouais mon pote, articula-t-il entre deux bouchées. Même si ça a été dur, j'ai suivi ta trace jusqu'à Seattle et à partir de là, j'ai cherché partout jusqu'à ce qu'une explosion retentisse dans la forêt, et j'ai su que c'était toi. (Son regard se perdit dans le vide.) Quand je suis arrivé, j'ai tout de suite compris que t'avais été capturé, alors je me suis débrouillé pour récupérer tes affaires et trouver un plan pour t'aider à t'échapper.
Là, ses yeux s'illuminèrent. Il plongea son regard dans celui de Thésée, comme si ce souvenir l'excitait de nouveau.
-C'est là que j'ai trouvé la casquette d'Annabeth, dit-il avec entrain. J'ai deviné que tu avais échangé ton sac avec le sien, mais heureusement sinon j'aurais jamais pu m'infiltrer dans cette tente et te libérer ! Et puis les gadgets dans ton sac-banane sont trop géniaux ! On peut faire plein de trucs avec c'est trop cool ! Et la moto que j'ai réussi à chourrer, t'as vu comment elle est trop ouf ! Et puis...
-Du calme Anton, ça va aller, rigola Thésée en posant une main sur son épaule. Oui, tout ce que t'as fait était vraiment génial, t'as assuré sur ce coup ! Avec ce bijou, on va pouvoir se rendre à destination plus vite que prévu.
Thésée pencha la tête au-dessus du vide pour s'assurer que la Triumph Scrambler était toujours bien là.
La moto attendait sagement contre une barre de fer, et resplendissait sous le soleil couchant, lui donnant une allure du cuivre fondu.
Thésée sourit rien qu'en voyant ce bel engin. Il comprenait l'euphorie d'Anton, lui qui venait tout juste d'entrer dans ce monde plein de magie et de dangers, et qui en était ressorti sans la moinde égratignure.
La lumière du soir venait caresser doucement le visage de Thésée, et la petite brise de la ville de Great Falls passait dans ses cheveux ébouriffés, rendant l'ambiance paisible, oubliant tous ses problèmes, ses peurs, ses doutes.
Il aimait ce genre de moment. Profiter simplement du moment présent, ne plus penser à l'avenir, ni aux devoirs, mais juste passer un bon moment avec ceux qu'on aime, sans problème.
Et il était avec Anton. Du coin de l'oeil, Thésée regarda son ami, ce grand blond qui n'en faisait qu'à sa tête, et qui ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour lui.
Thésée sourit face à cette pensée.
Après avoir fini d'engloutir la dernière bouchée de son repas, Anton s'étira de tout son être en baillant comme un forcené. Il tourna le regard vers Thésée, et lui sourit de toute ses dents.
-Elle est dingue la vue ici, déclara-t-il en regardant le coucher de soleil. Ch'ais pas comment t'as fait pour trouver cette planque.
-Et moi ch'ais pas comment tu as pu me suivre dans cette planque, rétorqua-t-il en souriant, amusé.
-Non, mais regarde ! s'exclama Anton en écartant les bras. C'est magnifique ! Je me demande comment les gens n'ont pas eu l'idée de monter ici plus tôt, sérieux !
Thésée sourit face son émerveillement. Mais il devait le reconnaitre, la vue qu'ils avaient tout en haut de cette grande roue abandonnée était belle.
Au départ, Thésée n'avait pas voulu prendre le risque de monter là-haut, avec toute cette rouille et ces nacelles délabrées. Mais il avait en repérée une, tout en haut qui semblait en meilleure état que les autres, et il ne voulait pas errer dans Great Falls.
Anton n'avait donc eu le choix que de le suivre dans sa folie, et après avoir frôlé la mort à trois reprises, il ne l'avait pas regretté.
Bon sang, comme c'était bon de se retrouver entre amis !
Anton savait toujours comment tirer d'une situation quelque chose de drôle, et c'est que Thésée aimait chez lui. Même s'il était en plein milieu d'un conflit entre demi-dieux et existence magique, le blondinet trouvait n'importe quoi pour le tourner au ridicule, et changer de sujet vers des souvenirs beaucoup plus joyeux.
Il ne se prenait pas la tête, il relativisait, et ne cherchait pas la petite bête n'importe où.
Contrairement à Thésée.
Dès leur première rencontre, Anton avait su être compréhensif avec lui, et n'avait pas cherché à le fuir ou lui poser des questions sur sa vie. Il ne le forçait pas non plus à utiliser ses pouvoirs pour ses intérêts, n'avait jamais voulu que sa confiance, seulement être son frère, en somme.
Oui. Anton était devenu son frère. Et Mina sa mère de coeur.
Mais une chose est sûre, c'est que si il leur arrivait malheur, il ne serait pas du tout accablé. Absolument pas effondré. Non, il arriverait à se relever, c'était clair. Il ne culpabiliserait certainement pas (veuillez noter l'ironie).
Ils passèrent la moitié de la soirée à regarder le soleil se coucher derrière les champs, à parler, discuter, rigoler sur de nombreux souvenirs qu'ils avaient eu ensemble en deux ans, comme la fois où ils étient rentrés chez eux hilare parce qu'ils avaient fait exploser par accident un pistolet de paint-ball sur eux, et qu'ils avaient mis des heures et des heures à débarasser leurs vêtements de la peinture de toutes les couleurs ; ou la fois où Anton s'était ramassé la tronche devant une jolie fille qu'il avait essayé de draguer, alors que la nana n'avait eu des yeux que pour Thésée. Il s'était bien foutu de lui, lui qui charmait tout ce qui bouge malgré sa maladresse et son tact légendaire.
Ils n'en avaient pas beaucoup, de souvenirs.
Thésée passait son temps à rechercher son père, Anton étudiait.
Mais les rares souvenirs qu'ils avaient étaient les meilleurs.
Inoubliables.
Thésée se rendit compte pour la première fois d'à quel point il avait eu de la chance de tomber sur ces deux-là. Qui sait ce qu'il serait devenu s'il n'avait pas eu de lien affectueux avec quelqu'un, de lien... complice.
Entre deux barres de rires, Thésée baissa le regard vers sa taille, serrée par cet objet brillant et magique. Il pensa à la fourrure du carachos laissée sur la moto, puis la réalité refit surface.
Anton s'apprêtait à renchérir sur une autre blague quand il remarqua le regard de Thésée.
Silence.
La beauté de la soirée s'effaçait peu à peu.
-Tu sais quoi en faire, alors ?
Thésée ne répondit pas.
-On se l'est arrachée cette ceinture, quand même, continua Anton avec un petit sourire. (Il sourit encore un peu plus.) Alors, ça t'a fait quoi d'être entourée par tant de femmes toutes plus sexys les unes que les autres ?
Un léger sourire vint s'immisser sur le visage de Thésée. Ah, cet Anton, il ne changera jamais.
-J'avoue c'était pas trop mal, dit-il alors avec un regard en coin. Je suis sûr t'aurais pu t'en faire une.
Anton ria en lui donnant un coup de coude dans le bras et Thésée sourit de plus belle.
Toute cette situation était invraisemblable. Anton le savait, Thésée le savait, et pourtant, ils essayaient encore de rendre tout ça normal.
Comme si c'était aussi simple.
Thésée avait essayé de ne pas y penser, mais maintenant que la lune émergeait dans le ciel étoilé, il ne pouvait plus se voiler la face.
Il tourna la tête, cachant son visage du regard de son ami, parce qu'il ne pourrait plus très longtemps son regard qui lui demandait tant d'explications.
Et il détestait dire ce qu'il ressentait. Anton le comprendrait, peut-être, comme toujours, mais c'était toujours aussi difficile de se laisser aller.
Pourtant, il ne pourrait bientôt plus enfermer ses ressentiments encore longtemps.
Après une petite hésitation, Anton se lança.
-Et sinon... qu'est ce qu'il s'est passé avec...
Il n'eut pas la force de finir sa question. Thésée avait la mâchoire serrée, comme à chaque fois qu'il avait fait quelque chose dont il n'était pas fier.
C'est là que Thésée lui raconta tout. Comment ils étaient arrivés à Las Vegas, comment Percy, Annabeth, Grover, Piper, Léo, Frank et Nico avaient découvert qui il était vraiment, et comment il les avait laissés dans le Labyrinthe, puis qu'ils avaient finalement survécu.
Il lui décrivit le regard que Percy avait dans ses yeux quand il l'avait laissé dans cette pièce en feu, alors qu'il avait mis toute sa confiance en lui ; la lueur dans les yeux de Piper quand elle lui avait raconté toute l'histoire de ses amis et ce qu'ils avaient traversé tous ensemble, la sincérité dans son regard quand elle lui disait qu'elle ne voulait que son bonheur, qu'il avait le droit de leur faire confiance, et qu'ensemble ils arriveraient au bout de leur destination.
Pendant tout le long de ses explciations, Thésée ne regarda pas une seule fois Anton. Il employait des phrases et des mots qui n'étaient jamais explicites, mais qui sous-entendaient tout.
-Ça...t'affecte, tout ça ? Demanda Anton, ses yeux tentant de croiser son regard.
-C'est de l'histoire passée, répondit Thésée en poussant un grand soupir. On devrait plus se concentrer sur la suite, et pas sur... ça.
Anton ne répondit rien. Il se contenta d'observer son meilleur ami, qui ne faisait que fixer l'horizon avec un visage (presque) impassible.
Lui aussi voyait la lueur dans son regard quand il parlait de ces demi-dieux, de la douleur qu'il essayait tant de cacher à cause de sa culpabilité, de cette tristesse qu'il avait en parlant d'eux, en parlant d'elle.
Anton comprit qu'il avait enfin trouvé de réels amis ces derniers jours, qui ne voulaient que l'aider. Des gens comme lui et Mina, en fait.
Mais Thésée avait eu peur. Il ne l'avouera jamais, mais il avait toujours peur d'être abandonné par des gens qu'il aime, et il avait refusé de voir la vraie nature de ces demi-dieux.
Mais on ne peut pas changer ses craintes en quelques jours. Il faut du temps, et une prise de conscience.
Et comme à chaque fois qu'une personne n'allait pas bien, Anton ne savait jamais comment en parler.
Il préférait rester silencieux et compatir en silence.
Et il se mis à chanter.
Demons, d'Imagine Dragons. Une chanson douce, un brin mélancolique, mais dont les paroles collaient parfaitement avec les sentiments de Thésée : It's where my demons hide...
Thésée ne savait pas comment Anton faisait pour atteindre son coeur à travers sa voix.
Lui aussi, il adorait chanter, et rien que le fait que son meilleur ami, son frère, le réconforte en chantant lui faisait chaud au coeur.
Parce que les mots ne lui étaient pas venus, parce que les sentiments ne se soignent pas par des mots, parce que la compassion et la compréhension étaient tout ce dont il avait besoin pour ne pas se sentir seul.
Et il n'était pas seul.
Les deux garçons profitèrent de la lumière des étoiles encore quelques secondes, là, tout là-haut perchés dans le ciel, où seuls les papillons et la brise de la nuit ne pouvaient les atteindre.
Avant de redescendre pour dormir au clair de lune, Thésée grava cet instant dans sa mémoire.
.
.
.
Fin du chapitre...
J'ai beaucoup aimé l'écrire, celui-là aussi.
J'espère qu'il vous a plu, que vous avez aimé ce petit moment Thésée-Anton ^^
On approche de plus en plus de la fin de ce tome, j'ai hâte que connaissiez la fin !
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